Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur les quatre grands axes de la politique de promotion des droits des femmes : l'emploi, les femmes issues de l'immigration, les violences faites aux femmes et la dimension européenne et internationale, le 15 septembre 2005.

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Circonstance : Journées de travail des déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité et des chargées de mission départementales en 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les déléguées régionales et les chargées de mission départementales aux droits des femmes et à l'égalité,
Laissez-moi tout d'abord vous dire tout le plaisir que j'ai à vous recevoir pour l'ouverture de cette première journée de travail du réseau déconcentré des droits des femmes et de l'égalité.
Je suis très heureuse de vous rencontrer - pour la première fois depuis ma nomination - et de vous exprimer ma satisfaction d'assumer, au sein de l'équipe gouvernementale, la responsabilité de la parité.
Les droits des femmes constituent pour moi le fil rouge de mon action, une préoccupation transversale qui va enrichir l'ensemble des politiques que je mène au titre de la cohésion sociale, comme elle doit enrichir l'ensemble des politiques publiques.
C'est dire l'importance que j'accorde à ce sujet :
- sujet central, à la fois en termes d'acquis démocratique, de performance économique et de cohésion sociale ;
- sujet central aussi si l'on veut que s'approfondisse ce nouveau modèle de société qui donne toute leur place aux femmes dans le monde du travail comme dans la vie publique et qui permet, aux hommes comme aux femmes, de mieux articuler leur vie professionnelle et leur vie familiale.
En tout premier lieu, je voudrais saluer votre action.
Merci d'être là, merci pour tout ce que vous faites. Sachez que, même si j'ai peu l'occasion de vous rencontrer, je suis très au courant de votre action, de vos efforts, de votre mobilisation.
Vous êtes le relais efficace de la politique du Gouvernement au sein des régions et des départements.
Vous agissez avec conviction et détermination pour promouvoir les droits des femmes, que ce soit dans le domaine de la parité politique, de l'égalité professionnelle, du respect de la dignité de la personne et de l'articulation des temps de vie.
Sur tous ces sujets, je m'engage à vous apporter, dans la mesure de mes possibilités, tout le soutien nécessaire à vos initiatives et à vos actions.
Quels sont donc les grands dossiers que j'entends conduire avec votre aide ?
J'ai privilégié quatre axes de travail : l'emploi, les femmes issues de l'immigration, les violences faites aux femmes et la dimension européenne et internationale.
1. Femmes et emploi, tout d'abord.
Je souhaite poursuivre le dialogue engagé avec l'ensemble des acteurs, les partenaires sociaux et le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle que j'ai d'ailleurs réuni la semaine dernière.
Le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes est le fruit d'une excellente concertation. J'ai eu l'honneur de le défendre devant la Haute assemblée au mois de juillet dernier. Il sera examiné en seconde lecture en décembre prochain.
Cette loi est une avancée :
- elle complète les lois antérieures, qui étaient insuffisamment appliquées,
- et c'est une loi novatrice, qui s'appuie sur deux leviers essentiels :
- la confiance avec les partenaires sociaux, tout d'abord : ils se sont engagés à intégrer l'égalité dans l'ensemble des négociations obligatoires de branches et d'entreprises, conformément aux dispositions de l'Accord interprofessionnel du 1er mars 2004,
- le pragmatisme et le souci de l'efficacité, ensuite : nous nous donnons cinq ans pour réussir, avec la possibilité d'introduire une sanction à mi-parcours si le bilan n'est pas satisfaisant.
Ce texte va permettre de progresser vers l'égalité salariale entre les femmes et les hommes dans l'entreprise. L'objectif de suppression des écarts de rémunération d'ici 2010 devrait être atteint.
Dans trois ans, une Conférence nationale sur les salaires permettra de faire un bilan des négociations qui se sont tenues.
