Texte intégral
Q - Vous êtes restée plus discrète sur la libération de Florence Aubenas que sur celle de Christian Chesnot et Georges Malbrunot. Vos services ont-ils été cette fois plus en retrait que ceux du Quai d'Orsay ?
R - Les services de la Défense, et tout particulièrement la DGSE, ont été dans ce cas comme dans celui de la libération de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot, au coeur du dispositif opérationnel, en liaison avec le Quai d'Orsay. Pour autant, quand il s'agit de sujets aussi sensibles que ceux-là - et notamment de l'action de la DGSE -, je privilégie toujours la discrétion, ne serait-ce que pour préserver leur efficacité dans de futures actions. Je suis très heureuse de la libération de Florence Aubenas et je tiens à en féliciter tout particulièrement mes services et leur directeur, Pierre Brochand.
Q - Qu'attendez-vous du Salon du Bourget cette année ?
R - La participation est sans précédent, avec notamment une forte présence américaine. Je m'en réjouis. Nous sommes mobilisés sur le projet d'avion de combat aérien sans pilote Neuron, dont la maquette a été dévoilée hier. Il est l'illustration de l'impulsion que nous voulons donner à la recherche et au développement, ainsi qu'aux nouvelles technologies. Ce programme est mené à parité avec d'autres pays européens, et ceux-ci sont plus nombreux que prévu à s'y associer. C'est pour nous un grand motif de satisfaction.
Q - L'échec du référendum ne donne-t-il pas un coup d'arrêt à l'Europe de la défense ?
R - Je ne le crois pas. L'élan donné depuis trois ans, en particulier par la France, va nous permettre de continuer dans de bonnes conditions les groupements tactiques 1500, la gendarmerie européenne, l'Agence européenne de l'armement. Il faudra en revanche, c'est vrai, déployer plus d'énergie pour mettre en oeuvre la clause d'assistance mutuelle, en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle : un accord à vingt-cinq sera nécessaire alors que la Constitution l'aurait instituée automatiquement.
Q - Comment votre ministère va-t-il s'engager dans la grande bataille pour l'emploi décrétée par Dominique de Villepin ?
R - Je souhaite faire du ministère un pôle d'innovation en matière d'emploi des jeunes. D'ores et déjà, nous embauchons tous les ans de 30 000 à 35 000 jeunes. Certains, formés chez nous, partent à l'issue de leur contrat dans le secteur privé, notamment dans les industries de défense. 95 % d'entre eux trouvent un CDI.
Nous pouvons aller plus loin. Chaque année, lors de la journée d'appel - la JAPD -, nous voyons passer 800 000 jeunes.
Nous estimons que 60 000 d'entre eux sont en difficulté scolaire ou sociale : nous allons offrir à une partie significative d'entre eux la possibilité de se former et de s'insérer professionnellement et socialement.
A partir du mois de septembre, un programme permettra à des jeunes, sur la base du volontariat, de suivre un apprentissage professionnel.
Q - Combien de jeunes seront concernés ?
R - A terme, 20 000 par an. Selon leur niveau, la formation durera entre six mois et deux ans. A la différence du service militaire adapté, elle ne sera pas assurée par des militaires d'active mais par des anciens militaires et des réservistes.
Un second programme permettra de prendre en charge, tous les ans, 5 000 jeunes en très grande difficulté, voire en rupture.
Grâce aux efforts conjoints de la Défense et de certains industriels, nous les remettrons en selle.
Q - Ne craignez-vous pas que la Défense fasse les frais de l'inévitable recherche d'économies pour financer les nouveaux projets pour l'emploi ?
R - C'est bien pour l'éviter que j'ai voulu rester dans ce ministère. Le Premier ministre vient d'ailleurs de réaffirmer que la loi de programmation sera intégralement respectée, et j'ai reçu l'assurance de pouvoir utiliser la totalité des crédits reportés.
Q - Un changement de gouvernement est-il une réponse suffisante au non du 29 mai ?
