Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la réforme de la PAC, sur les perspectives de nouveaux débouchés grâce aux biocarburants et au renforcement de la compétitivité, sur les questions des OGM et de la gestion de l'eau, Bordeaux le 14 septembre 2005.

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Circonstance : Assemblée générale des producteurs de maïs à Bordeaux le 14septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je participe à votre assemblée générale. Je salue l'ensemble de la filière et me réjouis du caractère européen de votre manifestation.
Nous nous rencontrons à un moment décisif pour l'agriculture, et votre filière en particulier. Monsieur le Président, vous avez résumé les interrogations du moment et les enjeux de moyen terme :
- bien entendu, c'est d'abord la question de la sécheresse. Ce n'est pas simplement une question conjoncturelle tant j'ai entendu des positions caricaturales sur la culture du maïs et l'irrigation. J'ai réagi mais il faut que toute la profession communique plus et mieux ;
- les changements liés à la Politique agricole commune (PAC) suscitent des inquiétudes ;
- enfin, le débat sur les OGM et les questions sanitaires touchent aussi votre filière.
Je suis venu vous répondre sans détour sur ces questions fondamentales pour l'avenir.
Monsieur le Président, ma réponse, directe et simple, s'articulera autour de trois axes :
- l'inscription européenne de notre politique agricole ;
- les perspectives nouvelles en terme de débouchés grâce aux biocarburants et le renforcement de la compétitivité (baisse des charges, organisation économique) ;
- les questions sanitaires et environnementales auxquelles vous êtes confrontés, particulièrement les OGM et la gestion de l'eau.
I - Défendre une agriculture française forte en Europe et dans le monde
L'Europe, c'est une protection assurée par la préférence communautaire mais aussi le seul moyen de compter dans le monde, dans les négociations à l'OMC. C'est pourquoi nous devons mettre en uvre, sans état d'âme mais sans excès, les règles que nous avons contribué à définir au niveau européen. Je pense spécialement à la réforme de la PAC.
I - 1 Mettre en uvre la réforme de la PAC, oui mais sans ajouter des contraintes supplémentaires
La réforme de la PAC, c'est d'abord un engagement, obtenu sous l'impulsion du Président de la République, de versement d'une enveloppe de 8 milliards d'euros pour la ferme France jusqu'en 2013. Ces dispositions, que nous comptons défendre avec une grande vigueur, ne doivent pas être remises en cause.
Dans la mise en uvre de la réforme de la PAC, j'ai souhaité :
- plus de pédagogie et de simplicité ;
- plus de responsabilité ;
- plus d'évaluation.
Ainsi, les règles concernant la conditionnalité et les DPU ont-elles été revues avec les représentants des professions agricoles :
- des assouplissements sur la conditionnalité ont été décidés ;
- le dispositif des DPU a été simplifié en lien avec des parlementaires et des professionnels ;
- concernant le paquet hygiène, qui sera mis en uvre en 2006, j'ai saisi la Commission européenne afin d'obtenir des marges de manuvre et des délais d'application.
Je veux responsabiliser les chefs d'entreprise que vous êtes. C'est pourquoi :
- l'existence d'un autodiagnostic par l'agriculteur et certifié par un organisme reconnu vous permettra de maîtriser de manière plus satisfaisante le respect des conditions mises au versement des aides. Cette possibilité sera appliquée dès 2006 ;
- quant aux DPU, le dispositif revu est fondé sur les références historiques 2000-2002 et la clause contractuelle entre les cédants et les repreneurs. C'est plus simple et plus efficace. En concertation avec la profession, nous avons aussi souhaité répondre à vos priorités et donner un supplément de droits à des cas précis : installation des jeunes agriculteurs, investissements significatifs intervenus avant le 15 mai 2004 et corrections des situations avérées de distorsion de concurrence. Dans le secteur des productions végétales, j'ai décidé de prendre en compte les investissements en matériel d'irrigation réalisés avant le 15 mai 2004 dès que la surface irriguée primée a augmenté de 20 % et de 5 ha. Pour l'avenir, les droits supplémentaires seront alloués dans le cadre de la gestion de la réserve départementale. Ces seuils ont été validés avec vos représentants professionnels. Depuis le 1er septembre des modèles de clause adaptés aux différentes situations possibles et rédigés avec la Chancellerie sont disponibles sur le site internet du Ministère. Les agriculteurs recevront leurs références historiques le 15 octobre 2005. Ils pourront alors s'adresser à leur DDAF pour l'informer des modifications susceptibles d'une évolution des droits.