Ce texte va également permettre des avancées majeures :
- pour l'accès des femmes aux postes à responsabilité, notamment dans les conseils d'administration des entreprises,
- et pour leur accès à la formation.
Enfin, ce projet de loi, en neutralisant l'impact des congés maternité sur l'évolution salariale et le droit à la formation, va contribuer à favoriser l'articulation entre vie professionnelle et vie privée.
La discussion parlementaire au Sénat a apporté des avancées complémentaires importantes sur trois points :
- elle a amélioré les conditions de mise en uvre du dialogue social en précisant les informations fournies par l'entreprise aux partenaires sociaux pour élaborer les mesures nécessaires à la suppression des écarts de rémunération ;
- elle a instauré un financement de l'allongement du congé de maternité des mères d'enfants prématurés ;
- elle a permis la capitalisation du droit individuel à la formation pendant les congés parentaux.
Ma deuxième priorité concernant les femmes et l'emploi est de développer le label égalité.
Ce label, fruit d'un dialogue social renouvelé, constitue un excellent outil d'image et d'émulation pour promouvoir avec les partenaires sociaux la politique de l'égalité.
A ce jour, il a été décerné à une douzaine d'entreprises. Une quinzaine de dossiers sont attendus. Nous devons amplifier le mouvement. Je sais que vous contribuez dans vos régions à le faire connaître. Je compte sur vous pour renforcer la dynamique dans laquelle nous sommes engagés.
Pour ma part, j'ai l'intention d'organiser, au mois d'octobre, pour la remise de nouveaux labels, une manifestation qui aura pour objet de mobiliser les grandes entreprises. Je compte également me pencher plus précisément sur le cas des PME et simplifier le cahier des charges pour faciliter le dépôt de leurs demandes de label sans altérer la qualité de la démarche exigée d'elles pour obtenir cette distinction.
Je ferai également, fin novembre, à Birmingham, lors de la réunion des ministres de l'Union européenne, une proposition visant à créer un label européen de l'égalité.
Ma troisième grande préoccupation concerne la question du temps partiel et la précarité du travail féminin.
Je compte m'y atteler sans délai. Le rapport de Françoise MILEWSKI a montré l'urgence d'agir. C'est un de mes sujets prioritaires. Il n'est plus tolérable que des femmes, souvent en situation de monoparentalité, aient des horaires totalement éclatés au cours d'une même journée, sur un lieu de travail qui plus est très éloigné de leur domicile.
Je vais engager avec mon collègue Gérard LARCHER, à l'initiative de Jean-Louis BORLOO, une consultation approfondie avec les partenaires sociaux sur le temps partiel.
J'ai confié au Conseil économique et social une mission d'expertise sur ce sujet dont j'aurais les éléments fin novembre.
Dernier point concernant l'emploi : j'ai souhaité que la Fédération française du bâtiment, qui projette de recruter 20 000 femmes sur les chantiers d'ici 2009, vienne vous présenter les outils très intéressants qu'elle a créés pour inciter les femmes à rejoindre les métiers du bâtiment.
Vous êtes partie intégrante du SPE. Vous avez un rôle de relais. Ensemble il faut nous mobiliser pour désenclaver le travail féminin.
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2. Les femmes de l'immigration
Au-delà de la promotion de la place des femmes sur le marché du travail, je compte traiter un sujet qui est à la confluence de mes deux portefeuilles, parité et cohésion sociale : je veux parler de la question des femmes issues de l'immigration.
Merci à Yamina BENGUIGUI d'être parmi nous. Votre talent de réalisatrice est bien connu de tous. Vous illustrez parfaitement la réussite de nombreuses femmes issues de l'immigration.
Votre présence me permet d'affirmer avec force ma volonté de valoriser les talents des femmes de l'immigration dans tous les domaines. Nous avons le devoir de les faire connaître et de les mettre en avant.
