Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur les principales orientations de la charte pour l'emploi dans le spectacle vivant, Paris le 16 juin 2005.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue et je veux vous remercier d'avoir accepté de répondre à l'invitation que je vous avais adressée, à la demande de Jean-Pierre Raffarin, pour ouvrir les discussions sur la politique de l'emploi dans le spectacle dans toutes ses dimensions, et vous présenter les lignes d'actions et les orientations qui sont les nôtres.
Cette réunion, très attendue, est exceptionnelle à plus d'un titre.
C'est la première fois, à ma connaissance, que les grandes confédérations sont reçues ensemble au Ministère de la Culture et de la Communication.
Pour moi, qui souhaite passionnément faire partager ma conviction que la culture n'est pas un supplément d'âme marginal, mais le coeur même de notre identité et de notre rayonnement, national et international, politique, social, économique ; pour moi qui ai, sans relâche, plaidé pour qu'on cesse d'isoler, voire d'opposer, les différentes catégories de salariés aux artistes et techniciens, dont le talent et le travail donnent chair à l'exception culturelle à laquelle nous sommes unanimement attachés, votre venue ici, représentants des forces vives de notre pays, a une valeur emblématique du sens que je veux donner à mon action.
Je suis très honoré et très fier de vous accueillir rue de Valois, en compagnie de mon collègue Gérard Larcher. Sa participation à mes côtés marque la relation étroite entre deux ministères, qui étaient parfois réputés ne pas coopérer entre eux. Nous prouvons le contraire ! Je suis heureux que nous puissions ensemble poursuivre, avec l'appui de Jean-Louis Borloo, sous l'autorité de Dominique de Villepin, avec plus de détermination que jamais, l'action que nous avons engagée en faveur d'une politique de l'emploi dans le spectacle, le cinéma et l'audiovisuel.
La présence du Président de la commission des affaires culturelles et sociales de l'Assemblée nationale, Jean-Michel Dubernard, et du Président de la commission des affaires culturelles du Sénat, Jacques Valade, revêt aussi, à mes yeux, une signification particulière. Elle manifeste la constance de l'engagement de la représentation nationale et le partenariat solide et exigeant que nous avons noué pour le développement de l'emploi de nos artistes et techniciens. L'activité du Parlement dans ce domaine, s'est traduite dans les travaux de vos commissions, et je tiens à vous en remercier, mais aussi en séance publique lors des débats sans précédent du 9 décembre 2004 dans l'hémicycle de l'assemblée nationale et du 1er février 2005, dans celui du Sénat. Elle s'est traduite également et nous en sommes tous témoins et reconnaissants, sur le terrain, au contact direct des artistes et techniciens.
La configuration inédite de notre réunion manifeste notre volonté commune de garantir la spécificité de la politique d'emploi et d'indemnisation du chômage des artistes et techniciens, et d'exercer toutes nos responsabilités dans ce domaine, dans le respect des compétences de chacun.
Notre présence à vos côtés, Gouvernement et Parlement, signifie que l'Etat est particulièrement attentif à ce que la définition des règles qui régissent les conditions de l'emploi comme de l'assurance chômage soit le fruit de la négociation et des conventions, professionnelles dans le premier cas et interprofessionnelles dans le second - que l'Etat est prêt, si cela apparaît utile et souhaitable, à aider à la recherche des accords nécessaires, afin qu'au 1er janvier 2006 un système pérenne et équitable soit mis en place.
Chaque crise comporte ses enseignements. Celle que nous venons de traverser, dont nous ne sommes pas encore tout à fait sortis, a achevé de nous convaincre, grâce aux nombreux débats et travaux d'expertise qu'elle a suscités, que la définition des règles de l'assurance chômage ne pouvait pas, à elle seule, répondre aux objectifs de professionnalisation et de structuration de l'emploi des artistes et des techniciens, lutter contre la précarité, remédier aux abus, maîtriser les équilibres financiers de l'assurance chômage.
L'assurance chômage ne peut pas tenir lieu de politique de l'emploi dans le secteur. Une politique ambitieuse de l'emploi au service de la création et de la diffusion dans le spectacle vivant, le cinéma et l'audiovisuel doit mobiliser l'Etat, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux du secteur et les confédérations, sans oublier les entreprises elles-mêmes, chacun devant exercer les responsabilités qui sont les siennes.
Cette politique a pour objectifs de relever la part des emplois permanents et des structures pérennes, d'accroître la durée moyenne des contrats et du travail annuel déclaré et rémunéré des artistes et techniciens. Ainsi ne pèseront pas sur l'assurance chômage des charges qui relèvent des politiques culturelles publiques ou de la politique salariale, et l'assurance chômage sera progressivement ramenée à son vrai rôle.
