Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'action de la Fédération nationale des cinémas français et le soutien de l'Etat à l'industrie cinématographique, notamment le projet de loi relatif aux droits d'auteur et aux droits voisins, Deauville le 28 septembre 2005.

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Circonstance : 60ème Congrès de la Fédération nationale des cinémas français à Deauville le 28 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président de la Fédération nationale du cinéma français, Cher Jean Labé,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Cher Jacques Perrin,
C'est toujours à la fois un honneur et un plaisir d'être invité au congrès de la Fédération nationale du cinéma français. Et cette année particulièrement, pour célébrer avec vous votre 60ème anniversaire, qui est d'abord une fête. Depuis la naissance de votre Fédération, en 1945, le cinéma a connu dans notre pays une extraordinaire expansion, favorisée par le développement de la politique de soutien des pouvoirs publics, la création du Centre national de la cinématographie et celle du ministère dont j'ai aujourd'hui la charge. Quelles que soient les restructurations, les crises, les fluctuations qu'ont connues votre profession, qui joue un rôle clef dans le succès de cet art, qui est aussi une industrie culturelle majeure, la salle est au cur de l'économie du cinéma, mais aussi, de la magie du cinéma, de cette rencontre décisive avec le public, qui se fait dans les lieux que vous animez. Comme je l'ai réaffirmé en inaugurant lundi la Cinémathèque française, la cinéphilie est devenue l'amour, la passion du cinéma, et si elle est si largement partagée aujourd'hui, c'est grâce à vous tous.
Mais cet anniversaire n'est pas tant l'occasion de contempler le chemin parcouru, que d'ouvrir ensemble celui que nous avons devant nous.
L'an dernier déjà, j'avais pris beaucoup d'intérêt au dialogue que nous avions amorcé ensemble à Bordeaux. Vous m'aviez fait part de vos préoccupations pour l'avenir du cinéma et de son exploitation. J'ai voulu que s'engage et se poursuive notre réflexion commune sur les enjeux de toute première importance que sont la piraterie, la chronologie des médias, l'éducation à l'image, l'accès des personnes handicapées aux salles de cinéma. Parce que je suis convaincu, comme vous, que l'avenir du cinéma français, de sa diversité et de sa richesse en dépend.
Je souhaite que ce dialogue se poursuive et qu'il aboutisse à des propositions concrètes. Je sais que ce n'est pas simple, mais c'est essentiel pour la santé économique et le développement de notre parc de salles en France, qui fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. C'est aussi l'un des partenariats les plus exemplaires entre l'Etat et l'initiative privée dans le domaine de l'équipement culturel.
Je suis parfaitement conscient des difficultés que vous avez rencontrées depuis le début de l'année, en raison d'une fréquentation des salles un peu décevante, si on la compare à celle de l'an dernier.
Dans ce contexte, je tiens à encourager votre persévérance et votre volonté d'aller de l'avant, et notamment vos projets d'investissements dans de nouveaux équipements de modernisation de vos salles, qui demeurent nombreux et ambitieux, malgré cette conjoncture maussade, que j'espère passagère.
Oui, votre dynamisme et votre volonté sont essentiels pour amener, dans les années qui viennent, un public toujours plus large et plus fidèle dans vos salles.
Car vous êtes des médiateurs, des " passeurs ", entre la création et le public. Les producteurs, les distributeurs, les réalisateurs, les artistes, les techniciens, ont compris votre rôle essentiel dans cette grande chaîne de la création. Ils seront nombreux à venir demain vous présenter leurs prochains films. Ils vous font confiance pour amener ces films au public dans les meilleures conditions. Conditions techniques, cela va de soi, mais aussi qualité de l'accueil du public, travail d'accompagnement de l'uvre, car un film n'est pas un produit comme un autre, vous le savez mieux que personne. Le spectacle cinématographique doit rester une fête, un moment exceptionnel dans notre société de consommation. Il ne doit pas se banaliser. C'est ce qui lui garantira sa pérennité et c'est notre responsabilité à tous.
Je tiens à vous dire que je serai à vos côtés pour soutenir vos initiatives. Vous l'avez vu, les arbitrages que j'ai dû rendre pendant l'été sur la régulation du compte de soutien vous ont protégés. Je m'y suis personnellement impliqué. Je continuerai dans cette voie. Vous dépendez, j'en ai une conscience totale, de l'ensemble de la filière cinématographique, c'est pourquoi je veux inscrire le compte de soutien dans une nouvelle logique de croissance, afin que cet instrument, unique en son genre, dont cherchent à s'inspirer beaucoup de nos partenaires européens, continue de jouer pleinement son rôle.
Pour conférer une dynamique nouvelle et nécessaire au compte de soutien, il faut élargir l'assiette de ses recettes, en particulier aux nouveaux services qui diffusent des uvres cinématographiques et audiovisuelles, quelque soit leur vecteur technique de diffusion. Cette position est d'ailleurs cohérente avec la position française sur la révision de la directive " télévision sans frontières ".
