Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les principes gouvernant la protection sociale, les principales réformes et les défis actuels de la sécurité sociale, Paris le 3 octobre 2005.

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Circonstance : 60ème anniversaire de la Sécurité sociale à Paris le 3 octobre 2005

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je tenais tout d'abord à remercier les intervenants et les participants de ce colloque placé sous le haut patronage du Président de la République. Ils ont su apporter la preuve de l'enjeu vivant que constitue la Sécurité sociale pour notre société. Ce qui semblait un horizon difficile à atteindre, protéger chacun contre les risques de l'existence et les aléas de la destinée, est devenu un droit pour tous les Français. Et cela n'a été possible que parce qu'il y a soixante ans des femmes et des hommes ont eu l'audace de donner une réalité concrète aux valeurs de solidarité et de fraternité.
La Sécurité sociale est aujourd'hui considérée comme un acquis, un élément à la fois visible et invisible de notre quotidien. Elle fait partie du patrimoine des Français et elle constitue, vous le savez bien, un élément majeur de notre pacte social.
Nous oublions trop souvent quelle est la chance dont nous bénéficions à travers ce système, inconnu dans la plupart des autres pays comme le soulignait le Premier Ministre dans son message. Mais ce sentiment d'habitude et de proximité constitue aussi la meilleure preuve que la sécurité sociale a atteint ses objectifs. Le programme du Conseil national de la résistance en 1944, à l'origine de l'action conduite en 1945 par Pierre Laroque pour couvrir " l'ensemble de la population contre l'ensemble des facteurs d'insécurité ", appartient aujourd'hui au domaine de l'évidence. Et cela, en respectant l'impératif de la solidarité : la Sécurité sociale reçoit la contribution de chacun selon ses moyens, elle soutient chaque assuré social selon ses besoins. Or, un risque existe 60 ans après. Celui d'oublier qu'elle est le fruit d'une Histoire, d'une ambition, d'un espoir.
Une histoire tout d'abord qui nous mène des aspirations de la fin du XIXe siècle à la date fondatrice du 4 octobre 1945. Une ambition ensuite, celle de garantir à tous les citoyens, dans des conditions d'égal accès, la meilleure santé possible, une retraite décente, d'assurer aux familles des revenus et une liberté de choix, et aux travailleurs, une sécurité. Un espoir enfin, celui entretenu par les membres du Conseil national de la Résistance de rebâtir notre pays sur les valeurs de la solidarité, de la fraternité et du partage.
Ce regard porté sur ces soixante années doit nous inciter à penser l'avenir de la sécurité sociale. Cela est d'autant plus nécessaire que nous n'ignorons pas les difficultés qu'elle traverse et les questions qui se posent sur son futur.
Notre objectif est de pérenniser ce système garant de notre équilibre social, en l'adaptant pour l'améliorer. Cela passe bien sûr par des réformes importantes, fidèles à l'esprit des origines, comme celle que nous avons engagée pour l'assurance maladie. Cela passe aussi, et je sais que nombre d'interventions ont insisté sur ce point, par des mesures permettant de mettre notre sécurité sociale au service de la croissance. Cela passe enfin par la nécessité de redonner sens à ses valeurs fondatrices, la solidarité, la responsabilité.
Cet acquis n'est pas figé : il s'agit de faire face à de nouveaux risques, à de nouvelles contraintes, mais surtout à de nouveaux enjeux. Pourtant, certains pensent que nous sommes parvenus à une sorte de fin de l'Histoire dans le domaine de la protection sociale. C'est oublier tous les avantages dont nous bénéficions ; c'est ignorer aussi que des exclus demeurent ; c'est négliger enfin les dimensions européenne et internationale de la Protection sociale. Le temps est venu de nous mobiliser à nouveau.
I. L'Histoire de la Protection sociale, c'est celle de la constitution en France d'un système original.
A/ Cette Histoire a connu un tournant majeur en 1945, avec la création de la Sécurité sociale.
Pierre Laroque et son équipe n'ont pas construit ce nouveau système ex nihilo, mais avec l'expérience de plusieurs décennies de solidarités professionnelles.
