Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je participe à votre assemblée générale. Chacun sait que votre secteur non seulement représente, dans l'imaginaire de nos concitoyens, le monde agricole par excellence, mais aussi contribue aux succès de notre agriculture. L'accord récent portant sur l'exportation de 500 000 t de blé, signé lors de mon déplacement en Chine avec le précédent Premier Ministre Jean-Pierre RAFFARIN, constitue l'illustration parfaite de la place de nos grandes cultures céréalières sur les marchés mondiaux. Couvrant largement les territoires français, la production de blé participe aussi au maintien de territoires vivants et a façonné nos paysages. Pour ces différents aspects, votre secteur est au cur de la réflexion sur l'agriculture, - son adaptation et son avenir -, ce dont je veux vous entretenir aujourd'hui.
Monsieur le Président, afin de vous répondre, j'évoquerai successivement :
- le contexte de marché européen et international ;
- les enjeux pour votre secteur qui connaît à l'heure actuelle une situation difficile ;
- les ambitions que porte le projet de loi d'orientation agricole.
I - Le contexte européen et international
I - 1 la PAC a fait l'objet d'une réforme pour répondre à des besoins nouveaux
Définie par l'accord de Luxembourg en 2003 sous l'impulsion décisive du Président de la République, la réforme de la PAC repose sur deux principes :
- le budget de la PAC est " sanctuarisé " jusqu'en 2013, les exploitants français recevant 8 milliards d'aides directes par an ;
- ces aides reçues sont soumises au respect de critères liés notamment à l'environnement dans le cadre du principe de conditionnalité.
Le Gouvernement a souhaité que la nouvelle PAC soit mise en uvre avec discernement et dans un souci de simplification. Cette orientation a d'ailleurs été prise en concertation avec les organisations professionnelles.
S'agissant de la conditionnalité des aides, les assouplissements ont été décidés en accord avec Bruxelles. Les anomalies mineures ne seront pas sanctionnées en 2005. Par souci de pédagogie, une lettre d'alerte sera adressée aux exploitants concernés par un constat d'anomalies.
De même, j'ai autorisé les exploitants ayant implanté des cultures d'hiver avant le 31 décembre 2004 sans anticiper les bandes enherbées, à déroger à la règle de mise en place de ces bandes en priorité le long des cours d'eau. Ils pourront les installer ailleurs, en particulier, là où ils auront mis leur gel.
Un guide des contrôles a été rédigé afin de permettre que la relation entre le contrôleur et le contrôlé soit empreinte d'écoute et de dialogue. Ce guide, largement diffusé, sera remis par le contrôleur lors de son passage au sein de l'exploitation.
Enfin, je souhaite inverser la démarche du contrôle. Nous sommes en train de travailler, notamment avec l'AFNOR, sur le principe d'un diagnostic accompagné qui, s'il révèle la conformité de l'exploitation avec les règlements, pourrait diminuer la pression des contrôles nécessaires.
Dans leur déclaration commune, le Conseil et la Commission ont annoncé qu'une évaluation sera menée en fin d'année pour procéder aux ajustements nécessaires. Je compte participer pleinement à cette évaluation en m'appuyant sur les remontées de terrain des groupes d'échange créés par les Préfets et associant les professionnels agricoles. Nous appuierons aussi les Etats membres qui, lors des missions mixtes conduites, nous ont fait part de leur souhait d'obtenir des assouplissements.
Quant aux Droits à Paiement Unique (DPU), j'ai souhaité procéder à une comparaison européenne sur leur application dans six pays ayant déjà mis en uvre cet aspect de la réforme.
Sur la base du rapport qui m'a été remis le 11 mai, nous revoyons les modalités d'application pour la France pour une entrée en vigueur de la réforme en 2006.
Le dispositif des droits à paiement unique sera basé sur les références historiques 2000-2002 et la clause contractuelle entre les cédants et les repreneurs permettra un transfert direct des DPU dans la plupart des cas. Pour la période transitoire, du 1er janvier 2000 au 15 mai 2006, aucun prélèvement de DPU ne sera opéré si leur transfert est accompagné de celui des terres qui les ont générés. Dans ces conditions, les repreneurs peuvent d'ores et déjà connaître le montant de leurs DPU.
Au cours des toutes prochaines semaines, nous affinerons le dispositif et bâtirons, par exemple, une clause type qui sera envoyée avec les références historiques aux agriculteurs au début de l'été.
