Discours de M. Thierry Breton, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, sur la situation des marchés financiers et les perspectives d'investissement en entreprise, et sur le travail d'harmonisation pour le développement d'un "véritable marché européen", Paris le 29 septembre 2005.

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Circonstance : Remise de la Corbeille d'or à Paris le 29 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames et messieurs, chers amis
Je suis heureux de retrouver ce soir une industrie française en pleine forme, qui se place aux tous premiers rangs mondiaux et européens : n° 3 derrière les États-Unis et juste derrière le Luxembourg. Les encours sous gestion ont encore progressé en 2004, de plus de 10 % par rapport à 2003.
Plusieurs facteurs expliquent ces bons résultats : certains sont exogènes comme la confirmation du redressement des marchés financiers ou le taux d'épargne structurellement élevé des français, tandis que vous être plus directement responsables d'autres, comme le succès des restructurations de vos organisations à la suite de celles de vos sociétés mères et votre savoir-faire dans certaines niches comme les fonds structurés, l'épargne salariale ou le capital investissement.
Des évolutions législatives et règlementaires importantes ont accompagné ce dynamisme, et notamment la reconnaissance de la gestion alternative avec la création des OPCVM " ARIA ", à règles d'investissement allégées, et des Fonds contractuels (je comprends que c'est la manière aussi poétique que politique que nous avons trouvée pour qualifier les hedge funds à la française !). Après avoir défini en novembre 2003 les différentes catégories de Fonds ARIA, qui se sont rapidement développés puisqu'il en existe aujourd'hui plus de 200 avec plus de 16 milliards d'euros investis, nous avons cet été finalisé le cadre prudentiel et défini les conditions dans lesquelles l'assurance-vie pouvait en devenir un canal de distribution. Dans la même veine, vous savez que nous avons levé, dans la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie que j'ai fait adopter cet été, le verrou qui empêchait la transformation de contrats d'assurance-vie en euros en contrats " multi-supports ". Ceci va vous donner de nouvelles opportunités de distribuer vos produits dans ce cadre. Sachez toutefois que les pouvoirs publics seront très attentifs, comme pour la gestion alternative, à ce que les distributeurs remplissent leurs obligations de conseil et d'information. J'ai demandé à mes services d'achever avant la fin du mois d'octobre la rédaction de l'instruction fiscale précisant les conditions contractuelles de basculement. Elle précisera la façon dont sera appréciée l'effectivité de la transformation du contrat ainsi que les conditions d'adhésion individuelle pour les contrats de groupe. En retour, je rappelle aux professionnels que le Gouvernement attend de cette mesure un surcroît significatif d'investissement en actions françaises et européennes, mais aussi qu'ils prennent des engagements clairs d'information et de conseils aux épargnants à qui sera proposée une telle transformation.
2. Ces bonnes performances ne doivent pas faire oublier que le monde de la gestion collective est confronté à une concurrence accrue au sein de l'Union européenne, avec la montée en puissance du Luxembourg et de l'Irlande. Je sais pouvoir compter sur vous pour ne pas vous reposer sur vos lauriers et veiller à ce que notre industrie de la gestion collective reste performante et dynamique.
Au niveau européen, le travail d'harmonisation des règles et des pratiques doit être poursuivi afin de permettre le développement d'un véritable marché européen. Nous sommes aujourd'hui au coeur de l'actualité, puisque la Commission européenne a lancé une consultation sur un livre vert pour l'amélioration du cadre européen.
J'en retiens que les pistes pour remédier au constat de cloisonnement des activités de gestion d'actif sont envisagées à ce stade très timidement par la Commission. Le discours ambiant, marqué par une volonté de statu quo, ne répond pas aux intérêts de la France, qui dispose d'une industrie et d'une épargne forte au niveau européen et doit donc faire entendre sa voix à sa juste mesure. Nous devons tout faire pour que les futures orientations européennes conduisent à renforcer la compétitivité de notre industrie et son efficacité au service des épargnants, tout en assurant un niveau adéquat de protection de nos investisseurs. Le passeport européen pour les sociétés de gestion est un bon exemple de mesure qui permettrait d'accroître la compétitivité de la gestion, puisqu'en évitant les délégations, elle réduirait les coûts. Une rationalisation des services de conservation des fonds irait également certainement dans ce sens.
J'ai demandé à mes services de procéder à une large concertation avec la profession. Au-delà des échéances européennes, cet exercice sera l'occasion d'une réflexion de fond sur les obstacles au développement d'une gestion européenne au service du financement de l'économie et de la croissance. Je souhaite que notre approche commune soit centrée sur l'utilisateur final : comme les pouvoirs publics français l'ont souligné dans leur réponse au livre vert général sur les services financiers, la gestion doit être avant tout au service des émetteurs et des épargnants.
4. Une allocation plus efficiente de l'épargne vers les entreprises, sujet majeur pour notre économie, implique en effet que les épargnants soient en mesure d'effectuer un choix éclairé entre les différents produits financiers. Le sondage que vous présentiez tout à l'heure montre les lacunes d'une perception spontanée. C'est pourquoi j'ai confié à M. Delmas-Marsalet une mission sur la commercialisation des produits financiers.
En ce domaine, plusieurs points me paraissent particulièrement importants :
- Le premier est la qualité de l'information. Trop souvent, la complexité croissante des produits financiers se traduit par des documents contractuels volumineux et peu lisibles pour la grande majorité des épargnants. Il est indispensable de développer les conditions permettant une information efficace des épargnants afin qu'ils comprennent les caractéristiques essentielles des produits qu'ils souscrivent. Il convient également de veiller à ce que la qualité du conseil et l'adéquation des produits proposés aux besoins et à la situation du client.
- La clarification des responsabilités respectives entre le producteur et le distributeur doit être recherchée. Des règles claires en ce domaine apparaissent nécessaires et sources de sécurité juridique pour les épargnants comme pour les professionnels.
- Ces travaux doivent être aussi l'occasion de progresser en ce qui concerne la transparence en matière de conditions de rémunération des distributeurs, afin de s'assurer que celles-ci ne peuvent pas affecter l'objectivité et l'impartialité des préconisations faites à l'épargnant.
- Enfin, ces travaux doivent être l'occasion de favoriser une harmonisation entre les modes de distribution. Il ne s'agit pas de bouleverser les dispositifs existants qui, pour certains d'entre eux, ont été réformé récemment. Il me paraît cependant utile de chercher les points de rapprochement qui peuvent exister entre les différents régimes afin d'en faciliter la compréhension par les épargnants et d'en simplifier la mise en uvre par les professionnels. Les travaux issus de la réflexion préparée par M. Delmas-Marsalet devraient pouvoir vous être présentés au début du mois de novembre.
Les professionnels de la gestion collective ont fait la preuve de leur savoir-faire et de leur dynamisme. De nouveaux enjeux les attendent que ce soit au niveau communautaire ou au niveau national. Je ne doute pas de votre capacité à y faire face et à valoriser les acquis de votre professionnalisme.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 5 octobre 2005)