La Sécurité sociale est le produit d'une Histoire, de pratiques mutualistes ayant accompagné l'industrialisation de l'Europe, d'un mouvement qui remonte aux lois sociales de la fin du XIXe siècle et s'est poursuivi jusque dans les années 1930, en France et en Europe. C'est pourtant bien le choc de la Seconde guerre mondiale et le sursaut qui l'a accompagné, qui ont conduit à la naissance d'un système centré autour de la valeur de solidarité : la Sécurité sociale, qui " est la garantie donnée à chacun qu'en toute circonstance, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes ". Cet espoir est devenu un droit pour chaque citoyen, pour reprendre les mots du Chef de l'Etat ; il a été inscrit dans le Préambule de la Constitution de la IVe République - et donc dans celle de la Ve République.
B/ Le système né en 1945 est original à double titre : par ses principes comme dans son fonctionnement.
Il se fonde sur l'universalité et la solidarité, inscrits dans la tradition républicaine. C'est la solidarité entre l'actif et le retraité, entre le bien portant et le malade, en direction des familles. Au sein de chaque génération, mais aussi entre les générations, nous formons une société unie car nous sommes liés par ce système.
Celui-ci emprunte au modèle des assurances sociales tout en garantissant à chacun des prestations égales. Dans le souci de la démocratie sociale, ce service public se fonde sur la concertation, sur le rôle des partenaires sociaux et sur l'autonomie de gestion des caisses. Cette autonomie est garantie par des cotisations partagées entre le salarié et l'employeur. Tous ces traits spécifiques demeurent aujourd'hui.
La Sécurité sociale est ainsi à l'origine d'un double mouvement : celui qui unit les citoyens entre eux par la solidarité ; celui qui unit les citoyens à l'Etat dans la mise en uvre de cette solidarité. Elle est donc un vecteur de cohésion sociale et un élément fort de notre modèle républicain.
C/ Les évolutions de notre Sécurité sociale, marquées par d'importantes mesures, se sont inscrites dans la fidélité aux principes de base.
Ces réformes se sont appuyées sur l'harmonisation du niveau des prestations dans les différents régimes de sécurité sociale. Elles ont également conduit à une universalisation progressive du système, afin de garantir à chacun un minimum de protection face aux aléas de la vie. Ainsi, il est possible de mesurer le chemin parcouru entre le minimum vieillesse de 1956 et la création de la CMU en 1999, ou encore la mise en place d'une aide accordée pour étendre le champ de la couverture complémentaire par la réforme de 2004. Elles ont enfin permis un mouvement continu d'augmentation des garanties et de lutte contre les différentes formes d'exclusion.
L'évolution du système par rapport aux nouveaux risques et aux nouvelles exigences n'a de sens que dans une adaptation permanente de son architecture et de sa gestion. Je pense notamment à la création en 1967 des quatre branches que sont la maladie, la vieillesse, la famille et les accidents du travail. Je pense également à celle de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
La dernière décennie a été particulièrement riche en évolutions. Celles-ci ne témoignent pas seulement des difficultés rencontrées par le système. Elles apportent aussi la preuve du dynamisme, de la vitalité de notre système de sécurité sociale et de la capacité des organismes et des hommes qui le servent à rénover son fonctionnement.
Je souhaiterais ici évoquer quelques unes de ces réformes.
Tout d'abord, la création de la CSG en 1990 et son développement. L'évolution de la nature des dépenses sociales commandait celle de son mode de financement, avec ce prélèvement universel et proportionnel conforme au principe de solidarité.
Ensuite, la création des lois de financement. Je sais que les présidents Séguin et Dubernard ont évoqué leur apport. Elles permettent chaque année de mener dans la transparence le débat public qu'exige l'avenir de la sécurité sociale. Cet instrument a renforcé la démocratie en associant davantage la représentation nationale.
D/ Au-delà de l'Histoire, il me paraît important de souligner les résultas obtenus en matière de couverture sociale.
Ceux-ci sont considérables, et nous ne pouvons les oublier ou les passer sous silence. Parfois parée de toutes les vertus, la Sécurité sociale est parfois aussi accusée de tous les maux. Le recul nous permet pourtant aujourd'hui de mesurer le chemin parcouru.
