Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur les relations entre la France et le Maroc, la coopération bilatérale, les échanges commerciaux, le rayonnement culturel, et le rôle des Français au Maroc, Rabat le 26 septembre 2005.

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Circonstance : 7e séminaire gouvernemental franco-marocain à Rabat (Maroc) du 26 au 27 septembre 2005-intervention à la Résidence de France au Maroc le 26

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mes chers compatriotes,
Chers amis,
Permettez-moi d'abord de vous remercier d'être venus si nombreux ce soir dans ces beaux jardins de la Résidence, ce qui me permet d'emblée de remercier l'ambassadeur Philippe Faure et son épouse, Christine. Philippe Faure est un vieux complice. Je suis un peu entré au Quai d'Orsay grâce à lui, donc dans ce retour aux sources, sur cette terre marocaine, c'est un plaisir particulier de le retrouver dans ce rôle éminent d'ambassadeur de France au Maroc.
Je suis particulièrement heureux d'être ici avec vous sur cette terre marocaine, parce que j'y suis né il y a un peu plus de 52 ans. Nous allons fêter bientôt le cinquantième anniversaire de l'indépendance, donc tous ces souvenirs se télescopent un peu. Et en voyant les uns et les autres beaucoup de visages amis, beaucoup de jeunes aussi, je me dis : quel chemin parcouru ! Quelle vitalité que la relation entre le Maroc et la France, et quelle amitié !
Quels pays peuvent prétendre avoir réussi à entretenir cette flamme au fil des années, avec une estime, un respect, une ferveur, une amitié si profonde, nourrie par les relations exceptionnelles qui existent entre nos deux chefs d'Etat, entre sa majesté Mohamed VI et le Président de la République Jacques. Chirac. Ce séminaire gouvernemental est là pour rappeler à quel point nous souhaitons nous mobiliser pour faire avancer les intérêts réciproques de nos deux pays.
Je suis heureux aussi d'être là, avec six ministres qui m'ont accompagné : le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy ; Dominique Perben, parce que entre la France et le Maroc, l'équipement, les transports, le tourisme, la mer, autant de liens partagés ; Xavier Bertrand, ministre de la Santé et des Solidarités ; Brigitte Girardin, ministre déléguée à la Coopération ; Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités territoriales, et avec lequel nous allons développer une coopération décentralisée à laquelle les Marocains sont très sensibles et nous aussi. C'est donc l'occasion de donner une nouvelle pulsion à nos relations. Et bien sûr, Christine Lagarde, parce que nous sommes le premier partenaire commercial du Maroc. Nous avons donc toutes les raisons de continuer à travailler ensemble.
Et puis, je viens aussi avec de nombreux hommes d'affaires, c'est une joie de montrer à quel point ces relations sont donc vivantes, veulent se développer. Bien évidemment aussi, les présidents des groupes d'amitié France-Maroc au Parlement : Paulette Brisepierre, que je ne présente pas ; le député J. Roatta deux grands amis du Maroc, que je suis heureux de retrouver en ces circonstances.
Bien sûr, j'ai été heureux aussi, de saluer vos représentants à l'assemblée des Français de l'étranger. Autant de personnes, autant de curs qui sont soucieux de faire avancer cette relation si proche entre le Maroc et la France.
Cette relation, je l'ai dit, est importante, très importante pour nous, au niveau politique. Et j'ai eu l'occasion de rencontrer au cours des derniers mois, à trois reprises, mon homologue Driss Jettou. C'est dire à quel point le dialogue est important entre nous. Philippe Douste-Blazy était ici le 12 juillet, et près d'une dizaine de ministres auront l'occasion, au cours des prochains mois, de faire une visite dans l'un ou l'autre des pays. Donc, vous le voyez, les échanges, le dialogue, sont permanents entre nos deux pays.
Au plan économique et commercial, la France est bien sûr le premier partenaire du Maroc, nos échanges commerciaux, vous le savez, s'élèvent à près de 24 % du commerce extérieur marocain. Et les investissements français au Maroc au cours de ces cinq dernières années, représentent plus de 54 % des investissements directs étrangers. Donc, nous entretenons des liens extrêmement profonds entre nos deux pays. Et si j'en crois les accords que nous nous sommes promis de signer à l'occasion de cette rencontre, ils vont se développer bien sûr davantage encore.
Pour aller plus loin, il faut nouer en permanence des réflexions et des relations plus importantes. Et c'est pour cela que nous allons, là aussi, franchir une étape avec la création d'un groupe de réflexion économique composé d'hommes d'affaires français et marocains. Et je tiens à saluer J.-R. Fourtou, le président de Vivendi, qui va, avec beaucoup d'autres chefs d'entreprises, diriger ce club" un peu particulier d'hommes d'affaires chargés de réfléchir à l'avenir des relations entre nos deux pays.
