Texte intégral
Q- La confusion politique qui règne, d'une certaine manière à Berlin, après ces élections indécises, est-elle pour vous inquiétante, vous, qui êtes ministre des Affaires européennes, et pour le couple franco-allemand, et pour la construction européenne ?
R- Non, ces élections ne sont pas inquiétantes. D'abord, cela prouve une chose, c'est que les sondages ne sont pas l'élection, et que l'élection c'est le jour du vote. C'est une évidence mais on l'oublie parfois un peu trop. Les élections, c'est l'essence de la démocratie et si une chose est certaine, c'est que la relation franco-allemande ne sera pas affectée par ce qui se passe à Berlin. Il y aura un gouvernement allemand. Aujourd'hui, il est impossible de dire lequel parce que les choses sont très ouvertes. Mais la relation franco-allemande est particulière, spécifique, elle continuera.
Q- Si vous essayez d'interpréter ces résultats, y voyez-vous, puisque
chacun va chercher probablement une leçon pro dom, mais d'abord une radicalisation avec la poussée de Links Partei d'O. Lafontaine de l'électorat allemand ?
R- Il y a une baisse du score de chacun des deux grands partis. Mais cela, c'est un phénomène que l'on observe dans beaucoup de démocraties occidentales, que l'on observe en France. Et heureusement, l'Allemagne est à cet égard nettement plus dans un mouvement majoritaire. En réalité, et quelles que soient les incertitudes de ce scrutin, la majorité des Allemands a voté pour des réformes. Parce que je rappelle qu'aussi bien le SPD de G. Schröder, qui a fait d'énormes réformes, que la CDU, qui proposait un programme de réformes un peu plus radical, engageaient le pays dans cette direction. Ils ont été suivis par la majorité des électeurs.
Q- Vous parlez des réformes mais précisément, la manière dont A. Merkel a présenté ces réformes, de "rupture libérale", n'a-t-elle pas fait peur aux électeurs ? Et certains, je voyais J.-M. Ayrault ce matin, qui dit : "c'est exactement comme N. Sarkozy : on veut annoncer "une rupture" et on fait peur aux électeurs".
R- C'est la question. Cela dit, le propre de la démocratie c'est de voter pour soi et pas chez son voisin. Donc, je préfèrerais parler des élections allemandes au lendemain d'élections en Allemagne. En effet, dans le programme de la CDU, des réformes radicales étaient proposées, peut-être certains éléments du programme de la CDU-CSU ont-ils inquiétés les électeurs, du moins le score est relativement en retrait par rapport à ce qui était attendu. Du côté du Chancelier, on sait aussi que les derniers jours de la campagne ont été particulièrement réussis. En campagne, il est assez exceptionnel, donc le résultat est plus équilibré que les commentateurs ne l'attendaient.
Q- Toujours au niveau de l'interprétation, tirez-vous de ces résultats, la leçon que les démocraties européennes veulent être finalement plutôt gouvernées au centre, un réformisme et un réformisme modéré ?
R- C'est intéressant. Il faudra réfléchir aux leçons du scrutin, mais en ne s'éloignant pas trop du cadre allemand. Chaque pays a ses caractéristiques propres, les composantes politiques en Allemagne ne sont pas celles qui peuvent exister en France ou en Grande-Bretagne, ou ailleurs. Mais en effet, il faudra réfléchir à la façon dont un pays doit mener la nécessaire réforme pour faire face aux défis du monde d'aujourd'hui. Nos sociétés sont peu ou prou confrontées aux même défis, mais surtout de la façon dont ces réformes sont comprises et acceptées. Elles sont souvent difficiles, parfois courageuses. Le Chancelier Schröder a fait des réformes courageuses. Néanmoins, il faut s'assurer que l'électorat comprend et suit.
Q- Vous disiez tout à l'heure que le couple franco-allemand va continuer à fonctionner. Le couple franco-allemand, c'est évidemment deux pays, mais c'est aussi des hommes ou des femmes. On ne sait pas qui sera le Chancelier demain, G. Schröder ou A. Merkel. Du point de vue français, ayant côtoyé G. Schröder, ayant beaucoup travaillé avec lui, n'est-il préférable que G. Schröder demeure le Chancelier ? Pour le bon fonctionnement de ce moteur franco-allemand ?
R- Le moteur franco-allemand fonctionnera et continuera à fonctionner. Regardons le passé, l'histoire est le témoin de notre histoire. Il monte que, quel que soit le référendum, la relation franco-allemande est spécifique et est un moteur en effet au service de l'Europe. Ne me demandez pas une préférence, c'est aux Allemands, c'est au peuple allemand d'exprimer sa préférence. Aujourd'hui, les choses sont indécises, la France travaillera avec le nouveau gouvernement allemand, quel qu'il soit. Laissons les Allemands se déterminer eux-mêmes.
