Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les relations économiques et culturelles entre la France et l'Egypte et la lutte contre le terrorisme, Le Caire le 29 septembre 2005.

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Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy en Egypte les 28 et 29 septembre 2005 : allocution devant la communauté française au Caire le 29

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Chers Compatriotes et Chers Amis,
Permettez-moi, pour commencer, de saluer très chaleureusement chacune et chacun d'entre vous. Je vous remercie d'avoir fait le déplacement malgré les changements d'heures que j'ai été contraint de vous imposer.
C'est un grand plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Chacun de vous est à sa manière le représentant de notre pays. Tous les jours, vous contribuez à faire vivre notre langue et notre culture, vous faites rayonner les talents et les savoir-faire français, je le sais, avec beaucoup de dynamisme et, j'ai envie de dire, beaucoup de générosité.
Le président de la République, à son très grand regret, n'a pu être présent parmi nous ce soir. Il se faisait une joie de venir en Egypte. Vous connaissez son intérêt pour l'Egypte, vous connaissez aussi les relations d'amitié et d'intérêt réciproque qui existent entre le président Moubarak et le président Chirac.
C'est pourquoi mon premier message s'adresse autant à vous qu'à nos amis égyptiens. Comme je l'ai dit ce matin au président Moubarak ainsi qu'à mon homologue, le ministre des Affaires étrangères, Aboul Gheit : le président Chirac a l'intention de venir en Egypte, et ceci très rapidement.
J'ai conscience d'arriver en Egypte à un moment important pour la vie économique, sociale et politique du pays. Je viens de faire un tour avec les principaux membres de la société civile qui me parlaient de démocratie, d'ouverture de la presse, de transition politique comme de transition économique.
La France souhaite apporter tout son soutien et tout son concours aux autorités égyptiennes dans la volonté de modernisation, de dynamisme et d'ouverture qui s'exprime ici.
Nous le ferons en nous fondant sur la richesse et la vivacité de notre partenariat, dont témoignent déjà l'importance des investissements directs de nos entreprises, notamment dans le domaine bancaire, la mise en oeuvre cette année du grand contrat gazier, la remarquable performance de nos céréaliers sur le marché égyptien, le développement enfin de l'Université française d'Egypte dans la ville nouvelle de Chourouk.
Mais c'était aussi pour moi d'une importance particulière : entendre, tout à l'heure, quatre ou cinq ministres parler le français comme vous et moi, des directeurs de cabinet, des chefs de cabinet, des conseillers, parler le français comme vous et moi. Je repars avec la ferme intention de garder et de développer les budgets pour les collèges et lycées français pour continuer à développer cette influence de notre pays en Egypte.
Cette visite est aussi pour moi l'occasion d'enrichir le dialogue constructif mené par nos deux pays sur les grands problèmes régionaux. Nous avons beaucoup parlé, ce matin, avec le président Moubarak, qui m'a reçu longuement, du dossier israélo-palestinien, de Gaza, de la frontière sud, de Rafah, de l'Iran, de l'Irak où se jouent beaucoup de choses, et du Liban avec le résultat, bientôt, de la commission d'enquête du juge Mehlis. Et vous connaissez notre ferme intention de faire toute la lumière judiciaire sur cette enquête criminelle menée par un grand juge, pour que les coupables de l'assassinat odieux du Premier ministre Rafic Hariri soient punis.
L'Egypte et la France continueront donc de jouer tout leur rôle, en intervenant, chaque fois que cela sera nécessaire, pour prévenir les tensions et rechercher le juste règlement des conflits dans la région.
Nous continuerons aussi de tout faire, entre nous et avec la communauté internationale, pour consolider la lutte contre le fléau terroriste.
Dans notre pays, dans quelques jours, nous allons présenter devant le Parlement une loi, une loi antiterroriste. Avec ce grand débat qui arrive dans la société française, nous avons, pendant trente-quarante ans, nous, pays des Droits de l'Homme, toujours estimé qu'il fallait toujours plus de libertés individuelles. Et là, pour la première fois, nous allons poser la question, évidemment, de la poursuite des libertés individuelles, mais en même temps où s'arrêtent ces libertés et où commence la sécurité collective ?
C'est un sujet majeur de nos sociétés occidentales, dû justement à l'avènement de ce qu'il y a de plus odieux en termes de lâcheté, inhumanité et torpeur, que constitue le terrorisme.
L'Egypte a été frappée, le 23 juillet dernier, par un terrible attentat meurtrier. Je veux saluer la mémoire de ces victimes innocentes, et vous redire ici ce soir la pleine solidarité de la France.
Voilà l'essentiel du message que j'ai transmis au président Moubarak et à son gouvernement, sans oublier, bien sûr, les suites de l'enquête qui seront connues très rapidement concernant le terrible accident de Charm el-Cheikh où plus de cent-trente Français et dix-huit Egyptiens ont péri dans un avion.
