Discours de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les difficultés de la filière anchois après la décision européenne de la fermeture provisoire de la pêche, sur le suivi du plan Gaymard sur la modernisation des navires de pêche et sur la gestion à long terme de la ressource piscicole, Paris le 30 juin 2005.

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Circonstance : Assemblée générale du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins à Paris le 30 juin 2005

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Pierre-Georges DACHICOURT
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de participer aujourd'hui, pour la première fois, à votre assemblée générale au moment où le secteur des pêches maritimes et des élevages marins franchit une étape décisive. J'ai eu l'occasion de rencontrer un grand nombre d'entre vous à travers plusieurs déplacements sur le littoral et me réjouis aujourd'hui de vous retrouver afin de prendre part aux travaux de votre assemblée. Vous avez soulevé un certain nombre de questions auxquelles je répondrai en m'efforçant d'apporter des réponses aussi directes et claires que vos propos.
J'aborderai successivement :
- les questions liées à la ressource, dont le sujet conjoncturel de l'anchois ;
- l'adaptation de vos entreprises au nouveau contexte avec notamment un cours du pétrole atteignant des niveaux inégalés.
I - Le défi de la gestion de la ressource
I - 1 Un sujet conjoncturel : l'anchois
La fermeture de la pêche à l'anchois va prendre effet à compter de demain, vient de nous apprendre la Commission européenne. Cette décision a suscité incompréhension et désarroi alors que la campagne avait bien débuté. Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir pris acte de cette décision avec sérénité et dans un esprit de responsabilité. Ensemble nous devons trouver les meilleures solutions pour maintenir les équilibres et préserver les entreprises et les emplois concernés.
Nous ne souhaitons pas que l'épisode du hareng se reproduise. C'est pourquoi deux urgences nous mobilisent :
- premièrement, convaincre la Commission européenne de rouvrir le plus vite possible. Sans nier la situation difficile du stock, nous allons lui montrer, avec votre concours, qu'une ré-ouverture peut être envisagée juste après la ponte, à condition de mettre en place un " box ". Je suis convaincu que votre expérience peut être utilisée par les scientifiques.
Les parlementaires du littoral, dont je fais partie, se sont inquiétés de la position extrêmement dure du Gouvernement espagnol dans cette affaire. Soyez certains que je ne suis pas prêt à leur faire des concessions. D'ailleurs, la surveillance des pêches dans nos eaux territoriales est d'ores et déjà renforcée. Les Espagnols devront respecter cette décision qu'ils ont défendue. En début de semaine, des navires de pêche espagnols ont été contrôlés en limite des 6 milles et clairement avertis que toute infraction serait sévèrement poursuivie.
- la deuxième urgence concerne le soutien à la filière anchois. Les pêcheurs m'ont demandé de bénéficier des aides pour arrêt biologique pour une période allant de la date de la fermeture jusqu'au 15 août. C'est une première dans l'histoire des pêches françaises mais j'en accepte le principe. D'autres propositions de soutien sont à l'étude lorsque les navires reprendront la mer à l'issue de l'arrêt.
En outre, la situation des mareyeurs doit être évaluée. Les travaux de chiffrage du préjudice sont en cours et les modalités précises du dispositif seront annoncées très rapidement.
Pour financer cet arrêt des bateaux, j'ai pris la décision de mobiliser une première enveloppe de plusieurs millions d'euros pour assurer à la fois la rémunération des hommes d'équipages et le compte des armements. Les besoins précis seront évalués par le groupe de travail que nous avons constitué la semaine dernière qui se réunit à nouveau cet après midi en présence de mon Cabinet. Nous verrons s'il est nécessaire de compléter ultérieurement cette première enveloppe.
I - 2 La préparation des échéances de fin d'année
Le dossier de l'anchois, si difficile soit-il, ne doit pas nous faire oublier les échéances de fin d'année. Je me félicite de la tenue de réunions pour élaborer des propositions françaises sur la sole dans le golfe de Gascogne et la Manche ouest ; c'est la bonne méthode qui nous permettra de marquer des points et convaincre la Commission.
Je tiens également à apporter des précisions sur les essais techniques qui ont eu lieu dans le golfe de Gascogne pour la sélectivité des chaluts. La profession s'est beaucoup investie dans ce dossier et je comprends votre attente de résultats concrets. Ces démarches responsables démontrent votre volonté collective de mieux gérer la ressource. Je vais demander avec force à la Commission européenne de progresser rapidement sur ces sujets.
