Texte intégral
DAVID PUJADAS Comme prévu, on revient maintenant sur l'ensemble de ce dispositif annoncé hier avec le Premier ministre Dominique DE VILLEPIN. Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous n'êtes pas le premier à faire de l'emploi la priorité absolue. Vous savez que les Français sont sceptiques, ils doutent. Vous avez annoncé une série de mesures qui, pour beaucoup, sont un approfondissement, une accélération de mesures déjà existantes. Pourquoi croire que ce qui n'a pas marché hier va marcher demain ? Pourquoi vous faire confiance à vous ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je comprends très bien qu'on puisse être sceptique, qu'on puisse douter, c'est pour cela - je l'ai indiqué - que je veux engager toutes les forces de mon gouvernement, toutes mes forces dans cette bataille pour l'emploi, et c'est pour cela que je prends résolument le parti de l'action. Nous sommes en France dans une situation inacceptable. Nous avons d'un côté 2,5 millions de chômeurs et de l'autre nous avons 500 000 emplois qui tardent à trouver preneurs. Il faut agir, agir vite et faire en sorte que nous réglions l'ensemble de ces problèmes. Je veux le faire pragmatiquement, au coup par coup. J'ai observé longuement quels étaient les points de blocage. Il faut les lever un à un, avec le souci d'encourager l'embauche. C'est donc une méthode extrêmement pragmatique et c'est pour cela que ce plan d'urgence fait un tout. Je veux que ce dispositif soit en place au 1er septembre et je veux le faire dans l'esprit qui est celui de notre pays : le dialogue social.
DAVID PUJADAS On l'a détaillé et on a vu qu'il s'agissait beaucoup de mesures effectivement très concrètes. Votre prédécesseur faisait des grandes réformes l'axe de son action ; là, on a entendu beaucoup de mesures de pilotage, finalement, de l'économie et du social, mais les grandes réformes de structures c'est fini ? Vous n'en avez pas parlé.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Les grandes réformes ont été engagées, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie, de l'éducation. Maintenant, il faut faire marcher ces réformes et j'ai donc, je le dis bien, longuement analysé quels étaient les principaux blocages qui empêchaient l'embauche dans notre pays. C'est pour cela que je veux véritablement m'attaquer à ces dispositifs. Nous avons là encore une situation curieuse. Nous avons une des protections les plus fortes, et pourtant il y a dans notre pays un sentiment d'insécurité au travail fort. Dans le respect de notre exigence, dans le respect de notre modèle social, avançons sur deux jambes : plus d'initiatives et plus de solidarité.
DAVID PUJADAS On va rentrer un peu dans le détail. Un point simplement : vous n'avez pas fixé d'engagement d'objectifs chiffrés. La semaine dernière, on vous avait entendu parler de 100 jours, 100 jours pour faire changer le climat économique. C'est un objectif qui est abandonné ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je l'ai dit. Non, pas du tout. 100 jours pour recréer les conditions de la confiance, c'est-à-dire mettre en place l'ensemble des dispositifs qui nous permettront jour après jour, semaine après semaine, de faire mieux. Je le dis, je suis un pragmatique. Je veux créer ce déclic d'embauche, je veux recréer la confiance et je suis convaincu qu'à partir de là, nous recréerons de l'emploi dans notre pays.
DAVID PUJADAS A quelle échéance on pourra le mesurer ? 2006 ? Vous espérez une amélioration de l'emploi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je pense que d'ici la fin de l'année, le mouvement sera enclenché. Je me refuse à donner des chiffres parce qu'une fois de plus, vous l'avez dit, il y a eu trop de déception. C'est pour cela que je le redis : que l'on me juge sur mes actes.
DAVID PUJADAS Il y a un point, vous l'avez entendu, qui soulève la contestation : c'est ce fameux nouveau contrat qui allège les contraintes des employeurs, qui propose une durée à l'essai de deux ans. Les syndicats parlent de brèche dans le code du travail, ils disent que c'est la précarité. Est-ce que c'est une brèche ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Monsieur PUJADAS, la précarité c'est le chômage et ce contrat est un contrat à durée indéterminée. C'est un vrai contrat avec une vraie rémunération et qui prévoit toute une série de dispositifs qui sont protecteurs pour le salarié. D'un côté, cela permet à l'employeur d'embaucher parce qu'il y a nécessité de l'encourager à l'embauche. Je parle, et c'est ce qui a été ciblé, des très petites entreprises, c'est-à-dire les commerçants, c'est-à-dire les artisans, les indépendants, les professions libérales. Souvent, pour eux embaucher c'est prendre un risque pour leur entreprise.
