Discours de M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, à "RMC Info" le 20 juin 2005, sur les objectifs de réduction des accidents de la route, avec les radars, les feux pour les cyclistes.., le recours à la prévention et à la répression.

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Texte intégral

Q- D. Perben, roulez-vous beaucoup, conduisez-vous beaucoup ?
R- Je conduis très peu depuis plusieurs années, depuis que je suis au Gouvernement. De temps en temps, le week-end, quand je suis à la campagne, je prends ma voiture personnelle et je m'échappe en quelque sorte. J'aime assez conduire.
Q- A propos des radars, je vois ce que vous annoncez dans Le Parisien, et ce matin sur RMC : "1000 radars, c'est suffisant", dites-vous.
R- Oui, dans l'immédiat, je crois qu'il faut faire le point. Les 1000 radars seront répartis d'ici à la fin de l'année, ce n'est pas encore terminé...
Q- Radars fixes ?
R- ... radars fixes et mobiles, les deux. Et donc, d'ici à la fin de l'année, on sera à 1000 radars, c'est ce que l'on avait prévu dans la plan qui a été défini il y a deux ans et demi. A ce moment-là, je crois qu'il faut faire le point, il faut regarder surtout comment on peut encore faire baisser le nombre d'accidents. Je crois que l'on a mis le paquet, là, sur la vitesse, en particulier sur les grandes voies de circulation - autoroutes, routes nationales - c'était le boulot des radars automatiques. Je souhaite que l'on se mette aussi sur d'autres motifs d'accidents, comme la distance entre les véhicules, le non respect des feux...
Q- Mais comment mesurer la distance entre véhicules ?
R- Oui, c'est là-dessus qu'il faut que l'on travaille pour voir si on peut arriver à visualiser cette distance pour, à tout le moins, conseiller aux gens d'être beaucoup plus raisonnables, de ce point de vue-là, parce que c'est un des motifs d'accidents en chaîne.
Q- Le respect des feux, là aussi, on installe des radars ? Allez-vous installer de nouveaux radars aux feux rouges, en ville ?
R- C'est vraiment une de mes priorités. Les accidents en ville, avec non respect des feux, c'est absolument gigantesque. Et puis, je voudrais vraiment que l'on arrive à faire baisser les accidents sur les deux roues, je trouve que c'est un gâchis terrible ! Beaucoup de jeunes qui adorent la moto ou le Scooter, et pour sans doute une multitude de raisons, on n'arrive pas à faire baisser le nombre de morts et le nombre de blessés. Je veux vraiment travailler avec eux pour que l'on arrive à des résultats positifs.
Q- Je crois que vous allez en Seine-et-Marne aujourd'hui pour visiter un chantier routier. Vous rappelez que, chaque année, dix patrouilleurs meurent, fauchés par des voitures.
R- L'année dernière, c'étaient trois, une vingtaine de blessés. Le premier jour de ma prise de fonction, la semaine dernière, un agent de la DDE de Charente-Maritime a été tué ; je suis allé, bien sûr, à ses obsèques, j'étais bouleversé par ce fait, ce garçon qui travaillait pour les autres, sur la route, qui a été bêtement fauché par un camion conduit n'importe comment. Je veux redire, à la veille des départs en vacances, aux automobilistes : respectez les gens qui travaillent sur la route.
Q- Première information : une pause dans le contrôle de la vitesse ?
R- "Pause" non pas "dans le contrôle de la vitesse", on va continuer à contrôler la vitesse. Une pause dans la multiplication des radars.
Q- Pas de projet, la vitesse va rester 130 km/h, 90... Là, vous ne changez rien, ni plus, ni moins ?
R- Faisons respecter les choses. Il y avait eu une remontée de la vitesse à la fin de l'année 2004 qui était préoccupante. Heureusement, les chiffres des quatre premiers mois de 2005 montrent que l'on est redevenus plus sages et que la vitesse, à nouveau, a diminué.