Je souhaite préciser d'emblée, afin de lever tout malentendu, que l'objectif politique du Gouvernement n'est pas de voir supprimée l'intermittence, qui a démontré à quel point elle était indispensable et particulièrement bien adaptée aux activités de création, de production et de diffusion artistique et culturelle. Notre objectif est au contraire de permettre qu'elle soit consolidée, et, à cette fin, de la réserver aux activités et aux fonctions qui le justifient pleinement. Tous nos concitoyens ont droit à une protection sociale, en particulier contre le fléau du chômage ; leurs conditions d'emploi ne justifient pas toutes un régime spécifique d'assurance chômage, propre à prendre en compte la discontinuité de l'emploi, la multiplicité des employeurs, les contraintes et les aléas des projets artistiques.
C'est le sens de la Charte pour l'emploi dans le spectacle que j'ai proposée à la signature des partenaires sociaux du secteur et des associations de collectivités territoriales. Vous en trouverez une version actualisée dans votre dossier, tenant compte des demandes de modifications qui me sont encore récemment parvenues, en particulier de la part des fédérations d'employeurs, qui portent sur les articles 7 (conventions collectives) et 12 (formation professionnelle continue).
L'attention apportée à cette charte par les partenaires sociaux du secteur, le soin mis à en choisir ou en modifier les termes montrent que les engagements qu'elle contient sont pris au sérieux, que les organisations professionnelles du secteur, et singulièrement les employeurs, souhaitent prendre toutes leurs responsabilités. Avant même d'être signée, elle est ainsi considérée comme une référence pour la politique d'emploi dans le spectacle.
Les associations de collectivités territoriales ont fait publiquement connaître qu'elles en partageaient les objectifs. Vous trouverez dans vos dossiers la déclaration commune de l'Association des maires de France et de l'Association des départements de France, le communiqué de l'Association des régions de France, avec plus de nuances - très politiques ! -, qui en portent témoignage.
Cette Charte m'engage. Elle nous engage. Elle constitue pour chacun de nos départements ministériels, pour nos services déconcentrés, pour le Gouvernement, pour les partenaires sociaux, pour les entreprises du secteur, un guide pour l'action et un programme de travail dont j'avais présenté les grandes orientations au Conseil national des professions du spectacle le 17 décembre dernier et qui a déjà commencé d'être mis en oeuvre.
Sur chacun des axes de la politique d'emploi dans le spectacle, vous trouverez dans vos dossiers des fiches qui vous décriront l'état d'avancement des actions engagées. Certains thèmes, certains secteurs, progressent plus vite et mieux que d'autres. Je ne ferai aucun triomphalisme. Mais sur l'ensemble, le mouvement est plus qu'amorcé, et cette rencontre a pour objet de vous présenter un point d'étape de notre politique de l'emploi.
En 2005, l'engagement financier de l'Etat comme des collectivités territoriales en faveur du spectacle vivant et enregistré a augmenté significativement.
Ainsi, le budget du Ministère de la Culture a inscrit 18 M d'euros de mesures nouvelles pour le spectacle vivant, qui portent à 753 M d'euros l'enveloppe de crédits allouée au spectacle vivant. Dans le secteur audiovisuel, c'est plus de 30 M d'euros de mesures nouvelles, entre le crédit d'impôt et la dotation complémentaire pour l'audiovisuel public, qui viennent renforcer les programmes culturels et l'activité.
Pour prendre quelques exemples, parmi les régions qui emploient le plus d'artistes et de techniciens, on relèvera que la Région Rhône-Alpes a prévu le doublement de son budget culturel, qui passera de 25 à 50 M d'euros par an entre 2004 et 2010, avec plus de la moitié consacrée au spectacle vivant. La Région Provence Alpes Côte d'Azur consacre environ 4 % de son budget global à la culture, soit 57 M d'euros par an. Dans cette région, a été adopté un plan régional pour l'emploi, qui fait du spectacle vivant l'un des 5 secteurs "d'activité les plus stratégiques pour la région" pour le développement de l'emploi. Ce plan prévoit la création de 10000 emplois avec un budget estimé à 250 M d'euros sur 5 ans. En Ile de France, le budget consacré à la culture augmente de 23 % en un an, portant la dépense culturelle à 65 M d'euros, dont 15 M d'euros pour le soutien au cinéma et l'audiovisuel, et 8,4 M d'euros pour le spectacle vivant.
Les données recueillies sont encore très incomplètes - et on pourrait multiplier les exemples.
Tous les responsables publics portent désormais une attention particulière au lien entre les financements qu'ils attribuent et leur effet sur l'emploi. Mais nous manquons encore d'instruments de mesure - et, plus simplement, de l'habitude d'établir ce lien et de faire porter la vigilance autant sur les conditions d'emploi des artistes et des techniciens que sur la qualité du projet artistique. Dans un rapport dont il a présenté une première étape lors du Conseil national des professions du spectacle du 29 mars dernier, que vous avez, résumé, dans votre dossier, Alain Auclaire, chargé d'une mission d'inspection générale au sein du Ministère de la Culture et de la Communication, a proposé quelques pistes, qui demanderont beaucoup d'efforts - et de pratiques bousculées ! - de la part des services du Ministère de la Culture comme de la part des collectivités territoriales, pour entrer effectivement en application. Nous devrons réfléchir aux moyens d'accompagner et d'accélérer davantage cet effort.
