Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur la politique de lutte contre les maladies rénales et la réorganisation du dispositif de la dialyse, Paris le 11 octobre 2005.

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Circonstance : Annonce de la 1ère Semaine du rein, essentiellement consacrée à la prévention des maladies rénales

Texte intégral

Monsieur le Président de la FNAIR, (Régis Volle),
Monsieur le Président de la Société de Néphrologie, (Pr. Michel Godin),
Monsieur le Président de la Fondation du Rein, (Pr. Pierre Ronco),
Madame la Directrice Générale de l'Agence de la Biomédecine, (Carine Camby)
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de participer à cette conférence de presse annonçant la 1ère Semaine de Rein, consacrée essentiellement à la prévention des maladies rénales. Je remercie la Fédération nationale d'aide aux insuffisants rénaux (FNAIR), et plus particulièrement son président, M. Régis Volle, qui est à l'initiative de cet événement en France. Cette semaine bénéficie du soutien des sociétés savantes, de la Fondation du Rein, des Académies Nationales de Médecine et de Pharmacie, de l'INSERM, de l'Ordre national des Médecins, et bien sûr de mon ministère. Cette semaine existe déjà dans d'autres pays, comme les Etats-Unis. Il était naturel que la France, où est née la néphrologie [Pr. Jean Hamburger à Necker] organise aussi un tel événement, qui aidera à sensibiliser nos concitoyens sur ce sujet majeur de santé publique.
I- L'insuffisance rénale chronique touche 250 millions de personnes dans le monde et près de 3 millions de Françaises et de Français.
Plus de 50 000 d'entre eux ont besoin d'un traitement de suppléance, soit par dialyse, soit par greffe rénale.
Le nombre de malades en insuffisance rénale terminale augmente de 5 à 6 % par an. Cette augmentation, en partie liée à l'allongement de la durée de vie, relève de plusieurs facteurs de risque, comme :
le diabète ;
les maladies cardio-vasculaires ;
ou la prise de médicaments néphrotoxiques (antibiotiques, anti-inflammatoires, analgésiques ou anti-cancéreux).
II- Nous devons nous engager dans une démarche volontariste de prévention et de dépistage précoce de l'insuffisance rénale.
La loi de santé publique votée le 9 août 2004 prévoit dans ses objectifs de stabiliser d'ici 2008 l'incidence de cette affection.
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'inciter les professionnels à dépister plus précocement les maladies rénales. Comme ces affections sont silencieuses, les patients sont souvent adressés pour la première fois au néphrologue à un stade déjà évolué, trop proche de la mise en dialyse.
Or on ne peut ralentir l'évolution de l'insuffisance rénale chronique qu'à la condition d'être suivi régulièrement par un néphrologue. C'est lui qui donnera les médicaments pouvant limiter les conséquences de la maladie.
Ce retard au diagnostic inquiète à juste titre la FNAIR et la Société de Néphrologie. Ceci nous a conduit à inclure la prévention et la détection précoce de l'insuffisance rénale chronique dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire de 3ème génération.
De même, l'Académie nationale de Médecine m'a adressé récemment un rapport sur la prévention de l'insuffisance rénale chronique qui a retenu toute mon attention.
A/ Dans le domaine de la santé publique :
Je vais demander à l'Institut national de prévention et d'éducation en santé (INPES) d'organiser des campagnes d'information de la population et des professionnels de santé, en liaison avec eux et les associations de patients.
Je souhaite aussi développer les réseaux de dépistage et de surveillance des malades atteints d'insuffisance rénale, ce qui demande une collaboration étroite entre les services spécialisés de néphrologie, les médecins généralistes, les médecins du travail et les autres professionnels de santé. C'est le seul moyen de mieux informer les praticiens non spécialistes et la population à risque et de coordonner les soins. J'ai la conviction que le dossier médical personnel sera un outil précieux dans ce domaine.
Je souhaite, en lien avec l'Agence nationale de la Biomédecine et l'Institut de veille sanitaire (InVS), développer des outils de la prévention, d'épidémiologie et d'économie de la santé. Ils permettront d'apprécier l'incidence annuelle des malades atteints d'insuffisance rénale, quel qu'en soit le stade, et de connaître le délai séparant le premier examen médical par le néphrologue de l'entrée en dialyse.