S'agissant de la gestion de la réserve, le système retenu en limitera le recours aux priorités définies en concertation avec le monde agricole : installation des jeunes agriculteurs, investissements significatifs intervenus avant le 15 mai 2004 et corrections des situations avérées de distorsion de concurrence.
Le dispositif de mise en uvre des DPU est donc plus lisible, plus simple, plus responsabilisant pour les exploitants agricoles. Il sera présenté au Conseil Supérieur d'Orientation fin juin et fera l'objet d'une préparation tout au long du 2ème semestre 2005 et des premiers mois de 2006.
I - 2 Les perspectives financières
L'enjeu de la négociation sur les perspectives financières pour la période 2007-2013 concerne le contenu et le financement des politiques communes de l'Union après 2006, dans une Europe élargie.
S'agissant de la PAC, le budget, dont le plafonnement a été décidé lors du Conseil européen de Bruxelles d'octobre 2002, prévoit une enveloppe annuelle pour la France de 8 milliards d'aides de marché. Ces dispositions, que nous comptons défendre avec une grande vigueur, ne doivent pas être remises en cause dans la discussion qui s'ouvre. Elles correspondent à un effort de la part des pays bénéficiaires de la PAC à travers un plafonnement de la dépense, qui garantit en contrepartie l'avenir de la dépense agricole.
I - 3 Les futures négociations à l'OMC
L'accord obtenu le 2 août dernier ayant relancé les discussions du cycle de DOHA, les négociations à l'OMC entrent dans une phase très active, avec la perspective de conclure le cycle en 2006, si un consensus est trouvé lors de la conférence ministérielle de Hong-Kong en décembre prochain. Sur le volet agricole, il est essentiel pour l'Europe de bien négocier d'une part les conditions de concurrence à l'exportation et, d'autre part, le traitement particulier réservé aux produits sensibles.
S'agissant de la formule de réduction tarifaire, l'engagement de l'Union européenne, visant à la suppression à terme de ses subventions à l'exportation, ne sera maintenu que si nos partenaires acceptent, eux aussi, de faire une partie du chemin. Les conditions de concurrence à l'exportation doivent être les mêmes pour tous. C'est pourquoi, tout en souhaitant une date-butoir la plus éloignée possible et permettant de nous adapter, nous plaidons pour la définition de règles claires et contraignantes sur les entreprises commerciales d'Etat, les crédits à l'exportation mais aussi l'aide alimentaire.
Sur le soutien interne, l'Union européenne a récemment accompli un effort important avec la réforme de la politique agricole commune. Cette réforme ayant été faite de bonne foi, il est essentiel que les critères de la boîte verte restent stables. C'est maintenant au tour des Etats-Unis de réformer leur politique agricole, particulièrement leurs systèmes d'aides liés aux prix comme les " marketing loans ".
Enfin, la France estime que le traitement des produits sensibles doit être soutenable pour notre agriculture et lié inconditionnellement à la formule générale de réduction des droits de douane.
II - Ouvrir des perspectives ambitieuses aux producteurs de blé : la gestion du marché des céréales et la promotion des nouveaux débouchés.
II - 1 Le marché des céréales
Le marché des céréales dans l'Union est préoccupant. En France, les prix du blé tendre sont à un niveau très bas, en dessous du prix d'intervention. En Europe centrale, le risque de déstabilisation est extrême si les mises à l'intervention reprennent au niveau que nous avons connu pour cette campagne. Les récoltes 2005, qui pourraient être abondantes, nécessitent un soutien de nos ventes à l'exportation, notamment au moyen de restitutions, afin de maintenir nos courants d'échanges et stabiliser le revenu des producteurs.
Intervenu à plusieurs reprises auprès de la Commission depuis maintenant plus de six mois, j'ai obtenu en février l'ouverture, puis le maintien des adjudications blé tendre au départ du marché libre.
J'ai soutenu, la semaine passée, auprès de Mariann FISCHER-BOEL, Commissaire à l'Agriculture, la nécessité d'ouvrir, dès à présent, une adjudication de la restitution pour la nouvelle récolte. C'est une mesure indispensable pour assurer la stabilité de l'inter-campagne qui commence, et redynamiser le marché. Je n'entends pas baisser la garde sur ce sujet.
Vous évoquez une anticipation éventuelle du calendrier de paiement des aides. Je connais l'importance que certains d'entre vous y attachent et je suis prêt à l'examiner. Mais permettez-moi d'exprimer quelque prudence sur les conditions de cette demande et sur la suite que pourraient éventuellement lui donner les instances européennes, compte tenu des difficultés réglementaires qu'elle soulève. En effet, la date de paiement à partir de laquelle il est possible de payer les aides chaque année a été décidée par le Conseil de l'Union. Elle a été fixée au 1er décembre pour les aides directes.
