Discours de Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur, sur les difficultés de la filière viticole française, dues notamment à la baisse de consommation dans certains pays et à l'émergence de nouveaux pays producteurs, Bordeaux le 20 juin 2005.

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Circonstance : Salon VINEXPO de Bordeaux le 20 juin 2005

Texte intégral

Monsieur le Député-Maire,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,
C'est un honneur et une joie pour moi d'être avec vous dans cette ville de Bordeaux, patrie d'Ausone, pour l'inauguration de la 13ème édition de Vinexpo. Grâce à Vinexpo, la cité du Port de la lune devient, une semaine tous les deux ans, la capitale mondiale du vin.
La présence aujourd'hui du Prince et de la Princesse des Asturies et hier de Dominique Bussereau en est le témoignage indéniable. De fait, je dois avouer être sous le coup d'une forte impression de la visite des pavillons que je viens tout juste de terminer. Il faut dire que l'événement est rendez-vous nécessaire pour les ministres du commerce extérieur. Faut-il le rappeler, le chiffre d'affaires mondial du vin représente près de 100 Mds d'euros, soit le prix de 370 Airbus A380 !
Toutes mes félicitations aux organisateurs qui ont permis ce succès. Que de chemin parcouru depuis la création du salon Vinexpo, en 1981, par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Bordeaux. En 1981, vous pouviez voir 524 exposants, dont une centaine venus de pays tiers. Cette année, pour cette 13ème édition, ce sont bien, me semble-t-il, 2400 exposants de 47 pays qui sont réunis ici. Tous les grands pays producteurs ont répondu présent.
Votre renommée mondiale s'est d'abord construite sur le prestige et le rayonnement mondial des vins français. Ce rayonnement est toujours d'actualité : nos exportations de vins et spiritueux ont représenté en 2004 7,5 Mds d'euros, soit 20 % de nos exportations agro-alimentaires et 2,5% du total de nos exportations. L'excédent commercial s'élève à 6 Mds euros, c'est notre 3ème meilleur résultat à l'exportation après l'automobile et l'aéronautique.
Vinexpo rassemble aujourd'hui des exposants de très nombreux pays. L'économie mondiale change et Vinexpo s'adapte, en faisant une large place aux producteurs des pays dits du " nouveau monde ", venus d'Argentine, du Chili, d'Australie, d'Afrique du Sud ou encore, bien sûr, des Etats-Unis. A tous nos amis de ces pays, je veux souhaiter également la bienvenue.
Ces évolutions majeures sont aussi des défis pour nos producteurs, soumis à une concurrence de plus en plus vive et à une demande en pleine évolution. La filière viticole française traverse en effet aujourd'hui une période d'adaptation. Ces mutations se vérifient dans notre commerce extérieur. Pour la 6ème année consécutive, la France a enregistré une baisse de ses exportations de vins et spiritueux, même si la situation reste meilleure pour les spiritueux. En 2004, cette baisse atteint 10 % en volume et près de 3 % en valeur. Il semble que cette tendance se poursuive au 1er trimestre 2005.
Comment expliquer ces difficultés ?
Les explications sont connues.
- il y a d'abord l'émergence de nouveaux pays producteurs et donc une concurrence plus vive sur les marchés d'exportation ;
- on constate surtout ne baisse de la consommation chez les producteurs traditionnels, comme l'Italie et la France, et à l'inverse une hausse sensible des marchés anglo-saxons, scandinaves et germaniques ;
- on constate aussi une évolution de la demande des consommateurs qui se tournent vers des vins de marque et de cépage.
- face à cette situation extérieure, l'offre française dispose d'un atout de premier plan : ses productions de qualité reposent sur les appellations d'origine qui permettent différenciation et création de valeur ajoutée.
Cet atout ne suffit plus aujourd'hui. L'offre française n'est pas clairement identifiée par les nouveaux consommateurs. Un trop grand nombre d'AOC brouillent leur notoriété. De trop nombreux opérateurs de petite taille ne sont pas en position de concurrencer les " wineries ".
Enfin, elle reste soumise à des règles de production très encadrées, surtout pour les produits d'entrée de gamme.