DAVID PUJADAS Là, ils auront deux ans pour changer d'avis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Ils auront deux années pour consolider cet emploi. Cela leur donne la possibilité - parce que vous savez, dans une très petite entreprise, on s'attache à ceux qui travaillent avec vous, c'est le quotidien. On vit avec ses salariés, on les connaît et donc on ne prend pas à la légère la décision de les licencier. Ce n'est pas véritablement l'esprit dans lequel les choses sont faites et, je le redis : il y aura plus de protection, un accompagnement personnalisé pour ces salariés et, par ailleurs, des indemnités, des allocations accrues. C'est plus protecteur que le système actuel.
DAVID PUJADAS La question que l'on se pose, c'est est-ce que ce n'est pas un ballon d'essai ? Est-ce que ce n'est pas finalement un système qui pourra être ensuite étendu à l'ensemble de l'économie avec, effectivement, un emploi révocable pendant deux ans ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN 2,5 millions de chômeurs, nous l'avons vu dans votre reportage. 2,5 millions de chômeurs. Peut-on s'interdire de tout essayer ?
DAVID PUJADAS C'est donc une expérience qui pourra être étendue ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Mais c'est la réponse aux besoins. Je vous l'ai dit : j'ai regardé là où il y avait des blocages. Beaucoup de petits entrepreneurs, de petits patrons dans notre pays veulent embaucher et ils hésitent. Pour les pousser à l'embauche, il faut donc les inciter, leur apporter la souplesse dont ils ont besoin et en même temps, il faut apporter aux employés les garanties indispensables.
DAVID PUJADAS Mais pour être très précis, monsieur le Premier ministre, cela pourra être étendu aux grandes entreprises ensuite ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Il ne s'agit que des très petites entreprises et, je le précise...
DAVID PUJADAS Rien n'est exclu.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Non. Je le précise : cela n'est valable que pour les très petites entreprises et les droits des salariés augmenteront à mesure du temps passé dans l'entreprise. Comme vous le voyez, il s'agit véritablement de tirer avantage et pour l'employeur et pour le salarié dans le respect, une nouvelle fois, de notre droit social.
DAVID PUJADAS Un point aussi, on l'a dit : créer des conditions d'embauche, c'est bien, mais si la croissance n'est pas là, à quoi cela va-t-il servir ? Est-ce qu'il ne faut pas relancer le pouvoir d'achat pour recréer une augmentation de la consommation et donc de la croissance ? On ne vous a pas entendu là-dessus.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Créer des emplois, c'est évidemment créer les conditions pour relancer la croissance et donc encourager la consommation. Le pouvoir d'achat est, bien sûr, essentiel dans ce domaine. Quand j'ai pris l'engagement d'augmenter au 1er juillet le SMIC horaire de 5 %, l'Etat donne l'exemple. Il y a des négociations de branches qui vont s'ouvrir dans le secteur privé. J'y serai bien sûr très attentif et je souhaite que l'on puisse prendre en compte la situation des salariés.
DAVID PUJADAS Vous encouragez les entreprises à augmenter le pouvoir d'achat.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Prendre en compte la situation chaque fois qu'on le peut des salariés et, en particulier, de ceux qui ont des revenus les plus modestes. Et puis, si je décide de relancer la participation, c'est bien pour aller dans le même sens. Nous débloquerons en 2005 les sommes versées au titre de la participation en 2004. Vous voyez donc, le pouvoir d'achat n'est pas oublié, le pouvoir d'achat est au rendez-vous mais la priorité c'est l'emploi pour ramener vers l'activité le plus grand nombre de nos compatriotes.
DAVID PUJADAS Un point très précis encore sur cet aspect économique. Vous avez dit : " La baisse de l'impôt, on n'en parle plus pour l'instant ". Cela veut dire que la promesse de Jacques CHIRAC était inconsidérée ? Est-ce que ce n'est pas cela aussi qui crée une distance entre les citoyens et la politique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Depuis le début du quinquennat, ce sont 10 points de baisse de l'impôt sur le revenu qui ont été effectués.