Q- Sur le mois de mai ?
R- Le mois de mai a été bon, puisque...
Q- Moins 8 %.
R- ... absolument, moins 8 %. L'objectif de passer sous la barre des fameux 5.000 morts à la fin de l'année paraît atteignable. 5.000 morts, c'est encore gigantesque, mais on était à 8.000 il n'y a pas si longtemps, et l'on devrait passer sous la barre des 5.000 à la fin de cette année.
Q- Auto Plus, la semaine dernière, affirmait que les Français roulaient de plus en plus vite.
R- Non, Auto Plus prenait les chiffres, je pense, j'imagine, les chiffres de l'année 2004. Il y a eu heureusement un bon correctif au début de l'année 2005.
Q- Puisque l'on parle des deux roues, parlons de ces fameux "codes" ou "feux de croisements". Où en est-on ? Allez-vous les rendre obligatoires ? Cela ne marche pas vraiment !
R- Un, ils ne sont pas obligatoires, deux, je dois avouer une certaine perplexité. On a prévu, le délégué à la Sécurité routière, R. Heitz, a prévu de faire le point à la fin de l'été, avec une étude un peu approfondie sur tout cela pour savoir ce que l'on fait à ce moment-là. Les chiffres des autres pays européens sont plutôt encourageants pour la mesure, puisqu'il semble que ce type de signalement, de façon de se faire mieux voir, pour éviter les accidents soit efficace. Ici, il y a à l'évidence pas d'enthousiasme. Il faut que l'on arrive à voir si, effectivement, c'est efficace en termes de lutte contre les accidents ou pas.
Q- Donc, cela ne sera pas rendu obligatoire ?
R- Pour l'instant, ce n'est pas obligatoire, cela reste conseillé.
Q- Les deux roues : quelles mesures concrètes, selon vous, faut-il prendre pour réduire effectivement le nombre d'accidents ?
R- Je n'ai pas toutes les solutions.
Q- Qu'allez-vous faire ?
R- Je vais rencontrer toutes les associations qui sont concernées, parce que je pense qu'il faut parler avec elles. Il me semble qu'il y a un problème de formation, d'apprentissage, de conseils de circulation, de règles de circulation aussi, probablement de vitesse. Mais la vitesse des deux roues est beaucoup plus difficile à contrôler. Probablement aussi, de faire attention aux aménagements de sols, aux aménagements de bordures de routes qui peuvent être dangereux pour les deux roues, il y a toute une série de questions. Mais c'est effarant, en particulier, en fin de semaine, le gâchis humain que cela représente ! Cela me bouleverse humainement, et je voudrais vraiment, grâce à une vraie sensibilisation, une vraie mobilisation, faire baisser les choses.
Q- Vous allez vous réunir avec les associations ?
R- Je vais rencontrer les associations, parler avec elles, essayer de trouver concrètement des choses pratiques et des moyens pour faire baisser la... La conviction, la mobilisation, cela compte beaucoup. Regardez ce qui s'est passé pour la baisse des accidents de voiture : c'est la grande mobilisation de l'automne...
Q- La conviction ou la répression ?
R- Les deux, les deux. Je me souviens très bien comment cela s'est passé : il y a eu les états généraux des associations des victimes de la route, à l'automne 2002, qui a eu un très fort retentissement, je me souviens, c'était à l'Empire, à Paris -, à partir de là, on s'y est mis avec de Robien, qui était aux Transports à l'époque, moi, qui étais à la Justice, Sarkozy, à l'Intérieur, on a, c'est vrai fabriqué une loi. Mais avant même que la loi soit votée, le nombre d'accidents avait baissé. C'est-à-dire que, quand il y a une mobilisation profonde dans l'opinion, c'est efficace. Et la baisse des accidents a commencé avant même que la loi soit votée.
Q- N. Sarkozy, au passage : il y a deux ans, il nous annonçait la fin de nos plaques d'immatriculation, et puis il vient d'annoncer la même chose il y a quelques jours ?