Enfin, concernant le règlement Méditerranée, le Conseil des Ministres des 20 et 21 juin dernier n'est pas parvenu à un accord. En effet, nous n'avons pas accepté les propositions qui portaient atteinte à nos métiers traditionnels, gangui et thonailles. Nous devrons donc revoir la question en septembre en maintenant notre détermination à défendre les spécificités de notre pêche méditerranéenne.
I - 3 La gestion de la ressource à plus long terme : les droits à produire
Lors du Conseil supérieur d'orientation de la pêche du 9 juin dernier, nous avons ouvert le chantier des droits à produire. Celui-ci est d'une importance stratégique car il se trouve à la confluence des problématiques de la gestion de la flotte, de la gestion de la ressource et de l'organisation professionnelle. Or, quelles que soient les difficultés du moment, crises liées au gazole ou à la fermeture de la pêche à l'anchois, notre devoir est de préparer les conditions d'une amélioration des conditions de l'exercice de votre métier.
La clarification et l'harmonisation des différents droits à produire permettront aux entreprises de mieux appréhender les conditions dans lesquelles elles investissent. Ce faisant, un meilleur équilibre entre les flottilles et les quotas disponibles sera possible à terme. Enfin, j'attends de ce chantier une meilleure articulation entre les différentes composantes de l'organisation professionnelle impliquées dans la gestion de ces droits.
Le groupe de travail que nous sommes convenus de former lors du CSO se réunira prochainement, et je m'en réjouis. Vos réflexions issues notamment de votre séminaire organisé avant-hier doivent alimenter ce travail pour lequel j'attends de votre part une implication active et constructive.
II - La situation économique de vos entreprises
L'urgence est aujourd'hui de répondre à l'évolution du prix du baril En effet, la combinaison de la hausse du baril et de la baisse de l'euro depuis la mi-mars rend la situation d'autant plus préoccupante que rien n'indique que la situation soit passagère.
Comme je vous l'avais indiqué lors du CSO le 7 juin dernier, j'ai demandé au Premier Ministre une nouvelle avance pour le FPAP. 40 millions d'euros ont pu être débloqués très difficilement, dans un contexte budgétaire très tendu, à la condition expresse d'une modifications des conditions de couverture nous donnant les moyens de pérenniser ce dispositif. Dans l'immédiat, le prix de référence doit être porté à 30 centimes d'Euros. Par ailleurs, un plafonnement de l'aide à 12 centimes d'Euros sera appliqué. Nous ferons le bilan à la rentrée de ces nouvelles dispositions pour nous assurer qu'elles permettent une couverture suffisamment longue de votre risque gasoil.
Cette évolution du FPAP nous permettra de sauver ce dispositif d'aide qui est, je crois, le meilleur que nous puissions imaginer et que de nombreux secteurs de l'économie nous envient.
Toucher en effet aux charges sociales pourraient déstabiliser le régime particulier de l'ENIM auquel nous tenons tous.
Vous pouvez voir dans ce ré-abondement conséquent du FPAP un signe très fort de soutien de l'Etat. Mais je suis conscient des répercussions immédiates de ces nouvelles règles sur les armements. Aussi je vous propose de mettre en place, en partenariat avec votre Comité National, un observatoire pour mesurer avec précision les conséquences de ce réajustement sur les différents segments de flotte.
Dès à présent, nous devons réfléchir aux moyens dont nous disposons pour faire face à plus longs termes à des cours de gasoil élevés.
L'une des solutions repose sur un matériel et des moteurs performants, sur l'usage de biocarburants. C'est pourquoi la France se positionnera très clairement pour que soient autorisées des aides nationale et européenne aux renouvellements de moteur. Des travaux de réflexion sont d'ores et déjà lancés notamment sur les économies d'énergie tant au niveau communautaire qu'au niveau français. Il nous faudra dresser dans quelques mois un bilan précis de ces travaux et y joindre des propositions concrètes.
II - 2 La modernisation du secteur
J'ai entendu votre inquiétude et souhaite, avec vous, faire preuve de pragmatisme afin de défendre avec efficacité la place des entreprises de pêche si importantes pour nos économies littorales. L'investissement dans ce secteur doit être encouragé de façon à moderniser l'économie des pêches. C'est dans cet esprit que votre régime fiscal a été revu en octobre dernier.
A ce propos, le plan GAYMARD de modernisation de la flotte a permis, globalement, d'optimiser les possibilités ménagées par le compromis négocié en 2002 alors que les aides à la construction des navires devenaient interdites. D'une part, les opérations ciblées de sortie de flotte se sont traduites par le respect de l'engagement d'une réduction de 3 % de la capacité totale de la flotte entre le 31 décembre 2002 et le 31 décembre 2004. D'autre part, 492 opérations, dont 312 projets de construction et 78 projets de modernisation, ont pu être retenus.
