Texte intégral
(Entretien de Noëlle Lenoir à Public Sénat le 8 mars 2004)
Q - Pour cette Journée internationale de la femme, nous recevons Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux Affaires européennes. Comment jugez-vous cette place des femmes en Europe ? Que représentent-elles vraiment sur le terrain ?
R - Nous sommes dans une situation très paradoxale. Les femmes sont la majorité du corps électoral et pourtant elles sont une minorité au niveau de la représentation politique nationale et européenne. Il y a beaucoup plus de diplômées femmes que de diplômés hommes et pourtant les postes de responsabilité leur sont encore fermés.
Q - Evidemment il y a des situations très contrastées entre les gouvernements européens. On parle bien sûr de la puissance des femmes dans les pays nordiques et aussi - et c'est plus récent - dans les nouveaux pays membres où elles sont très présentes au gouvernement. Comment expliquez-vous cette différence ?
R - Dans les pays nordiques, cela est dû au fait qu'il y a eu un mouvement des femmes dans les années 1960, en profondeur, où les femmes ont décidé d'investir à peu près tous les métiers, pas seulement les métiers les plus visibles en haut de la pyramide. Dans les pays entrants, c'est un peu différent. Mais il est vrai que les femmes y ont toujours travaillé à égalité avec les hommes. Le taux d'emploi des femmes était le même que celui des hommes. Maintenant, les femmes de ces nouveaux pays accèdent aux plus hautes responsabilités. C'est pourquoi je réunis aujourd'hui, à Paris, les trois commissaires femmes des pays qui vont nous rejoindre le 1er mai et ma jeune collègue ministre belge des Affaires européennes, nommée il y a trois semaines. Nous voulons montrer que nous, femmes, nous nous engageons pour les femmes.
Q - J'ai envie de vous poser une question un peu pernicieuse : est-ce que dans les pays où les femmes sont très présentes en politique, on ne leur laisse pas gérer la maison commune peut-être parce que l'économie compte plus, les hommes se dirigent davantage vers le business ?
R - Je ne pense pas. Je peux vous dire que la lutte au sein du monde politique est très âpre et que cela n'est pas volontiers qu'on laisse la place aux femmes. Les femmes en politique ont à faire leurs preuves beaucoup plus encore que les hommes. Elles doivent chaque jour montrer qu'elles sont travailleuses, qu'elles sont sérieuses, qu'elles sont compétentes. Rien n'est jamais acquis à la femme en politique.
Q - Noëlle Lenoir, avez-vous avez l'impression que les hommes supportent mal d'être dirigés par des femmes ?
R - La société en général l'accepte mal. Certaines femmes et certains hommes l'acceptent mal. Mais surtout il y a de vieux, vieux, vieux schémas. On aime beaucoup plus un modèle de femmes séductrices, manipulatrices qui exercent le pouvoir mais dans l'ombre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2004)
(Entretien de Noëlle Lenoir à Europe 1 le 8 mars 2004)
Q - Madame bonsoir. Vous receviez aujourd'hui les trois futures commissaires européennes, histoire de marquer non pas le coup, mais de marquer l'intérêt et l'accession aux responsabilités de femmes ?
R - Tout à fait. Ces femmes représentent, pour deux d'entre elles, deux pays baltes, la Lettonie et la Lituanie et la troisième est polonaise. Ce sont des femmes d'exception qui sont toutes actuellement ministres : des Affaires étrangères, des Affaires européennes et des Finances ; et elles ont bien l'intention de continuer à marquer leur présence au sein de la Commission. Elles ont toutes dit que quel que soit le portefeuille qu'elles auront en tant que Commissaires, elles s'engageront à défendre la cause des femmes au plan européen.
Q - Avez- vous avez l'impression que la féminisation du pouvoir est en bonne voie ?
R - La féminisation du pouvoir est en bonne voie. D'ailleurs les pays qui nous rejoignent au 1er mai prochain - notamment ceux de l'Est de l'Europe - ont déjà accordé aux femmes une place assez importante. La féminisation du pouvoir est l'avenir de la femme. Les femmes doivent s'engager politiquement, elles doivent participer à la vie publique, elles doivent voter, elles doivent se présenter aux élections. C'est comme cela qu'elles pèseront sur les grandes décisions les concernant.
Q - On a l'impression que dans le domaine sociétal, comme on dit aujourd'hui, les progrès ont été considérables. Dans le domaine politique, là, c'est beaucoup plus incertain ?
