Déclaration de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'évolution des relations économiques franco-japonaises, notamment dans le domaine de la recherche et du développement favorisé par une politique soutenue de l'innovation, Paris le 10 mars 2004.

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Circonstance : Colloque "L'innovation : une porte d'entrée au Japon" à Paris, le 10 mars 2004

Texte intégral

Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Directeur du JETRO (Japan External Trade Organization)
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec intérêt que je prends la parole aujourd'hui devant vous, et je tiens d'abord à remercier MM. Franck et Nakai de leur excellente initiative. Non seulement, parce que la France est soucieuse d'intensifier ses relations économiques avec le Japon, mais aussi parce que l'angle sous lequel vous avez choisi d'aborder la question nous place au coeur des défis économiques que la France, et l'ensemble des pays développés, doivent relever pour continuer à réussir leur aventure économique.
L'innovation technologique, l'inventivité, tel est en effet le levier de la croissance future pour nos pays ; face à la concurrence des nouveaux géants industriels que nous voyons grandir à vue d'oeil, c'est le développement de nos avantages compétitifs qui nous permettra d'ouvrir de nouveaux marchés et de garder une longueur d'avance sur ces futurs membres du club élargi des pays développés.
Il est donc logique que le Japon et la France, nations traditionnellement industrielles, confrontées à des défis similaires, empruntent des voies analogues et fondent leurs partenariats sur une même audace innovatrice.
Pour les industriels français, "investir au Japon" et "faire preuve d'esprit innovant" sont donc appelés à devenir, deux stratégies complémentaires.
La situation économique japonaise
Depuis plusieurs années, la relation France-Japon a gagné en maturité et en confiance, ce qui se traduit dans l'évolution de la promotion mutuelle faite par la Direction des Relations économiques extérieures (DREE) et le JETRO.
Le Japon a renoué avec la croissance après 10 ans d'efforts intenses de restructurations industrielles et financières, avec un taux de 2,7% en 2003, et une prévision de 3% pour 2004.
Les conditions sont donc propices à l'investissement sur le deuxième marché du monde : à cela s'ajoutent une consommation soutenue (la deuxième du G7 par habitant), un haut niveau de qualification des salariés, et une grande qualité de relations sociales
Bien qu'ils restent encore très modestes avec 1,2% du PIB contre 25% aux Etats-Unis, les flux d'investissements directs étrangers y sont en pleine croissance : ils ont triplé en 5 ans ! Et la volonté politique de les voir s'accroître est on ne peut plus claire ; j'ai pu le constater lors de mon voyage au Japon, à l'automne dernier.
Or, le carburant le plus explosif de cette nouvelle croissance japonaise, c'est l'innovation.
Avec 3,2% de son PIB, le Japon est le pays du G7 qui investit le plus dans la Recherche et développement (R D). Ce rapport, je le rappelle, est à 2,7% aux Etats-Unis et 2,1% en France.
Mais je précise tout de suite que cet excellent ratio n'est pas tant fondé sur les dépenses publiques, que sur les investissements privés !
La proportion publique des dépenses de R D au Japon est en effet seulement de 20%, ce qui est le taux le plus faible du G7 (moyenne Union européenne : 33%).
Rapprochements France-Japon
Dans ce domaine, je crois que la France peut s'inspirer de son partenaire nippon. Sans qu'il soit question d'imiter le Japon, je ne peux en effet vous cacher ma conviction - je l'ai d'ailleurs déjà exprimée - l'effort français doit porter sur la R D privée et sur une meilleure organisation de ses liens avec la recherche publique.
Je note aussi que la problématique de la recherche sera à n'en point douter l'un des sujets qui prendra une place importante dans les débats européens des dix prochaines années. En effet, c'est par la recherche que les acteurs économiques préparent le renouvellement de leur offre et donc leur avenir. Cette prise de conscience qui existe déjà au Japon, me semble indispensable en Europe. Pour autant, l'investissement dans la recherche doit aussi être réalisé en vue de sa valorisation avec une application dans l'économie. L'investissement dans la recherche n'est jamais vain, car celui qui cherche finit par trouver !
C'est pourquoi le gouvernement a déjà pris des mesures dans le cadre de la politique en faveur de l'innovation mise en place cette année : donner un coup de fouet au capital-risque, encourager les jeunes entreprises innovantes en leur donnant un statut attractif et renforcer les dépenses privées de R D, par la réforme du crédit-impôt-recherche. Ce crédit ne sera plus seulement assis sur l'accroissement des dépenses de R D, mais aussi sur leur volume (à hauteur de 5%), comme au Japon.
Cette insistance nouvelle sur la R D privée n'est pas le seul point de convergence entre nos deux stratégies économiques.
Au Japon comme en France, la priorité est donnée à l'attractivité du territoire, notamment grâce aux agences AFII (Agence française pour les investissements internationaux) et JETRO.
Au Japon comme en France, de vigoureuses politiques publiques de promotion de l'Internet haut débit sont mises en oeuvre, avec des résultats significatifs puisque la France est désormais le premier pays d'Europe pour la croissance du nombre d'abonnés.
Ces convergences de vue stratégiques nous permettent donc d'envisager avec optimisme le développement des investissements français au Japon.
Et il est particulièrement évident que les investissements les plus prometteurs, parce que les plus attendus, seront ceux qui concernent des secteurs technologiques et innovants.
Comment investir au Japon ?
Certes, de nombreux secteurs de l'économie française sont naturellement bien positionnés au Japon : par exemple l'industrie culturelle et l'industrie du luxe, mais aussi l'industrie agroalimentaire et l'industrie spatiale. Je fais aussi confiance à toutes nos grandes entreprises dans les télécoms, logiciels, informatique, nucléaire et beaucoup d'autres secteurs pour prendre leurs initiatives sur le grand marché japonais.
Il ne faut plus raisonner seulement pour ces grands secteurs, l'avenir est aussi aux créneaux plus étroits, aux "niches" technologiques, où peuvent réussir de nombreuses PME innovantes. Dans le domaine des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), par exemple, les innovations compétitives des "start-up" françaises sont capables de séduire les entreprises japonaises ; je crois que nous allons en avoir tout à l'heure de très éloquents témoignages.
Dans le domaine des services, la créativité française peut apporter aux groupes japonais une approche innovante, notamment dans le design ou dans le marketing. Dans beaucoup d'autres domaines, nos entreprises même de taille moyenne, doivent tenter leurs chances sur ce grand marché japonais qui est en train de s'ouvrir au reste du monde.
Les conditions sont réunies pour que nos partenariats se multiplient grâce à une même détermination à promouvoir l'innovation, un même mouvement de réformes dans ce domaine et un même défi à relever : gagner la "bataille de la valeur ajoutée".
Sachez que le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, notamment sa mission économique au Japon, est déterminé à apporter tout son concours pour aider toutes les entreprises françaises à prendre leur essor dans ce vaste champ de possibilités.
En 2003, plus de 2000 entreprises l'ont sollicité pour s'informer. Elles doivent être beaucoup plus nombreuses en 2004 : faites-vous connaître, osez l'aventure japonaise, et, comme vont le faire certains d'entre nous dans quelques instants, faites connaître vos succès ! Car en économie comme en politique, rien ne vaut mieux que de prêcher par l'exemple !
Je vous remercie
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 15 mars 2004)