Une large campagne de communication, d'information et de formation est lancée conjointement avec les organisations professionnelles. Je serai attentif aux questions qui remonteront du terrain et suivrai personnellement, grâce aux tableaux de bord mis en place département par département, la mise en uvre de la réforme.
Le paiement des aides interviendra à partir du 1er décembre 2006.
Pour mesurer les effets de cette réforme, j'ai proposé à la Commission européenne qu'elle soit évaluée, au niveau européen, pour la mise en uvre de la conditionnalité 2005 dès la fin de cette année. Nous procéderons, si nécessaire et avec la Commission, aux ajustements nécessaires pour 2006.
I - 3 Le Premier Ministre l'a rappelé hier à Rennes : la Réforme de la PAC nous permet d'aborder les négociations à l'OMC dans une position plus forte
Raison de plus pour réaffirmer avec détermination notre position :
- l'agriculture européenne a accompli d'immenses efforts qui doivent être pris en compte ;
- le rythme de progression entre les différents volets de la négociation que sont les biens industriels, les services et l'agriculture doit être équilibré ;
- au sein de la négociation agricole, l'Europe a déjà accompli son chemin. Que nos partenaires, notamment les Etats-Unis, avancent, eux aussi !
Sur le volet agricole, il est essentiel pour l'Europe de bien négocier :
- d'une part la liste des produits que nous considérons comme sensibles et qui pourront bénéficier d'un traitement particulier prévu par l'accord de 2004 ;
- d'autre part, les modalités d'élimination de subventions à l'exportation. Sur ce point, je rappelle que notre engagement d'éliminer ces subventions, à une échéance la plus éloignée possible, est conditionnée à des efforts similaires de nos partenaires sur leurs pratiques équivalentes (notamment les Etats-Unis).
Parce que l'avenir de notre agriculture se joue d'abord en Europe, nous devons soutenir les réformes engagées. Pour autant, il nous appartient de faire partager notre vision de l'agriculture par l'ensemble de nos partenaires. C'est l'objet du Mémorandum que je présenterai à la fin de l'année.
II - Ouvrir des perspectives ambitieuses aux producteurs de maïs : élargir les débouchés et améliorer la compétitivité des entreprises.
L'action engagée porte à la fois sur la demande (de nouveaux débouchés) mais aussi sur l'offre (notamment les charges).
II - 1 Première ambition : promouvoir de nouveaux débouchés.
Défi pour l'avenir, les biocarburants et la biomasse concernent à la fois le soutien de l'activité et de l'emploi, l'amélioration de notre autonomie énergétique et la lutte contre l'effet de serre. Le carbone végétal, la chimie verte ou les bioénergies ont une carte à jouer sur les marchés de demain.
Dominique de VILLEPIN a souhaité accélérer le développement des biocarburants : dès 2008, 2 ans plus tôt que la programmation initiale, l'objectif national de 5,75 % d'incorporation dans les carburants sera atteint. La production de carburants sera par conséquent multipliée par 6 par rapport à son niveau actuel. En 2010, le taux d'incorporation atteindra 7 %.
Cet objectif s'accompagne de mesures de défiscalisation ; elles seront établies en fonction du contexte économique (prix du pétrole, des matières premières ...) et resteront incitatives. Nous encouragerons la contractualisation pluriannuelle entre agriculteurs et industriels.
Un nouvel appel d'offres sera lancé avant la fin de l'année pour des agréments nouveaux de 1,8 millions de tonnes. Il confortera les agréments déjà alloués, dont ceux obtenus par l'usine de Lacq pour 40 000 tonnes au printemps dernier. Le Sud Ouest et le Maïs ont leur part à prendre dans ce développement.
