Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir rue de Valois.
A l'honneur qui m'était fait le 27 septembre 2004 d'ouvrir vos travaux, succède aujourd'hui l'émotion d'installer le conseil supérieur des archives dans une nouvelle formation et ce pour les trois ans qui viennent. C'est l'occasion pour moi de saluer le travail éminent effectué par le conseil supérieur tout au long de la période 2002-2005 et cet hommage s'adresse, bien sûr, à la plupart d'entre vous, qui avez servi et éclairé mon action, ainsi que celle de mes prédécesseurs, tout au long de cette période. J'ai souhaité que la composition du conseil évolue et je me réjouis d'accueillir plusieurs nouveaux membres parmi vous. Je voudrais saluer tout d'abord Monsieur Marc Sanson, conseiller d'Etat, qui a accepté de bien vouloir occuper le poste de vice président du Conseil supérieur des archives, aux côtés de Monsieur René Remond, renouvelé dans ses fonctions. Plusieurs personnalités qualifiées font aujourd'hui leur entrée au sein de ce conseil.
Je souhaite la bienvenue à Monsieur Marc Ferro, à Monsieur Michel Sementry, à Monsieur Hubert Tison, à Madame Claire Berche, à Madame Hélène Say et à Madame Agnès Vatican.
Vous savez combien les missions de ce ministère de la culture et de la communication, couvrent un large spectre.
Mais, il s'il en est une, cardinale à mes yeux, qui donne sens à toutes les autres, ce sont les archives.
Les Archives nationales, dans leur implantation prestigieuse du Marais, forment la partie visible d'un ensemble beaucoup plus vaste, implanté en région parisienne, en région et jusqu'au réseau des archives départementales, qui irrigue l'ensemble de notre territoire.
Les Archives nationales de France conservent aujourd'hui de la plus précieuse charte, monument national en deux dimensions, à la plus infime paperole, insignifiante aujourd'hui mais essentielle demain. L'Histoire de l'Etat, comme celle de nos concitoyens, s'y lit, à livre ouvert, retraçant les faits, les noms, les dates. Mais cette mémoire soigneusement conservée depuis des générations ne serait qu'un amas muet et inutile sans les milliers d'agents, d'hommes et de femmes, qui en ont la garde et la perpétuent. Le personnel des archives est tout entier tourné au service du public.
Professionnels ou amateurs, français ou étrangers, érudits ou simples curieux, historiens ou généalogistes, chercheurs ou simples citoyens en quête de leurs racines, de leur passé individuel, familial voire national, tous et toutes trouvent aux archives ce qu'ils cherchent : une meilleure connaissance de leur objet d'études, et aussi, sans doute, la découverte d'une part d'euxmêmes.
Les archives sont le matériau de l'Histoire, mais elles sont aussi le reflet des parcours individuels, des existences humaines ; le passé " des gens de peu ", pour reprendre le titre d'un livre de Pierre Sansot, dernièrement disparu, y est tracé, comme celui des monarques. Conserver ces témoignages est une mission sacrée. Les archives sont un bien commun qui ne souffre aucune confiscation, aucune appropriation, aucun détournement. La mémoire est un tout et nos sociétés ouvertes, démocratiques, plurielles, sont en mesure de l'assumer et de tout faire pour la connaître. Pour la construire aussi, tant il est vrai que la mémoire, individuelle comme collective, est faite d'un sédimentation, qui retient, non seulement ce qu'on a décidé de garder délibérément en souvenir, mais aussi tout le reste, qui peut surgir à tout moment.
C'est ce rapport ouvert au temps, au futur, autant qu'au passé, qui me paraît particulièrement fascinant, dans la haute mission dévolue aux Archives.
L'accomplissement de cette mission, a pu connaître des aléas et des vicissitudes. Le passé recèle bien des épisodes où l'ouragan de l'histoire, d'émeutes en guerres civiles, d'occupation étrangère en bombardements, a menacé cet ensemble sans jamais l'atteindre. L'inscription des archives au coeur de l'Histoire, dans la longue durée, est la preuve de leur incroyable permanence. La mission archive est aujourd'hui, et plus que jamais, fermement résolue dans ses buts et dans ses moyens. Et rarement, dans un passé récent, les moyens matériels et humains consacrés à cette mission n'ont été aussi conséquents. Car aujourd'hui, nous devons donner ou redonner le goût de l'archive.
De l'association " Une Cité pour les Archives " à la décision du Président de la République du mois de mars 2004, les énergies se sont catalysées pour donner une nouvelle impulsion. J'en suis actuellement le dépositaire. Les Archives nationales constituent une mission phare du ministère de la culture.
Aussi, certains propos me fâchent, car ils blessent toutes celles et tous ceux qui oeuvrent à cette entreprise scientifique et politique. La " mort annoncée " des archives, agitée ça et là, n'est, peut-être bien, en définitive, qu'une manière d'assouvir le fantasme de leur disparition. Qu'il s'agisse de solder les crimes du passé dont les archives ont - et c'est bien là leur rôle - recueilli les preuves, ou de prophétiser le dépérissement de l'Etat, c'est bien l'idéologie et la fausse conscience qui gouvernent ce discours paradoxal. Ceux qui aiment les archives, servent et se servent de la mémoire de l'Etat, de la nation. En écrivant l'Histoire, ils construisent " notre vivre ensemble ". Ils savent que ce " bien de salut " ne souffre pas de disparition, même fantasmée, pas plus qu'il n'y eut de fin de l'histoire. C'est pourquoi un grand mouvement est désormais engagé en faveur des archives.
