Texte intégral
Pour les victimes d'agressions physiques, d'accidents du travail ou de la circulation, pour celles dont un traumatisme crânien a bouleversé l'existence et celle de leurs proches, pour les familles revenues endeuillées de l'Asie du sud-est, l'année 2004 est marquée par la mort, un handicap, la souffrance, la peur.
Ces situations dramatiques soulignent plus que jamais qu'il nous appartient, juristes, rassemblés ici, de poursuivre et de mener à bien les travaux entrepris dans le droit de l'indemnisation du dommage corporel.
Comme vous le savez, la réforme de l'indemnisation du dommage corporel est l'une des priorités du programme d'action que j'ai présenté en Conseil des ministres au mois de septembre dernier.
Je constate avec plaisir que l'ensemble des points qui vont être évoqués au cours de cette journée sont concernés par la réforme que j'entreprends.
Sans qu'il y ait lieu de faire ici l'inventaire des mesures qu'elle comporte, je peux confirmer à ce jour que je veille à ce qu'une consultation interministérielle approfondie permette de les faire aboutir rapidement.
Je pense en particulier à la réforme de l'action subrogatoire des tiers payeurs.
Actuellement, vous le savez, les règles du recours subrogatoire des organismes sociaux privent parfois la victime d'une partie de l'indemnisation dont elle devrait conserver le bénéfice car ils ne sont pas réparés par une prestation sociale.
En outre l'inopposabilité de la responsabilité de la victime au tiers-payeur reste une incohérence juridique dont les conséquences sont lourdes pour la victime.
C'est pourquoi je souhaite une réforme législative en la matière.
Je puis aujourd'hui vous dire que je suis parvenue à un accord avec le secrétariat d'Etat à l'assurance maladie à ce sujet.
C'est un grand pas.
Nous devons désormais achever les consultations avec les autres départements ministériels concernés afin que cette réforme puisse aboutir au premier semestre 2005.
Je pense également à la nomenclature des chefs de préjudice corporel, que j'ai demandé à un groupe de travail constitué par la Cour de cassation de réaliser.
Composé de professionnels reconnus, qu'ils soient magistrats, experts, ou avocats, il permettra, c'est certain, une définition des chefs de préjudice au plus près de la réalité.
Bon nombre de ces réformes sont inspirées par le rapport du groupe de travail présidé par Madame le Professeur Yvonne Lambert-Faivre dont le rapport, clair et complet, a été remis en 2003.
Le temps de l'élaboration de la norme juridique peut sembler long aux victimes : il est pourtant nécessaire à l'adaptation d'un programme très technique, qui vise à l'harmonisation des critères d'indemnisation, et dont les répercussions sur les comptes sociaux sont loin d'être négligeables.
Harmonisation. C'est l'un des mots d'ordre qui guide mon action en matière d'indemnisation du dommage corporel.
On critique à juste titre l'inégal traitement des victimes qui prévaut encore selon l'origine de leur préjudice et le lieu où elles trouvent.
De même, les professionnels de l'indemnisation, qu'ils soient magistrats ou avocats, se plaignent-ils de ce qu'une même incapacité n'est pas évaluée de la même façon selon les juridictions.
Entendons-nous bien sur ce qui doit rester la part irréductible de la singularité d'une victime.
L'appréciation médicale d'un dommage, la conversion d'une rente en capital ou la prise en compte de l'ensemble des chefs de préjudice ne doivent pas dépendre de la juridiction devant laquelle la demande est portée ni des experts missionnés par le juge, pas plus que le préjudice ne doit être réparé différemment selon l'origine du dommage.
Pour autant, chaque victime demeure unique et sa demande doit être traitée comme telle.
Et puisqu'il vaut mieux dire les choses clairement, l'harmonisation de l'indemnisation du dommage corporel ne devra jamais conduire à mon sens à une barémisation financière en la matière.
Les débats de cet après-midi s'engageront sur la question suivante : réforme de l'indemnisation du dommage corporel : pour ou contre une barémisation.
J'y ajoute une question : quelle barémisation ?
La barémisation de la conversion d'une rente en capital ?
Ces barèmes de capitalisation, utilisés pour convertir en capital une perte de revenus, sont aujourd'hui multiples et reposent en outre sur des paramètres obsolètes qui lèsent les victimes.
On exagère à peine en disant qu'il est autant de barèmes que d'acteurs de l'indemnisation, c'est regrettable.
En matière de capitalisation d'une rente, la cause de l'indemnisation ne devrait pas jouer sur le barème applicable, c'est bien certain.
Pour autant, qui serait à même aujourd'hui de proposer le barème le plus juste, ne souffrant pas de contestation de l'une des parties à l'indemnisation ?
Face à la dizaine de barèmes retenus par les praticiens, lequel procède d'une vérité actuarielle incontestable ?
Je suis en mesure aujourd'hui de vous dire que la réflexion menée sur ce point, qui a amené nos services à recueillir les observations des différentes parties prenantes à l'indemnisation, devrait permettre de mettre en place très prochainement un indicateur fiable et régulièrement actualisé selon des critères objectifs.
