Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur l'adaptation de l'ONU aux changements du monde, à l'occasion de son 60e anniversaire, à New York le 15 septembre 2005.

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Circonstance : Sommet de la 60ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, New York du 14 au 16 septembre 2005. Réunion plénière de haut niveau le 15

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Assemblée générale,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général, cher Kofi ANNAN,
Mesdames et Messieurs,
Les Nations Unies portent le meilleur de nous-mêmes : l'aspiration à la paix, à la justice, à la liberté des hommes et des peuples. Malgré nos divisions et nos doutes, il est temps de l'adapter aux changements du monde pour renforcer sa légitimité et lui donner toute son efficacité politique.
Soixante ans après, la tâche reste immense.
Pour la première fois depuis le Sommet du Millénaire et Monterrey, nous partageons une même ambition pour le développement. Alors relevons le défi. Soyons fidèles à nos engagements, en particulier en Afrique. C'est le sens du geste de la France, qui par la voix du Président de la République, Jacques CHIRAC, a proposé avec des pays amis de nouveaux mécanismes de financement.
Tirons aussi les leçons de l'expérience : de l'Iraq, du Proche-Orient, de la Côte d'Ivoire, de l'Afghanistan, d'Haïti, de toutes les crises régionales qui déstabilisent le monde. Là où les divisions ont conduit à l'échec, il faut inventer ensemble de nouvelles voies. Là où l'unité nous a permis de remporter de premiers succès, il faut persévérer. De nouveaux principes sont nécessaires, comme la responsabilité de protéger. Mais aussi de nouveaux outils, comme la Commission de consolidation de la paix.
Nos peuples nous demandent d'abord la sécurité. Pour le combattre le terrorisme, nous avons besoin d'une organisation qui rassemble toutes les volontés et toutes les énergies. La France a une conviction : la coopération opérationnelle doit s'intensifier, mais le respect du droit et l'exemplarité de la démocratie sont nos meilleures armes. Pour lutter contre la prolifération, restons unis et mettons en place des mécanismes de vérification renforcés. Nos peuples nous demandent le respect. La meilleure garantie, ce sont les droits de l'homme, au cur de notre ambition commune. Et pourtant ils continuent d'être menacés sur tous les continents, par la violence, par l'indifférence : nous avons besoin d'un nouvel instrument, le Conseil des droits de l'homme. Des hommes égaux en droit et en dignité, voilà le sens de notre combat ici.
Sur l'ensemble de ces sujets, la déclaration que nous allons adopter ouvre la voie. Maintenons cet élan. Car dans l'urgence actuelle, c'est bien une réforme profonde de nos institutions qui est nécessaire. Pour être juste, elle doit répondre aux exigences du temps : l'unité de la communauté internationale, le respect de la règle de droit, l'affirmation de la responsabilité collective. Pour être efficace, elle doit assurer une meilleure représentation de la communauté internationale.
Il faut donc conclure d'ici la fin de l'année la réforme du Conseil de Sécurité. Le projet présenté par l'Allemagne, le Brésil, l'Inde et le Japon consacre les droits de chaque continent, notamment l'Afrique, et renforce le Conseil. Il faut également créer l'Organisation des Nations Unies pour l'environnement. Il faut enfin mettre en place une véritable gouvernance économique et sociale.
Mesdames et Messieurs,
En 1945, à San Francisco, les espoirs des peuples du monde étaient portés par quelques Etats. Aujourd'hui, à New York, ce sont tous les pays rassemblés qui veulent agir ensemble. Parce qu'aucun Etat n'a les moyens de répondre seul aux difficultés de la planète.
Quelle que soit notre puissance, quelles que soient notre culture, notre religion, notre histoire, nous avons un idéal commun : un monde de justice et de solidarité. Nous avons un ennemi commun : la lâcheté, l'égoïsme.
Ici, sur cette terre américaine, la France veut exprimer sa peine devant le malheur qui s'est abattu en Louisiane, en Alabama, au Mississipi. Nous avons partagé la souffrance du peuple américain.
Ici, dans cette enceinte du monde, la France ne peut se résoudre à la douleur de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, sous toute latitude, du Moyen Orient à l'Afrique sahélienne, témoins d'une même humanité et pourtant trop souvent réprouvés. C'est à leur appel que nous devons répondre. La France sait aussi que la mondialisation, si elle avive l'espoir, peut s'accompagner d'un mépris et d'une marchandisation de l'homme. Face à l'urgence, à toutes les urgences, éveillons notre conscience. Soyons au rendez-vous de tous ceux qui souffrent et qui veulent croire en nous.
Et devant les images d'un monde divisé, brisé, qui trop souvent se succèdent, comment ne pas vouloir bâtir ensemble un monde qui aurait enfin un cur et des mains à la mesure des attentes des hommes ? Alors oui, agissons ensemble. Car toutes nos paroles seront vaines si elles ne procèdent pas de la fraternité, de la justice et du respect. Nos discours tiendront par nos actes.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 septembre 2005)