Plus de la moitié de l'aide bilatérale totale reçue par le Maroc vient de la France. Et plus que des chiffres, c'est la réalité quotidienne de cette coopération dont vous êtes, vous-mêmes, les acteurs au quotidien. Qu'il s'agisse de la réalisation d'équipements de base, d'accompagnement, de grandes réformes qui ont été engagées ici - l'assurance maladie obligatoire , la réforme de l'Education -, qu'il s'agisse du soutien aux grands projets d'infrastructures, à des interventions ciblées, comme l'appui que nous donnons au secteur associatif. La France est fière dans tous ces domaines d'être aux côtés du Maroc.
Mais rien de tout cela ne rend compte de l'alchimie si particulière qui existe entre nos deux peuples, entre nos deux sociétés. 800.000 Marocains résident en France, 30.000 Français résident au Maroc, et nos échanges scolaires sont d'une particulière intensité : 22.000 élèves, dont plus des deux- tiers sont marocains, sont scolarisés dans les établissements français du Maroc. 30.000 Marocains poursuivent leurs études supérieures en France. C'est le premier contingent d'étudiants étrangers dans notre pays.
Notre ambition, c'est là aussi, comme en matière économique, de franchir dans ces échanges entre nos sociétés une nouvelle étape, et c'est pour cela que nous allons, à l'occasion de cette visite, prendre l'initiative d'un Forum de la société civile, qui associera les collectivités locales, les entreprises, les organisations non gouvernementales, les universités. Et je remercie les membres français du Comité de pilotage de ce Forum, présidé par J. Roatta, de m'avoir accompagné pour préparer, avec leurs homologues marocains, ce grand rendez-vous. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, ce Forum aura l'occasion d'intensifier et de développer ces activités.
Mais, vous le savez, l'intensité des relations entre la France et le Maroc, c'est aussi derrière la volonté de la France de jouer tout son rôle dans le cadre des relations bilatérales, un grand enjeu européen. La France est, à bien des égards, la tête de pont des intérêts du Maroc en Europe, et nous sommes soucieux de défendre, de démultiplier ces intérêts dans l'ensemble de l'Europe. C'est à ce titre que nous sommes heureux de voir que le Maroc est le premier bénéficiaire des Fonds Meda. Nous travaillons ensemble à la préparation du dixième anniversaire du processus de Barcelone, fin novembre, qui devrait permettre de donner une nouvelle impulsion à cette coopération.
Mais dans ce partenariat hors du commun, l'essentiel pour moi ce soir, c'est vous. Vous, qui êtes les acteurs de cette grande coopération, de ce grand partenariat entre la France et le Maroc.
Votre dynamisme, votre enthousiasme, votre esprit d'entreprise, tout cela vous a conduits à vous intégrer parfaitement dans ce grand pays. Signe de ce dynamisme, la communauté française, notre communauté française au Maroc augmente régulièrement depuis dix ans. Elle a dépassé le seuil des 30.000 personnes et cette augmentation est due en grande partie à de jeunes Français, voire de très jeunes Français, venus en famille tenter l'aventure de l'expatriation. On ne le sait pas assez, mais la moyenne d'âge des Français résidant au Maroc est de 30 ans seulement. C'est dire que nous pouvons compter sur vous tous, pour préparer les chemins de l'avenir.
Le grand nombre de binationaux parmi vous - près de 50 % des immatriculés - est une véritable chance pour nos deux pays. Votre bilinguisme, votre biculturalisme contribuent activement au rapprochement entre nos deux pays.
Vous avez naturellement des attentes spécifiques, et mon Gouvernement s'efforce d'y répondre, je pense en particulier à tout ce qui touche à la scolarisation de vos enfants. Depuis cinq ans, le nombre des élèves français inscrits dans nos établissements scolaires du Maroc a augmenté de 1.000 élèves. Pour y faire face, notre réseau, qui est déjà le plus important du monde, avec 27 écoles, a été encore renforcé par l'inauguration d'une nouvelle école à Marrakech, et par la reconstruction dans des délais très brefs, de l'école de Mohammedia
Nos écoles sont réputées, réputées pour leur enseignement d'excellence, pour le mérite qui est celui bien sûr des enseignants, de l'éducation, de la pédagogie. Eh bien, tout cela, je tiens à le dire, revient beaucoup à l'effort d'hommes et de femmes qui ont engagé leur carrière, leur vie, leur passion, pour assurer le développement de cette éducation dans notre pays. Et je tiens à saluer tous ces grands acteurs de la coopération, de cette coopération éducative et culturelle au Maroc.
Vous avez également la chance de pouvoir disposer d'un réseau consulaire important, réseau de six consulats généraux, et dans le domaine culturel, neuf instituts, deux Alliances françaises. Tous contribuent au rayonnement de la France au Maroc. Je souhaite rendre ce soir un hommage particulier à celles et à ceux qui travaillent dans ces institutions, et qui font, chaque jour, preuve de disponibilité et de dynamisme.
