Texte intégral
Q- Demain, nous arriverons au fameux centième jour de la gestion de D. de Villepin à Matignon. Il avait fait le pari de "rendre la confiance aux Français". Estimez-vous que le pari est tenu ? Et au fond, quelle note, le professeur que vous êtes aussi, mettez-vous à D. de Villepin ?
R- Non, je ne suis pas là pour mettre des notes, mais à la question : "la confiance est-elle plus grande aujourd'hui qu'il y a cent jours ? ", la réponse est évidemment "non". Vous avez vu un sondage hier matin dans La Tribune, qui dit que 80 % des Français estiment que la confiance n'est pas plus grande aujourd'hui qu'il y a cent jours et que 73 % des Français sont pessimistes pour leur avenir. C'est le chiffre le plus haut qui n'ait jamais été atteint. D'ailleurs, je n'ai jamais cru qu'en cent jours, sans mandat populaire, la confiance pouvait être de retour...
Q- Reprendriez-vous à votre profit la formule utilisée par les socialistes : "Ce n'est pas cent jours, c'est trois ans et cent jours d'échec" ? Autrement dit, pas de différence entre J.-P. Raffarin et D. de Villepin ?
R- Chacun a son style. Je ne suis pas là pour des formules publicitaires. Mais les équipes sont les mêmes, et les grandes orientations sont les mêmes. Je n'ai pas vu d'inflexion profonde sur le fond entre D. de Villepin et J.-P. Raffarin.
Q- Néanmoins, D. de Villepin a présenté un certain nombre de mesures destinées à, selon son expression "remettre la France en marche d'ici à vingt mois". Vous avez critiqué ces mesures. Si vous étiez à la place de D. de Villepin, aujourd'hui, alors que la croissance n'est pas bonne, alors que le prix du pétrole reste, malgré un léger infléchissement aujourd'hui, très important, que feriez-vous ? Je dis bien dans les vingt mois ?
R- La première chose que j'aurais faite, c'est de proposer une mesure simple, qui permette de créer des centaines de milliers d'emplois qui ne peuvent pas être créés, parce que les charges qui pèsent sur eux sont trop importantes. Tout le monde parle de la fiscalité, je parle des charges. Et pas seulement, comme on le fait depuis des années, des charges sur les bas salaires. Les bas salaires sont aujourd'hui comme une trappe qui fait qu'on ne voit qu'eux et il y a de plus en plus de Français qui sont enfermés dans les bas salaires. Ce qui me frappe, c'est qu'il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont gelés et qui ne peuvent pas être créés en raison de ce poids que les Français ont depuis des années concentré sur le travail ! Il n'est pas juste que ce soit le travail salarié qui paie toute la solidarité de la nation. Et on arrive au paradoxe fou selon lequel, une entreprise, comparée à sa voisine, à chiffre d'affaires égal, si elle crée un emploi, elle a un malus, et si elle ne crée pas l'emploi, elle a un bonus. Il y a là une absurdité, et c'est à cela, pour ma part, que je me serais attaqué...
Q- Pensez-vous qu'il soit possible dans les vingt mois qui restent, sans l'électrochoc d'une présidentielle, de prendre des mesures comme celle que vous venez d'édicter ? Autrement dit, peut-on réformer cette fiscalité et la fiscalité des charges si on ne passe pas par l'électrochoc d'une présidentielle aujourd'hui ?
R- C'est, selon moi, très difficile. Parce que vous voyez bien que, ces mesures supposent une adhésion du pays. Quand il n'y a pas d'adhésion du pays, quand le pays n'a pas tranché sur le fond de la politique qu'il souhaitait, évidemment, il est très difficile de conduire une politique nouvelle. Mais il faut bien que les dix-huit mois qui sont devant nous servent. Et j'ai repéré trois grandes décisions, si j'ai bien compris, que l'UMP, le Gouvernement, et un grand nombre de Français souhaitent. Il n'y a qu'à les mettre en uvre, pour que les dix-huit mois qui viennent soient utiles. Alors, je les ai citées. On nous dit qu'il faudrait traiter de la question du service minimum dans les services publics : faisons-le. Et l'UDF est prête à participer à la définition et à l'adoption de ces mesures...
Q- Maintenant que G. de Robien n'est plus ministre des Transports...
