Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la place des femmes dans l'armée de métier, Paris le 17 mars 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Audition devant le Conseil économique et social, le 17 mars 2004

Texte intégral

Quelle place pour les femmes dans la professionnalisation des armées ?
Une semaine après la Journée internationale de la Femme, et après la remise au Premier ministre par Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, de la Charte de l'égalité entre les hommes et les femmes, le moment est particulièrement opportun pour vous présenter ma vision de la place des femmes dans nos armées.
1 - État des lieux de la situation des femmes dans les armées françaises
La France bénéficie de l'armée la plus féminisée d'Europe.
Cette population féminine n'est toutefois pas représentée de façon homogène.
L'observatoire de la féminisation des armées nous permet un suivi statistique permanent de la place des femmes selon les armées et les catégories de personnel.
Selon les derniers chiffres de décembre 2003, les femmes représentent près de 13% des effectifs, soit plus de 44 000 militaires féminins.
Leur recrutement augmente sensiblement au cours des dernières années et se situe aujourd'hui à 23%.
La France est ainsi au premier rang en matière de féminisation et dépasse ses principaux voisins :
l'Espagne : 10%
la Grande-Bretagne : 8%
l'Allemagne : 4%
l'Italie est loin derrière avec seulement 0,5%
Le statut général des militaires actuellement en vigueur ne fait aucune distinction liée au sexe et consacre ainsi l'égalité statutaire entre les hommes et les femmes au sein des armées.
La répartition des femmes dans les spécialités résulte principalement de choix personnels.
Aujourd'hui, les femmes ont accès à la quasi-totalité des métiers proposés par les armées.
Le fait qu'elles soient concentrées dans certaines spécialités résulte pour l'essentiel de choix personnels de carrière.
On compte ainsi la plus grande proportion de femmes dans le service de santé des armées avec un taux de féminisation de 47%, contre 18% dans l'armée de l'air et environ 11% dans l'armée de terre, la marine, la gendarmerie et l'armement.
Les femmes sont très présentes dans les métiers relevant de la gestion des ressources humaines, de l'administration et de la santé.
Les taux de féminisation les plus faibles concernent les métiers de la mécanique et de la détection anti-sous-marine.
Ne restent réservés au personnel masculin que les postes à bord des sous-marins et dans les escadrons de la gendarmerie mobile, en raison des conditions de travail particulières que ces postes impliquent (forte promiscuité ou conditions précaires d'hébergement).
Il convient de rappeler que le taux de féminisation décroît au fur et à mesure que l'on monte dans la hiérarchie.
Les femmes représentent 14% des militaires du rang, mais seulement 7% des officiers.
2 - Quelle évaluation peut-on faire de la présence des femmes dans les armées ?
L'intégration des femmes se fait de manière progressive et naturelle, et on sait qu'elles sont un atout pour les armées.
- une intégration progressive à tous les niveaux.
La statistique soulignant la faible proportion de femmes dans des postes à responsabilités élevées doit être replacée en perspective.
D'une part, des restrictions d'emploi existaient jusqu'en 1998.
D'autre part, le sort de tout militaire est de progresser en grade du plus bas échelon au plus haut, ce qui interdit l'accession immédiate à des hauts grades.
On ne peut donc douter que, dans les années à venir, la présence des femmes à ces postes élevés augmente considérablement.
- les femmes : un atout pour les armées
Depuis la professionnalisation, la féminisation des armées constitue un atout important pour élargir et enrichir le recrutement.
La population féminine fournit un " vivier " supplémentaire de bonne qualité pour assurer un niveau de recrutement satisfaisant.
Les femmes donnent aussi une dimension nouvelle au métier militaire.
Leur style de commandement, et plus largement d'interaction professionnelle, est souvent différent de celui des collègues masculins mais plus en phase avec l'évolution de la société et des besoins opérationnels.
Elles apportent notamment d'incontestables qualités en matière de relations humaines, précieuses dans les nouveaux types d'engagement en opérations.
3 - Des pistes de réflexion pour l'avenir
- le meilleur facteur d'intégration est une politique de stricte égalité.
Le ministère de la Défense n'entend pas, ni aujourd'hui ni demain, mener de politique discriminatoire.
La LPM 2003-2008 ne fait d'ailleurs aucune référence spécifique à la population féminine.
La politique menée dans les armées consiste à lutter contre toute forme de discrimination ou de comportements inadaptés.
Pour autant, les militaires doivent respecter les sujétions liées à leur état, notamment le principe essentiel de disponibilité.
C'est la raison pour laquelle une discrimination positive n'est pas non plus souhaitable.
Ainsi, l'idée d'un congé éducation proposé par la commission de révision du statut des militaires n'a pas été retenue.
- nous cherchons à favoriser la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée sans oublier le statut des militaires.
Je suis consciente que la possibilité de concilier une vie professionnelle exigeante avec sa vie privée et familiale est à la fois une attente forte des femmes militaires, mais aussi un enjeu essentiel du recrutement et de la fidélisation de tous les militaires.
C'est la raison pour laquelle le ministère prend des mesures pour faciliter la vie des chargés de famille.
Notre action se développe donc à travers :
- une limitation au juste nécessaire des mutations et leur accompagnement
- une politique volontariste d'action sociale (crèches, allocation de garde d'enfants)
- un soutien accru des militaires en opérations et de leur famille
L'intégration des femmes dans les armées passe ainsi, non par des mesures de discrimination positive, mais par une politique de stricte égalité visant à atténuer les effets des sujétions inhérentes à l'état militaire.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 mars 2004)