Ma priorité, vous le savez, est de privilégier la rémunération des céréaliers et d'obtenir en premier des mesures adaptées de gestion de marché.
II - 2 Encourager la promotion de nouveaux débouchés
Enjeux nationaux prioritaires, les biocarburants et la valorisation de la biomasse concernent à la fois le soutien de l'activité et de l'emploi, l'amélioration de notre autonomie énergétique et la lutte contre l'effet de serre. Le carbone végétal, le renouvelable, la chimie verte ou les bioénergies ont une carte à jouer sur les marchés de demain.
Le Plan Biocarburant, lancé par le Gouvernement en septembre 2004, et l'accent porté sur les perspectives de la biomasse dans la loi d'orientation agricole représentent de formidables pas en avant pour le pays à la hauteur de cet enjeu. A cet égard, je tiens à rassurer la filière céréalière sur le fait que je veillerai à préserver l'équilibre entre productions dans le contexte de la poursuite de la réforme de la PAC et en particulier celle de l'OCM sucre.
Développer les biocarburants
La première étape du plan biocarburant consiste à tripler le niveau de production de 2004 pour dépasser 1,2 million de tonnes, soit une croissance de plus de 250.000 tonnes par an. C'est une croissance annuelle moyenne 7 fois supérieure à celle connue dans le passé. Pour les agréments déjà notifiés le 31 mai, nous avons cherché une répartition équilibrée, objectif que nous poursuivrons lors des prochaines étapes. Ainsi les six unités à construire et plus d'une vingtaine d'unités existantes appelées à se développer touchent-elles seize régions.
La deuxième étape consiste à atteindre en 2010 l'objectif national de 5,75% d'incorporation dans les carburants et recommandé au niveau européen. * Jean-Pierre RAFFARIN avait annoncé un objectif intermédiaire à 2008 se traduisant par une croissance complémentaire d'environ 950 000 tonnes, dont 250 000 tonnes pour l'éthanol pour la seule année 2008. Les appels à candidature seront ouverts au second semestre 2005. * En fonction des évolutions technologiques, seront précisées les modalités des phases ultérieures 2009 et 2010.
Cet objectif 2010 du plan Biocarburants répond parfaitement aux priorités du Gouvernement :
* pour la lutte contre l'effet de serre, il économise 8 millions de tonnes d'équivalent CO2 ;
* en terme d'emplois, ce sont 25 000 emplois créés ou maintenus pour une surface de 2 millions d'hectares de cultures.
La France veut une politique ambitieuse pour la biomasse. Un plan stratégique pour le développement de la biomasse, d'ailleurs vivement recommandé par le Conseil économique et social, sera préparé grâce au coordonnateur interministériel à la valorisation de la biomasse, désigné prochainement par le Premier Ministre et placé à mes côtés.
Avec Renate KUNAST, Ministre de l'Agriculture de l'Allemagne, nous avons décidé, lors du sommet franco-allemand du 26 avril dernier, de lancer une initiative commune sur les matières première renouvelables. Lors du Conseil des Ministres du 30 mai dernier, beaucoup de nos partenaires, la présidence luxembourgeoise et de Mariann FISCHER-BOEL ont manifesté leur plein soutien à cette démarche. Notre objectif est de promouvoir à l'échelle européenne la recherche sur les biocarburants de demain et inciter les autres Etats-membres à développer ce marché.
III - La loi d'orientation agricole prépare des bases solides pour l'agriculture de demain
Le projet de loi s'inscrit dans le cadre européen dont il a vocation à utiliser les marges de manuvre. Au-delà, il a l'ambition de redonner des perspectives durables à l'agriculture française afin de la maintenir au premier rang mondial.
Le texte engage des mesures fortes pour promouvoir une véritable démarche d'entreprise et améliorer les conditions de vie et de travail des agriculteurs. Il permet à notre agriculture de mieux répondre aux attentes de la société. J'ajouterai que la simplification de l'encadrement administratif de notre agriculture constitue un des objectifs transversaux du projet présenté.
III - 1 Bâtir une agriculture économiquement forte
Le projet de loi favorise l'évolution de l'exploitation vers une entreprise agricole organisée autour d'un projet économique.