R- Vous mettez le doigt, en effet, sur le fait que le Gouvernement précédent n'était de cet avis ! Et notre intention n'était pas de le gêner. Deuxièmement, j'ai proposé l'idée d'une "allocation unique", c'est-à-dire, que l'on prenne les minima sociaux qui, dans un certain nombre de cas, bloquent les gens dans des situations dont ils ne peuvent pas sortir, et qu'on les rende cumulables avec un retour au travail. D. de Villepin a repris cette idée. Très bien, faisons-le, mettons-le en uvre. Et dans le domaine du logement, il y a aujourd'hui, me semble-t-il, comme un abus des demandes de cautions multiples pour le logement, pour la location ou pour l'achat, de sorte que l'on arrive à ne prêter qu'aux riches -"on ne prête qu'aux riches", c'est un vieux proverbe. Je souhaite qu'il y ait un changement sur ce point. Je l'ai évoqué, l'UMP l'a évoqué : très bien, faisons-le.
Q- Avez-vous le sentiment - aujourd'hui N. Sarkozy va présenter ses propositions économiques - qu'il y a un clivage idéologique entre D. de Villepin et N. Sarkozy ? Le premier, étant partisan d'une croissance libérale avec un changement radical de notre modèle économico social ; le second ayant utilisé le mot "croissance sociale", avec l'aménagement de notre modèle.
R- Je vais vous révéler un secret : c'est leur affaire ! Je veux dire que les clivages, les antagonismes au sein de l'UMP, cela n'est pas le problème qui, me semble-t-il, intéresse le plus grand nombre aujourd'hui. En revanche, les décisions annoncées méritent que l'on y réfléchisse. On est en train de parler d'un plafond, d'ailleurs très bas de tous les impôts cumulés...
Q- 50 % pour N. Sarkozy et 60-66 % pour D. de Villepin...
R- Il me semble qu'il y a là le risque d'un certain nombre d'injustices. Parce que, autant les plafonds ont du sens, c'est le cas dans les pays voisins lorsqu'il s'agit d'un seul impôt, l'impôt sur le revenu par exemple. Autant, si vous cumulez tous les impôts, impôts locaux, impôt sur le revenu, CSG et ISF - cela va être un dédale inextricable -, à ce moment-là, vous vous trouvez dans une situation où, par exemple, quelqu'un qui paie un impôt sur le revenu très important, n'aura plus à payer aucun autre impôt. En revanche, ces impôts devront continuer à être assumés par ceux qui auront des revenus plus faibles. Vous voyez qu'il y a là un risque d'injustice. Il me semble que cela mérite que l'on y réfléchisse, au lieu de se lancer comme cela dans des solutions publicitaires mais risquées.
Q- Finalement, ce qui fait votre différence avec N. Sarkozy ou D. de Villepin, c'est que, pour reprendre une expression rapide, vous souhaitez "une croissance négociée", pas libérale, pas sociale, mais "négociée" ? Autrement dit, vous dites qu'il faut un grand débat. Est-ce cela la différence ?
R- Je pense qu'il faut un équilibre dans les décisions que l'on prend. Le risque est très grand dans une société, quand les gens, la base, les Français, qui vivent et travaillent dans la vie de tous les jours et ne participent pas au milieu de dirigeants, ont le sentiment que les décisions sont prises toujours pour les mêmes. Un pays ne peut avancer dans la compétition très difficile dans laquelle nous sommes, que si le sentiment dominant est celui de la justice. Que les décisions ne sont pas prises avec des arrière-pensées de favoriser ceux qui ont déjà beaucoup de chance, ni même de favoriser d'autres catégories sociales, mais dans la justice entre les catégories.
Q- Votre ambition de constituer une grande force centrale qui prenne, aussi bien à gauche qu'à droite, "les bonnes volontés", croyez-vous que c'est encore possible quand on assiste à la radicalisation, par exemple, des socialistes ?
R- Vous avez dit le mot. Ce que tous les Français voient et vont voir, c'est en effet que les socialistes sont en train de se "radicaliser", c'est-à-dire que, ils ont compris que leur gisement était à l'extrême gauche, et ils ont décidé d'aller chercher un langage qui leur permette de rameuter. Ceci ouvre un chemin pour la proposition centrale qui permettra de rassembler des attentes sociales d'un côté, et d'efficacité, de l'autre.
Q- N. Sarkozy a terminé son intervention dimanche, en disant : "Personne, ni rien, ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout de la mission que je me suis assignée". Dites-vous la même chose ?