Comment est-il possible d'ignorer la part de l'accès aux soins pour tous dans la progression de l'espérance de vie ? Notre espérance de vie élevée, la deuxième du monde pour les femmes, souligne les bienfaits d'un système d'assurance maladie tel que le nôtre. Il ne faudrait pas oublier non plus l'excellence de notre système de santé en matière curative, classé premier par une étude de l'OMS.
De même, qui se souvient encore aujourd'hui de l'extrême pauvreté des plus âgés au sortir de la guerre ? Désormais, les conditions de vie des retraités s'apparentent à celles des actifs. Que de chemin parcouru, grâce à la mise en place du système de retraites par répartition.
Comment expliquer la bonne situation démographique de la France - surtout comparé à celles de ses voisins -, si ce n'est par notre politique familiale volontariste et ambitieuse ?
Comment ne pas voir enfin que la prise en charge des accidents du travail a soutenu la croissance économique tout en assurant le bien-être des travailleurs ?
Il ne s'agit pas, à l'occasion de cet anniversaire, de se livrer à un exercice d'auto satisfaction. Mais je souhaite aussi éviter cette forme d'auto dénigrement qui fragilise notre adhésion à cette volonté commune. Il est nécessaire d'avoir en tête un bilan lucide des avancées permises en 60 ans par la Sécurité sociale, de mesurer ses évolutions, pour affronter les défis actuels.
II. Ces valeurs de la Sécurité sociale, nous les préservons dans un souci d'adaptation permanente. C'est dans cet esprit que nous avons engagé d'importantes réformes.
A/ La Sécurité sociale est confrontée à un environnement qui l'oblige à évoluer.
Le premier des facteurs de déséquilibre qui affectent la Sécurité sociale est l'allongement de la durée de vie. En effet, l'interdépendance entre les générations suppose que les cotisations des actifs financent les retraites. Le contexte démographique entraîne donc un accroissement structurel des dépenses de la branche vieillesse. Par ailleurs, l'apparition de nouveaux risques liés au vieillissement pèse aussi sur l'assurance maladie, et nous oblige à répondre aux questions soulevées par la dépendance, ou le traitement de maladies comme celle d'Alzheimer.
Le contexte d'un chômage élevé et durable a contribué lui aussi à déséquilibrer le système. Il entraîne par ailleurs la montée d'un sentiment d'insécurité sociale et une crise de confiance en l'avenir.
Enfin, plus généralement, les progrès de la médecine ont contribué à l'augmentation des dépenses de l'assurance maladie.
Ces facteurs ont affecté durablement les branches maladie et vieillesse, créant une situation nouvelle qui nous donne une responsabilité accrue face à l'avenir.
B/ Pour faire face à cette situation, nous avons engagé des réformes ambitieuses qui doivent permettre la pérennité du système et sa modernisation dans le respect des valeurs qui l'ont fondé.
La réforme des retraites, mise en uvre par la loi du 21 août 2003, garantit la préservation du modèle par répartition tout en faisant face à la nouvelle situation démographique. Elle repose sur trois principes : l'équité, la sécurité et la liberté. L'équité tout d'abord, dans la mesure où elle harmonise, d'ici à 2008, la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension complète dans le régime des fonctionnaires et ceux du secteur privé. L'équité encore, car elle permet une retraite anticipée pour les assurés ayant commencé à travailler jeune et ayant donc effectué de longues carrières. La sécurité, d'autre part, car elle garantit la pérennité du système en faisant évoluer, à partir de 2009, cette durée de référence commune en fonction des gains d'espérance de vie pour préserver l'équilibre entre vie professionnelle et retraite. La liberté enfin, celle pour la personne active de choisir la date à laquelle faire valoir ses droits à la retraite.
La réforme de l'assurance maladie engagée en 2004 vise, en permettant une meilleure organisation et une meilleure gestion du système, à réduire les déficits, à pérenniser notre Sécurité sociale et à anticiper les déséquilibres futurs. Je reviendrai sur l'évolution qu'elle représente dans notre action.
