Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, à "Radio classique" le 16 septembre 2005, sur le déficit budgétaire , la participation des entreprises pétrolières au développement des énergies renouvelables, la réforme fiscale, la maîtrise des dépenses publiques.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Q- G. Bonos : Vous avez un agenda très chargé, entre le pétrole à faire baisser, les barèmes d'imposition à modifier, et un budget qui est dans sa dernière ligne droite, on peut dire que vous ne chômez pas.
R- Je confirme que l'on ne s'ennuie pas !
Q- G. Bonos : A propos de budget, La Tribune annonce aujourd'hui que vous tablez sur un budget à 2,25 %. Le confirmez-vous, et n'est-ce pas un peu trop optimiste par rapport aux autres instituts ?
R- Le principe, c'est que, durant toutes les périodes qui précèdent l'annonce des grandes lignes du budget pour l'année d'après, les journaux, vos confrères, sont toujours très accrocs sur tous les bouts de fuites possibles, les scoops, et donc cela donne effectivement de quoi écrire des articles. Mais l'honnêteté m'oblige à vous dire que, pour l'instant, rien de tout cela n'est tranché. Il y a une fourchette que j'ai déterminée avec T. Breton, qui est à ce stade entre 2 et 2,5 %. Et il va de soi que les choses seront précisées lorsque nous présenterons le budget, le 28 septembre prochain.
Q- E. Chavelet : Le FMI vient de réviser sa prévision pour la zone euro à 1,8 %, cela date ce matin, je crois, pour 2006. Cela ne remet il pas en cause déjà votre prévision de 2 à 2,25 ?
R- Le principe des prévisions est que, par définition, elles fluctuent en fonction des derniers éléments dont on dispose. Je crois que c'est tout cela que nous regardons attentivement et, en conscience, nous proposerons une hypothèse de croissance sur laquelle se bâtira le budget 2006. Nous prenons en compte tous les éléments d'analyse, de prévision, et puis sur cette base-là, nous prendrons notre décision.
Q- G. Bonos : On en vient à l'autre événement du jour, c'est la réunion que T. Breton va tenir avec les représentants des grandes compagnies ou les patrons des grandes compagnies pétrolières. Que va-t-il se passer ? Essayer de "convaincre plutôt que de contraindre", comme disait un certain Mao Tsé Toung, ou au contraire, cela va être la pression maximum ?
R- Je crois que chacun comprend bien les enjeux. On connaît la situation. Vous savez que dans ce contexte de très forte augmentation des prix du pétrole, il est vrai que les sociétés pétrolières réalisent des bénéfices extrêmement importants. Donc, compte tenu de ce contexte, il est assez logique que T. Breton, à la demande du président de la République et du Premier ministre, les reçoive pour étudier avec eux ce que pourraient être des propositions concrètes pour contribuer au développement des énergies renouvelables - c'est un premier élément -, aux économies d'énergie, et puis aussi, à l'atténuation des conséquences sur l'économie française de cette hausse vertigineuse des prix du pétrole. C'est sur la base de tout cela que nous allons travailler ensemble et donc, c'est l'objet de la réunion d'aujourd'hui.
Q- E. Chavelet : On reparle d'une possible "taxe exceptionnelle". Or, à l'Ecofin, il y a environ quinze jours, les ministres des Finances se sont engagés à ne pas bouger les taxes à la hausse ou à la baisse. Seule, paraît-il, la Pologne, fait le contraire de ce que demande l'Ecofin. La France peut-elle aussi aller contre ce qu'elle a elle-même décidé à l'Ecofin ?
R- A ce stade, comme je viens de vous le dire, la réunion va avoir lieu cet après-midi et je pense qu'il vaut mieux que l'on en reparle après qu'avant. Parce que, derrière tout cela, il y a une logique de discussion. Je crois que les données sont bien connues des entreprises pétrolières, elles savent que sur ces sujets, il y a lieu de contribuer à l'effort, parce que c'est vrai que la situation l'exige, et donc, ce sera à l'ordre du jour de la réunion d'aujourd'hui, et puis, bien sûr on aura l'occasion d'en reparler ensemble après.
Q- G. Bonos : Une toute petite question là-dessus : vous n'arrivez pas avec quelque chose de précis à leur dire ? Est-ce vraiment une conversation ouverte, où tout peut encore peut encore se décider dans tous les sens ?
R- C'est une conversation ouverte, mais enfin, en même temps, l'ordre du jour est connu et bien compris. Premièrement, il s'agit de contribuer au développement des énergies renouvelables, tout ce qui concerne le programme des voitures propres, c'est un élément très important. Sans oublier le développement des biocarburants, qui est un sujet sur lequel à titre personnel je suis très engagé, parce que je vois bien dans la circonscription est la mienne, en Seine-et-Marne, combien cet élément est absolument majeur pour la préservation de notre indépendance énergétique et le développement de notre économie. C'est aussi bien sûr la contribution aux économies d'énergies, et puis enfin, à l'atténuation des conséquences sur l'économie de la hausse du pétrole. Donc, l'ordre du jour est quand même sur une base qui est claire. Maintenant il faut laisser les uns et les autres s'exprimer et puis on en reparlera.
Q- E. Chavelet : Autre grand sujet, c'est la baisse des impôts. Petite question d'abord. Le 8 juin dernier, déclaration de politique générale, solennelle, le Premier ministre dit : "Je déclare, je décrète la pause dans la baisse des impôts". Trois mois plus tard, grand programme de baisse des impôts. Que s'est-il passé entre temps ?
