Déclarations de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, sur les négociations de l'OMC, la sécurité alimentaire et la stratégie de la FNSEA face à la crise de la gestion concertée de la politique agricole, Strasbourg les 21 et 23 mars 2000.

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Circonstance : 54 ème congrès de la FNSEA à Strasbourg du 21 au 23 mars 2000

Texte intégral

Discours du 21 mars 2000
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
En ouvrant ce 54ème Congrès de la FNSEA, je vous souhaite à tous la bienvenue, et un excellent travail au cours de ces deux jours de réflexion et de débat sur nos orientations, qui s'ouvrent ce matin.
Je voudrais tout d'abord féliciter, en votre nom, la Fédération Départementale du Bas-Rhin, et tout particulièrement son président, Jean-Paul Bastian.
Jean-Paul, toi et toute ton équipe avez préparé ce Congrès en véritables alsaciens, c'est-à-dire avec tout votre cur, tout en y mettant de la méthode. Tous ceux ici qui ont déjà eu en charge l'organisation de notre Congrès national mesurent tout à fait l'ampleur de la tâche.
Merci pour ce que l'équipe départementale a accompli avant le Congrès de la FNSEA, tout au long de ces derniers mois. Et merci aussi pour l'organisation que vous continuerez à assurer, au cours de ces deux journées.
Souhaitons que ce 54ème congrès marque à la fois une progression dans l'orientation et l'organisation de notre syndicat, et une étape marquante dans le développement de la FDSEA du Bas-Rhin que tu présides brillamment depuis 1993.
Avec votre appui, notre Congrès, j'en suis convaincu, bénéficie des conditions les plus favorables, et je ne doute pas que nos objectifs seront pleinement atteints.
Bravo donc à Jean-Paul et à toute l'équipe syndicale du Bas-Rhin !
A travers une courte vidéo., nous venons de découvrir une agriculture départementale extrêmement diversifiée. Ses quatre régions que sont le Plateau Lorrain, les Vosges, la plaine de Basse Alsace et le Vignoble, couvrent presque tout le registre des grandes cultures et des productions spécialisées. On pourrait presque en dire autant des activités animales. Et bien sûr, les activités d'agri-tourisme et d'accueil y sont très développées.
Je note également que la coopération est ici très présente et dynamique, tant en aval qu'en amont des exploitations. C'est important, je crois, parce qu'il ne peut y avoir d'agriculture prospère sans organisation économique collective puissante. A condition toutefois que les coopératives demeurent pleinement au service des agriculteurs.
J'observe enfin que, dans le Bas-Rhin, la population active agricole compte encore plus de 10 000 emplois.
Capitale de l'union Européenne, Strasbourg, où nous sommes réunis pendant ces deux jours, est le lieu symbole de notre 54ème Congrès. Ville siège du parlement, pont entre l'Ouest et l'Est, bref le cadre idéal pour vivre la dimension européenne et internationale de notre secteur !
* * *
Avant d'en venir à la problématique et au programme de notre Congrès, je voudrais faire devant vous quelques réflexions sur la vie de notre syndicat et sur l'évolution du contexte de notre secteur, consécutives à notre débat à huis-clos d'hier.
1 - Au printemps dernier, suite aux Accords de Berlin sur Agenda 2000, la Politique Agricole Commune a donc été réformée. A nouveau, devrais-je dire, 7 ans après la réforme de 1992. Evidemment, pour les agriculteurs, elle n'a pas représenté le même choc qu'alors. Elle en fut en quelque sorte l'approfondissement.
Compte-tenu des premières propositions de la Commission, disons qu'à l'issue des accords de Berlin, nous avons limité la casse. Grâce à notre mobilisation collective, celle de la FNSEA, du CNJA et de nos Associations spécialisées.
Mais ce qui nous inquiète, c'est sa logique fondamentale, instituée en 1992 et accentuée en 1999, pour la plupart des Organisations Communes de Marché. Car vouloir sans cesse baisser les prix de marché de nos produits et les restitutions - sans d'ailleurs jamais obtenir des compensations complètes des baisses de revenu qui en résultent - est un mécanisme profondément démobilisateur pour notre profession.
Rendre les revenus d'un grand nombre d'agriculteurs de plus en plus dépendants d'aides publiques directes dévalorise leur métier : à leurs propres yeux autant qu'à ceux de leurs concitoyens. Cela est d'autant plus inquiétant que le nombre de jeunes qui s'installent chute de façon très inquiétante.