Ces objectifs extrêmement ambitieux sont à l'origine - je les ai entendus- des critiques de certains donneurs de leçon. Je tiens à souligner ce qu'ils représentent pour l'agriculture et l'industrie : ce sont au moins 3 000 000 ha cultivés à l'horizon 2010 et huit usines nouvelles représentant chacune un investissement de l'ordre de 100 M d'euros. Plutôt que des annonces sans lendemain, le Premier Ministre fixe des objectifs volontaristes et réalistes : il faut au moins 2 ans pour construire et assurer la mise en oeuvre opérationnelle de ces 8 nouvelles usines.
Au sein de l'Europe, la France va au delà des objectifs communautaires et affiche un niveau de soutien fiscal supérieur grâce à l'effet conjoint de la défiscalisation d'une part et de la Taxe générale sur les activités polluantes d'autre part.
Cet objectif répond parfaitement aux priorités du Gouvernement pour lutter contre l'effet de serre, offrir des perspectives économiques et créer de l'emploi.
II - 2 Deuxième ambition : renforcer la compétitivité des entreprises agricoles
Donner des perspectives économiques au monde agricole, c'est accompagner les efforts de ses entreprises pour maîtriser les coûts. L'Etat aussi y contribue en allégeant autant que possible les charges qui pèsent sur elles. Le Premier Ministre a annoncé hier :
- la prise en charge supplémentaire de la TIPP par l'Etat d'un centime d'euros par litre, soit de porter l'actuel prise en charge de 4 à 5 centimes d'euros par litre ;
- parallèlement, le remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel passera à 80 %, contre 60 % aujourd'hui ;
- enfin, une mesure de défiscalisation du fioul lourd à hauteur de 50 % de la TIPP, sera introduite.
Ce dispositif d'allègement des charges représente un soutien de l'ordre de 30 millions d'euros supplémentaire de la part de l'Etat. Ces mesures prennent effet à partir du 1er septembre.
Par ailleurs, la diminution de la taxe sur le foncier non bâti, annoncée par le Président de la République à Murat, sera mise en uvre dès 2006. Le Premier Ministre a décidé d'une baisse de 20 % de cette taxe pour les terres agricoles. Cette baisse de 140 millions d'euros sera compensée aux communes par l'Etat. Elle profitera directement aux exploitants par une clause légale de restitution des propriétaires aux fermiers.
Vous avez communiqué aux rapporteurs de la loi d'orientation agricole des propositions : nous les étudierons ; je pense notamment à l'amélioration de la déduction pour aléas ou bien à vos suggestions relatives à la contribution de solidarité pour les pluriactifs.
La capacité à mieux gérer et anticiper les crises constitue un autre volet de la compétitivité des exploitations.
Les événements de l'été (sécheresse puis précipitations brutales) ont montré notre détermination à anticiper, suivre et gérer les suites des événements climatiques. La semaine passée, le 8 septembre, une enveloppe de 40 millions d'euros a été attribuée à 17 départements au titre des calamités ; elle sera rapidement débloquée.
Je veux souligner votre sens de la responsabilité :
- s'agissant de la sécheresse, nous avons tous pu noter la réduction de vos emblavements de maïs ;
- cette responsabilité du chef d'entreprise, les succès de l'assurance-récolte en témoignent : 55 000 contrats ont été signés.
Il faut aller maintenant plus loin pour développer ces instruments de gestion des filières et des crises sur la base des interprofessions. C'est la direction prise par la loi d'orientation agricole qui renforce le rôle des interprofessions et leur confiera la rédaction de contrats-types.
III - Consolider encore plus fortement les liens entre le monde agricole et l'opinion publique : répondre aux soucis sanitaire et environnemental
III - 1 Défi pour nos concitoyens, la sécurité sanitaire lie étroitement le monde de l'agriculture et celui de la recherche
Dans ce domaine, le principe de précaution ne doit pas interdire l'action. Le temps est désormais venu, après la mission de consultation parlementaire, de fixer un cadre stable, dans un esprit de dialogue et de transparence avec la société civile.
Dans cette perspective, une loi sur les OGM sera présentée au parlement dans les prochains mois. La coexistence des cultures et la gestion des événements de contamination, en sont des enjeux importants. Elle renforcera aussi la transparence et le dialogue avec la société civile par l'information et la consultation du public.