Et les faits sont là.
La construction du nouveau centre des archives est lancée. D'une capacité de 320 kilomètres linéaires, il est destiné à collecter, conserver et communiquer les archives des administrations centrales de l'Etat depuis 1790 et pour les trente ans à venir. 119 Millions d'euros sont aujourd'hui investis pour mener à bien cette construction. C'est là un projet immobilier majeur pour le ministère de la culture et de la communication. Je suis fier que l'architecte italien Massimiliano Fuksas construise aujourd'hui ce nouveau bâtiment. C'est l'un des projets architecturaux majeurs en Europe à cette heure. Ce projet structure l'action de mon département ministériel pour les cinq ans à venir, jusqu'à l'ouverture programmée en 2010.
La localisation du nouveau centre à Pierrefitte-sur-Seine est à la fois un choix de continuité et de rupture. Sur ce territoire se mêlent en effet l'Histoire nationale, avec la basilique de Saint-Denis toute proche, et une mémoire des lieux fortement marquée par l'esprit d'entreprise, le travail et ses " luttes ". Loin de cantonner les archives à la seule évocation du passé, fût-il glorieux ou émouvant, ce choix projette les archives dans un espace en mouvement, au sein d'une population jeune, active, plurielle. C'est un choix d'avenir, car le nouveau centre des archives, ne sera pas une forteresse enfermant notre précieuse mémoire, mais le miroir ouvert dans lequel la France de demain se reconnaîtra. C'est aussi un choix pragmatique, proche des lieux d'enseignement et de recherche, bien desservi par les transports publics.
En plus d'avoir lancé dans des délais record cette construction, j'ai engagé les chantiers indispensables pour faire de ce bâtiment un outil performant et moderne, un lieu de vie et de travail pour le personnel et les usagers, mais aussi un espace de conservation et de pérennité pour les collections.
Pourtant mon ambition actuelle pour les archives dépasse un peu ce gigantesque chantier. En effet, il ne paraît pas concevable d'ajouter une pièce, aussi indispensable et imposante soit-elle, au dispositif actuel, sans prendre la mesure de ce que peuvent être les archives pour la société d'aujourd'hui. Les archives sont le matériau de la recherche contemporaine, l'une des conditions essentielles de sa production, mais j'ai la conviction qu'elles sont aussi une valeur, un vecteur d'identité, un facteur de cohésion sociale pour l'ensemble de nos concitoyens. A ce titre, ce projet porte en lui plusieurs dynamiques.
La première concerne la modernisation des structures administratives qui doit à mon sens accompagner celle des outils. Le 24 mars 2005, j'ai confié une mission d'étude sur " L'organisation administrative des Archives nationales ", à Bernard Stirn, conseiller d'État et aux historiens Pierre Miquel, Patrice Gueniffey, ainsi qu'à Patrick de Carolis, avant qu'il accède à la présidence de France-Télévisions.
La mission doit me rendre ses conclusions d'ici la fin du mois d'octobre 2005 ; elles viendront éclairer mes choix quant à la nature, quant aux modalités et à la portée des réformes à engager.
La deuxième dynamique porte sur la fonction scientifique et culturelle du nouveau centre. Un comité scientifique, composé de représentants des usagers (universitaires, chercheurs, généalogistes) et de partenaires institutionnels et professionnels, travaille depuis le 24 septembre 2004 auprès de vous, Madame la directrice des archives de France. Il a pour objet d'exprimer les attentes des publics des archives durant toute la phase d'élaboration du projet et ce jusqu'à sa mise en oeuvre. C'est le laboratoire de ce que tous les dépôts d'archives du pays sont en puissance : un vecteur de l'éducation culturelle et civique.
La troisième dynamique concerne la nécessaire évolution technologique de la fonction archive. L'archivage électronique prend une place prépondérante, à la mesure de la révolution numérique qui est à l'oeuvre dans le domaine de la production de l'information par les services de l'État.
Mon ambition ne se projette pas uniquement vers l'avenir et j'ai souhaité renforcer les efforts actuellement engagés pour assurer la poursuite de l'exercice de leurs missions par les Archives nationales, et en particulier la collecte, jusqu'à l'ouverture du nouveau centre : il s'agit de la création d'une capacité de stockage supplémentaire de 24 km linéaires à Fontainebleau pour assurer les accroissements jusqu'en 2010. Parallèlement, les travaux nécessaires au bon fonctionnement des centres existants se poursuivent. La réouverture du CARAN, salle principale de lecture du centre des archives nationales de Paris, ne devrait souffrir d'aucun retard et être effective fin 2005.
Voilà tout ce qui est entrepris aujourd'hui pour donner ou redonner le goût de l'archive, c'est à dire le goût de notre histoire, de notre destin.
Avant de passer à l'examen du premier point de l'ordre du jour, je tiens à vous adresser un grand merci pour la tâche que vous avez déjà accomplie et tous mes encouragements les efforts à venir.
Vous pouvez compter sur moi.
Je vous remercie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 28 septembre 2005)