R - C'est incertain et c'est lent
Q - Assemblée nationale, gouvernement
R - Dans les Assemblées et au gouvernement, mais aussi dans les entreprises. Il y a très peu de femmes patrons. Je pense, comme vous le soulignez, qu'il y a un écart entre le droit et les faits. Finalement on a, à peu près dans tous les domaines, une égalité en droit entre les hommes et les femmes. Mais il n'y a pas encore d'égalité de rémunération à travail égal. Il n'y a pas véritablement d'égalité professionnelle dès lors que subsiste le fameux "plafond de verre". Les femmes continuent, pour des raisons psychologiques, à avoir des difficultés à accéder aux postes les plus élevés. Les femmes qui y accèdent sont des modèles d'exception. L'une des grandes voies pour essayer de surmonter ces obstacles psychologiques, c'est que les femmes aient confiance en elles-mêmes. Pour qu'elles aient confiance en elles-mêmes, il faut qu'elles voient d'autres femmes exercer des responsabilités aussi bien et même mieux que les autres.
Q - Vous êtes ministre déléguée aux Affaires européennes donc un peu à l'écart de l'économie, même si l'économie joue un rôle essentiel. Est-ce que la grande injustice, et ce sera ma dernière question, ce n'est pas justement les salaires ? Comment se fait-il, aujourd'hui en France, que l'on continue à payer des femmes parfois un tiers de moins que les hommes, uniquement parce qu'elles sont des femmes alors qu'elles ont les mêmes diplômes et les mêmes qualifications ?
R - Ecoutez, pour vous parler franchement, je ne le comprends pas. D'ailleurs le pourcentage dans notre pays est plus élevé que dans d'autres pays européens, ce qu'a souligné tout à l'heure le Premier ministre qui s'est adressé à ce sujet aux partenaires sociaux et à différents représentants politiques : à ses ministres femmes et à ces trois femmes commissaires que j'ai reçues. Je ne le comprends pas, rien ne le justifie. Je crois qu'à cet égard, nous avons peut-être à apprendre d'autres pays. C'est pourquoi lors de notre réunion, nous - c'est-à-dire nous femmes engagées, ces trois commissaires, la ministre belge et moi-même - avons lancé un appel : nous souhaitons que l'Union européenne édite un "recueil des bonnes pratiques" dans tel ou tel pays pour que l'on puisse transposer chez nous ce qui se fait de mieux ailleurs. Je pense qu'il faut regarder ce qui se passe notamment dans les pays scandinaves où il y a une meilleure égalité professionnelle
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2003)
Q - Pour cette Journée internationale de la femme, nous recevons Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux Affaires européennes. Comment jugez-vous cette place des femmes en Europe ? Que représentent-elles vraiment sur le terrain ?
R - Nous sommes dans une situation très paradoxale. Les femmes sont la majorité du corps électoral et pourtant elles sont une minorité au niveau de la représentation politique nationale et européenne. Il y a beaucoup plus de diplômées femmes que de diplômés hommes et pourtant les postes de responsabilité leur sont encore fermés.
Q - Evidemment il y a des situations très contrastées entre les gouvernements européens. On parle bien sûr de la puissance des femmes dans les pays nordiques et aussi - et c'est plus récent - dans les nouveaux pays membres où elles sont très présentes au gouvernement. Comment expliquez-vous cette différence ?
R - Dans les pays nordiques, cela est dû au fait qu'il y a eu un mouvement des femmes dans les années 1960, en profondeur, où les femmes ont décidé d'investir à peu près tous les métiers, pas seulement les métiers les plus visibles en haut de la pyramide. Dans les pays entrants, c'est un peu différent. Mais il est vrai que les femmes y ont toujours travaillé à égalité avec les hommes. Le taux d'emploi des femmes était le même que celui des hommes. Maintenant, les femmes de ces nouveaux pays accèdent aux plus hautes responsabilités. C'est pourquoi je réunis aujourd'hui, à Paris, les trois commissaires femmes des pays qui vont nous rejoindre le 1er mai et ma jeune collègue ministre belge des Affaires européennes, nommée il y a trois semaines. Nous voulons montrer que nous, femmes, nous nous engageons pour les femmes.
Q - J'ai envie de vous poser une question un peu pernicieuse : est-ce que dans les pays où les femmes sont très présentes en politique, on ne leur laisse pas gérer la maison commune peut-être parce que l'économie compte plus, les hommes se dirigent davantage vers le business ?
R - Je ne pense pas. Je peux vous dire que la lutte au sein du monde politique est très âpre et que cela n'est pas volontiers qu'on laisse la place aux femmes. Les femmes en politique ont à faire leurs preuves beaucoup plus encore que les hommes. Elles doivent chaque jour montrer qu'elles sont travailleuses, qu'elles sont sérieuses, qu'elles sont compétentes. Rien n'est jamais acquis à la femme en politique.