DAVID PUJADAS Mais 30 étaient promis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN C'est-à-dire 6 milliards. 6 milliards. Aujourd'hui, je le dis aux Français dans un esprit de responsabilité : aujourd'hui, toutes nos marges de manuvre doivent être mises pour gagner cette bataille pour l'emploi. C'est aujourd'hui la responsabilité et c'est la justice que nous devons à nos concitoyens.
DAVID PUJADAS Vous restez avec nous, monsieur le Premier ministre, car on va parler dans un instant d'un autre volet de l'action gouvernementale : l'immigration. Votre Ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, a dévoilé les axes de son programme. Premier point pour les clandestins : une augmentation de 50 % des reconduites à la frontière, c'est l'objectif. Second point, et il sera sans doute plus controversé : pour l'immigration régulière, Nicolas SARKOZY se prononce pour l'instauration de quotas même si, vous allez l'entendre, le mot n'est pas utilisé. Reportage sur Nicolas SARKOZY au sujet de l'immigration
DAVID PUJADAS Vous, Dominique DE VILLEPIN, vous avez dit : " Je ne suis pas favorable aux quotas ". Là, quand on entend Nicolas SARKOZY évoquer catégorie par catégorie les objectifs chiffrés, il s'agit bien de quotas.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Non, monsieur PUJADAS, nous disons la même chose. Pas de quotas ethniques ou par nationalité, ce n'est pas l'esprit de notre pays. Nous sommes fidèles à une tradition humaniste. Que nous soyons soucieux de planifier les besoins de l'économie française en prenant en compte par profession ces besoins, en liaison avec les pays sources de l'immigration, quoi de plus naturel ? Mais le plus urgent, je l'ai dit : 500 000 emplois dans notre pays qui ne sont pas pourvus. C'est de faire en sorte qu'avec nos compatriotes, tous ceux qui aujourd'hui souffrent du chômage, nous puissions satisfaire ces emplois.
DAVID PUJADAS Nicolas SARKOZY ne pensait pas aux quotas quand il s'exprimait ainsi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Priorité à l'emploi pour nos nationaux, pour ceux qui vivent dans notre pays, et pour le futur, dès lors que nous aurions d'autres besoins, faire en sorte bien sûr que nous répondions à l'exigence de notre économie. Le quota tel qu'il est appliqué ailleurs évoque le quota par nationalité ou par ethnie. Une fois de plus, ce n'est pas l'esprit de notre pays ; que l'on réponde à nos besoins économiques, bien sûr.
DAVID PUJADAS Un mot sur le binôme, l'expression a été employée, que vous formez avec Nicolas SARKOZY. C'est un vice Premier ministre ou c'est un numéro 2 avec un numéro 1 qui décide et lui qui exécute, pour reprendre une expression consacrée ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Le président de la République m'a confié une lourde tâche qui est de diriger un gouvernement de service public. J'entends que ce gouvernement soit mené dans la collégialité, chacun à sa place. Nous travaillons tous ensemble dans la même direction.
DAVID PUJADAS Mais c'est vous le patron.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Bien évidemment. C'est le Premier ministre qui dirige le gouvernement. Mais vous savez, je suis d'abord soucieux du résultat et de l'action. Je n'ai pas de susceptibilité, pas d'amour propre. L'important pour moi, comme pour Nicolas SARKOZY et comme pour tous les Ministres, c'est le service des Françaises et des Français.
DAVID PUJADAS Mais si on lit bien le journal Le Monde, Nicolas SARKOZY aurait déclaré : " Je partirai en 2006 en pensant à préparer 2007 ". Est-ce que ce n'est pas déjà un premier accroc ?
DOMINIQUE DE VILLEPINQu'il y ait des rumeurs, qu'il y ait des commentaires, qu'on veuille prêter à tel ou tel des arrière-pensées, c'est le traditionnel petit jeu de la politique. Ce n'est pas le mien, ce n'est pas celui de mon gouvernement et ce n'est pas aujourd'hui l'intérêt des Français.
DAVID PUJADAS Un tout dernier mot, Dominique DE VILLEPIN. On vous connaît pour votre panache, pour votre éloquence souvent flamboyante et puis hier on a découvert quelqu'un de beaucoup plus sobre et appliqué. C'est cela le nouveau style VILLEPIN Premier ministre ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Le style VILLEPIN Premier ministre c'est : il y a des problèmes, il faut les solutions. Rassemblons-nous, travaillons ensemble de façon déterminée et nous aurons les solutions pour la France.