Votre exemple, leur exemple sont, j'en suis persuadé, un stimulant puissant auprès des jeunes filles pour leur donner confiance et les inciter à agir. Ils leur montrent qu'elles ont toute leur place dans notre société, et plus encore : qu'on les attend, qu'on a besoin d'elles, qu'elles enrichissent notre vie commune.
Au plan du droit, je souhaite à la fois valoriser la diversité que les femmes issues de l'immigration apportent, et donc avoir une approche non " victimisante ", et mettre en place les conditions du respect de la dignité humaine.
C'est pourquoi je tiens à ce que les préconisations du rapport sur les femmes de l'immigration soient mises en uvre, notamment celles visant à les informer sur leurs droits.
Il est indispensable que les primo arrivantes, mais aussi les femmes présentes depuis plus longtemps sur notre territoire, et notamment les mères, connaissent leurs droits et puissent s'intégrer à la vie sociale. Un guide à leur usage sera élaboré par le Service des Droits des Femmes en partenariat avec les acteurs concernés.
Je compte également publier, dès le mois de septembre, un guide franco-marocain permettant aux femmes marocaines ou franco-marocaines vivant en France de s'approprier la nouvelle législation marocaine sur les droits des femmes, cette nouvelle moudawana qui apporte de grandes avancées.
Par ailleurs, soyez vigilante avec les CIDF pour favoriser leur présence sur les plate-formes d'accueil de l'intégration.
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3. Femmes et violences
Un autre sujet, très difficile, doit retenir toute notre attention, c'est celui de la souffrance des femmes.
Je vais sortir prochainement les résultats d'une enquête sur les décès faisant suite à des violences conjugales. Cette enquête était le maillon manquant de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France menée en l'an 2000.
Grâce au travail du Commandant Maryvonne CHAPALAIN, au ministère de l'Intérieur, nous avons pu obtenir des données précises issues de la police et de la gendarmerie sur ce type de décès. Les résultats sont graves et nécessiteront de mettre en regard des mesures appropriées.
Certaines ont déjà été prises dans le cadre du plan global d'actions contre les violences et pour l'autonomie des femmes, présenté le 25 novembre dernier.
Je souhaite aller plus loin. A cette fin, j'ai confié à l'IGAS et à l'Inspection Générale de l'Equipement une mission de recensement de l'hébergement des femmes victimes de violences.
Je travaille également avec mon collègue Nicolas SARKOZY à élaborer des mesures législatives de répression des violences faites aux femmes. Elles seront inscrites dans le projet de loi de prévention des violences.
Ces mesures viseront :
- à élargir les sanctions aux ex-conjoints, ex-concubins et aux pacsés ;
- à étendre l'existence de circonstance aggravante au meurtre, au viol et aux agressions sexuelles au sein du couple ;
- et à inscrire l'éloignement du domicile commun dans les mesures du contrôle judiciaire.
A ces mesures centrées spécifiquement sur les violences conjugales, je compte ajouter :
- des mesures de lutte contre les mariages forcés, avec l'institution d'un délit de mariage forcé :
- et des mesures de lutte contre les mutilations sexuelles, en élargissant le délai de prescription et en harmonisant à 18 ans l'âge nubile pour les filles et les garçons : c'est là sans doute une des dernières discriminations entre les femmes et les hommes contenue dans notre Code Civil. Elle était d'un autre âge. Le Comité issu de la Convention pour l'Elimination de toutes les formes de Discrimination Contre les Femmes (CEDAW) a souligné cet anachronisme. Il est temps d'y remédier.
Comme je vous l'ai indiqué dans " l'appel à idées " que je vous ai fait parvenir, je souhaite la mobilisation de chacune d'entre vous pour la célébration de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, qui aura lieu le 25 novembre prochain.
Je compte faire des déplacements en région cette semaine là pour accroître l'impact de cette journée. J'ai demandé à l'ensemble du réseau de me faire des propositions en ce sens rapidement.
Je clôturerai cette semaine par un déplacement international dans le Golfe.