Q- J'entends bien, les Allemands vont se déterminer eux-mêmes, mais le partenaire français sait, par exemple, qu'A. Merkel souhaite un rééquilibrage des relations au niveau européen qui soit moins exclusives avec la France. Elle souhaite, par exemple, une renationalisation partielle de la PAC. Autant de problèmes, autant de sujets avec lesquels vous êtes en désaccord ?
R- Sur la PAC, ce n'est pas tout à fait exact. Dans le programme de la CDU, la PAC n'est pas mentionnée. Et donc certains de ses conseillers ont pu, ou dans certains discours, évoquer ce que vous évoquez, ce n'est pas dans le programme de gouvernement. Reste une question beaucoup plus fondamentale : quelle sera la composition de ce gouvernement, et quelles sont ses orientations en fonction des alliances qu'il sera peut-être nécessaire de faire ? Il est prématuré de se lancer aujourd'hui dans des spéculations.
Q- Vous n'êtes pas inquiète, dites-vous, sur le fonctionnement du couple franco-allemand. Etes-vous inquiète pour l'économie française, qui a pour partenaire l'économie allemande, notamment ? L'économie allemande qui risque d'être, en partie, hypothéquée par cette difficulté de gouvernement ?
R- On sait bien que nos pays ont deux économies étroitement liées. La France est le premier partenaire économique et commercial de l'Allemagne, et réciproquement. Et donc le rythme de la croissance en Allemagne et le rythme de la croissance en France sont en partie liés. Quel que soit le Gouvernement qui sortira des urnes, j'observe une chose importante : c'est que les deux principales forces politiques proposent un programme de réformes indispensables pour l'Allemagne, indispensables pour la transformation de son modèle, et nécessaires pour amener un peu plus de croissance. Dans un cas comme dans l'autre, sauf si nous étions dans une instabilité politique que je ne vois pas du tout venir, c'est plutôt une marche en avant qui peut être intéressante.
Q- Il y a un sujet qui va venir immédiatement à l'ordre du jour, c'est celui de la Turquie et du démarrage des négociations d'adhésion le 3 octobre. On sait qu'A. Merkel prône un "partenariat privilégié" plutôt qu'une "adhésion". Néanmoins, pour le moment, quelle est la position exacte de la France ? Oui ou non, souhaitez-vous qu'il y ait une reconnaissance de la République de Chypre avant le démarrage des négociations ?
R- Les choses ont été clairement dites par tous les Européens, pas seulement la France. L'Union européenne a pris des engagements à l'égard de la Turquie, qui, elle-même, doit remplir un certain nombre de conditions pour que les négociations s'ouvrent. Si ces conditions sont réunies, reste une difficulté sur une déclaration unilatérale faite par la Turquie. Ce qui a été décidé c'est qu'en effet, les négociations s'ouvriront le 3 octobre prochain, qu'elles seront d'ailleurs longues, et qu'il n'est pas possible au moment où elles s'engageront de dire par quoi elles se termineront. Cela dit, la Turquie a fait une déclaration unilatérale sur Chypre qui était à la fois inutile et maladroite. Nous lui demandons des éclaircissements avant que cette phase-là puisse se conclure et qu'une nouvelle phase soit ouverte à partir du 3 octobre.
Q- Peut-on imaginer que la République de Chypre, qui n'est membre de l'Union européenne (sic)...
R- ...A part entière.
Q- ...et qui n'est pas très contente de l'attitude de la Turquie, puisse faire obstacle au démarrage des négociations ?
R- Aujourd'hui, la question reste ouverte de savoir comment les Européens répondent à la déclaration qui a été faite par la Turquie. Il faut répondre à 25 et dans des termes très clairs pour que la Turquie comprenne que les 25 sont 25, y compris Chypre.
Q- Dernière question : l'UMP va tenir sa convention sur l'Europe. Vous, comme ministre des Affaires européennes, qu'attendez-vous d'une convention de ce type ?