DAVID PUJADAS Merci, monsieur le Premier ministre d'avoir répondu à nos questions.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 juin 2005)
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je comprends très bien qu'on puisse être sceptique, qu'on puisse douter, c'est pour cela - je l'ai indiqué - que je veux engager toutes les forces de mon gouvernement, toutes mes forces dans cette bataille pour l'emploi, et c'est pour cela que je prends résolument le parti de l'action. Nous sommes en France dans une situation inacceptable. Nous avons d'un côté 2,5 millions de chômeurs et de l'autre nous avons 500 000 emplois qui tardent à trouver preneurs. Il faut agir, agir vite et faire en sorte que nous réglions l'ensemble de ces problèmes. Je veux le faire pragmatiquement, au coup par coup. J'ai observé longuement quels étaient les points de blocage. Il faut les lever un à un, avec le souci d'encourager l'embauche. C'est donc une méthode extrêmement pragmatique et c'est pour cela que ce plan d'urgence fait un tout. Je veux que ce dispositif soit en place au 1er septembre et je veux le faire dans l'esprit qui est celui de notre pays : le dialogue social.
DAVID PUJADAS On l'a détaillé et on a vu qu'il s'agissait beaucoup de mesures effectivement très concrètes. Votre prédécesseur faisait des grandes réformes l'axe de son action ; là, on a entendu beaucoup de mesures de pilotage, finalement, de l'économie et du social, mais les grandes réformes de structures c'est fini ? Vous n'en avez pas parlé.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Les grandes réformes ont été engagées, qu'il s'agisse des retraites, de l'assurance maladie, de l'éducation. Maintenant, il faut faire marcher ces réformes et j'ai donc, je le dis bien, longuement analysé quels étaient les principaux blocages qui empêchaient l'embauche dans notre pays. C'est pour cela que je veux véritablement m'attaquer à ces dispositifs. Nous avons là encore une situation curieuse. Nous avons une des protections les plus fortes, et pourtant il y a dans notre pays un sentiment d'insécurité au travail fort. Dans le respect de notre exigence, dans le respect de notre modèle social, avançons sur deux jambes : plus d'initiatives et plus de solidarité.
DAVID PUJADAS On va rentrer un peu dans le détail. Un point simplement : vous n'avez pas fixé d'engagement d'objectifs chiffrés. La semaine dernière, on vous avait entendu parler de 100 jours, 100 jours pour faire changer le climat économique. C'est un objectif qui est abandonné ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je l'ai dit. Non, pas du tout. 100 jours pour recréer les conditions de la confiance, c'est-à-dire mettre en place l'ensemble des dispositifs qui nous permettront jour après jour, semaine après semaine, de faire mieux. Je le dis, je suis un pragmatique. Je veux créer ce déclic d'embauche, je veux recréer la confiance et je suis convaincu qu'à partir de là, nous recréerons de l'emploi dans notre pays.
DAVID PUJADAS A quelle échéance on pourra le mesurer ? 2006 ? Vous espérez une amélioration de l'emploi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Je pense que d'ici la fin de l'année, le mouvement sera enclenché. Je me refuse à donner des chiffres parce qu'une fois de plus, vous l'avez dit, il y a eu trop de déception. C'est pour cela que je le redis : que l'on me juge sur mes actes.
DAVID PUJADAS Il y a un point, vous l'avez entendu, qui soulève la contestation : c'est ce fameux nouveau contrat qui allège les contraintes des employeurs, qui propose une durée à l'essai de deux ans. Les syndicats parlent de brèche dans le code du travail, ils disent que c'est la précarité. Est-ce que c'est une brèche ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Monsieur PUJADAS, la précarité c'est le chômage et ce contrat est un contrat à durée indéterminée. C'est un vrai contrat avec une vraie rémunération et qui prévoit toute une série de dispositifs qui sont protecteurs pour le salarié. D'un côté, cela permet à l'employeur d'embaucher parce qu'il y a nécessité de l'encourager à l'embauche. Je parle, et c'est ce qui a été ciblé, des très petites entreprises, c'est-à-dire les commerçants, c'est-à-dire les artisans, les indépendants, les professions libérales. Souvent, pour eux embaucher c'est prendre un risque pour leur entreprise.
