Allocution de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, et de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les relations franco-slovaques, l'avenir de l'Union européenne élargie, la question de la protection sociale et de la compétitivité européennes face à la concurrence internationale, la libre circulation des travailleurs, Bratislava le 8 octobre 2005.

Prononcé le

Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy et Catherine Colonna en Slovaquie les 7 et 8 octobre 2005 : allocution devant la communauté française le 8 à Bratislava

Texte intégral

Le ministre - Mesdames et Messieurs, avec l'ambassadeur, nous disions depuis 24 heures combien nous ressentions que les relations entre nos deux pays, entre la France et la Slovaquie étaient plus qu'excellentes. Et ce petit-déjeuner de ce matin avec les deux co-présidents me montrait qu'en définitive, la Slovaquie est un pays qui est beaucoup plus latin que l'on ne le croit. Un pays où l'on sent qu'outre la beauté, l'envie de plaire, il y a une autre chose entre nos deux pays, pas uniquement le rapport rationnel et c'est cela que j'ai ressenti et qui m'a frappé dès hier à la sortie à l'aéroport.
Je voudrais saluer ma délégation, mais en particulier dans cette délégation les deux présidents des groupes d'amitié des deux pays que j'aurai visités, M. Soisson, président du Groupe d'amitié franco-tchèque et M. Loncle, président du Groupe d'amitié franco-slovaque à l'Assemblée nationale, ancien ministre. Je voudrais les saluer parce qu'ils connaissent parfaitement ces deux pays et au-delà des relations entre ministres, entre gouvernements, il y a aussi ce Parlement où hier nous rencontrions des présidents des commissions et ces collectivités locales qui sont à l'initiative de nombreux liens aujourd'hui ; on sait bien combien la Slovaquie s'intéresse à des relations avec la communauté française.
Nous avons eu hier, avec mon homologue ministre slovaque des Affaires étrangères, Eduard Kukan, un dîner très amical et avons dépassé le cadre classique des entretiens préparés par les collaborateurs des ministères des Affaires étrangères. Nous avons discuté en toute amitié et toute confiance et c'est quelque chose qui, en définitive, est irremplaçable. Et c'est pour cela que vous avez raison, en effet, de dire que les visites ministérielles doivent se banaliser, elles doivent être proches des visites familiales, lorsque l'on partage les mêmes valeurs et que l'on a la même vision des choses. Il y a deux ou trois sujets sur lesquels je m'attarderai.
Le premier c'est vous, c'est-à-dire essentiellement les Français expatriés. C'est vous qui faites la France ici aujourd'hui. Quand on voit qu'un certain nombre de nos compatriotes voient l'élargissement de l'Union européenne aux nouveaux pays comme une menace, moi qui suis Pyrénéen, ma première circonscription de député touchait l'Espagne, je me rappelle les remarques négatives que nous avons entendues lorsque l'Espagne devait entrer dans l'Union européenne à l'époque. Mais l'Espagne a été une chance extraordinaire pour nous. Ces pays seront une chance extraordinaire pour nous aujourd'hui, comme pour eux d'ailleurs en fin de compte. Comme toujours en politique il n'existe pas d'unilatéralisme, ce n'est qu'ensemble que l'on réussit ou pas du tout. Donc il faut bien comprendre que la première question que l'on m'a posée ici, c'était un journaliste qui n'était pas slovaque, était : "Alors, Peugeot a délocalisé en Slovaquie ?" Mais non, Peugeot n'a pas délocalisé en Slovaquie ; Peugeot a créé une usine, a investi en Slovaquie pour qu'on vende des voitures dans cette région du monde et que bien évidemment on puisse satisfaire le marché autour de ce pays.
C'est cela qu'il faut faire évoluer. Or vous, vous êtes des pionniers, des visionnaires, vous avez compris cela et je voudrais vous en remercier. Il se trouve que je me suis expatrié moi aussi une fois pendant deux ans et demi et je connais la rupture que cela représente. Je sais qu'il y a quelque part une sorte d'interruption : la télévision prend une autre dimension, le téléphone prend une autre dimension, la lettre prend une nouvelle dimension - toutes choses qu'on ne mesurait pas avant de s'expatrier. Donc je suis conscient de cela, je suis heureux de pouvoir venir pour vous dire la reconnaissance et la gratitude qu'a la France envers vous.
