Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec France inter, sur la présidence britannique de l'Union européenne et le financement de l'élargissement, à Budapest le 1er juillet 2005.

Prononcé le 1er juillet 2005

Intervenant(s) : 

Circonstance : Déplacement à Budapest (Hongrie), le 1er juillet 2005

Média : France Inter

Texte intégral

Q - Tony Blair ne cesse de répéter que le meilleur modèle européen est le modèle britannique, avec les méthodes britanniques, en termes d'emploi par exemple. Alors, faut-il être inquiet pour les six mois qui viennent, sachant que Tony Blair a affiché sa volonté de réformer l'Europe ?
R - Aujourd'hui, nous sommes le 1er juillet, premier jour de la présidence britannique. Alors, nous voulons être positifs et je dirais même fair-play, en souhaitant bonne chance à la présidence britannique très sérieusement et très sincèrement, pour réussir à faire progresser l'Europe. Comment ? Et bien en rassemblant, parce que c'est la seule solution possible : travailler dans l'intérêt général de tous les Européens.
Q - Est-ce qu'il est possible de rassembler lorsqu'on est favorable à la directive Bolkestein par exemple ?
R - C'est la bonne question. Est-ce que l'on entend M. Blair, qui parle très bien d'Europe au Parlement européen et qui dit des choses sur lesquelles tous les Européens peuvent être d'accord, ou est-ce que l'on entend M. Brown, le chancelier de l'Echiquier, qui n'a pas du tout la même tonalité, ou est-ce que l'on entend le ministre des Affaires étrangères britannique ? Bref, que va faire exactement la présidence britannique ? Eh bien, nous attendons et nous serons tout à fait vigilants.
Q - Alors évidemment, il y a la question de la Politique agricole commune (PAC). Si vous voulez bien, on va d'abord écoutez ensemble le son de cloche du côté de Big Ben, autrement dit la lecture britannique de la PAC. C'est un député travailliste, spécialiste des questions européennes. On aurait pu écouter aussi l'avis d'un député conservateur parce que, de toutes façons, ils sont tous d'accord sur ce point. (...) Alors Catherine Colonna, on peut penser que ce message est adressé à la France par exemple.
R - Ou peut-être à la Grande-Bretagne ? Le 1er juillet, je ne veux pas polémiquer. Bruxelles est derrière nous, mais le Royaume-Uni, jusqu'ici, n'a pas fourni la preuve qu'il est prêt à contribuer au financement de l'Union élargie et, en particulier, qu'il est prêt à contribuer pour les moins riches des Européens, pour les pays de l'élargissement, nos dix nouveaux partenaires. Alors, s'il souhaite le faire, tant mieux, mais attendons-en la preuve, elle n'est pas venue jusqu'ici.
Sur la PAC, là aussi, ne revenons pas sur des choses connues. Il y a eu un accord en 2002, une réforme en 2003. La Grande-Bretagne est partie à cet accord, alors si elle l'a oublié, peut être faut-il le lui rappeler, mais il existe bel et bien. La PAC a été réformée. La seule chose qui n'a pas été réformée, c'est le chèque britannique, depuis 20 ans, qui n'a plus de justification et dont la réforme est nécessaire si l'on veut que chaque pays contribue équitablement au financement de l'Union élargie. Voilà le problème.
Q - Finalement cela sert à quoi un président tournant de l'Union ?
R - Cela sert à faire avancer les dossiers qui sont sur la table, dont celui du budget qui est un sujet tout à la fois important et urgent à régler. La tâche, la responsabilité de la présidence britannique sera justement de mettre un peu de côté ses intérêts proprement nationaux et de travailler dans le sens de l'intérêt général européen. On ne peut faire avancer l'Europe qu'en rassemblant tous les Européens.
Q - Une toute dernière chose, Catherine Colonna : vous êtes en Hongrie. Je crois que les Hongrois proposent une sorte de médiation sur la question budgétaire...
R - Ce n'est pas exactement cela.
Q - Un budget fixé sur trois ans, je crois.
R - Ils proposent d'avancer dans la négociation sur la base de 7 ans, parce que nous avons besoin, et eux aussi, et nous tous Européens, de visibilité et de prévisibilité dans la construction du budget de l'Europe. Donc, la base est bien celle qui existe aujourd'hui : la proposition faite par le Luxembourg au moment du Conseil européen. L'objectif est bien d'avoir un budget pour 7 ans.
Ce qu'ils proposent est un peu différent : si les Européens ne parvenaient pas à conclure un accord, il faudrait, disent-ils, débattre d'autres idées, peut-être un budget transitoire. Cela ne nous semble pas la meilleure option, mais c'est une contribution au débat s'il y avait échec. Je ne veux pas parier sur l'échec. Au contraire, il faut que la présidence britannique avance et que, sur ce point comme sur les autres, cette présidence soit un succès
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juillet 2005)