J'entends aussi que les crédits d'impôt poursuivent leurs objectifs. Je m'en suis entretenu avec le commissaire chargé de la concurrence, Mme Nelly Kroes, le 9 septembre dernier. Le dialogue engagé avec la Commission européenne sera nécessairement constructif. Je suis déterminé à démontrer et à faire valoir l' " eurocompatibilité " de notre système. Comme je l'ai dit lors de l'inauguration de la Cinémathèque avant-hier, il s'agit de passer de la crainte des délocalisations subies à une politique de relocalisation organisée et équilibrée.
Il faut aussi rendre plus transparents les critères d'éligibilité des soficas afin de les orienter plus clairement encore vers la jeune création et d'irriguer à sa juste mesure la production indépendante. Cela passe sans doute aussi par une augmentation de l'enveloppe qui lui est allouée depuis plusieurs années.
Mais le soutien des pouvoirs publics à votre activité ne se résume pas à une implication financière, quelles que soient son importance et ma détermination. Il consiste aussi à assurer une régulation de l'ensemble du secteur, dont l'un des instruments clé est la chronologie des médias. Je souhaite que l'importance d'un dispositif qui harmonise la succession des différentes étapes de l'exposition d'un film au public soit une évidence pour l'ensemble des acteurs de la profession. Car cette chronologie doit servir l'intérêt général et vise d'abord la protection de la vie du film en salles, qui est constitutive de son identité. Il est important que cette préoccupation soit présente à l'esprit de tous les professionnels qui seront signataires de l'accord fixant les principes généraux de la vidéo à la demande. La conclusion de cet accord, grâce à la mobilisation de tous, doit intervenir rapidement afin d'offrir un cadre stabilisé au lancement -désormais imminent - des premiers services de vidéo à la demande.
Dans l'agenda législatif figure, à la fin de cette année, l'examen par le parlement du projet de loi relatif aux droits d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, qui doit comporter des avancées significatives pour la protection des uvres et la lutte contre la piraterie audiovisuelle sous toutes ses formes. Je sais que vous participez activement à toutes les actions de sensibilisation du public menées dans ce domaine. Je sais que s'élabore entre les professionnels du cinéma et les fournisseurs d'accès à Internet un mécanisme de " riposte graduée " qui contribuera à endiguer la contrefaçon numérique. Il ne faut pas manquer cette étape.
D'une manière générale, je voudrais aussi vous dire mon engagement, à vos côtés, face au phénomène de numérisation de toute la filière audiovisuelle et cinématographique. La piraterie sur Internet est la contrepartie négative de ce phénomène, qui marque pourtant aussi un tournant majeur et positif dans l'histoire du cinéma, aussi important, sans doute, que l'avènement du cinéma parlant ou l'introduction de la couleur.
Les pouvoirs publics sont prêts à accompagner votre réflexion prospective sur le sujet difficile de la projection numérique. J'ai demandé à la Directrice générale du CNC, Véronique Cayla, de mettre en place un groupe de réflexion associant tous les professionnels concernés.
Je ne voudrais pas être trop long car le moment est venu pour vous, à l'issue de ces deux journées de travail, de célébrer comme il se doit votre 60ème anniversaire. Vous vous souvenez sans doute que l'an dernier les aléas de la régulation aérienne et un emploi du temps serré m'avaient privé du plaisir d'être parmi vous lors de votre soirée de gala. J'ai su qu'elle avait été un moment exceptionnel et que les organisateurs avaient pu faire goûter à tous leurs invités les charmes infinis du vignoble bordelais...
Cette année j'ai décidé de passer cette soirée avec vous, et aussi en compagnie de Jacques Perrin auquel vous rendez ce soir un juste hommage.
Je ne vois pas de plus beau symbole pour fêter les soixante ans de votre fidélité à la cause du cinéma, que cet hommage à un artiste complet dont l'engagement professionnel est marqué par une grande fidélité : à des réalisateurs, comme Valerio Zurlini dont il fut l'interprète, puis, le producteur ; ou à Pierre Schoendorffer, par exemple, avec lequel il mena le même parcours. Fidélité aussi à ses idées et persévérance dans l'exploration d'un cinéma toujours exigeant mais destiné au public le plus large. On vous doit, entre autres, cher Jacques Perrin, d'avoir réuni dans les salles du monde entier des spectateurs par millions, pour des documentaires nous offrant souvent des images saisissantes et inattendues, ouvrant ainsi des perspectives nouvelles à ce genre, qui désormais multiplie les succès. Vous avez fait la preuve que le documentaire est bien du cinéma à part entière, et que la production française y excelle. Vous êtes d'ailleurs au travail sur un beau et ambitieux projet, qui a pour nom " Océan ". Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je suis heureux d'assister aujourd'hui à cet hommage qui marque la force et le rayonnement du cinéma français, par l'union de tous ceux qui concourent à son succès. Merci à tous pour votre travail et votre dévouement en faveur du cinéma et bon anniversaire !
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 29 septembre 2005)