R- Non, mais il faut bien préciser les choses. Le Premier ministre a dit qu'il avait décidé de consacrer la totalité des marges de manuvre pour le budget 2006 à l'emploi. Et c'est cela qui expliquait la pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu. Je me permets de vous rappeler que dans la mobilisation de notre marge de manuvre dans le budget 2006, il y a une partie importante, en l'occurrence de l'ordre d'un peu plus de 2 milliards, qui est consacrée à la baisse des charges. Parce que, justement, l'objectif c'est, là aussi, en faveur de l'emploi d'alléger le coût du travail. Mais en revanche, cela concerne le budget 2006. Et c'est la raison pour laquelle il m'a demandé de préparer une réforme fiscale, dont vous avez vu qu'elle est effectivement ambitieuse, pour application aux revenus de 2006 mais payables en 2007. C'est justement cela qui explique la cohérence de l'un par rapport à l'autre. Donc, 2006 c'est l'emploi, et 2007, on pourra reprendre le mouvement de baisse des impôts. Vous avez vu qu'il s'accompagnait en même temps d'une réforme en profondeur de notre système fiscal, avec là-dessus, des objectifs qui sont clairs : de justice d'abord, de simplification, et enfin d'attractivité de la France.
Q- E. Chavelet : L'une des réactions que suscite cette réforme, la plus virulente, c'est son financement. Vous dites que l'aviez soigneusement préparée, mais l'on ne sait pas un mot encore sur le financement de ce programme. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Il va quand coûter 4,5 milliards d'euros, c'est quand même pas une petite somme.
R- Je crois que, là-dessus, enfin j'ai bien entendu d'où venait cette critique, elle vient pour partie des responsables de gauche...
Q- E. Chavelet : Non, non. M. Arthuis en parle...
R- M. Arthuis en parle, mais c'est tout à fait normal, il est président de la commission des Finances. Mais à la limite, il est tout à fait dans son rôle pour le faire. Mais ce qui m'a beaucoup surpris, c'est que la gauche le faisait aussi et dans des termes extrêmement polémiques, comme si elle avait par exemple oublié qu'elle avait elle-même fait quelques baisses d'impôts du temps de M. Fabius - et je ne choisis pas ce nom par hasard -, en continuant de faire exploser la dépense publique qui avait à son époque augmenté de 2,5 % par an.
Q- E. Chavelet : Mais donc, que faites-vous pour ne pas faire pareil ?
R- D'abord, je voudrais dire que la première règle, c'est qu'il n'est pas question de financer ces baisses d'impôts avec du déficit supplémentaire. Ces baisses d'impôts seront naturellement correspondantes à une partie des marges de manuvre budgétaires que l'on dégagera pour l'année 2007...
Q- G. Bonos : Quelles marges de manuvre ?
R- Je vais vous donner un exemple : si l'on continue à maîtriser la dépense publique en volume, comme nous le faisons d'ailleurs depuis trois ans - c'est tout à fait inédit puisque cela n'a jamais été le cas sous le gouvernement Jospin - si nous le faisons, à conditions économiques à peu près constantes, nous pouvons dégager l'équivalent de 4,5 milliards à 5 milliards de marges de manuvre, comme cela a été d'ailleurs le cas cette année. Cette année, nous le consacrons intégralement à l'emploi. Donc, nous avons une marge de manuvre à l'intérieur de laquelle on peut consacrer une partie de cette marge de manuvre au financement de la baisse des impôts...
Q- E. Chavelet : Mais pratiquement, l'auditeur et nous-mêmes, nous ne comprenons pas comment on peut, comme cela, par miracle, dégager 4,5 milliards. Avec une augmentation des dépenses zéro, normalement, cela ne baisse pas...
R- Je crois savoir que vos auditeurs - c'est un peu la marque de fabrique de Radio Classique -, connaissent bien l'économie, et vous aussi. Donc vous suivez l'économie depuis longtemps, et vous savez que quand on est à zéro en volume, c'est-à-dire que l'on est exactement à l'inflation, de manière automatique, cela signifie une marge de manuvre, avec 1,8 % d'inflation, de l'ordre de 4,5 à 5 milliards d'euros. C'est bien de cette marge-là dont je parle. C'est à volume constant
Q- E. Chavelet : C'est donc d'ores et déjà financé ?
R- Cela veut dire, en clair, que nous disposons de la marge de manuvre. Mais bien entendu, par ailleurs, nous allons dégager de nouveaux gains de productivité, parce que nous lançons une nouvelle constitution budgétaire, avec la fameuse LOLF, à compter du 1er janvier. A. Lambert et D. Migaud vont me remettre d'ailleurs, ainsi qu'au Premier ministre, leur rapport sur ce sujet, puisqu'ils étaient parlementaires en mission auprès de moi, aujourd'hui même. Cela être évidemment, de ce point de vue, une formidable opportunité pour moderniser les finances de l'Etat. Vous savez que je suis en charge de la réforme de l'Etat. Nous avons programmé des gains importants, en termes d'amélioration de la gestion publique, qui pourront se traduire par une plus grande maîtrise de la dépense. Tout cela viendra donc aussi y contribuer.
Q- G. Bonos : TVA et CSG : on y touche, on n'y touche pas, on monte l'un, on descend l'autre ?
R- Non, non...
Q- E. Chavelet : Est-ce un engagement ?
R- Absolument. Il n'a jamais été convenu, par quiconque, qu'il y aurait une augmentation de ces contributions-là. Je l'ai d'ailleurs redit à plusieurs reprises. Il n'en est pas question.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 septembre 2005)