Cette situation exige des réactions rapides qui relèvent le plus souvent de la filière elle-même. Cette première rencontre me donne donc l'occasion de vous présenter, en concertation avec Dominique Bussereau qui était présent hier, les mesures-export en faveur de la filière vin et de vous parler de la méthode qui sera la mienne en tant que ministre chargé du commerce extérieur.
Comme vous le savez, le Ministre de l'Agriculture a annoncé la mise en place de 7 M pour soutenir les ventes de vins français à l'étranger. Ces aides, élaborées dans le respect des règles communautaires de la concurrence, seront instruites par les offices agricoles et attribuées par un comité national en cours de création.
Face à l'éclatement de l'offre française, elles aideront à financer les démarches de prospection communes à plusieurs entreprises, les promotions collectives sur les lieux de vente, la publicité associative. Elles pourront également aider au recrutement de nouveaux salariés ou à financer des études de marché.
Ces aides viennent en complément des mesures mises en place par mon prédécesseur : le crédit d'impôt export pour les PME (40 000 d'euros), qui est d'ailleurs doublé quand les entreprises se regroupent ; la priorité donnée au recrutement de volontaires internationaux en entreprises -10 jeunes ont été affectés l'année dernière aux Etats-Unis pour aider les entreprises viticoles à suivre leur marché - , et la labellisation par Ubifrance des salons professionnels et de toute opération collective c'est-à-dire rassemblant plus de 5 sociétés à l'étranger. Je vous invite, entreprises et regroupements professionnels, à utiliser la labellisation d'Ubifrance pour cofinancer vos opérations à l'étranger.
A cet égard, Ubifrance vient de labelliser le salon Vinexpo Overseas, qui se tiendra à Hong Kong en mai 2006.
L'Asie est en effet un marché en expansion pour les vins et spiritueux, et Hong Kong reste une plaque de réexportation vers la Chine et les pays tiers. La présence d'un grand nombre d'opérateurs français à Hong Kong sera primordiale !
En 2004, un effort particulier a été conduit aux Etats-Unis avec l'actualisation des études de marché et guides-répertoires, et l'organisation de " rendez-vous vins et spiritueux " dans cinq grandes villes américaines. Vos efforts ont porté leurs fruits. Il semblerait aujourd'hui que nos ventes de vins tranquilles repartent aux Etats-Unis, même s'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions.
Je porterai également mon action, avec la Commission européenne, sur les négociations commerciales internationales, selon trois axes :
- la levée des barrières tarifaires et non tarifaires à la vente de nos vins et spiritueux. Les droits de douane restent encore protectionnistes dans de nombreux pays : 170 % en Indonésie, 20 % en Argentine et au Brésil, 54 % en Thaïlande. Dans les négociations, nous poursuivons un objectif constant dans le secteur des vins et spiritueux : la réduction des droits, l'élimination des pics tarifaires et des restrictions quantitatives. Je resterai également vigilante sur les barrières non tarifaires, comme les certifications obligatoires au Brésil ou les règles d'étiquetage abusives en Corée ;
- Les accords bilatéraux entre l'Union Européenne et les pays tiers permettent une reconnaissance réciproque des pratiques nologiques et une protection des indications géographiques. Des accords existent déjà avec l'Afrique du Sud, le Chili et le Canada. Un accord est en passe d'être signé avec l'Australie, et les négociations avec les Etats-Unis progressent ;
- enfin, l'UE est engagée dans la défense des indications géographiques à l'OMC, ce qui est une nécessité pour une agriculture européenne qui donne une place croissante aux productions de qualité. La mise en place d'un registre multilatéral de notification et d'enregistrement des vins et spiritueux, contraignant et de portée universelle, reste notre priorité dans ce domaine même s'il reste beaucoup à faire pour convaincre nos partenaires de se rallier à ce projet.
Mesdames et Messieurs, quand je vois le succès, année après année, des salons Vinexpo, je veux être optimiste pour nos vins et spiritueux. Nous avons la chance de travailler dans un secteur où la demande mondiale est bien là, évolutive et dynamique, et où notre offre reste une référence incontournable. A nous de nous adapter à une demande mondiale nouvelle qui offrira à notre terroir et à notre savoir-faire de nouveaux débouchés.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

(Source http://www.missioneco.org, le 27 juin 2005)