Oui, la tendance qui se confirme d'une réforme à l'autre nous paraît perverse.
Car il y a d'un côté des marchés agricoles et alimentaires plus ouverts, qui impliquent de favoriser l'initiative des personnes, la souplesse de l'organisation et le renforcement des démarches interprofessionnelles.
Et d'un autre côté, les marges de manuvre des agriculteurs diminuent. Par filière, les mécanismes sont devenus tellement complexes, opaques même, que cela favorise des approches économiques cloisonnées et rigides.
Le montant et la répartition de ces subventions sont jetés en pâture dans l'opinion par des responsables publics, comme pour nous diviser et justifier une administration toujours plus poussée de notre profession.
Simultanément, de beaux esprits accusent les 4 % d'actifs de l'Union européenne - les agriculteurs en l'occurrence - de continuer à consommer indûment 50 % de son budget (0,5 % de son PIB), entretenant ainsi à bon compte un protectionnisme dépassé et des injustices insupportables. Et ceux-là même qui entendent progressivement rogner sur ces subventions sont bien entendu prêts à les affecter à d'autres politiques ou à d'autres secteurs.
Autre exemple de cette logique absurde : nous subissons un véritable déferlement de contraintes administratives et fiscales autour de l'environnement. TGAP, projets de taxes sur l'eau et sur l'énergie, pressions pour l'épandage des boues urbaines, critiques de l'application du PMPOA, et j'en passe. Tout cela, au moment où on ne nous parle plus que de réduction d'impôts et de "cagnotte" ! L'environnement à cette sauce là, nous disons : non merci !
Nous avons nettement l'impression que les pouvoirs publics ont choisi la voie répressive, cela au moment même où le diagnostic du Président sortant de l'INRA, M. Paillotin, conclut que la moitié des agriculteurs utilisent déjà des techniques raisonnées. Alors, les contraintes administratives et les charges en plus, trop, c'est trop ! La coupe est pleine !
Je le répète : nous devons rechercher une politique agricole durable, qui permette aux agriculteurs de vivre dignement, à partir de la vente de leurs produits et de leurs services.
Bien entendu, il ne s'agit pas d'ignorer les marchés, en Europe ou vers des pays tiers : il seront de plus en plus ouverts.
Nous savons qu'il faut vendre à prix compétitifs des produits basiques à forte concurrence. Et bien sûr, les prix s'effondrent à chaque fois que l'on refuse toute maîtrise de l'offre.
Nous savons aussi qu'il faut créer et récupérer de la valeur ajoutée, avec des marchés plus segmentés et mieux organisées.
Et nous savons enfin qu'il sera pendant longtemps nécessaire de faire compenser par des aides le coût de la fonction non marchande assurée par notre secteur.
C'est donc sur tout un ensemble de leviers qu'il faudra agir, pour préserver l'avenir de tous les agriculteurs. Mais pour cela, il faut sortir du cycle pervers de la baisse des prix accompagné de compensations partielles et partiales. Au lieu de nous culpabiliser et de nous taxer, il faut d'abord simplifier, simplifier et encore simplifier !
2 - Six mois après les Accords de Berlin, notre année syndicale a aussi été marquée par les débuts de la négociation de l'Organisation Mondiale du Commerce, à Seattle. Nous en reparlerons tout à l'heure, dans le cadre du débat sur nos orientations internationales.
Mais je voudrais dire tout de suite que, pour nous, la dimension internationale de l'agriculture est une réalité, qu'il s'agit d'organiser et de contrôler, à l'opposé des condamnations, des incantations et des fantasmes, qui jouent sur la diabolisation du marché et sur la promotion de la peur.
La croissance de l'ensemble des marchés mondiaux doit être régulée, donc discutée et négociée à l'OMC. Et comme les autres citoyens, les agriculteurs doivent y participer pour peser sur la négociation. Ils ne doivent pas laisser les Etats et les multinationales industrielles et commerciales le faire à leur place. Il s'agit donc ici de nous préparer à des discussions qui reprendront, pour rendre cohérentes notre stratégie et pour peser sur les orientations publiques et privées de l'agriculture et de l'alimentation.
Nous avons une réelle carte en main si, avec tous nos collègues européens, nous renforçons nos arguments sur la multifonctionnalité, sur le modèle agricole européen et sur nos signes de qualité. Autrement dit, si notre vision du rôle des agriculteurs dans le société et des marchés est cohérente, si elle est comprise des agriculteurs et de nos concitoyens, et enfin si nous en débattons avec nos collègues agriculteurs, partout dans le monde.