R - La réponse, ça n'est pas le changement des personnes mais la politique qui sera menée. Le 29 mai, les Français ont rejeté une Europe qui se décide sans eux. Ils ont montré qu'ils ne supportaient plus que l'on ne tienne pas compte de leurs aspirations. Les politiques doivent prendre enfin compte de ce besoin d'être consulté et cesser de donner l'impression de ne s'occuper que d'eux-mêmes, de leurs querelles et de leur carrière - il y a des campagnes électorales pour cela.
Q - On vous disait "premier ministrable". Etes-vous déçue de n'avoir pas été choisie ?
R - Est-ce que j'en ai l'air ? Il est toujours flatteur d'entendre son nom cité, mais, comme je l'ai toujours dit, la décision appartenait au seul président de la République. J'aurais été heureuse de servir la France à Matignon. Je suis heureuse de continuer à la servir au ministère de la Défense.
Q - Pourquoi avoir choisi de rester à la Défense ?
R - D'abord parce que c'est un ministère au coeur de toutes les problématiques actuelles : stratégique, industrielle, technologique, économique et sociale. De plus, j'aime travailler avec les militaires et les civils de la Défense. Et puis passer d'un ministère à un autre n'est pas ma conception de la politique. A la tête d'un ministère important il faut assumer ses décisions et veiller à leur application. Tout laisser en route, c'est prendre le risque que les réformes initiées ne soient jamais mises en oeuvre.
Q - Tout en restant à la Défense, vous décrochez la troisième place dans la hiérarchie gouvernementale. Que signifie pour vous ce nouveau rang ?
R - J'y vois la reconnaissance du rôle éminent que la Défense joue dans la mise en oeuvre des priorités gouvernementales. Cette place me donne aussi une visibilité politique, que j'ai bien l'intention d'assumer. A la fin de l'été, je publierai d'ailleurs un livre de réflexions.
Q - Le tandem Villepin-Sarkozy est-il viable ?
R - Je sais qu'il a surpris. Mais il a l'obligation de bien fonctionner. Dans une France affaiblie, dans une Europe elle-même affaiblie, l'addition des talents prime sur l'élimination des concurrents. J'aiderai à ce que chacun s'en souvienne.
Q - Comprenez-vous que Nicolas Sarkozy puisse cette fois cumuler sa présence au gouvernement et la présidence de l'UMP ?
R - Sa situation aujourd'hui est identique à la mienne en 2002. Entrée au gouvernement en mai, j'avais conservé la présidence du RPR jusqu'à la création de l'UMP, en novembre, et j'avais confié la gestion quotidienne du mouvement à un président délégué, Serge Lepeltier.
Q - Quel doit être le rôle de l'UMP d'ici à 2007 : soutenir le gouvernement ou préparer la présidentielle ?
R - Le rôle de l'UMP est d'abord d'être à l'écoute des Français. Il est ensuite d'expliquer l'action du gouvernement. Il est enfin de réfléchir à notre projet législatif. Compte tenu des contradictions internes au Parti socialiste, la responsabilité d'animer le débat des idées repose sur nos épaules. L'UMP est aujourd'hui dans la situation des travaillistes en Angleterre : c'est chez nous que le débat a lieu.
Q - Après sa chute dans les sondages, Jacques Chirac dispose-t-il encore d'une autorité politique suffisante pour la fin de son quinquennat ?
R - Cette baisse du président dans les sondages est la conséquence du résultat du référendum. Ce qui est injuste, car c'est tout de même dans l'électorat socialiste que le non a grandi.
La nouvelle impulsion donnée par Jacques Chirac montre en tout cas qu'il sait rester à l'écoute des impatiences des Français. Pour le reste, restons sereins face au yo-yo des sondages. Faire la course en tête dans les baromètres de popularité ne garantit pas de gagner une élection. C'est vrai notamment pour la présidentielle : il est impossible, plus de six mois à l'avance, de savoir qui est le mieux placé pour gagner.