DAVID PUJADAS Là, ils auront deux ans pour changer d'avis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Ils auront deux années pour consolider cet emploi. Cela leur donne la possibilité - parce que vous savez, dans une très petite entreprise, on s'attache à ceux qui travaillent avec vous, c'est le quotidien. On vit avec ses salariés, on les connaît et donc on ne prend pas à la légère la décision de les licencier. Ce n'est pas véritablement l'esprit dans lequel les choses sont faites et, je le redis : il y aura plus de protection, un accompagnement personnalisé pour ces salariés et, par ailleurs, des indemnités, des allocations accrues. C'est plus protecteur que le système actuel.
DAVID PUJADAS La question que l'on se pose, c'est est-ce que ce n'est pas un ballon d'essai ? Est-ce que ce n'est pas finalement un système qui pourra être ensuite étendu à l'ensemble de l'économie avec, effectivement, un emploi révocable pendant deux ans ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN 2,5 millions de chômeurs, nous l'avons vu dans votre reportage. 2,5 millions de chômeurs. Peut-on s'interdire de tout essayer ?
DAVID PUJADAS C'est donc une expérience qui pourra être étendue ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Mais c'est la réponse aux besoins. Je vous l'ai dit : j'ai regardé là où il y avait des blocages. Beaucoup de petits entrepreneurs, de petits patrons dans notre pays veulent embaucher et ils hésitent. Pour les pousser à l'embauche, il faut donc les inciter, leur apporter la souplesse dont ils ont besoin et en même temps, il faut apporter aux employés les garanties indispensables.
DAVID PUJADAS Mais pour être très précis, monsieur le Premier ministre, cela pourra être étendu aux grandes entreprises ensuite ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Il ne s'agit que des très petites entreprises et, je le précise...
DAVID PUJADAS Rien n'est exclu.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Non. Je le précise : cela n'est valable que pour les très petites entreprises et les droits des salariés augmenteront à mesure du temps passé dans l'entreprise. Comme vous le voyez, il s'agit véritablement de tirer avantage et pour l'employeur et pour le salarié dans le respect, une nouvelle fois, de notre droit social.
DAVID PUJADAS Un point aussi, on l'a dit : créer des conditions d'embauche, c'est bien, mais si la croissance n'est pas là, à quoi cela va-t-il servir ? Est-ce qu'il ne faut pas relancer le pouvoir d'achat pour recréer une augmentation de la consommation et donc de la croissance ? On ne vous a pas entendu là-dessus.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Créer des emplois, c'est évidemment créer les conditions pour relancer la croissance et donc encourager la consommation. Le pouvoir d'achat est, bien sûr, essentiel dans ce domaine. Quand j'ai pris l'engagement d'augmenter au 1er juillet le SMIC horaire de 5 %, l'Etat donne l'exemple. Il y a des négociations de branches qui vont s'ouvrir dans le secteur privé. J'y serai bien sûr très attentif et je souhaite que l'on puisse prendre en compte la situation des salariés.
DAVID PUJADAS Vous encouragez les entreprises à augmenter le pouvoir d'achat.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Prendre en compte la situation chaque fois qu'on le peut des salariés et, en particulier, de ceux qui ont des revenus les plus modestes. Et puis, si je décide de relancer la participation, c'est bien pour aller dans le même sens. Nous débloquerons en 2005 les sommes versées au titre de la participation en 2004. Vous voyez donc, le pouvoir d'achat n'est pas oublié, le pouvoir d'achat est au rendez-vous mais la priorité c'est l'emploi pour ramener vers l'activité le plus grand nombre de nos compatriotes.
DAVID PUJADAS Un point très précis encore sur cet aspect économique. Vous avez dit : " La baisse de l'impôt, on n'en parle plus pour l'instant ". Cela veut dire que la promesse de Jacques CHIRAC était inconsidérée ? Est-ce que ce n'est pas cela aussi qui crée une distance entre les citoyens et la politique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Depuis le début du quinquennat, ce sont 10 points de baisse de l'impôt sur le revenu qui ont été effectués.
DAVID PUJADAS Mais 30 étaient promis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN C'est-à-dire 6 milliards. 6 milliards. Aujourd'hui, je le dis aux Français dans un esprit de responsabilité : aujourd'hui, toutes nos marges de manuvre doivent être mises pour gagner cette bataille pour l'emploi. C'est aujourd'hui la responsabilité et c'est la justice que nous devons à nos concitoyens.