Je laisse à Gérard Larcher le soin de vous parler de l'état d'avancement des conventions collectives, de la structuration de leur champ et des renégociations en cours ou envisagées. Nous sommes déterminés, en particulier, à ce que les conventions collectives définissent un périmètre incontestable de recours à l'intermittence, et à aider les partenaires sociaux du secteur à y parvenir. Il vous dressera également un bilan de la lutte contre le travail illégal dans le secteur du spectacle, en vous montrant que la priorité que le Gouvernement a souhaité consacrer à ce secteur a porté ses fruits.
Grâce aux travaux de la commission emploi du Conseil national des professions du spectacle, présidée par Claude Seibel, la connaissance statistique de l'emploi dans le spectacle a considérablement progressé, au niveau national, et, maintenant, régional.
Les télévisions publiques et privées, dont les pratiques avaient été particulièrement critiquées, se sont rapprochées pour définir les conditions qui peuvent justifier le recours à l'intermittence.
L'ensemble du secteur a engagé un travail considérable pour redéfinir les orientations de la formation professionnelle, initiale et continue. C'est une oeuvre de longue haleine, mais dont les partenaires sociaux du secteur se sont emparés avec détermination, dans les commissions paritaires nationales emploi-formation (CPNEF). Nous sommes prêts à les aider et à les accompagner dans cet effort ; nous en dresserons le bilan lors du CNPS prévu au mois de décembre prochain.
Au fur et à mesure que nous avançons, de nouvelles pistes se dessinent. Elles mobilisent les organismes sociaux du spectacle pour des dispositifs d'aide et de prise en charge des accidents de carrière pour les artistes ou techniciens ; elles permettent aussi d'envisager des mesures de simplification et de rationalisation administrative.
C'est un secteur tout entier qui est mobilisé pour mieux répartir et prendre en charge des responsabilités qu'on a trop longtemps cru pouvoir abandonner à l'assurance chômage, dont ce n'est évidemment pas la vocation.
Cette politique de l'emploi dans le spectacle trouve en effet son accompagnement naturel dans le soutien que l'assurance chômage apporte aux conditions d'emploi spécifiques des artistes et techniciens, pour constituer, au sein de la solidarité interprofessionnelle, un régime de l'intermittence, particulièrement adapté à l'activité de création, de production et de diffusion artistique et culturelle.
C'est la raison pour laquelle, au début des négociations en vue de la nouvelle convention d'assurance chômage et des annexes concernant les artistes et techniciens, j'ai souhaité que cette réunion nous permette, ensemble, de mieux organiser les correspondances nécessaires entre la politique d'emploi dans le spectacle et les règles d'assurance chômage, qui doivent concourir aux mêmes objectifs de professionnalisation, de lutte contre la précarité, de meilleure structuration de l'activité dans le secteur, en tenant compte, bien évidemment - dans le contexte actuel, hélas, plus que jamais -, des contraintes d'équilibre financier de l'UNEDIC.
Dans le respect des compétences des confédérations syndicales et patronales pour fixer les dispositions des annexes VIII et X, il me paraît nécessaire, tant sont nombreuses, diverses et complexes les spécificités du secteur, que débute sans délai une phase de travail au niveau professionnel, pour éclairer et nourrir la négociation qui se tiendra au niveau interprofessionnel.
J'ai proposé aux partenaires sociaux du secteur le concours de Jean-Paul Guillot, pour les aider à étudier et à chiffrer des hypothèses de travail qui répondent à ces objectifs. Ces hypothèses pourront être prises en compte à l'occasion des négociations pour le nouveau régime d'assurance chômage des artistes et techniciens qui doit être opérationnel au 1er janvier 2006.
Nous serons attentifs, avec Gérard Larcher, au-delà des aspects propres à l'assurance chômage, aux propositions qui solliciteront l'intervention des pouvoirs publics, notamment pour tout ce qui pourra aider à la structuration et à la professionnalisation du secteur.
Je vous propose de nous retrouver, dans la même configuration, au plus tard à la mi-septembre, afin de prendre connaissance des suggestions et des pistes émanant des partenaires sociaux du secteur, qui concourront aux objectifs de la politique de l'emploi dans le spectacle et qui pourront éclairer les négociations qui vont s'ouvrir au niveau interprofessionnel. Je vais maintenant laisser la parole à Gérard Larcher, qui vous décrira la contribution déterminante que son département ministériel apporte à la politique de l'emploi dans le spectacle - et j'ai plaisir à lui renouveler devant vous mes remerciements pour la qualité exceptionnelle de la coopération entre nos deux ministères.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 17 juin 2005)