Je ne suis pas là pour vous parler de la politique intérieure française. Nous avons un gouvernement, donc, depuis maintenant trois mois, un Premier ministre qui a été, d'ailleurs, ministre des Affaires étrangères, avec lequel j'étais à l'ONU récemment. J'ai parlé de la loi antiterroriste. Il y a surtout une profonde obsession pour nous de faire baisser à tout prix le chômage, qui touche en particulier en France à la fois les personnes de plus de cinquante ans et les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Et nous voyons avec plaisir, depuis quatre mois, le chiffre du chômage baisser. Nous avons de bons résultats chaque mois, et j'espère que cela pourra continuer pendant les deux ans qui viennent, puisque nous avons encore vingt mois à peu près d'ici les grandes échéances de 2007 qui, comme vous le savez, sont avant tout l'élection présidentielle.
Mesdames et Messieurs, vous êtes près de 5.000 à résider dans la région du Caire et d'Alexandrie. La France a besoin de femmes et d'hommes comme vous, qui agissent chaque jour pour tisser les fils nécessaires du dialogue entre les deux rives de la Méditerranée.
Vous vous inscrivez ainsi dans les pas de nos compatriotes qui ont marqué la naissance de l'Egypte moderne.
Permettez-moi, et vous le comprendrez, de citer un médecin : le médecin que je suis pense en particulier à la figure de Clot Bey, qui a fondé en 1833 la première école de médecine moderne du Caire.
Aujourd'hui, je crois qu'il n'aurait pas à rougir de la façon dont nous avons géré l'héritage qu'il nous a transmis. Je pense aux partenariats qui lient les centres hospitaliers universitaires de nos deux pays, au rôle éminent joué par l'Association médicale franco-égyptienne. Je pense aussi au concours de notre pays pour la construction de l'hôpital Kasr al Aini, que nos amis Cairotes appellent ''l'hôpital des Français'', et à l'hôpital de l'Université d'Ain Shams pour lequel notre expertise avait été requise.
L'amitié franco-égyptienne, ce sont aussi des établissements d'enseignement français en Egypte, dont je parlais à l'instant, dont chacun s'accorde à reconnaître les talents et l'excellence. C'est en partie grâce à eux que l'Egypte et que la France en Egypte réussiront à gagner le pari de l'avenir, qui est avant tout le pari de la jeunesse.
Le développement que connaît aujourd'hui l'Université Française d'Egypte est un signe fort d'optimisme. Il témoigne aussi de ce que le public et le privé peuvent faire ensemble, et je veux remercier les entreprises françaises et égyptiennes, le club d'affaire franco-égyptien et les conseillers du commerce extérieur en Egypte auxquels nous devons cette expansion.
L'une de vos préoccupations, je le sais, je terminerai par là, est aujourd'hui la situation du lycée français, qui est confronté - c'est là aussi une des rançons du succès ! - à un grave déficit de places. Un terrain avait été acquis, il y a quelques années, en vue de la construction d'un nouveau bâtiment. Aujourd'hui, je suis heureux de vous l'annoncer : un nouvel ensemble lycée-collège verra le jour prochainement, des consultations viennent d'être engagées à cet effet. Cette construction s'ajoutera aux trois sites existants qui deviendront des écoles primaires. Le Caire disposera ainsi d'un établissement français fonctionnel et moderne, à la mesure de la qualité de notre enseignement et des attentes des familles, en particulier des familles francophones.
Je voudrais donc terminer en évoquant la mémoire des victimes françaises et égyptiennes de la catastrophe aérienne de Charm el-Cheikh. Nous avons tous une pensée pour elles ce soir. Je veux vous le confirmer, car c'est désormais chose acquise : un nouveau mémorial sera prochainement érigé sur place, en coopération avec les autorités égyptiennes. C'est pour nous une étape importante, pour le travail de deuil des familles, pour qu'elles puissent en un même lieu rendre hommage à la mémoire de leurs proches.
J'ai terminé, en vous disant que j'aurais aimé rester plus longtemps en Egypte. Je reviendrai probablement avec le président.
Je voudrais remercier l'ambassadeur qui a su préparer remarquablement cette visite.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir, ce matin, avec l'imam Tantawi et de parler de l'importance des dialogue des civilisations, du dialogue des cultures, du dialogue des religions. Et je pense que dans un pays comme celui-là, ami de la France, vu l'horreur de l'horreur, c'est-à-dire, ce dont je parlais tout à l'heure, le terrorisme, où des hommes et des femmes essaient de faire de la politique avec des religions, nous avons intérêt, nous la France, pays des Droits de l'Homme, à venir ici tendre la main pour regarder ce que sont les autres civilisations, les autres religions, à parler du dialogue des cultures et à ne pas croire au choc des civilisations, parce que nous pensons que les religions ne doivent pas être les unes contre les autres, les cultures ne doivent pas être les unes contre les autres, mais au contraire, afficher en face une ténacité, une détermination, une morale, une vérité, celle du respect mutuel des cultures.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2005)