Il y a un autre sujet que j'ai senti être une préoccupation des Slovaques tout le long de mon passage, c'est la libre-circulation des travailleurs. Je sais qu'il y a le souci dans la politique intérieure de demander "mais pourquoi la France n'accepte pas nos travailleurs ?". Evidemment c'est l'essence même de l'idée européenne, simplement nous venons de vivre des vicissitudes de la vie politique intérieure que vous ne comprenez peut-être pas toujours : qui aurait dit il y a un an que le référendum aurait échoué sur la Constitution européenne, essentiellement préparée par un Français, et pas n'importe lequel, un ancien président, un très grand Européen ? Qui aurait pu dire que les Français allaient dire "non", qu'ils allaient
refuser ?
Je crois qu'il faut que nous fassions un effort sur ce point et que nous expliquions beaucoup mieux ce qu'est l'Union européenne, ce projet magnifique et unique dans l'histoire pour lequel les pays se mettent ensemble et acceptent volontairement de céder un peu de leur souveraineté. Je crois que c'est vraiment unique. La première chose que j'ai dite c'est que l'Union européenne représente vraiment notre chance, tout simplement, dans le monde. Je crois qu'il faut que nous continuions comme cela.
Comment faire en sorte que la Chine, l'Inde, le Brésil demain ne prennent pas tout ? L'Europe a encore des choses à dire. L'Union européenne doit pouvoir incarner des valeurs mais en même temps "jouer dans la cour des grands" sur le plan économique et social. Donc, c'est toute la question qui est devant nous : jusqu'à quand allons-nous accepter une protection sociale telle que nos entreprises soient moins compétitives ? Jusqu'à quand allons-nous accepter encore moins de compétitivité pour encore plus de protection sociale - c'est le grand sujet que nous avons devant nous au sein de l'Union européenne ? Au fur et à mesure que nous allons harmoniser nos niveaux de vie nous aurons un problème qui touchera non pas deux ou trois pays mais tous les pays membres de l'Union dont celui-ci.
Je terminerai en saluant l'ambassadrice de Slovaquie en France, Mme Krasnohorska, pour son travail.
Je suis heureux aussi de vous voir, Monsieur l'Ambassadeur. Je crois que l'ensemble des dirigeants ici apprécient votre travail dans ce pays. Je crois que c'est justement à partir de vous, de vous deux, que l'on peut continuer à faire ce travail et sachez que l'Etat français, le gouvernement français sera entièrement à votre disposition pour nourrir ce dialogue.
Quant à la présence française dans ce pays - nous ne représentons que 3,8 % de part de marché, c'est tout à fait en deçà de nos capacités - nous espérons pouvoir profiter des privatisations à venir dans les semaines qui viennent pour rattraper ce retard car la France a envie d'être de plus en plus présente en Slovaquie. Merci.
La ministre déléguée - Merci de cet honneur, mais quelques mots seulement. Je voudrais dire, au terme de cette visite, combien je suis heureuse que la Slovaquie ait fait l'honneur à la France de nous recevoir au plus haut niveau. Et nous y étions sensibles. Nous venions essentiellement pour intensifier le dialogue entre la France et la Slovaquie, parce que nous pensons que c'est un dialogue plus intense qu'il faut engager avec l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne et nous nous y efforçons depuis le mois de juin. L'Europe est confrontée à de nouveaux défis. Il n'y a pas de raison d'être pessimistes mais il faut trouver une solution pour aller mieux. Ce qui est sûr, c'est que nous avons trouvé ici un pays dynamique, souriant, plein de promesses et pleinement conscient des avantages que propose la construction européenne. Cela fait du bien d'avoir cela ! C'est un pays avec lequel nous sommes désireux d'entretenir et d'intensifier encore plus nos relations.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2005)