Nous disposons déjà d'un registre régionalisé, le Réseau REIN (Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie), qui permet de donner une image précise de la prise en charge de l'insuffisance rénale terminale et de mieux identifier les besoins en dialyse.
Ce dispositif est déjà implanté dans 13 régions administratives, couvrant 70 % de la population française. Il continue son déploiement pour atteindre 100 % du territoire en 2006.
Il est encore plus nécessaire de renforcer le dépistage précoce dans les populations à risque spécifique :
pour les patients atteints de pathologies vasculaires (hypertension artérielle) et les diabétiques ;
pour les professionnels exposés à des agents néphrotoxiques ;
au-delà d'un certain âge, pour les patients soumis à un traitement potentiellement néphrotoxique.
Je souhaite également qu'une étude épidémiologique soit entreprise, avec l'INSERM et l'Institut de veille sanitaire, afin de vérifier si les enfants hypotrophiques à la naissance développent plus facilement une maladie rénale à l'âge adulte. En attendant ses résultats, il me semble raisonnable de considérer les adultes qu'ils vont devenir comme à risque.
B/ Je souhaite que l'Agence nationale de la Recherche inscrive le thème de l'insuffisance rénale chronique dans son programme :
Il est en effet nécessaire de mieux comprendre les mécanismes de progression de l'insuffisance rénale ;
et de rechercher des moyens thérapeutiques capables de prévenir la fibrose rénale cicatricielle.
Enfin, il faut évaluer les éventuels effets néphrotoxiques de facteurs environnementaux, essentiellement professionnels.
C/ Dans le domaine de l'enseignement et de la formation :
Il est impératif de diffuser largement auprès du corps médical les règles de bonnes pratiques pour de prise en charge des maladies rénales. Je sais, Monsieur le Président, que la Société de Néphrologie travaille beaucoup sur ce sujet et je l'en félicite.
Je souhaite introduire ces règles dans l'enseignement médical initial, qui doit accorder une place plus grande à la prévention et au dépistage de l'insuffisance rénale chronique ; nous devons entreprendre ensemble la même démarche dans les programmes de formation médicale continue.
Comme le prévoit la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004, mes services préparent, avec les associations de patients et les sociétés savantes, un plan national stratégique sur la " qualité de vie des personnes atteintes de pathologies chroniques " que je présenterai en début 2006. Il s'agit avant tout de réduire le retentissement de l'insuffisance rénale chronique sur la qualité de vie des personnes atteintes d'insuffisance rénale, en particulier celles sous dialyse.
D/ Enfin, le ministère de la Santé et des Solidarités renforce l'objectif de prévention de lutte contre l'insuffisance rénale en soutenant financièrement depuis deux ans les initiatives de la FNAIR pour l'information des professionnels de santé, du public et des patients.
Nous venons de participer aussi à la publication d'un livre sur le risque rénal des patients diabétiques, en lien avec votre association et l'Association française des Diabétiques. Cet ouvrage sera disponible lundi, pour la Semaine du Rein.
De plus la Direction générale de la Santé vient d'attribuer une subvention à la Fondation du Rein pour la réalisation d'une carte d'information des patients sur les facteurs de risques et les enjeux d'une éducation thérapeutique adaptée.
Enfin, en matière de prévention, les enjeux relatifs au bon suivi de la fonction rénale et de la pression artérielle seront également rappelés dans les recommandations faites au médecin dans le nouveau carnet de santé de l'enfant qui sera diffusé à compter du 1er janvier 2006.
III- Mais quand l'insuffisance rénale ne peut plus être traitée par de simples médicaments, il est nécessaire de la traiter par dialyse
C'est à la suite de la première Journée nationale de l'insuffisance rénale chronique, dont l'initiative revient à votre association, que le dispositif de la dialyse a été profondément réorganisé en France. Le nouveau régime d'autorisation repose désormais sur les besoins de la population, définis par :
un schéma régional d'organisation sanitaire IRC obligatoire qui devient le pilier du dispositif,
et des conditions techniques de fonctionnement qui garantissent la qualité et la sécurité de la prise en charge.
A/ Cette nouvelle offre de soins sera effective dans les mois qui viennent. Son objectif est de :
- garantir le libre choix du patient,
- offrir une prise en charge adaptée et de qualité,
- préserver une offre de soins de proximité,
- favoriser une offre de soins diversifiée en permettant notamment le développement de la dialyse péritonéale,
- assurer la continuité de la prise en charge et l'orientation des patients entre les diverses modalités de traitement, en favorisant leur autonomie.