3- Cette année syndicale a aussi été marquée par la montée de l'enjeu de la sécurité alimentaire, qui ne concerne pas que l'agriculture, loin s'en faut. La crise de la dioxine, intervenue au printemps dernier dans l'aviculture belge, a renforcé chez les consommateurs des inquiétudes apparues au moment de la crise de la vache folle, qui a connu, en 1999, les soubresauts européens que l'on sait. Et il y a eu aussi les affaires de listéria dans les fromages et la charcuterie, à répétition.
Sur certains points, nous pouvons comprendre les inquiétudes des consommateurs. Mais nous sommes révoltés devant certaines affirmations démagogiques, généralisantes, qui voudraient faire porter le chapeau à la plupart d'entre nous et des industriels de l'agro-alimentaire. Pas question d'être des boucs émissaires !
Alors, passer son temps à dénoncer la "mal-bouffe" est proprement irresponsable, quand la durée de vie s'allonge sans arrêt, quand les normes sanitaires de l'alimentation sont de plus en plus strictes, quand les produits typés de nos territoires se vendent de mieux en mieux sur les étalages alimentaires.
Nos concurrents américains doivent bien rire parfois ! Et, c'est le comble, il va falloir investir très sérieusement pour redorer l'image de la France à l'extérieur !
C'est pour cela que la FNSEA a décidé cette année de lancer dans tous nos départements, et au niveau national, les "Etats généraux de l'alimentation et de la sécurité alimentaire". Car l'enjeu est de taille : assurons les conditions du bien-être alimentaire, avec tous les partenaires de la filière alimentaire - producteurs, artisans transformateurs, industriels, distributeurs et consommateurs -.
Désormais, nous avons la possibilité d'aller vers ce que nous cherchons depuis notre Congrès d'Epinal sur la valeur ajoutée, en 1995 : nous occuper plus directement, plus fortement et durablement, de la valorisation de nos produits, en partenariat avec les acteurs agro-alimentaires, y compris bien sûr avec les consommateurs.
4 - Dernier point et non des moindres dont beaucoup ont débattu hier : la crise de la gestion concertée de la politique agricole. Elle existait depuis 40 ans en agriculture, entre l'Etat et le syndicalisme
Ce problème est directement posé avec le Ministre de l'agriculture, qui combat quasi - systématiquement contre le syndicalisme majoritaire.
M. le Ministre devrait réfléchir à deux fois avant de vouloir supprimer une forme d'engagement fondamental des professionnels, auquel nous sommes attachés et qui a tant fait ses preuves dans notre secteur.
Quand on voit les difficultés actuelles des deux Ministères "Mammouth", à dégraisser, tout simplement parce qu'ils ont négligé les syndicats !
* * *
5 - Face à cela, quel est l'enjeu de notre 54ème Congrès ?
C'est de définir une stratégie syndicale cohérente sur les points essentiels dont je viens de parler:
la promotion des agriculteurs dans leur rôle économique et social ;
nos positions concernant la PAC et le modèle européen d'agriculture, qu'il s'agit de défendre à l'OMC.
leur participation active au bien-être alimentaire, avec en retour la part de valeur ajoutée qui leur revient ;
Si nous y parvenons, tout en assumant nos responsabilités partout localement, nous pourrons envisager les élections professionnelles de l'an prochain avec confiance.
Nous devons donc travailler à redéfinir des orientations professionnelles agricoles qui répondent aux aspirations de la société, compte-tenu des changements agricoles et alimentaires de l'Europe et du monde.
Le rapport d'orientation dont nous allons débattre s'intitule :
" Les agriculteurs au tournant du siècle :
inventer notre avenir,
relever ensemble les défis internationaux ".
Je crois qu'il énonce assez clairement nos préoccupations présentes : nous sommes engagés dans un ensemble d'évolutions profondes et rapides de nos façons de produire et des normes qualitatives de nos produits, de nos modes d'organisation du travail et de nos aspirations de mode de vie.
Tout cela nécessite de redéfinir à la fois notre stratégie internationale et notre rôle économique et social :
- Nous partirons du rôle des agriculteurs dans la société, de leur identité professionnelle et de leur mode d'organisation collective. C'est ce à quoi s'est attachée la première partie de notre rapport d'orientation, en essayant d'en tirer les conséquences pour notre responsabilité et notre rôle de syndicalistes.