Sans attendre, et vous avez bien fait, vous avez proposé un cahier des charges qui doit pouvoir faire l'objet d'un accord interprofessionnel. L'interprofession en assurera la gestion complète, sous la supervision des services de l'Etat. Je vous invite à poursuivre dans cette voie de la responsabilité.
Les règles concernant les mélanges phytosanitaires doivent être simplifiées, sans renoncer à la sécurité de l'agriculteur et du consommateur. Je souhaite un dispositif, non finalisé à ce jour, qui procèdera par étape :
- concernant les mélanges les plus toxiques : ils ne pourront être autorisés qu'à l'issue d'une évaluation positive ; ceux avaient bénéficié, dans le cadre de la procédure antérieure, d'une autorisation provisoire pourront continuer à être utilisés dans l'attente de leur évaluation. La date limite de dépôt de dossier sera fixée rapidement et pour un délai de mise en uvre réaliste ;
- concernant les autres mélanges visés par la Commission d'étude de la toxicité, ils pourront être utilisés dans l'attente de leur évaluation. La date limite de dépôt des dossiers n'est pas définitivement arbitrée mais je connais vos préoccupations sur un délai réaliste et veillerai à obtenir gain de cause sur ces points ;
- les autres utilisations de mélanges seront encadrées par des guides de bonnes pratiques et ne seront plus soumises à enregistrement.
A l'issue d'un examen interministériel, l'ensemble de ce dispositif pourra faire l'objet d'un arrêté, que je signerai au plus vite.
Par ailleurs, l'Agence nationale des intrants végétaux, dont la création est prévue par la loi d'orientation agricole, sera de nature à fluidifier et à accélérer le dispositif d'homologation des produits phytosanitaires.
Je sais que les productions de maïs ont subi des pertes importantes liées aux insectes du sol. Je prendrai, pour la campagne 2006, une décision en procédure d'urgence après l'avis que rendra le comité d'homologation en octobre prochain.
III - 2 Mieux gérer l'eau, pour accroître l'efficacité de notre agriculture
J'ai entendu des critiques concernant l'utilisation de l'eau et l'irrigation et j'ai réagi. Les agriculteurs sont les premiers gardiens de la qualité de notre environnement ; elle est la garantie de produits sains et sûrs. Je sais qu'ils en sont conscients. S'il en est besoin, je n'hésite pas à rappeler qu'ils ne sont pas responsables ni de la sécheresse, ni des inondations.
Les plantes ont besoin d'eau. De ce fait, l'irrigation est une nécessité et elle sécurise le rendement et les revenus. C'est pourquoi, collectivement, nous devons trouver les moyens d'une meilleure gestion de l'eau.
Il conviendra de travailler rapidement sur des solutions de retenue de substitution ; véritable alternative, elles permettent de gérer la ressource en eau grâce à un stockage des surplus d'eau en hiver. Je souhaite m'engager à vos côtés pour bâtir un programme décennal de création de retenues de taille modeste, sur le modèle de ce qui est entrepris en Poitou-Charentes. J'ai évoqué ce sujet avec ma collègue Nelly OLIN, Ministre de l'écologie et du développement durable, qui se propose de définir, à l'occasion de l'examen en 2006 du projet de loi sur l'eau, les conditions de réalisation et de gestion environnementales de ces réserves. Dans ce cadre leur financement pourrait être assuré avec le concours des collectivités territoriales et des Agences de l'Eau. Le Ministère de l'agriculture et de la Pêche réservera pour sa part 20 millions d'euros sur son budget dès 2006.
Nous devons aussi accentuer notre action en direction d'une gestion raisonnée de l'eau, au niveau de la quantité comme de la qualité.
CONCLUSION
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre accueil et vous assure que le Gouvernement a la volonté de répondre à vos préoccupations immédiates mais aussi de préparer l'avenir. Les nouveaux débouchés apporteront des perspectives économiques sérieuses à votre filière.
Les semaines et mois à venir sont décisifs particulièrement sur le plan international. Au-delà des difficultés conjoncturelles, je reste confiant car la France a la chance d'avoir une agriculture puissante, dotée de nombreux atouts : compétence des hommes, organisation des filières, conditions naturelles, et votre filière en est l'illustration.
Nous bâtirons ensemble l'avenir de votre secteur avec optimisme, ambition et détermination.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 septembre 2005)