R- Je dis que la différence entre lui et moi, est que moi, je n'ai pas de message personnel à envoyer, ni sur personne, ni sur rien ! Je veux dire que, le choix que nous avons fait, est celui de proposer un chemin nouveau au pays. C'est un choix serein, déterminé et qui, en effet, ira jusqu'au bout.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 septembre 2005)
R- Non, je ne suis pas là pour mettre des notes, mais à la question : "la confiance est-elle plus grande aujourd'hui qu'il y a cent jours ? ", la réponse est évidemment "non". Vous avez vu un sondage hier matin dans La Tribune, qui dit que 80 % des Français estiment que la confiance n'est pas plus grande aujourd'hui qu'il y a cent jours et que 73 % des Français sont pessimistes pour leur avenir. C'est le chiffre le plus haut qui n'ait jamais été atteint. D'ailleurs, je n'ai jamais cru qu'en cent jours, sans mandat populaire, la confiance pouvait être de retour...
Q- Reprendriez-vous à votre profit la formule utilisée par les socialistes : "Ce n'est pas cent jours, c'est trois ans et cent jours d'échec" ? Autrement dit, pas de différence entre J.-P. Raffarin et D. de Villepin ?
R- Chacun a son style. Je ne suis pas là pour des formules publicitaires. Mais les équipes sont les mêmes, et les grandes orientations sont les mêmes. Je n'ai pas vu d'inflexion profonde sur le fond entre D. de Villepin et J.-P. Raffarin.
Q- Néanmoins, D. de Villepin a présenté un certain nombre de mesures destinées à, selon son expression "remettre la France en marche d'ici à vingt mois". Vous avez critiqué ces mesures. Si vous étiez à la place de D. de Villepin, aujourd'hui, alors que la croissance n'est pas bonne, alors que le prix du pétrole reste, malgré un léger infléchissement aujourd'hui, très important, que feriez-vous ? Je dis bien dans les vingt mois ?
R- La première chose que j'aurais faite, c'est de proposer une mesure simple, qui permette de créer des centaines de milliers d'emplois qui ne peuvent pas être créés, parce que les charges qui pèsent sur eux sont trop importantes. Tout le monde parle de la fiscalité, je parle des charges. Et pas seulement, comme on le fait depuis des années, des charges sur les bas salaires. Les bas salaires sont aujourd'hui comme une trappe qui fait qu'on ne voit qu'eux et il y a de plus en plus de Français qui sont enfermés dans les bas salaires. Ce qui me frappe, c'est qu'il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont gelés et qui ne peuvent pas être créés en raison de ce poids que les Français ont depuis des années concentré sur le travail ! Il n'est pas juste que ce soit le travail salarié qui paie toute la solidarité de la nation. Et on arrive au paradoxe fou selon lequel, une entreprise, comparée à sa voisine, à chiffre d'affaires égal, si elle crée un emploi, elle a un malus, et si elle ne crée pas l'emploi, elle a un bonus. Il y a là une absurdité, et c'est à cela, pour ma part, que je me serais attaqué...
Q- Pensez-vous qu'il soit possible dans les vingt mois qui restent, sans l'électrochoc d'une présidentielle, de prendre des mesures comme celle que vous venez d'édicter ? Autrement dit, peut-on réformer cette fiscalité et la fiscalité des charges si on ne passe pas par l'électrochoc d'une présidentielle aujourd'hui ?
R- C'est, selon moi, très difficile. Parce que vous voyez bien que, ces mesures supposent une adhésion du pays. Quand il n'y a pas d'adhésion du pays, quand le pays n'a pas tranché sur le fond de la politique qu'il souhaitait, évidemment, il est très difficile de conduire une politique nouvelle. Mais il faut bien que les dix-huit mois qui sont devant nous servent. Et j'ai repéré trois grandes décisions, si j'ai bien compris, que l'UMP, le Gouvernement, et un grand nombre de Français souhaitent. Il n'y a qu'à les mettre en uvre, pour que les dix-huit mois qui viennent soient utiles. Alors, je les ai citées. On nous dit qu'il faudrait traiter de la question du service minimum dans les services publics : faisons-le. Et l'UDF est prête à participer à la définition et à l'adoption de ces mesures...
Q- Maintenant que G. de Robien n'est plus ministre des Transports...