R- D'abord j'y serai. J'en attends beaucoup. Le débat est nécessaire dans notre pays, et tout particulièrement le débat sur l'Europe. On a vu, à la faveur de la campagne référendaire, que l'Europe intéressait, contrairement à ce que l'on dit souvent. Je souhaite que l'Europe reste présente dans le débat politique intérieur, c'est une question intérieure aujourd'hui. Parlons d'Europe, débattons, réfléchissons. L'Europe n'a rien à craindre d'un vrai débat.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 septembre 2005)
R- Non, ces élections ne sont pas inquiétantes. D'abord, cela prouve une chose, c'est que les sondages ne sont pas l'élection, et que l'élection c'est le jour du vote. C'est une évidence mais on l'oublie parfois un peu trop. Les élections, c'est l'essence de la démocratie et si une chose est certaine, c'est que la relation franco-allemande ne sera pas affectée par ce qui se passe à Berlin. Il y aura un gouvernement allemand. Aujourd'hui, il est impossible de dire lequel parce que les choses sont très ouvertes. Mais la relation franco-allemande est particulière, spécifique, elle continuera.
Q- Si vous essayez d'interpréter ces résultats, y voyez-vous, puisque
chacun va chercher probablement une leçon pro dom, mais d'abord une radicalisation avec la poussée de Links Partei d'O. Lafontaine de l'électorat allemand ?
R- Il y a une baisse du score de chacun des deux grands partis. Mais cela, c'est un phénomène que l'on observe dans beaucoup de démocraties occidentales, que l'on observe en France. Et heureusement, l'Allemagne est à cet égard nettement plus dans un mouvement majoritaire. En réalité, et quelles que soient les incertitudes de ce scrutin, la majorité des Allemands a voté pour des réformes. Parce que je rappelle qu'aussi bien le SPD de G. Schröder, qui a fait d'énormes réformes, que la CDU, qui proposait un programme de réformes un peu plus radical, engageaient le pays dans cette direction. Ils ont été suivis par la majorité des électeurs.
Q- Vous parlez des réformes mais précisément, la manière dont A. Merkel a présenté ces réformes, de "rupture libérale", n'a-t-elle pas fait peur aux électeurs ? Et certains, je voyais J.-M. Ayrault ce matin, qui dit : "c'est exactement comme N. Sarkozy : on veut annoncer "une rupture" et on fait peur aux électeurs".
R- C'est la question. Cela dit, le propre de la démocratie c'est de voter pour soi et pas chez son voisin. Donc, je préfèrerais parler des élections allemandes au lendemain d'élections en Allemagne. En effet, dans le programme de la CDU, des réformes radicales étaient proposées, peut-être certains éléments du programme de la CDU-CSU ont-ils inquiétés les électeurs, du moins le score est relativement en retrait par rapport à ce qui était attendu. Du côté du Chancelier, on sait aussi que les derniers jours de la campagne ont été particulièrement réussis. En campagne, il est assez exceptionnel, donc le résultat est plus équilibré que les commentateurs ne l'attendaient.
Q- Toujours au niveau de l'interprétation, tirez-vous de ces résultats, la leçon que les démocraties européennes veulent être finalement plutôt gouvernées au centre, un réformisme et un réformisme modéré ?
R- C'est intéressant. Il faudra réfléchir aux leçons du scrutin, mais en ne s'éloignant pas trop du cadre allemand. Chaque pays a ses caractéristiques propres, les composantes politiques en Allemagne ne sont pas celles qui peuvent exister en France ou en Grande-Bretagne, ou ailleurs. Mais en effet, il faudra réfléchir à la façon dont un pays doit mener la nécessaire réforme pour faire face aux défis du monde d'aujourd'hui. Nos sociétés sont peu ou prou confrontées aux même défis, mais surtout de la façon dont ces réformes sont comprises et acceptées. Elles sont souvent difficiles, parfois courageuses. Le Chancelier Schröder a fait des réformes courageuses. Néanmoins, il faut s'assurer que l'électorat comprend et suit.
Q- Vous disiez tout à l'heure que le couple franco-allemand va continuer à fonctionner. Le couple franco-allemand, c'est évidemment deux pays, mais c'est aussi des hommes ou des femmes. On ne sait pas qui sera le Chancelier demain, G. Schröder ou A. Merkel. Du point de vue français, ayant côtoyé G. Schröder, ayant beaucoup travaillé avec lui, n'est-il préférable que G. Schröder demeure le Chancelier ? Pour le bon fonctionnement de ce moteur franco-allemand ?
R- Le moteur franco-allemand fonctionnera et continuera à fonctionner. Regardons le passé, l'histoire est le témoin de notre histoire. Il monte que, quel que soit le référendum, la relation franco-allemande est spécifique et est un moteur en effet au service de l'Europe. Ne me demandez pas une préférence, c'est aux Allemands, c'est au peuple allemand d'exprimer sa préférence. Aujourd'hui, les choses sont indécises, la France travaillera avec le nouveau gouvernement allemand, quel qu'il soit. Laissons les Allemands se déterminer eux-mêmes.