Je crois profondément qu'il est possible de réussir la modernisation et l'adaptation du système sans le remettre en cause. Cela n'est bien sûr pas envisageable sans les partenaires sociaux et sans tous les acteurs du système de santé. Trois principes doivent guider l'action : la détermination, le dialogue, la pédagogie. Je sais combien les présidents et membres du Conseil d'orientation des retraites ou du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie y sont attachés.
C/ Permettez-moi d'insister sur la réforme de l'assurance maladie.
Celle-ci s'inscrit dans les principes qui fondent l'assurance maladie, en permettant une gestion et une organisation plus efficaces de notre système de santé.
Pour cela, elle s'appuie sur le changement de comportements des acteurs, tant les patients que les professionnels de santé. Elle renoue avec une logique où l'organisation du système découle des besoins des citoyens - et non l'inverse. C'est le sens de la maîtrise médicalisée seule à même, dans la durée, de jouer un rôle dans l'évolution des dépenses de santé. Par ailleurs, elle redonne sens à la qualité des soins en permettant le développement des bonnes pratiques et l'amélioration de l'évaluation des services garantis. Enfin, elle prend en compte les priorités de santé publique, notamment la prévention des pathologies lourdes et des accidents médicamenteux.
Les premiers résultats que nous enregistrons sont encourageants. Comme vous le savez, nous sommes bien décidés à poursuivre dans cette voie.
Parmi ces améliorations, je pense à la réduction amorcée des déficits. Si nous n'avions pas engagé une réforme audacieuse en 2004, le déficit de la branche maladie atteindrait aujourd'hui 16 milliards d'euros, alors qu'il a été contenu à 8,3 milliards. Il ne s'agit pas là seulement d'une volonté d'équilibre comptable à court terme. Réduire les déficits, c'est garantir sur le long terme la pérennité de notre système, ses apports et ses progrès à venir. Et c'est là un objectif partagé par nous tous.
Je pense également au fait que 31 millions de Français ont déjà choisi leur médecin traitant. Cela montre que lorsque l'on fait uvre de pédagogie, la responsabilité de chacun dans la solidarité pour tous agit comme un réflexe. Cette pédagogie, il est aussi nécessaire de la mettre en uvre auprès des jeunes générations, qui à leur tour devront assurer la pérennité de la Sécurité sociale.
Les réformes engagées peuvent servir de point de départ, elles peuvent inspirer ce que nous ferons dans les prochaines années. En effet, l'horizon de la sécurité sociale est toujours aussi vaste : des progrès sont possibles non seulement par des mesures concrètes - car la situation n'est plus celle de 1945 - mais également par des avancées dans le champ des garanties afin de permettre une solidarité en actes.
III. L'avenir de la Sécurité sociale se joue ainsi à deux niveaux : par un mouvement continu d'adaptation et de réforme ; par une réelle rénovation de son organisation et de sa philosophie.
A/ Il est nécessaire de répondre aux défis permanents qui se posent à notre système.
Les réformes que nous avons menées se distinguent des précédentes par leur visée à long terme. Elles n'ont cependant pas la prétention d'être définitives. Il est indispensable de poursuivre un mouvement de réformes en fonction des questions de financement, des évolutions démographiques et technologiques, des priorités de santé publique. En matière de protection sociale, il n'y a pas une réforme cardinale, il y a un processus de réforme. En matière de Sécurité sociale, les efforts sont forcément permanents.
Je crois aussi qu'il nous faut conserver certaines lignes directrices. Tout d'abord, l'autonomie financière et de gestion, de la Sécurité sociale. Ensuite, la solidarité au sein de chaque génération, mais aussi entre les générations, par le maintien des dispositifs de répartition et de redistribution. Enfin, la responsabilité des différents acteurs et au premier chef des assurés sociaux. Il n'est pas possible de réformer les structures sans modifier les mentalités ; et il n'est pas possible de mobiliser chaque citoyen sans évoquer les impératifs collectifs.
Nous devons dépasser le seul horizon national pour adapter au mieux notre système aux besoins nouveaux. La cohérence du modèle français n'enlève rien à l'intérêt de la comparaison, et de l'étude des bonnes pratiques, notamment à l'échelle européenne. Si les pays de l'Union ont leurs spécificités, cela ne signifie pas que certaines mesures, comme le développement de la culture de la prévention, ne soient pas transposables.