R- Oui, quelle est la question ?
Q- Mais, non, je ne sais pas...
R- Il a de la suite dans les idées.
Q- Oui, il a de la suite dans les idées... Enfin, en deux ans, rien n'a été fait aussi. On peut regarder les choses ainsi. Cela devait arriver plus tôt.
R- Je crois que c'est une affaire un peu compliquée. Et c'est la raison pour laquelle...
Q- Cela va être mis en place ?
R- Pas tout de suite. Je crois que c'est dans deux ou trois ans.
Q- Le péage : vous avez vu en Grande-Bretagne ce qu'ils vont faire ! Un programme pilote de routes à péage va être lancé dans la région de Birmingham. Avec le transfert aux collectivités locales et régionales des routes, notamment des routes nationales et des routes départementales, peut-on s'attendre à voir fleurir de nouveaux péages en France ?
R- Je ne pense pas. Il y a une tradition française. L'autoroute est à péage, parfois, certains grands ouvrages d'art, les ponts qui mènent aux îles de l'Atlantique sont à péage. Mais la tradition française est d'assurer la construction des voies par l'impôt.
Q- Pas de routes à quatre voies, deux fois deux voies à péage ?
R- Je ne pense pas que ce soit...
Q- En Bretagne ou ailleurs ?
R- Non.
Q- Vous souriez. Vous êtes sûr ?
R- Non, non, non.
Q- On reste sur la route avec ce que nous relevions dans la presse, C matin : "Le dirigeant d'une société italienne de transport vient d'être écroué. Il faisait conduire des chauffeurs polonais 20 heures par jour".
R- C'est scandaleux ! Et c'est bien qu'il y ait une sanction forte, car les règles européennes ne permettent pas cela, il faut que cela soit clair. Et donc, il est impératif de faire respecter la législation du travail. D'abord, parce que cette législation protège les salariés, et deuxièmement, parce que, c'est la sécurité des automobilistes, des riverains, etc. Donc, 20 heures par jour vous imaginez l'état de fatigue dans lequel peut être le chauffeur ! C'est invraisemblable !
Q- Concernant les tunnels - Fréjus, Mont-blanc -, pas de décisions à venir ?
R- Concernant les tunnels, nous avons en ce moment une grande difficulté puisque, vous le savez, il y a eu un accident il y a 15 jours dans le Fréjus, donc la circulation est arrêtée pour quelques semaines, on ne sait pas encore combien de temps, parce que tout dépend de la gravité des conséquences sur le tube du tunnel lui-même. J'espère que ce ne sera pas trop long. C'est-à-dire que, en gros, le tunnel va être fermé pendant cet été, certainement. J'espère qu'il pourra rouvrir à la rentrée. Donc, actuellement, les camions passent, soit par le tunnel du Mont-blanc, tunnel dans lequel j'ai maintenu très strictement les mêmes contraintes de sécurité qu'avant l'accident dans le Fréjus, il n'est pas question de prendre des risques. Ils passent aussi au Sud par Vintimille. Et puis, une certaine quantité de camions ne passe plus sur les Alpes françaises, donc probablement, doivent passer la Suisse. J'ai demandé à ce que l'autoroute, ce que l'on appelle "l'autoroute ferroviaire", qui passe à Modane, c'est-à-dire, un dispositif qui permet aux camions sur le train, et de passer en Italie, augmente ses cadences, ce qui est le cas depuis quelques jours. Et puis, bien sûr, à moyen et long terme, il nous faut améliorer le système de franchissement des Alpes avec en particulier, ce beau projet, que l'on appelle le Lyon-Turin, qui est un projet de tunnel ferroviaire, qui permettrait alors, avec des cadences beaucoup plus importantes de faire monter les camions sur les trains, d'éviter, à la fois, les accidents et la pollution. [...]
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 juin 2005)