Afin d'y répondre, un établissement autorisé doit disposer, par principe, des trois modalités que sont l'hémodialyse en centre, l'hémodialyse en unité d'autodialyse ou la dialyse à domicile. J'invite les ARH, qui statuent actuellement sur ces dossiers, à examiner tout particulièrement cet aspect des demandes de création ou de renouvellement d'autorisation.
Bien sûr, des dérogations peuvent être accordées lorsque cette diversité n'est proposée qu'en concluant des conventions avec d'autres structures, comme c'est le cas des hôpitaux publics avec les associations ou les unités d'autodialyse privées.
18 régions sur 26 ont déjà ouvert une fenêtre exceptionnelle de dépôt des demandes de poursuite ou de nouvelle activité de dialyse. Les autres régions ont jusqu'au 31 mars 2006 pour l'ouvrir.
Enfin, je souhaite que les patients traités par suppléance rénale puissent disposer, dans les prochains mois et dans tous les services de néphrologie et de dialyse, d'une charte d'accueil et de qualité spécifique à cette affection. Il n'est pas acceptable que certains patients ne se voient jamais proposés d'être inscrits sur une liste de greffe ou d'être dialysés à domicile.
B/ Le dispositif réglementaire définissant les conditions techniques de fonctionnement a été complété le 25 avril 2005. Un arrêté relatif aux équipements et locaux des établissements autorisés pour le traitement de l'insuffisance rénale chronique garantit la qualité et la sécurité de la prise en charge.
De nombreux patients ont souhaité un assouplissement des dispositions des décrets relatifs à la dialyse saisonnière, afin de permettre aux personnes habituellement traitées en unité de dialyse médicalisée d'être prises en charge de manière temporaire en autodialyse. Je les ai entendus. En accord avec les professionnels, j'ai donc demandé à ce que les décrets soient rapidement révisés.
C/ Enfin, des dispositions financières accompagnent ce dispositif :
- les tarifs de dialyse ont été adaptés afin de favoriser et développer le traitement de l'insuffisance rénale chronique par dialyse péritonéale ;
- l'érythropoiétine recombinante, l'EPO, est désormais facturée en dehors du forfait de dialyse.
Les patients ne seront plus obligés de transporter eux-mêmes ce produit, quand ils se déplacent.
Enfin, j'ai demandé à mes services d'examiner, avec la CNAM, les modalités pratiques de prise en charge des patients dialysés hospitalisés en soins de suite et de réadaptation et en EHPAD. Mon objectif est de faciliter leur accès au traitement le mieux adapté à leur situation, sans qu'il n'y ait de frein de nature financière pour les établissements qui les hébergent.
IV- Mais n'oublions pas que la greffe rénale est le traitement de suppléance qui offre le maximum de qualité de vie et de liberté au patient.
Certes, en 2004, les prélèvements d'organes ont augmenté de 15 % par rapport à 2003. Mais, la situation de pénurie persiste, car les inscriptions en liste d'attente progressent plus vite que le nombre de greffes réalisées. Ceci est difficilement tolérable.
Le Gouvernement a donc décidé d'agir selon trois directions, afin d'accroître le nombre de greffes possibles :
A/ Tout d'abord, en donnant aux établissements les moyens financiers nécessaires pour les prélèvements et les greffes.
La " tarification à l'activité " des hôpitaux et cliniques permet désormais pour la première fois le financement :
des actes et de l'organisation du prélèvement ;
de l'accompagnement des familles, en payant les frais de maintien en réanimation du donneur en état de mort encéphalique ;
et du suivi des patients greffés ; car c'est un élément majeur de survie et de qualité de vie [32 000 patients sont porteurs d'un greffon rénal fonctionnel en France].
Par ailleurs les actes de greffes ont été fortement revalorisés.
Ainsi, bien que les décès par accidents de la circulation aient continué à diminuer, le nombre de greffons disponibles a progressé. Pour obtenir ces résultats, le Gouvernement a créé depuis quatre ans 120 postes de médecins et d'infirmières dédiés à cette activité. La formation de ces personnels est de mieux en mieux assurée. Le nombre d'hôpitaux autorisés au prélèvement a également augmenté, et des réseaux ont été créés entre les établissements de santé pour mieux organiser cette activité.