C'est ce sur quoi nous sommes engagés en interne depuis plus de six mois. Nous poursuivons notre réflexion et nous la concrétiserons bientôt.
- Nous avons aussi cherché à préciser le regard que nous portons sur notre environnement international et sur les orientations de l'agriculture européenne à promouvoir.
Bien entendu, depuis 1999, le cadre de la politique agricole, défini pour le court terme, restera assez stable. Mais à moyen terme, de nombreuses incertitudes existent en matière de commerce bien sûr, mais aussi de devenir des OCM, sur le budget agricole, sur les politiques rurale et structurelle. Et à long terme, les interrogations sont grandes avec l'élargissement de l'Europe et l'évolution des relations avec le sud de la Méditerranée.
* * *
Venons-en maintenant au programme du Congrès que j'ouvre ce matin :
Tout de suite, nous commencerons par la présentation des deux parties de notre rapport d'orientation :
La première partie, qui s'intitule "Inventer notre avenir", sera présentée par Dominique Chardon, secrétaire général de la FNSEA ;
La seconde, intitulée "Relever ensemble les défis internationaux", sera présentée par Jean-Paul Bastian, Vice-Président de la FNSEA.
Nous en débattrons cet après-midi et le Congrès se prononcera par un vote.
Auparavant, ce matin, les commissions et les groupes de travail se réuniront, chacun de leur côté. Après l'intervention des sections sociales, trois tables-rondes seront organisées avec les associations spécialisées (productions animales et végétales et productions spéciales). Pour finir cette première journée bien chargée, les présidents des groupes réunis interviendront, avant le président du CNJA.
La matinée de demain matin comprendra deux temps forts. D'abord, nous commencerons par une table-ronde avec des responsables agricoles de différentes régions du monde (Japon, Etats-Unis, Allemagne, Pologne, Guinée), réunis autour de Jean-Paul Bastian. Ensuite, nous accueillerons le ministre de l'agriculture.
Non pas, comme c'était la coutume, avec deux discours de clôture du Congrès, le mien et le sien, mais selon une démarche nouvelle à travers un échange avec des représentants de nos différentes régions syndicales qui l'interrogeront précisément sur nos domaines de préoccupations actuelles. Et il y en a !
Enfin, en clôture de notre Congrès, nous avons organisé une séance avec l'intervention de grands témoins sur l'Europe (dans l'ordre de leur passage, MM. Kulakowski, Rocard, Kessler, Bayrou, Mme Notat).
M. Franz Fischler interviendra en dernier, juste avant ma conclusion.
* * *
Comme vous le voyez, à l'occasion de ce 54ème Congrès, nous avons entamé la modernisation de nos méthodes de débat et d'expression. Je le disais, notre grande maison est en mouvement, dans son organisation interne comme dans son action externe. Et il faut que cette rénovation aille en s'approfondissant. C'est je crois un souhait largement partagé par les délégués du Congrès, qui ressortait de notre débat du huis-clos d'hier.
Oui, c'est cela aujourd'hui la FNSEA :
30 000 syndicats locaux,
95 fédérations départementales,
40 Associations spécialisées.
Sans pour autant céder à l'autosatisfaction ou, à l'inverse, à une sorte de masochisme, allons donc de l'avant dans la modernisation du syndicalisme d'orientation et de co-responsabilité que nous avons su incarner depuis plus d'un demi-siècle !
Je renvoie tous ceux qui douteraient des capacités de la FNSEA et de son président d'aller dans ce sens, aux positions prises dans nos Congrès passés : sur la valeur ajoutée, sur la réorientation de la politique européenne, sur la préparation de la dernière loi d'orientation. Des positions plurielles, d'ailleurs, aboutissant souvent après des débats serrés à des orientations collectives. Des choix que la FNSEA va continuer, je l'espère, d'acter.
Alors, si les pouvoirs publics prenaient le parti de l'oublier et de négliger le partenariat que nous appelons cogestion, gageons qu'ils se casseraient rapidement les dents devant l'Unité et la Solidarité dont nous sommes porteurs et que l'histoire les jugerait très sévèrement !
Car la FNSEA; c'est une formidable entreprise militante, dans laquelle des femmes et des hommes dialoguent en permanence, s'affrontent parfois, et finissent toujours par s'arbitrer.
C'est aussi un corps intermédiaire soucieux de la demande sociale, indispensable à l'équilibre d'une société et à une démocratie moderne.
Nous sommes les représentants d'une agriculture et d'une ruralité françaises dont le dynamisme et la diversité font l'admiration des étrangers qui apprécient nos produits et nos paysages.