La barémisation de l'évaluation médico-légale du dommage ?
C'est une question majeure. En cette matière, il nous faut incontestablement uvrer en vue d'une harmonisation : j'ai ainsi décidé qu'un comité d'experts chargé de la réalisation de ce travail serait mis en place fin avril 2005.
Pour autant, une telle barémisation ne saurait être absolue. Ainsi en va-t-il du traumatisme crânien qui ne saurait être appréhendé de manière univoque.
Le groupe de travail présidé par Madame Vieux a bien montré que les conséquences d'un tel traumatisme sont notamment de nature psychologique et comportementale.
A cet égard, la gravité du traumatisme crânien appelle une prise en compte de la pleine singularité de la victime lors de l'indemnisation, par le juge ou par l'assureur.
Pour que la spécificité des traumatismes crâniens soit mieux connue et mieux intégrée, je souhaite ainsi que la mission d'expertise-type proposée par ce groupe de travail puisse être plus largement diffusée dans les juridictions. Je compte m'y attacher dès à présent.
La barémisation financière des indemnités allouées ?
Sur ce point, ma réponse ne peut être qu'un refus, net et sans concession. Je comprends que les fonds d'indemnisation, établissements publics, aient recours à un barème financier.
Il leur est nécessaire, autant pour respecter une égalité d'indemnisation que pour informer les victimes avant une éventuelle demande.
En revanche, il ne saurait être admis à mon sens que les juges se plient à une grille d'indemnisation.
La raison en est simple : même dans des hypothèses de contentieux de masse, la demande d'une victime est unique et appelle à ce titre une réponse judiciaire qui l'est également.
Pour autant, nous devons nous attacher à réduire les distorsions injustes, les variations importantes, auxquelles sont parfois confrontées les victimes dans l'évaluation financière d'un même préjudice, et harmoniser notre jurisprudence.
C'est pourquoi j'ai voulu qu'une base de données nationale des décisions judiciaires en matière de réparation de préjudices corporels soit réalisée.
Les praticiens, au premier chef les magistrats et les avocats, mais aussi les victimes, disposeront ainsi de références indicatives précises sur les niveaux d'indemnisation pour un même chef de préjudice.
Le support de cette base de données, ses modalités d'accès, la manière dont elle sera enrichie sont autant de questions auxquelles une réponse prochaine sera apportée.
Je m'en réjouis et constate que les bases d'une rénovation en profondeur du droit de l'indemnisation du dommage corporel sont aujourd'hui définies.
Plus encore, la réforme est en marche et la profession d'avocat, par ses réflexions et par les exigences de sa pratique, y a largement contribué. Je lui en sais gré et prêterai une attention toute particulière aux résultats de vos travaux de ce jour.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 1er juin 2005)
Ces situations dramatiques soulignent plus que jamais qu'il nous appartient, juristes, rassemblés ici, de poursuivre et de mener à bien les travaux entrepris dans le droit de l'indemnisation du dommage corporel.
Comme vous le savez, la réforme de l'indemnisation du dommage corporel est l'une des priorités du programme d'action que j'ai présenté en Conseil des ministres au mois de septembre dernier.
Je constate avec plaisir que l'ensemble des points qui vont être évoqués au cours de cette journée sont concernés par la réforme que j'entreprends.
Sans qu'il y ait lieu de faire ici l'inventaire des mesures qu'elle comporte, je peux confirmer à ce jour que je veille à ce qu'une consultation interministérielle approfondie permette de les faire aboutir rapidement.
Je pense en particulier à la réforme de l'action subrogatoire des tiers payeurs.
Actuellement, vous le savez, les règles du recours subrogatoire des organismes sociaux privent parfois la victime d'une partie de l'indemnisation dont elle devrait conserver le bénéfice car ils ne sont pas réparés par une prestation sociale.
En outre l'inopposabilité de la responsabilité de la victime au tiers-payeur reste une incohérence juridique dont les conséquences sont lourdes pour la victime.
C'est pourquoi je souhaite une réforme législative en la matière.
Je puis aujourd'hui vous dire que je suis parvenue à un accord avec le secrétariat d'Etat à l'assurance maladie à ce sujet.
C'est un grand pas.
Nous devons désormais achever les consultations avec les autres départements ministériels concernés afin que cette réforme puisse aboutir au premier semestre 2005.
Je pense également à la nomenclature des chefs de préjudice corporel, que j'ai demandé à un groupe de travail constitué par la Cour de cassation de réaliser.
Composé de professionnels reconnus, qu'ils soient magistrats, experts, ou avocats, il permettra, c'est certain, une définition des chefs de préjudice au plus près de la réalité.
Bon nombre de ces réformes sont inspirées par le rapport du groupe de travail présidé par Madame le Professeur Yvonne Lambert-Faivre dont le rapport, clair et complet, a été remis en 2003.
Le temps de l'élaboration de la norme juridique peut sembler long aux victimes : il est pourtant nécessaire à l'adaptation d'un programme très technique, qui vise à l'harmonisation des critères d'indemnisation, et dont les répercussions sur les comptes sociaux sont loin d'être négligeables.