B/ En deuxième lieu, deux mesures ont pour objectif d'augmenter le nombre de donneurs potentiels :
tout d'abord, nous avons élargi les possibilités des dons décidés de son vivant. La loi de bioéthique et ses décrets d'application autorisent, depuis la fin mai 2005, le don d'organe au-delà d'une parenté directe, pour les parents au deuxième degré et les conjoints, par un comité d'experts indépendants réuni par l'Agence de la Biomédecine.
Ainsi, de janvier à septembre 2005, on a déjà enregistré 143 greffes de rein à partir de donneur vivant, contre 118 en 2004 sur la même période. Je tiens à rendre ici hommage à Richard Berry, qui nous a donné une leçon de vie en nous rappelant que tout un chacun pouvait donner un rein pour sauver la vie d'un parent. Richard m'a raconté la joie qu'il a eu de donner un rein à sa sur Marie, et de se sentir utile.
Il est désormais possible de prélever des organes sur des donneurs dont le cur est arrêté.
C/ Enfin, n'oublions pas que parler du don d'organe, informer, dialoguer avec nos concitoyens sur ce sujet difficile, est un préalable nécessaire à l'acceptation du don.
Ainsi, la dernière campagne nationale d'information de juin a permis de rappeler au public l'importance de transmettre sa position à ses proches. Je souhaite que ces campagnes soient plus fréquentes, afin de sensibiliser les Français sur le don.
Mais malgré la progression des dons, la situation de pénurie persiste. Chaque année, le décalage s'accroît entre le nombre de nouveaux inscrits en liste d'attente et le nombre de greffes réalisées. Trop de patients traités par dialyse se plaignent encore qu'aucun médecin ne leur a parlé de la greffe.
De même, l'activité de prélèvement et de greffe d'organes a connu une progression importante ces dernières années Mais il faut encore aller plus loin.
On dénombrait 8 400 candidats à la greffe rénale en 2004, dont 3 032 nouveaux inscrits. Au cours de cette année, 2 423 greffes de rein ont été réalisées, dont 164 avec un rein prélevé chez un donneur vivant ce qui représente moins de 7 % des greffes rénales. La durée médiane d'attente sur la liste est de 15,3 mois. C'est encore trop long. Certains patients hyperimmunisés peuvent attendre des années.
Même si le taux de prélèvement a augmenté de 27 % en 5 ans, je sais aussi que de nombreux prélèvements d'organes sur personnes décédés ne sont pas effectués, alors que la loi l'autorise et que certains pays, comme l'Espagne, arrivent presque à couvrir les besoins de la transplantation avec leurs seuls prélèvements cadavériques. Pour progresser dans cette voie en France, il faudrait rendre pleinement effectif le régime actuel de consentement présumé des personnes décédées.
La loi ne requiert qu'un témoignage de la famille et non, à proprement parler, une autorisation. Toutefois, lorsque le médecin lui demande si elle sait si le défunt était ou non opposé au prélèvement, la famille ne connaît le plus souvent pas la réponse, et demande alors de ne rien faire. Même s'il en a le droit, dans ces conditions, le médecin ne prélève pas.
Il faut donc impérativement trouver le moyen de rassurer les familles en deuil sur la possibilité qu'avait la personne disparue de s'inscrire sur le registre des refus.
Je souhaite qu'un groupe de travail se réunisse très rapidement pour réfléchir sur cet important problème du don d'organe et me fasse des propositions. Il associera des représentants des associations de patients, des sociétés savantes de néphrologie, de transplantation et de réanimation et les personnels soignants.
Les enquêtes ont montré en 2004 que si 74 % des Français étaient favorables au don de leurs propres organes, seuls 40 % ont fait part de leur position à leurs proches, une proportion que ces campagnes nationales renouvelées cherchent à augmenter.
Dans tous les cas, la trace que cette information a été donnée pourrait être portée, soit dans le dossier médical personnel de la personne, soit sur sa carte vitale personnelle, soit encore sur une pièce d'identité.
Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, compte tenu du vieillissement de la population, l'insuffisance rénale est un défi de santé publique que nous devons relever, tant en matière de prévention, de prise en charge que de greffe.
Je ne pourrai y arriver qu'avec l'aide des associations de patients et des sociétés savantes. Je sais pouvoir compter sur vous dans cette lutte ; vous pourrez compter sur ma détermination et mon engagement.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 12 octobre 2005)