Soyons donc fiers et enthousiastes de poursuivre l'action de nos prédécesseurs :
pour la promotion d'une agriculture soucieuse d'équilibre entre les produits, les territoires et les hommes ;
pour assumer pleinement notre mission de gestionnaires du vivant, de territoires viables et vivables ;
pour défendre une conception de la société dans laquelle la ressource humaine soit placée au centre.
* * *
Je vous invite donc tous à travailler sérieusement, sans autosatisfaction ni autoflagellation, pendant ces deux jours sur l'orientation de notre métier et des outils économique et politiques nécessaires.
Bonne participation à tous, bonne réflexion et au travail !
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discours du 23 mars 2000
Monsieur le Ministre de l'Agriculture,
Mesdames, messieurs, chers amis
Permettez-moi, Monsieur le ministre, de saluer votre participation à notre Congrès de Strasbourg, pour engager le débat avec les agriculteurs de la FNSEA.
Lors des deux premières journées de notre Congrès, nous avons tracé des perspectives pour aborder le tournant du siècle.
Face aux bouleversements techniques et économiques, et aux nouvelles demandes de la société, face au nouveau contexte qui se dessine en Europe et dans le monde, nous avons redéfini le positionnement de notre secteur.
Nous avons dégagé des voies d'avenir, tant pour notre identité professionnelle d'agriculteurs, que pour notre place dans la société et le rôle de l'agriculture dans la construction de l'Europe et face aux échanges internationaux.
Nos six résolutions votées en Congrès, à partir des travaux présentés par Dominique Chardon et Jean-Paul Bastian, retracent l'essentiel de nos positions.
Et nous avons décidé de lancer les Etats Généraux de l'alimentation et de la sécurité alimentaire. Un débat à la base, monsieur le ministre. C'est nous qui organisons le travail sur le terrain, le Premier ministre l'a reconnu vendredi dernier, cette première phase est la nôtre, alors pas d'interférence, la phase du Gouvernement viendra après.
Nous avons engagé cette réflexion avec franchise, sans tabou ni faux-semblants.
C'est avec ce même souci de franchise que nous vous accueillons aujourd'hui.
Et, Monsieur le ministre, disons le tout net : l'année dernière, vous nous aviez fait un discours, sans répondre à nos questions.
Eh bien cette année, nous vous demandons des réponses, sans faire de discours !
Surtout qu'à notre Congrès de Versailles en 1999 vous étiez venu profil bas faire amende honorable par anticipation, sur les baisses de prix ou l'affaiblissement des OCM, que vous n'aviez pu empêcher à Bruxelles au niveau des ministres de l'agriculture, sur la viande bovine, les céréales, le lait.
Heureusement que nous restions vigilants et mobilisés et que les chefs d'Etat et de Gouvernement, eux, ont redressé la situation à Berlin !
Alors, le nouveau mode de débat de cette année sera l'occasion de sortir d'un échange un peu trop convenu au fil des Congrès, qui consistait à clore nos travaux par un face à face rituel entre le Ministre de l'agriculture et le Président de la FNSEA.
Comment ne pas penser que ce jeu est un peu dépassé, quand nos interlocuteurs européens, comme le Commissaire Fischler, prennent de plus en plus d'importance pour notre secteur ?
Même en France, nos interlocuteurs sont de plus en plus divers, qu'il s'agisse des différents ministères ou de nos multiples partenaires économiques et commerciaux.
Mais il y a Monsieur le ministre, un vrai malentendu dans nos relations. Nous sommes passés de la cogestion, à la concertation puis à la consultation. Et demain, à la Con- quoi ?
Alors, comme le dialogue est un peu grippé, nous avons voulu des échanges plus interactifs entre vous et nous. Et ce sont les Présidents de nos Régions syndicales, ou leur représentant, qui vous poseront des questions sur votre action passée et à venir.
Ils reflètent la diversité de notre agriculture, de ses productions, de ses territoires et chacun d'eux participe à cette "France plurielle" sur le plan agricole.
Vous en aurez un aperçu direct aujourd'hui et peut-être conviendrez-vous que cette diversité est une richesse qui mérite mieux que des condamnations sommaires de tel ou tel mode de production.
Ne cherchez pas à transformer cette diversité en division : vous seriez rapidement mis en touche par notre pack agricole !