R- Vous mettez le doigt, en effet, sur le fait que le Gouvernement précédent n'était de cet avis ! Et notre intention n'était pas de le gêner. Deuxièmement, j'ai proposé l'idée d'une "allocation unique", c'est-à-dire, que l'on prenne les minima sociaux qui, dans un certain nombre de cas, bloquent les gens dans des situations dont ils ne peuvent pas sortir, et qu'on les rende cumulables avec un retour au travail. D. de Villepin a repris cette idée. Très bien, faisons-le, mettons-le en uvre. Et dans le domaine du logement, il y a aujourd'hui, me semble-t-il, comme un abus des demandes de cautions multiples pour le logement, pour la location ou pour l'achat, de sorte que l'on arrive à ne prêter qu'aux riches -"on ne prête qu'aux riches", c'est un vieux proverbe. Je souhaite qu'il y ait un changement sur ce point. Je l'ai évoqué, l'UMP l'a évoqué : très bien, faisons-le.
Q- Avez-vous le sentiment - aujourd'hui N. Sarkozy va présenter ses propositions économiques - qu'il y a un clivage idéologique entre D. de Villepin et N. Sarkozy ? Le premier, étant partisan d'une croissance libérale avec un changement radical de notre modèle économico social ; le second ayant utilisé le mot "croissance sociale", avec l'aménagement de notre modèle.
R- Je vais vous révéler un secret : c'est leur affaire ! Je veux dire que les clivages, les antagonismes au sein de l'UMP, cela n'est pas le problème qui, me semble-t-il, intéresse le plus grand nombre aujourd'hui. En revanche, les décisions annoncées méritent que l'on y réfléchisse. On est en train de parler d'un plafond, d'ailleurs très bas de tous les impôts cumulés...
Q- 50 % pour N. Sarkozy et 60-66 % pour D. de Villepin...
R- Il me semble qu'il y a là le risque d'un certain nombre d'injustices. Parce que, autant les plafonds ont du sens, c'est le cas dans les pays voisins lorsqu'il s'agit d'un seul impôt, l'impôt sur le revenu par exemple. Autant, si vous cumulez tous les impôts, impôts locaux, impôt sur le revenu, CSG et ISF - cela va être un dédale inextricable -, à ce moment-là, vous vous trouvez dans une situation où, par exemple, quelqu'un qui paie un impôt sur le revenu très important, n'aura plus à payer aucun autre impôt. En revanche, ces impôts devront continuer à être assumés par ceux qui auront des revenus plus faibles. Vous voyez qu'il y a là un risque d'injustice. Il me semble que cela mérite que l'on y réfléchisse, au lieu de se lancer comme cela dans des solutions publicitaires mais risquées.
Q- Finalement, ce qui fait votre différence avec N. Sarkozy ou D. de Villepin, c'est que, pour reprendre une expression rapide, vous souhaitez "une croissance négociée", pas libérale, pas sociale, mais "négociée" ? Autrement dit, vous dites qu'il faut un grand débat. Est-ce cela la différence ?
R- Je pense qu'il faut un équilibre dans les décisions que l'on prend. Le risque est très grand dans une société, quand les gens, la base, les Français, qui vivent et travaillent dans la vie de tous les jours et ne participent pas au milieu de dirigeants, ont le sentiment que les décisions sont prises toujours pour les mêmes. Un pays ne peut avancer dans la compétition très difficile dans laquelle nous sommes, que si le sentiment dominant est celui de la justice. Que les décisions ne sont pas prises avec des arrière-pensées de favoriser ceux qui ont déjà beaucoup de chance, ni même de favoriser d'autres catégories sociales, mais dans la justice entre les catégories.
Q- Votre ambition de constituer une grande force centrale qui prenne, aussi bien à gauche qu'à droite, "les bonnes volontés", croyez-vous que c'est encore possible quand on assiste à la radicalisation, par exemple, des socialistes ?
R- Vous avez dit le mot. Ce que tous les Français voient et vont voir, c'est en effet que les socialistes sont en train de se "radicaliser", c'est-à-dire que, ils ont compris que leur gisement était à l'extrême gauche, et ils ont décidé d'aller chercher un langage qui leur permette de rameuter. Ceci ouvre un chemin pour la proposition centrale qui permettra de rassembler des attentes sociales d'un côté, et d'efficacité, de l'autre.
Q- N. Sarkozy a terminé son intervention dimanche, en disant : "Personne, ni rien, ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout de la mission que je me suis assignée". Dites-vous la même chose ?
R- Je dis que la différence entre lui et moi, est que moi, je n'ai pas de message personnel à envoyer, ni sur personne, ni sur rien ! Je veux dire que, le choix que nous avons fait, est celui de proposer un chemin nouveau au pays. C'est un choix serein, déterminé et qui, en effet, ira jusqu'au bout.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 septembre 2005)