DAVID PUJADAS Vous restez avec nous, monsieur le Premier ministre, car on va parler dans un instant d'un autre volet de l'action gouvernementale : l'immigration. Votre Ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, a dévoilé les axes de son programme. Premier point pour les clandestins : une augmentation de 50 % des reconduites à la frontière, c'est l'objectif. Second point, et il sera sans doute plus controversé : pour l'immigration régulière, Nicolas SARKOZY se prononce pour l'instauration de quotas même si, vous allez l'entendre, le mot n'est pas utilisé. Reportage sur Nicolas SARKOZY au sujet de l'immigration
DAVID PUJADAS Vous, Dominique DE VILLEPIN, vous avez dit : " Je ne suis pas favorable aux quotas ". Là, quand on entend Nicolas SARKOZY évoquer catégorie par catégorie les objectifs chiffrés, il s'agit bien de quotas.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Non, monsieur PUJADAS, nous disons la même chose. Pas de quotas ethniques ou par nationalité, ce n'est pas l'esprit de notre pays. Nous sommes fidèles à une tradition humaniste. Que nous soyons soucieux de planifier les besoins de l'économie française en prenant en compte par profession ces besoins, en liaison avec les pays sources de l'immigration, quoi de plus naturel ? Mais le plus urgent, je l'ai dit : 500 000 emplois dans notre pays qui ne sont pas pourvus. C'est de faire en sorte qu'avec nos compatriotes, tous ceux qui aujourd'hui souffrent du chômage, nous puissions satisfaire ces emplois.
DAVID PUJADAS Nicolas SARKOZY ne pensait pas aux quotas quand il s'exprimait ainsi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Priorité à l'emploi pour nos nationaux, pour ceux qui vivent dans notre pays, et pour le futur, dès lors que nous aurions d'autres besoins, faire en sorte bien sûr que nous répondions à l'exigence de notre économie. Le quota tel qu'il est appliqué ailleurs évoque le quota par nationalité ou par ethnie. Une fois de plus, ce n'est pas l'esprit de notre pays ; que l'on réponde à nos besoins économiques, bien sûr.
DAVID PUJADAS Un mot sur le binôme, l'expression a été employée, que vous formez avec Nicolas SARKOZY. C'est un vice Premier ministre ou c'est un numéro 2 avec un numéro 1 qui décide et lui qui exécute, pour reprendre une expression consacrée ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Le président de la République m'a confié une lourde tâche qui est de diriger un gouvernement de service public. J'entends que ce gouvernement soit mené dans la collégialité, chacun à sa place. Nous travaillons tous ensemble dans la même direction.
DAVID PUJADAS Mais c'est vous le patron.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Bien évidemment. C'est le Premier ministre qui dirige le gouvernement. Mais vous savez, je suis d'abord soucieux du résultat et de l'action. Je n'ai pas de susceptibilité, pas d'amour propre. L'important pour moi, comme pour Nicolas SARKOZY et comme pour tous les Ministres, c'est le service des Françaises et des Français.
DAVID PUJADAS Mais si on lit bien le journal Le Monde, Nicolas SARKOZY aurait déclaré : " Je partirai en 2006 en pensant à préparer 2007 ". Est-ce que ce n'est pas déjà un premier accroc ?
DOMINIQUE DE VILLEPINQu'il y ait des rumeurs, qu'il y ait des commentaires, qu'on veuille prêter à tel ou tel des arrière-pensées, c'est le traditionnel petit jeu de la politique. Ce n'est pas le mien, ce n'est pas celui de mon gouvernement et ce n'est pas aujourd'hui l'intérêt des Français.
DAVID PUJADAS Un tout dernier mot, Dominique DE VILLEPIN. On vous connaît pour votre panache, pour votre éloquence souvent flamboyante et puis hier on a découvert quelqu'un de beaucoup plus sobre et appliqué. C'est cela le nouveau style VILLEPIN Premier ministre ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN Le style VILLEPIN Premier ministre c'est : il y a des problèmes, il faut les solutions. Rassemblons-nous, travaillons ensemble de façon déterminée et nous aurons les solutions pour la France.
DAVID PUJADAS Merci, monsieur le Premier ministre d'avoir répondu à nos questions.
DOMINIQUE DE VILLEPIN Merci.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 juin 2005)