Au-delà, je veux saluer l'uvre accomplie par les acteurs non étatiques. Dans le domaine commercial, la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc a conduit un formidable travail ; sur le terrain social, je veux saluer aussi de très nombreuses associations qui veillent à nos compatriotes démunis et veillent aussi à l'amélioration de vos conditions de vie.
En tant que Français vivant à l'étranger, vous participez par votre dynamisme à notre action de réforme et au renforcement et à la modernisation de la France. Vous savez que la France dispose d'atouts tout à fait considérables dans le monde d'aujourd'hui. Elle veut rester une puissance économique qui compte, un pays compétitif, un pays qui pèse sur la scène internationale, qui relève les grands défis de la mondialisation, grâce à une économie ouverte, à une économie dynamique, et tournée vers l'avenir.
Notre pays dispose d'atouts considérables, qu'il s'agisse de notre situation démographique, qu'il s'agisse de nos infrastructures, de la qualité de nos soins, de notre éducation, l'excellence de notre recherche. Tout ce potentiel fait de la France un pays attractif.. Mais pour cela, il faut que nous soyons capables de développer notre plein potentiel et c'est tout le sens de l'action que nous avons engagée, avec une priorité à l'emploi, une priorité à la croissance sociale, un souci d'équilibre, parce que c'est la vocation de la France : garder à la fois le cap d'un volontarisme économique et en même temps, d'un volontarisme social.
Cette mobilisation, c'est l'affaire de tous et c'est, bien évidemment, aussi votre affaire. Votre affaire, parce que vous êtes les pionniers de notre ambition française. Vous développez, vous défendez ici au Maroc, les intérêts et l'ambition de notre pays.
Vous le savez, et je sais qu'il y a pu y avoir certaines inquiétudes lors du référendum sur la Constitution, sur le projet de Constitution, le 29 mai. Interrogations sur la relation entre la France et l'Europe. Vous avez très largement voté en faveur de ce projet de Constitution et vous savez à quel point les intérêts de la France en Europe sont importants, à quel point, pour un pays comme le Maroc, l'exemple de cette unité de l'Europe est essentiel, quand on voit et quand on regarde l'avenir de ce Maghreb que l'on souhaite uni, où on souhaite que les tensions puissent s'apaiser, où l'on souhaite que chacun puisse se réconcilier et avancer.
Il s'agit donc de continuer d'avancer dans ce sens. Mais nous voulons le faire, non pas en regardant en arrière, mais bien en relevant les défis de l'avenir, c'est-à-dire en nous attelant à des projets concrets, des projets qui puissent nous mobiliser nous tous, Européens, en nous efforçant de lever les premiers obstacles qui sont au bord de la route et je pense en particulier à l'obstacle financier, l'obstacle du budget européen que nous voulons essayer de résoudre d'ici la fin de l'année, sous la présidence britannique.
En conclusion, je voudrais vous dire les trois messages qui sont pour moi essentiels ce soir.
Tout d'abord, à quelques semaines des premières célébrations du cinquantenaire de l'indépendance du Maroc, je veux vous rappeler combien l'héritage historique commun est pour nous, entre nos deux pays, une véritable force. La France veut assumer pleinement son devoir de mémoire, en se tournant avec sérénité vers ce haut passé, marqué par les figures d'un Lyautey ou du roi Mohammed V, que le général de Gaulle fit compagnon de la Libération. N'oublions pas ce passé et nous voulons rester fidèles à cette ambition qui relie aujourd'hui la France et le Maroc.
Mon deuxième message, c'est fort de cette relation unique, faite d'estime, d'amitié, de compréhension, de respect mutuel, vous êtes bien ceux sur qui nous comptons pour défendre et pour marquer des points au service de la France. La lutte pour l'emploi, la croissance pour le rayonnement de notre pays passe d'abord par vous. Dans toutes les régions du Maroc, vous portez haut les couleurs de notre pays. Vous contribuez à sa renommée. La France a besoin de vous.
Et mon troisième message, c'est celui de l'importance du dialogue entre nos deux sociétés. Nos deux pays se connaissent, s'enrichissent mutuellement. A l'heure où, face à la mondialisation, existe une certaine tentation du repli, où l'on constate souvent une incompréhension entre les peuples, eh bien nous avons un devoir d'exemplarité. Nous devons, par notre respect mutuel, par notre tolérance, montrer ce chemin du dialogue et de la compréhension réciproque. Là encore, vous êtes aux avant-postes, vous donnez l'exemple de ce qui doit être l'image des relations sereines entre deux grands peuples.
Pour tout cela, je veux dire que la France est fière de vous. Ensemble, il nous faut continuer d'avancer, aller toujours plus loin, pour bâtir une France exemplaire, une France toujours soucieuse de l'amitié avec le Maroc.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 septembre 2005)