Plusieurs mesures importantes, et notamment la reconnaissance d'un fonds agricole ou la possibilité conventionnelle de conclure un bail cessible, donneront aux agriculteurs les moyens juridiques d'une véritable démarche d'entreprise. Les discussions se poursuivent pour donner plus de place à la liberté contractuelle.
Une de nos préoccupations doit être le renouvellement des générations en agriculture.
Faciliter la transmission des exploitations contribue au succès de l'installation : le crédit-transmission répond bien à cette nécessité. La politique d'installation a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les représentants des jeunes agriculteurs ; j'ai modifié le projet de loi de façon à trouver un équilibre raisonnable entre la volonté de la préserver et celle d'alléger les procédures.
L'amélioration de la compétitivité économique de notre agriculture repose sur le renforcement de la structuration économique.
A cet égard, l'élargissement des missions des interprofessions est susceptible de répondre aux demandes formulées par le secteur des céréaliers. En effet, les interprofessions auront des missions étendues de manière à leur permettre de soutenir le potentiel du secteur ou trouver de nouveaux débouchés. La création de dispositifs répondant aux fluctuations des revenus doit d'une part associer les interprofessions à la gestion des mécanismes d'assurance et, d'autre part, prévoir la mise en place de caisses de péréquation.
J'ajoute que le projet de loi met l'accent sur la baisse des charges pesant sur les entreprises agricoles. Les plafonds pour la déduction pour aléas (DPA) et de déduction pour investissements (DPI) sont sensiblement relevés tandis que l'exonération progressive de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB) sera engagée dès la loi de finances pour 2006.
En matière de gestion des aléas, le PLOA prévoit des mesures qui permettront d'approfondir et élargir le dispositif d'assurance récolte que nous avons lancé en février dernier et pour lequel l'Etat s'est engagé en le dotant, notamment, d'une enveloppe de 10 millions d' dès 2005. A ce jour, plus de 43 000 contrats ont été souscrits auprès des principaux assureurs, Crédit agricole et GROUPAMA.
III - 2 Pour une agriculture au cur des nouveaux enjeux de notre société
Pour répondre aux attentes de nos concitoyens, la loi réaffirme l'engagement de l'agriculture en faveur d'un niveau élevé de sécurité sanitaire, de qualité alimentaire et sa contribution à la protection de l'environnement.
Elle reconnaît la contribution générale de l'agriculture et de la forêt à la lutte contre l'effet de serre. Il s'agit notamment de valoriser les surfaces agricoles et forestières à la préservation de l'environnement, qui capturent une partie du carbone atmosphérique. Cette contribution désormais reconnue de l'agriculteur sera comptabilisée dans les futurs mécanismes de marché prévus dans nos engagements internationaux en matière de réchauffement climatique (protocole de Kyoto).
III - 3 La simplification administrative et institutionnelle : recentrer l'agriculture sur le cur de son activité
Dans le prolongement de l'action gouvernementale, le projet de loi doit marquer une nouvelle étape de la simplification administrative et institutionnelle en agriculture.
S'agissant du contrôle des structures, je souhaite l'allègement et la simplification de ces procédures lorsqu'une réponse positive est quasi-certaine. L'équilibre entre assouplissement et ambitions de notre politique d'installation sera recherché.
Alerté en Seine-et-Marne le 19 avril par les professionnels, j'ai demandé à mes services de simplifier et clarifier les règles de stockage des produits phytosanitaires, en concertation avec la profession. Ce stockage se fait dans une enceinte réservée à cet usage ; elle doit être fermée à clé, s'il y a des produits toxiques. Hormis les précautions de séparation des matières inflammables ou explosives, aucune autre règle de rangement ne s'impose. Une information sera adressée à la profession dans les prochains jours.
Conclusion
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je tiens à vous remercier de votre accueil et voudrais vous assurer que le Gouvernement a la volonté de répondre à vos préoccupations immédiates mais aussi de préparer l'avenir. Je suis convaincu que les nouveaux débouchés, que nous venons d'évoquer, apporteront des perspectives économiques sérieuses à votre filière.
Les semaines et mois à venir sont décisifs particulièrement sur le plan international. Au-delà des difficultés conjoncturelles, je tiens à rester confiant car la France a la chance d'avoir une filière céréalière puissante, dotée de nombreux atouts : compétence des hommes, organisation des filières, conditions naturelles
Nous bâtirons ensemble l'avenir de votre secteur avec optimisme, ambition et détermination.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 10 juin 2005)