Ayons le courage d'aller plus loin, d'ouvrir d'autres chantiers que l'amélioration de la seule gestion courante. Soyons visionnaires, et pas seulement gestionnaires.
B/ Je pense qu'il est indispensable de concilier l'impératif d'équité et l'exigence de l'emploi.
Nous restons attachés à l'impératif d'équité, attachés à un système de couverture globale et à un fort taux de socialisation des dépenses, comme l'a dit Simone Veil si justement. Vous savez tous que si la santé n'a pas de prix, elle a un coût. Ce coût ne doit pas être une entrave à notre développement économique. Nous devons au contraire aspirer à ce que notre protection sociale soit un instrument de croissance et d'emploi.
Les garanties apportées à nos concitoyens dans le cadre des dépenses maladie ou de prise en charge de la dépendance favorisent en effet le développement de nouveaux emplois, notamment dans le secteur des aides à la personne - personnes âgées, handicapées, mères de famille. Par ailleurs, la prise en charge efficace des accidents du travail et de la pénibilité est un des facteurs de la productivité élevée de notre économie. La Sécurité sociale, on ne le dit pas assez, participe aussi de la croissance de notre économie.
Loin d'être contradictoires, ces objectifs sont étroitement liés. La sécurité sociale et l'emploi sont des gages de la préservation du lien social. La couverture accordée à chacun existe et se renforce dans une économie fondée sur la croissance et la création d'emploi.
C/ Je crois qu'il faut renforcer le lien social et redonner une ambition à la société française pour sa Protection sociale.
La Sécurité sociale crée un double lien, c'est à la fois ce qui nous rassemble et ce qui nous lie à l'Etat. Cette relation forte a aujourd'hui perdu de sa lisibilité : il nous faut retrouver le sens de cette entreprise commune, et renouer les liens de la solidarité. Trop souvent, nous avons une attitude consumériste face aux prestations de la Sécurité sociale. Nous oublions alors l'engagement mutuel que représente notre système, et donc la responsabilité partagée qui nous incombe. Une revalorisation de la citoyenneté sociale est donc nécessaire. Car nous ne sommes pas dans une société d'indemnisation, mais dans une société d'insertion et de partage. Participer à la Sécurité sociale doit demeurer un acte citoyen, avec ses droits et ses devoirs.
La mission qui incombe tant aux responsables politiques qu'aux partenaires sociaux est donc de rappeler à nos concitoyens que les choix qui engagent l'avenir de la Sécurité sociale ne sont pas - et ne doivent pas devenir - des choix de gestion, qu'ils sont bien des choix politiques, au sens le plus noble du terme.
J'ai la conviction que pour faire vivre la démocratie sociale, il nous faut sans cesse la refonder. Cela veut dire avoir le courage de poser les choix, de les soumettre à la souveraineté populaire. C'est la condition du maintien de notre pacte républicain. Et c'est aussi la meilleure manière de garantir l'avenir de notre système.
D/ Il nous faut mobiliser la société autour des nouveaux défis de la Sécurité sociale.
Est-il possible d'affirmer que nous sommes parvenus à une société du bien-être, qu'il n'existe plus d'enjeux autres que financiers et gestionnaires ?
En matière de protection sociale, je ne crois pas qu'il y ait de " fin de l'Histoire ". Je crois au contraire qu'il existe encore de nombreux défis à relever, et que les besoins sociaux insatisfaits demeurent nombreux. Notre tâche est à la mesure du chemin parcouru depuis 1945.