Un an après le lancement du plan intitulé " 10 mesures pour l'autonomie des femmes ", cette journée sera aussi l'occasion de dresser le bilan des avancées obtenues et de présenter les expérimentations que nous lancerons en cette fin d'année.
Lors de manifestations d'une grande ampleur, je réaffirmerai la détermination du gouvernement à ne tolérer aucune forme de violence, et nous mènerons des actions de sensibilisation du grand public, notamment avec la participation de France 5.
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4. Europe et international
Pour conclure, je voudrais dire un mot des sujets européens et internationaux.
La victoire du " non " au référendum ne doit pas nous faire baisser les bras. Nous devons continuer à montrer que les femmes ont besoin de l'Europe et que l'Europe a besoin des femmes.
De grands sujets nous attendent, liés à la question du modèle social européen et aux enjeux démographiques de notre nouvelle Europe. La notion de croissance sociale, évoquée par le Premier Ministre, conjugue ce double impératif de compétitivité et de solidarité que l'Europe doit satisfaire pour réussir les défis de demain.
Je serai à Birmingham en novembre prochain aux côtés de mes homologues européens et j'affirmerai la détermination de la France à continuer cette politique d'égalité, à la fois dans sa démarche dite de " gender meanstreaming ", qui intègre la dimension de l'égalité dans chaque politique, et de politique spécifique.
Sur le plan international, je reste convaincue que les Objectifs du Millénaire pour le Développement ne pourront être atteints sans une accélération de la mise en uvre des engagements pris à Pékin et à Pékin + 5.
Le Sommet des chefs d'Etats et de Gouvernement, qui se tient en ce moment, pour l'examen des progrès accomplis depuis l'adoption de la Déclaration du Millénaire, est l'occasion d'affirmer solennellement que l'égalité des sexes, la promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales des femmes sont essentielles pour favoriser le développement, la sécurité et les droits de l'homme à travers le monde.
Je serai à New-York en mars prochain pour assister à la Commission de la condition de la femme et, plus spécifiquement, je compte engager avec ma collègue Brigitte GIRARDIN une approche " genre et développement " sur la question de l'éducation des filles, qui est la clé de l'égalité. Trop de petites filles à travers le monde sont privées d'école et ne pourront dès lors trouver toute leur place dans la société de demain.
Voilà l'ensemble des projets pour les mois à venir que je souhaitais vous présenter. Vous le voyez, une lourde tache nous attend.
Ma détermination est sans failles et je compte sur vous pour insuffler dans l'ensemble de nos politiques publiques le souci de la promotion des droits des femmes dans toutes leurs composantes.
Je sais que vous constituez une équipe sur laquelle je peux prendre appui pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Nous avons besoin de votre réflexion et de votre expérience.
Je souhaite que vous fassiez remonter auprès du Service des droits des femmes toutes les expériences innovantes et les initiatives locales qui vous paraissent intéressantes.
Je sais que vous venez d'horizons divers, que vous avez des expériences multiples et que, de ce fait, vos situations administratives sont différentes les unes des autres.
Je sais aussi que votre rôle n'est pas facile :
- vous êtes souvent isolées dans votre département ou votre région ;
- vous disposez de peu de moyens, même si des efforts ont été réalisés cette année pour les majorer dans une enveloppe de crédits inchangée. Je connais cependant votre motivation et votre engagement.
Sachez que j'ai demandé au Service des Droits des femmes et de l'Egalité de me faire des propositions pragmatiques pour le fonctionnement de votre réseau et l'amélioration de vos conditions de rémunération. J'en fais une de mes priorités pour l'année 2006. J'espère que la souplesse induite par la LOLF permettra une meilleure reconnaissance de la qualité de votre travail.
Je compte aller prochainement en région pour mesurer encore mieux l'ampleur de vos missions.
Je vous remercie
(Source http://www.femme-egalite.gouv.fr, le 22 septembre 2005)