Le plan permettra ainsi de moderniser progressivement plus de 80 000 kW et plus de 21 000 tonneaux de jauge, soit près de 10 % de la capacité totale (en puissance et en tonnage) de la flotte métropolitaine et près 7 % du nombre total de navires. C'est un élément très positif que je tenais à souligner.
En parallèle, il nous faut aussi offrir aux entreprises les plus fragiles, la possibilité de se restructurer. A cette fin, j'ai demandé au Premier Ministre, l'ouverture d'une enveloppe d'aide à la sortie de flotte qui pourrait être mobilisée pour des actions très ciblées en direction des entreprises les plus fragiles.
La négociation du Fonds européen pour la pêche (FEP), qui n'a pas pu aboutir, faute d'accord lors du dernier Conseil des ministres des 20 et 21 juin dernier au Luxembourg, sera déterminante. Plusieurs Etats membres ont demandé un soutien au-delà de ce que prévoyaient les derniers compromis proposés par la Présidence luxembourgeoise.
Pour la Commission, l'aide à la construction est une véritable ligne rouge et elle se montre très fermée à toute réouverture de la discussion de 2002.
De nombreuses marges de progression sur les investissements liés à la sécurité, la qualité ou les conditions de vie à bord demeurent. Les aides au changement de moteur sont également envisagées, mais les conditions posées par la Commission sont encore trop restrictives. Si le Commissaire est sensible aux spécificités de la petite pêche côtière et aux besoins des jeunes patrons, ses propositions nous semblent encore insuffisantes.
Pour ce qui concerne les DOM, la Commission a fait preuve d'ouverture en renvoyant le débat sur la flotte des DOM à la réalisation d'une étude spécifique sur la situation des régions ultra-périphériques (RUP). Je vous invite à répondre positivement aux sollicitations du cabinet d'étude qui sera choisi par la Commission, car c'est l'occasion de démontrer la spécificité des DOM vis-à-vis de la question des aides à la flotte.
Sans attendre la finalisation du Règlement sur le FEP, nous devons travailler sur le futur programme opérationnel. Bien entendu, vous serez associés au Comité stratégique national et je sais pouvoir compter sur vos propositions.
S'agissant des différents modes de financement de la flotte au niveau national, ils doivent être évalués et tenir compte des nouvelles règles communautaires sur les aides à la construction. Le Ministère vous aidera à explorer les diverses pistes sur lesquelles vous travaillez (l'attractivité des investissements à la pêche ou bien votre réflexion sur les plus-values de cessions), et à les faire valider par les services du Ministère de l'Economie et des Finances.
Le défi de la sécurité Je voudrais terminer en évoquant rapidement ce sujet qui me tient particulièrement à cur en raison de mes précédentes fonctions de Secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Des efforts doivent encore être entrepris dans ce domaine. Mais là aussi, nous devons innover : nous devons mener les études classiques de nouvelles mesures de sécurité (en particulier d'équipement individuel), ou du renforcement de la formation ; mais parallèlement, je souhaite que soient évalués les effets de la réglementation communautaire et nationale relatives à la politique commune de la pêche sur la sécurité maritime.
Ces règles qui, par exemple, ont pour effet de restreindre la jauge des navires ou définissent si précisément le marquage des filets de pêche ou les conditions sanitaires, pourraient intégrer à l'avenir une dimension sécurité.
CONCLUSION
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Les difficultés que j'ai entendues et qui me remontent du littoral appellent une mobilisation commune pour les surmonter. Je suis convaincu que rien n'est définitif à condition de faire preuve de détermination mais aussi de réalisme.
Le contexte actuel, difficile pour vos armements et pour leurs marins, nous incite à renforcer notre vision prospective du secteur. A ce titre, il conviendra d'exploiter les travaux en cours du Conseil Economique et Social sur le marché des produits de la pêche et de l'aquaculture dont le rapporteur est M. Gérard d'ABOVILLE.
Le moment est venu d'élaborer ensemble un plan stratégique pour la pêche. J'ai demandé à mes services d'établir des propositions pour l'automne prochain. Au travers ce plan, devra être réaffirmé notre attachement au secteur de la pêche en France, parce qu'il est source de richesse pour le pays, porteur d'emplois et garant de l'aménagement de notre littoral. L'un des enjeux sera d'assurer l'attractivité du métier en direction des jeunes. C'est dans ce sens que je souhaite travailler avec vous.
Je vous remercie de votre attention
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 1er juillet 2005)