Q- J'entends bien, les Allemands vont se déterminer eux-mêmes, mais le partenaire français sait, par exemple, qu'A. Merkel souhaite un rééquilibrage des relations au niveau européen qui soit moins exclusives avec la France. Elle souhaite, par exemple, une renationalisation partielle de la PAC. Autant de problèmes, autant de sujets avec lesquels vous êtes en désaccord ?
R- Sur la PAC, ce n'est pas tout à fait exact. Dans le programme de la CDU, la PAC n'est pas mentionnée. Et donc certains de ses conseillers ont pu, ou dans certains discours, évoquer ce que vous évoquez, ce n'est pas dans le programme de gouvernement. Reste une question beaucoup plus fondamentale : quelle sera la composition de ce gouvernement, et quelles sont ses orientations en fonction des alliances qu'il sera peut-être nécessaire de faire ? Il est prématuré de se lancer aujourd'hui dans des spéculations.
Q- Vous n'êtes pas inquiète, dites-vous, sur le fonctionnement du couple franco-allemand. Etes-vous inquiète pour l'économie française, qui a pour partenaire l'économie allemande, notamment ? L'économie allemande qui risque d'être, en partie, hypothéquée par cette difficulté de gouvernement ?
R- On sait bien que nos pays ont deux économies étroitement liées. La France est le premier partenaire économique et commercial de l'Allemagne, et réciproquement. Et donc le rythme de la croissance en Allemagne et le rythme de la croissance en France sont en partie liés. Quel que soit le Gouvernement qui sortira des urnes, j'observe une chose importante : c'est que les deux principales forces politiques proposent un programme de réformes indispensables pour l'Allemagne, indispensables pour la transformation de son modèle, et nécessaires pour amener un peu plus de croissance. Dans un cas comme dans l'autre, sauf si nous étions dans une instabilité politique que je ne vois pas du tout venir, c'est plutôt une marche en avant qui peut être intéressante.
Q- Il y a un sujet qui va venir immédiatement à l'ordre du jour, c'est celui de la Turquie et du démarrage des négociations d'adhésion le 3 octobre. On sait qu'A. Merkel prône un "partenariat privilégié" plutôt qu'une "adhésion". Néanmoins, pour le moment, quelle est la position exacte de la France ? Oui ou non, souhaitez-vous qu'il y ait une reconnaissance de la République de Chypre avant le démarrage des négociations ?
R- Les choses ont été clairement dites par tous les Européens, pas seulement la France. L'Union européenne a pris des engagements à l'égard de la Turquie, qui, elle-même, doit remplir un certain nombre de conditions pour que les négociations s'ouvrent. Si ces conditions sont réunies, reste une difficulté sur une déclaration unilatérale faite par la Turquie. Ce qui a été décidé c'est qu'en effet, les négociations s'ouvriront le 3 octobre prochain, qu'elles seront d'ailleurs longues, et qu'il n'est pas possible au moment où elles s'engageront de dire par quoi elles se termineront. Cela dit, la Turquie a fait une déclaration unilatérale sur Chypre qui était à la fois inutile et maladroite. Nous lui demandons des éclaircissements avant que cette phase-là puisse se conclure et qu'une nouvelle phase soit ouverte à partir du 3 octobre.
Q- Peut-on imaginer que la République de Chypre, qui n'est membre de l'Union européenne (sic)...
R- ...A part entière.
Q- ...et qui n'est pas très contente de l'attitude de la Turquie, puisse faire obstacle au démarrage des négociations ?
R- Aujourd'hui, la question reste ouverte de savoir comment les Européens répondent à la déclaration qui a été faite par la Turquie. Il faut répondre à 25 et dans des termes très clairs pour que la Turquie comprenne que les 25 sont 25, y compris Chypre.
Q- Dernière question : l'UMP va tenir sa convention sur l'Europe. Vous, comme ministre des Affaires européennes, qu'attendez-vous d'une convention de ce type ?
R- D'abord j'y serai. J'en attends beaucoup. Le débat est nécessaire dans notre pays, et tout particulièrement le débat sur l'Europe. On a vu, à la faveur de la campagne référendaire, que l'Europe intéressait, contrairement à ce que l'on dit souvent. Je souhaite que l'Europe reste présente dans le débat politique intérieur, c'est une question intérieure aujourd'hui. Parlons d'Europe, débattons, réfléchissons. L'Europe n'a rien à craindre d'un vrai débat.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 septembre 2005)