Q - Noëlle Lenoir, avez-vous avez l'impression que les hommes supportent mal d'être dirigés par des femmes ?
R - La société en général l'accepte mal. Certaines femmes et certains hommes l'acceptent mal. Mais surtout il y a de vieux, vieux, vieux schémas. On aime beaucoup plus un modèle de femmes séductrices, manipulatrices qui exercent le pouvoir mais dans l'ombre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2004)
(Entretien de Noëlle Lenoir à Europe 1 le 8 mars 2004)
Q - Madame bonsoir. Vous receviez aujourd'hui les trois futures commissaires européennes, histoire de marquer non pas le coup, mais de marquer l'intérêt et l'accession aux responsabilités de femmes ?
R - Tout à fait. Ces femmes représentent, pour deux d'entre elles, deux pays baltes, la Lettonie et la Lituanie et la troisième est polonaise. Ce sont des femmes d'exception qui sont toutes actuellement ministres : des Affaires étrangères, des Affaires européennes et des Finances ; et elles ont bien l'intention de continuer à marquer leur présence au sein de la Commission. Elles ont toutes dit que quel que soit le portefeuille qu'elles auront en tant que Commissaires, elles s'engageront à défendre la cause des femmes au plan européen.
Q - Avez- vous avez l'impression que la féminisation du pouvoir est en bonne voie ?
R - La féminisation du pouvoir est en bonne voie. D'ailleurs les pays qui nous rejoignent au 1er mai prochain - notamment ceux de l'Est de l'Europe - ont déjà accordé aux femmes une place assez importante. La féminisation du pouvoir est l'avenir de la femme. Les femmes doivent s'engager politiquement, elles doivent participer à la vie publique, elles doivent voter, elles doivent se présenter aux élections. C'est comme cela qu'elles pèseront sur les grandes décisions les concernant.
Q - On a l'impression que dans le domaine sociétal, comme on dit aujourd'hui, les progrès ont été considérables. Dans le domaine politique, là, c'est beaucoup plus incertain ?
R - C'est incertain et c'est lent
Q - Assemblée nationale, gouvernement
R - Dans les Assemblées et au gouvernement, mais aussi dans les entreprises. Il y a très peu de femmes patrons. Je pense, comme vous le soulignez, qu'il y a un écart entre le droit et les faits. Finalement on a, à peu près dans tous les domaines, une égalité en droit entre les hommes et les femmes. Mais il n'y a pas encore d'égalité de rémunération à travail égal. Il n'y a pas véritablement d'égalité professionnelle dès lors que subsiste le fameux "plafond de verre". Les femmes continuent, pour des raisons psychologiques, à avoir des difficultés à accéder aux postes les plus élevés. Les femmes qui y accèdent sont des modèles d'exception. L'une des grandes voies pour essayer de surmonter ces obstacles psychologiques, c'est que les femmes aient confiance en elles-mêmes. Pour qu'elles aient confiance en elles-mêmes, il faut qu'elles voient d'autres femmes exercer des responsabilités aussi bien et même mieux que les autres.
Q - Vous êtes ministre déléguée aux Affaires européennes donc un peu à l'écart de l'économie, même si l'économie joue un rôle essentiel. Est-ce que la grande injustice, et ce sera ma dernière question, ce n'est pas justement les salaires ? Comment se fait-il, aujourd'hui en France, que l'on continue à payer des femmes parfois un tiers de moins que les hommes, uniquement parce qu'elles sont des femmes alors qu'elles ont les mêmes diplômes et les mêmes qualifications ?
R - Ecoutez, pour vous parler franchement, je ne le comprends pas. D'ailleurs le pourcentage dans notre pays est plus élevé que dans d'autres pays européens, ce qu'a souligné tout à l'heure le Premier ministre qui s'est adressé à ce sujet aux partenaires sociaux et à différents représentants politiques : à ses ministres femmes et à ces trois femmes commissaires que j'ai reçues. Je ne le comprends pas, rien ne le justifie. Je crois qu'à cet égard, nous avons peut-être à apprendre d'autres pays. C'est pourquoi lors de notre réunion, nous - c'est-à-dire nous femmes engagées, ces trois commissaires, la ministre belge et moi-même - avons lancé un appel : nous souhaitons que l'Union européenne édite un "recueil des bonnes pratiques" dans tel ou tel pays pour que l'on puisse transposer chez nous ce qui se fait de mieux ailleurs. Je pense qu'il faut regarder ce qui se passe notamment dans les pays scandinaves où il y a une meilleure égalité professionnelle
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 mars 2003)