Le nouveau défi de la solidarité, c'est d'abord le handicap. Cette priorité du Président de la République a déjà trouvé son application dans l'instauration de la prestation de compensation individualisée. Mais il ne s'agit que d'une première mesure, dans un champ bien plus vaste, qui touche toutes les politiques nationales. L'exclusion constitue un autre de ces défis : l'action des caisses est déjà complétée par la solidarité nationale. Il nous faut également réfléchir ensemble à des moyens plus importants pour lutter contre les nouvelles formes de pauvreté que met en avant le rapport de Martin Hirsch, cette pauvreté qui isole l'individu et dissous le lien social. La dépendance peut aussi être considérée comme l'un des ces défis, car il nous faut répondre à l'enjeu que constitue la formidable longévité de nos concitoyens. La Caisse nationale de Solidarité pour l'Autonomie constitue une première avancée. Mais il reste beaucoup à faire pour répondre à une évolution qui bouleverse le visage et transforme les habitudes de notre société. Enfin, je voulais vous parler du défi que constituent les maladies rares et les pathologies lourdes. Pouvons-nous accepter un tel taux de mortalité liée au cancer, alors que celui-ci, avec 150 000 décès/an, est la première cause de décès prématuré en France ? Et pouvons nous accepter que tant de nos concitoyens souffrent d'une maladie que l'on sait encore mal soigner ? Les réponses ne concernent bien sûr pas seulement l'assurance maladie et notre système de soins. C'est un choix qui engage la société tout entière, et qui interroge notamment le regard qu'elle porte sur la maladie et ceux qui en sont atteints.
Poursuivre l'horizon de ces nouveaux défis, c'est recréer sans cesse le lien social - et maintenir l'unité de notre République. Je sais pouvoir compter sur vous, responsables de premier plan de la sécurité sociale, pour porter ce message et incarner ces valeurs.
Ces enjeux, nous saurons aussi y répondre si nous avons conscience que les défis de santé, de démographie, de bien être social se situent désormais à l'échelle de l'Europe et du monde. C'est également un des enjeux de la Sécurité sociale de réfléchir à notre modèle social européen, et de permettre une extension pour tous et sur tous les continents de cet élément essentiel du développement durable qu'est la Protection sociale.
Je souhaitais que cette commémoration soit tournée vers l'avenir, qu'elle soit une occasion de souligner l'actualité de la Sécurité sociale, sa modernité et de la préparer aux défis du futur. Vous avez su rappeler l'importance du patrimoine qu'elle constitue pour notre société. Soyez en remerciés.
Simone Veil le soulignait ce matin : c'est dans la fidélité aux valeurs de 1945 que nous pourrons construire l'avenir de notre Protection sociale. S'il est une nécessité en ce soixantième anniversaire, c'est bien que le sens profond du pacte qui fonde notre société soit rappelé et reconnu.
Je voulais vous rappeler ma conviction. La Sécurité sociale n'a d'avenir que si nous avons la volonté :
- de mener des réformes qui pérennisent le système dans le respect de ses valeurs originelles ;
- d'expliquer encore et toujours le pacte social sur lequel se fonde la Sécurité sociale et de poser clairement les choix politiques auxquels notre société est et sera confrontée ;
- de mettre en avant les nouveaux défis de la protection sociale.
Nous pouvons être ambitieux pour notre " Sécu " car nous sommes sûrs d'un système auquel l'ensemble des Français et des Françaises est profondément attaché. Cette confiance nous donne aussi la volonté d'aller plus loin, au devant de ces nouveaux défis que j'évoquais.
Je suis heureux que ce colloque puisse donner un nouvel élan à la Sécurité sociale. Aujourd'hui, nous avons donné une preuve supplémentaire de notre volonté de vivre et de consolider l'héritage de 1945, pour en faire celui de nos enfants.
Je sais parfaitement que dans cette salle, un certain nombre de sujets peuvent faire débat entre nous. C'est normal et légitime en démocratie. C'est aussi la preuve que la Sécurité sociale est encore et toujours un enjeu vivant, que nous la considérons toujours comme un instrument de progrès pour l'ensemble de la société.
Cette manifestation, marquée par des interventions particulièrement riches, démontre à mon sens la vitalité de ce débat. Elle permet également de rappeler qu'au-delà de nos divergences, nous partageons un attachement commun à ce système qui a amélioré la vie de millions de Françaises et de Français.
Au-delà de ce colloque, dans les prochains jours et semaines, d'autres manifestations auront lieu dans toute la France. Je remercie Dominique Libault et son équipe, pour avoir coordonné l'ensemble de ces événements. Ils seront l'occasion de porter le message d'une société unie par un idéal de solidarité, d'une société qui redéfinit la responsabilité, d'une société fidèle aux valeurs de la République.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 5 octobre 2005)