(Source http://www.u-m-p.org, le 14 juin 2005)
R - Les services de la Défense, et tout particulièrement la DGSE, ont été dans ce cas comme dans celui de la libération de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot, au coeur du dispositif opérationnel, en liaison avec le Quai d'Orsay. Pour autant, quand il s'agit de sujets aussi sensibles que ceux-là - et notamment de l'action de la DGSE -, je privilégie toujours la discrétion, ne serait-ce que pour préserver leur efficacité dans de futures actions. Je suis très heureuse de la libération de Florence Aubenas et je tiens à en féliciter tout particulièrement mes services et leur directeur, Pierre Brochand.
Q - Qu'attendez-vous du Salon du Bourget cette année ?
R - La participation est sans précédent, avec notamment une forte présence américaine. Je m'en réjouis. Nous sommes mobilisés sur le projet d'avion de combat aérien sans pilote Neuron, dont la maquette a été dévoilée hier. Il est l'illustration de l'impulsion que nous voulons donner à la recherche et au développement, ainsi qu'aux nouvelles technologies. Ce programme est mené à parité avec d'autres pays européens, et ceux-ci sont plus nombreux que prévu à s'y associer. C'est pour nous un grand motif de satisfaction.
Q - L'échec du référendum ne donne-t-il pas un coup d'arrêt à l'Europe de la défense ?
R - Je ne le crois pas. L'élan donné depuis trois ans, en particulier par la France, va nous permettre de continuer dans de bonnes conditions les groupements tactiques 1500, la gendarmerie européenne, l'Agence européenne de l'armement. Il faudra en revanche, c'est vrai, déployer plus d'énergie pour mettre en oeuvre la clause d'assistance mutuelle, en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle : un accord à vingt-cinq sera nécessaire alors que la Constitution l'aurait instituée automatiquement.
Q - Comment votre ministère va-t-il s'engager dans la grande bataille pour l'emploi décrétée par Dominique de Villepin ?
R - Je souhaite faire du ministère un pôle d'innovation en matière d'emploi des jeunes. D'ores et déjà, nous embauchons tous les ans de 30 000 à 35 000 jeunes. Certains, formés chez nous, partent à l'issue de leur contrat dans le secteur privé, notamment dans les industries de défense. 95 % d'entre eux trouvent un CDI.
Nous pouvons aller plus loin. Chaque année, lors de la journée d'appel - la JAPD -, nous voyons passer 800 000 jeunes.
Nous estimons que 60 000 d'entre eux sont en difficulté scolaire ou sociale : nous allons offrir à une partie significative d'entre eux la possibilité de se former et de s'insérer professionnellement et socialement.
A partir du mois de septembre, un programme permettra à des jeunes, sur la base du volontariat, de suivre un apprentissage professionnel.
Q - Combien de jeunes seront concernés ?
R - A terme, 20 000 par an. Selon leur niveau, la formation durera entre six mois et deux ans. A la différence du service militaire adapté, elle ne sera pas assurée par des militaires d'active mais par des anciens militaires et des réservistes.
Un second programme permettra de prendre en charge, tous les ans, 5 000 jeunes en très grande difficulté, voire en rupture.
Grâce aux efforts conjoints de la Défense et de certains industriels, nous les remettrons en selle.
Q - Ne craignez-vous pas que la Défense fasse les frais de l'inévitable recherche d'économies pour financer les nouveaux projets pour l'emploi ?
R - C'est bien pour l'éviter que j'ai voulu rester dans ce ministère. Le Premier ministre vient d'ailleurs de réaffirmer que la loi de programmation sera intégralement respectée, et j'ai reçu l'assurance de pouvoir utiliser la totalité des crédits reportés.
Q - Un changement de gouvernement est-il une réponse suffisante au non du 29 mai ?