Harmonisation. C'est l'un des mots d'ordre qui guide mon action en matière d'indemnisation du dommage corporel.
On critique à juste titre l'inégal traitement des victimes qui prévaut encore selon l'origine de leur préjudice et le lieu où elles trouvent.
De même, les professionnels de l'indemnisation, qu'ils soient magistrats ou avocats, se plaignent-ils de ce qu'une même incapacité n'est pas évaluée de la même façon selon les juridictions.
Entendons-nous bien sur ce qui doit rester la part irréductible de la singularité d'une victime.
L'appréciation médicale d'un dommage, la conversion d'une rente en capital ou la prise en compte de l'ensemble des chefs de préjudice ne doivent pas dépendre de la juridiction devant laquelle la demande est portée ni des experts missionnés par le juge, pas plus que le préjudice ne doit être réparé différemment selon l'origine du dommage.
Pour autant, chaque victime demeure unique et sa demande doit être traitée comme telle.
Et puisqu'il vaut mieux dire les choses clairement, l'harmonisation de l'indemnisation du dommage corporel ne devra jamais conduire à mon sens à une barémisation financière en la matière.
Les débats de cet après-midi s'engageront sur la question suivante : réforme de l'indemnisation du dommage corporel : pour ou contre une barémisation.
J'y ajoute une question : quelle barémisation ?
La barémisation de la conversion d'une rente en capital ?
Ces barèmes de capitalisation, utilisés pour convertir en capital une perte de revenus, sont aujourd'hui multiples et reposent en outre sur des paramètres obsolètes qui lèsent les victimes.
On exagère à peine en disant qu'il est autant de barèmes que d'acteurs de l'indemnisation, c'est regrettable.
En matière de capitalisation d'une rente, la cause de l'indemnisation ne devrait pas jouer sur le barème applicable, c'est bien certain.
Pour autant, qui serait à même aujourd'hui de proposer le barème le plus juste, ne souffrant pas de contestation de l'une des parties à l'indemnisation ?
Face à la dizaine de barèmes retenus par les praticiens, lequel procède d'une vérité actuarielle incontestable ?
Je suis en mesure aujourd'hui de vous dire que la réflexion menée sur ce point, qui a amené nos services à recueillir les observations des différentes parties prenantes à l'indemnisation, devrait permettre de mettre en place très prochainement un indicateur fiable et régulièrement actualisé selon des critères objectifs.
La barémisation de l'évaluation médico-légale du dommage ?
C'est une question majeure. En cette matière, il nous faut incontestablement uvrer en vue d'une harmonisation : j'ai ainsi décidé qu'un comité d'experts chargé de la réalisation de ce travail serait mis en place fin avril 2005.
Pour autant, une telle barémisation ne saurait être absolue. Ainsi en va-t-il du traumatisme crânien qui ne saurait être appréhendé de manière univoque.
Le groupe de travail présidé par Madame Vieux a bien montré que les conséquences d'un tel traumatisme sont notamment de nature psychologique et comportementale.
A cet égard, la gravité du traumatisme crânien appelle une prise en compte de la pleine singularité de la victime lors de l'indemnisation, par le juge ou par l'assureur.
Pour que la spécificité des traumatismes crâniens soit mieux connue et mieux intégrée, je souhaite ainsi que la mission d'expertise-type proposée par ce groupe de travail puisse être plus largement diffusée dans les juridictions. Je compte m'y attacher dès à présent.
La barémisation financière des indemnités allouées ?
Sur ce point, ma réponse ne peut être qu'un refus, net et sans concession. Je comprends que les fonds d'indemnisation, établissements publics, aient recours à un barème financier.
Il leur est nécessaire, autant pour respecter une égalité d'indemnisation que pour informer les victimes avant une éventuelle demande.
En revanche, il ne saurait être admis à mon sens que les juges se plient à une grille d'indemnisation.
La raison en est simple : même dans des hypothèses de contentieux de masse, la demande d'une victime est unique et appelle à ce titre une réponse judiciaire qui l'est également.
Pour autant, nous devons nous attacher à réduire les distorsions injustes, les variations importantes, auxquelles sont parfois confrontées les victimes dans l'évaluation financière d'un même préjudice, et harmoniser notre jurisprudence.
C'est pourquoi j'ai voulu qu'une base de données nationale des décisions judiciaires en matière de réparation de préjudices corporels soit réalisée.
Les praticiens, au premier chef les magistrats et les avocats, mais aussi les victimes, disposeront ainsi de références indicatives précises sur les niveaux d'indemnisation pour un même chef de préjudice.
Le support de cette base de données, ses modalités d'accès, la manière dont elle sera enrichie sont autant de questions auxquelles une réponse prochaine sera apportée.
Je m'en réjouis et constate que les bases d'une rénovation en profondeur du droit de l'indemnisation du dommage corporel sont aujourd'hui définies.
Plus encore, la réforme est en marche et la profession d'avocat, par ses réflexions et par les exigences de sa pratique, y a largement contribué. Je lui en sais gré et prêterai une attention toute particulière aux résultats de vos travaux de ce jour.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 1er juin 2005)