Quoiqu'il en soit, merci, Monsieur le Ministre, d'avoir accepté ce format de débat : cela montre une certaine ouverture d'esprit. Nous ne pouvons que souhaiter que vous gardiez la même attitude durant cette matinée, pour mieux entendre les agriculteurs et répondre à leurs interrogations.
Bien sûr, nous ne pourrons en une heure aller au fond de tous les sujets qui nous préoccupent.
C'est l'occasion pour moi de souhaiter que cet échange se prolonge et débouche sur un dialogue plus constructif pour demain. Nous en aurons encore plus besoin lorsque la France assumera la Présidence de l'Union Européenne au second semestre de cette année.
Alors que l'Agenda 2000 entre en application, que l'Europe prépare son élargissement et la réforme de ses institutions et que les négociations agricoles reprennent à l'OMC.
Nous en avons besoin, vous, comme nous et tous les agriculteurs du pays, devant les incompréhensions et les inquiétudes qui sont apparues.
Si on additionne la chute du revenu, les attaques contre l'agriculture, la sur-administration, les agriculteurs aujourd'hui en ont ras le bol. Et ils attendent d'être mieux défendus par leur ministre.
Or, vous avez dénoncé la cogestion en nous comparant aux corporations de Vichy.
Or, vous avez sous-entendu dans "La France agricole" que les agriculteurs ne payent pas d'impôt.
Or, sur le faux cas de vache folle, vous avez défendu vos services vétérinaires et pas l'agriculteur injustement mis en cause.
Mais comment voulez-vous que nous améliorions notre image dans la société, si nous avons un ministre qui sur l'environnement, sur les aides, sur les charges, laisse se renforcer tous les stéréotypes contre nous!
Alors, arrêtez le jeu politicien, les agriculteurs méritent beaucoup mieux ! Moi ce qui m'importe comme Président de la FNSEA, c'est la défense des agriculteurs. La défense de leurs revenus, de leur dignité, de leur responsabilité, de leur place dans la société.
Je pourrais continuer la liste des malentendus à dissiperPMPOA, rapport ANDA, TGAPMais nos régions y reviendront et je vous inviterai, Monsieur le ministre, à leur réserver vos réponses sur tous les points que je viens d'évoquer et sur d'autres.
* * *
Sur la question qui m'est impartie : le revenu et la conjoncture, l'année 1999 a en effet été bien sombre. Elle s'est terminée par le chiffre de -
10 pour le revenu de la ferme France. Presque toutes les productions ont été touchées par cette baisse. Dans le même temps, la France a connu 3,5% de croissance, la plus forte reprise de la décennie !
Face à cette situation, monsieur le ministre, vous qui aimez le rugby, vous me permettrez de vous dire clairement de "revenir aux fondamentaux du jeu".
Comment expliquez-vous Monsieur le ministre, que l'agriculture soit le seul secteur exclu de la croissance? Est-ce un passage obligé pour devenir "le ministre de l'année", puisqu'un jury de journalistes vous a décerné ce prix de bonne conduite ?
Pendant que les autres secteurs engrangent les profits, que la grande distribution ou même les entreprises agroalimentaires se développent, la ferme France s'appauvrit. Les agriculteurs aussi et les jeunes doutent.
Au-delà d'une perte de richesse, notre inquiétude porte aussi sur la pérennité des aides et notre dignité économique face aux soutiens. Les jeunes, pour s'installer en agriculture, ont besoin de confiance et de perspectives économiques.
Mais Monsieur le ministre, aujourd'hui, les agriculteurs ont mal à leur revenu, mal à leur image, mal à leur considération.
Nous avions pourtant tiré la sonnette d'alarme très tôt dans l'année, en réclamant une conférence agricole dès le lendemain des accords de Berlin. Nous avions dit qu'il fallait alléger les charges pour redonner des marges de manuvres à nos exploitations. Nous attendons toujours.
Certaines productions ont été particulièrement frappées et les réponses sont restées insuffisantes pour sortir durablement de la crise. Vous les connaissez comme nous : l'aviculture, le porc, les ovins, les fruits et légumes notamment.
Et nous avons aussi porté le débat dans ce pays sur la grande distribution et ses pratiques de terrorisme économique.
Sur tous ces points, il nous faut maintenant des résultats !
Alors, Monsieur le Ministre, avant de vous passer la parole et de vous laisser engager le débat avec les Régions, voilà ma question :
Comment analysez-vous la baisse du revenu en 1999 et que voulez-vous engager pour le redresser en 2000 ? Ne restez pas "Monsieur - 10% !
(source http://www.fnsea.fr, le 24 mars 2000)