Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur la prévention et le traitement du Sida, Paris le 13 janvier 2000.

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Circonstance : Installation de l'instance nationale d'évaluation sur la prévention et le traitement du Sida à Paris le 13 janvier 2000

Texte intégral

Monsieur le Commissaire,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Depuis 1981, l'épidémie due au VIH a mobilisé des moyens sans précédents dans l'histoire de la santé publique en France.
Mobilisation des personnes concernées qui ont construit les modes de réponse préventifs qui étaient à leur portée, avant même que cette pathologie ne soit prise en compte par le corps médical.
Mobilisation des pouvoirs publics qui ont rapidement développé une politique extrêmement vigoureuse mettant en jeu des moyens exceptionnels.
Le seul ministère des affaires sociales a affecté à plein temps jusqu'à 90 agents sur ce dossier. En 1995, la création de la délégation interministérielle à la lutte contre le sida a permis l'implication de nombreuses autres administrations.
Cette mobilisation, cette histoire, ont eu sur notre système de santé des conséquences dont on ne mesure pas encore toute l'importance :
modifications des relations entre usagers et professionnels, entre usagers et pouvoirs publics,
prise en charge des personnes malades dans un cadre multiprofessionnel et multidisciplinaire,
travail en réseau avec ouverture des hôpitaux vers la ville,
constructions de nouvelles solidarités, de nouveaux modes de prise en charge.
La lutte contre les exclusions, l'amélioration de l'accès aux soins - je pense à la CMU -, demain la loi sur les droits des malades se sont en grande partie inspirée de cette mobilisation.
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Arrive le moment où cette politique doit être évaluée :
quels résultats,
quel impact social,
quelles répercussions sur l'engagement de l'Etat dans les programmes de santé publique.
Ce qui est soumis à l'évaluation aujourd'hui, c'est la politique menée depuis 1995.
Une politique fondée sur une stratégie et un programme caractérisé par son adaptabilité,
Une politique interministérielle engagée pour 5 ans et qui approche maintenant de son terme.
Ce programme interministériel a su mettre en place une démarche fondée sur la solidarité, la non discrimination les droits et le respect des personnes malades. Il a su associer au dispositif général de prévention et de prise en charge, des dispositions plus spécifiques, adaptables aux cas par cas et à l'environnement.
J'aimerais rappeler ses objectifs initiaux :
réduire le nombre de nouvelles contaminations en aidant à identifier les risques et à s'en prémunir,
définir et mettre en uvre les conditions d'une véritable éducation à la santé, un apprentissage au dialogue et à la responsabilisation, une éducation à la sexualité, à la responsabilité
apporter aux personnes séropositives ou malades les soins les plus efficaces, assurer leur accompagnement social, médical et affectif et renforcer le sens de la solidarité,
favoriser le développement de la recherche et en utiliser sans retard les résultats,
Présenté le 13 février 1995, ce programme portait sur cinq ans. Il faut maintenant établir le bilan de sa réalisation, identifier et analyser les effets propres, l'efficacité et l'efficience des actions, la pertinence de l'organisation choisie pour sa mise en uvre.
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Mais le contexte actuel de l'épidémie a évolué. Il faut aussi en tenir compte et l'intégrer dans la réflexion collective.
Je ne parlerai pas ici des inégalités au niveau mondial qui ne sont plus tolérables. L'épidémie est hors de contrôle en Afrique subsaharienne mais aussi en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, aux Caraïbes, et maintenant en Europe centrale et orientale.
La situation dans notre pays - et nous devons le répéter pour en être bien conscients - n'est que stabilisée, les acquis de la prévention semblent piétiner :
échappements thérapeutiques,
situation d'extrême précarité de certains malades exclus,
contamination hétérosexuelle qui atteint de plus en plus de femmes.
Le nombre de personnes porteuses du virus, du fait de l'allongement de leur durée de vie, augmente (120 000 personnes), alors que des inquiétudes existent quant à un relâchement du comportement préventif de certaines d'entre elles.
La vie des personnes atteintes se transforme, des besoins nouveaux apparaissent.
Les représentations de la maladie évoluent : moindre perception du risque de contamination et plus grande indifférence, en particulier vis à vis des personnes atteintes.
Je vous demande de prendre en compte dans votre démarche l'ensemble de ces constats.
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Le projet est ambitieux. Les questions sont nombreuses. Elles appellent des réponses élaborées, objectivées.
Les objectifs ont-ils été atteints, quelles actions sont à considérer comme efficaces ? Pourquoi ? Quels sont les échecs, comment les évaluer ? comment y remédier ? Comment les éviter ?
Dans ce nouveau contexte et, compte tenu de votre bilan, quels dispositifs, quels modes d'intervention, quels outils de suivi doivent évoluer et comment ? Doit-on en construire d'autres ?
Dans quel domaine, pour quelle population, la spécificité des actions a-t-elle été un facteur de réussite ou un frein ?
Quelle part doivent prendre à l'avenir les actions spécifiques et le développement de politiques plus globales ?
J'ai conscience de la difficulté de la tâche que vous avez acceptée.
Le programme de lutte contre le VIH est complexe. Il a mobilisé une multitude d'acteurs, dans tous les champs.
Les textes législatifs et réglementaires, les recommandations et directives, sont abondants.
Les travaux de recherches, études, rapports, bilans ne manquent pas, contrairement à d'autres sujet . Cette abondance même peut être source de difficulté.
Je voudrais, pour terminer, souligner l'importance que j'attache à votre présence ici aujourd'hui :
Elle témoigne de notre volonté d'évaluer en toute transparence l'action des pouvoirs publics.
Elle confirme votre engagement à participer à la modernisation de notre système de santé.
Je vous en remercie.
Soyez assuré que je serai très attentive aux conclusions de vos travaux.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2000).