R - La réponse, ça n'est pas le changement des personnes mais la politique qui sera menée. Le 29 mai, les Français ont rejeté une Europe qui se décide sans eux. Ils ont montré qu'ils ne supportaient plus que l'on ne tienne pas compte de leurs aspirations. Les politiques doivent prendre enfin compte de ce besoin d'être consulté et cesser de donner l'impression de ne s'occuper que d'eux-mêmes, de leurs querelles et de leur carrière - il y a des campagnes électorales pour cela.
Q - On vous disait "premier ministrable". Etes-vous déçue de n'avoir pas été choisie ?
R - Est-ce que j'en ai l'air ? Il est toujours flatteur d'entendre son nom cité, mais, comme je l'ai toujours dit, la décision appartenait au seul président de la République. J'aurais été heureuse de servir la France à Matignon. Je suis heureuse de continuer à la servir au ministère de la Défense.
Q - Pourquoi avoir choisi de rester à la Défense ?
R - D'abord parce que c'est un ministère au coeur de toutes les problématiques actuelles : stratégique, industrielle, technologique, économique et sociale. De plus, j'aime travailler avec les militaires et les civils de la Défense. Et puis passer d'un ministère à un autre n'est pas ma conception de la politique. A la tête d'un ministère important il faut assumer ses décisions et veiller à leur application. Tout laisser en route, c'est prendre le risque que les réformes initiées ne soient jamais mises en oeuvre.
Q - Tout en restant à la Défense, vous décrochez la troisième place dans la hiérarchie gouvernementale. Que signifie pour vous ce nouveau rang ?
R - J'y vois la reconnaissance du rôle éminent que la Défense joue dans la mise en oeuvre des priorités gouvernementales. Cette place me donne aussi une visibilité politique, que j'ai bien l'intention d'assumer. A la fin de l'été, je publierai d'ailleurs un livre de réflexions.
Q - Le tandem Villepin-Sarkozy est-il viable ?
R - Je sais qu'il a surpris. Mais il a l'obligation de bien fonctionner. Dans une France affaiblie, dans une Europe elle-même affaiblie, l'addition des talents prime sur l'élimination des concurrents. J'aiderai à ce que chacun s'en souvienne.
Q - Comprenez-vous que Nicolas Sarkozy puisse cette fois cumuler sa présence au gouvernement et la présidence de l'UMP ?
R - Sa situation aujourd'hui est identique à la mienne en 2002. Entrée au gouvernement en mai, j'avais conservé la présidence du RPR jusqu'à la création de l'UMP, en novembre, et j'avais confié la gestion quotidienne du mouvement à un président délégué, Serge Lepeltier.
Q - Quel doit être le rôle de l'UMP d'ici à 2007 : soutenir le gouvernement ou préparer la présidentielle ?
R - Le rôle de l'UMP est d'abord d'être à l'écoute des Français. Il est ensuite d'expliquer l'action du gouvernement. Il est enfin de réfléchir à notre projet législatif. Compte tenu des contradictions internes au Parti socialiste, la responsabilité d'animer le débat des idées repose sur nos épaules. L'UMP est aujourd'hui dans la situation des travaillistes en Angleterre : c'est chez nous que le débat a lieu.
Q - Après sa chute dans les sondages, Jacques Chirac dispose-t-il encore d'une autorité politique suffisante pour la fin de son quinquennat ?
R - Cette baisse du président dans les sondages est la conséquence du résultat du référendum. Ce qui est injuste, car c'est tout de même dans l'électorat socialiste que le non a grandi.
La nouvelle impulsion donnée par Jacques Chirac montre en tout cas qu'il sait rester à l'écoute des impatiences des Français. Pour le reste, restons sereins face au yo-yo des sondages. Faire la course en tête dans les baromètres de popularité ne garantit pas de gagner une élection. C'est vrai notamment pour la présidentielle : il est impossible, plus de six mois à l'avance, de savoir qui est le mieux placé pour gagner.
(Source http://www.u-m-p.org, le 14 juin 2005)