Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à "LCI" le 17 mai 2005, sur le premier bilan du lundi de Pentecôte travaillé, sur la chute du "oui" dans les sondages au référendum sur la Constitution européenne et sur la Charte du contribuable.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- J.-F. Copé, bonjour.
R- Bonjour.
Q- Le moment est venu de faire le bilan de ce fameux lundi de Pentecôte. C'est moins pire que ce que vous pouviez craindre, mais quand même moins bien que ce que l'on pouvait espérer.
R- En tout cas, disons que les choses se sont passées, on va dire, sans enthousiasme excessif, naturellement, parce que ce n'est jamais très drôle de devoir renoncer à un jour férié, mais en tout cas, certainement pas le désordre que certains avaient prédit ou annoncé. Je crois que le message selon lequel on a rappelé l'objectif de cette journée de solidarité et puis aussi l'appel à l'esprit de responsabilité a, je crois, prévalu et c'est à l'image de ce qu'est la France.
Q- Mais est-ce qu'aujourd'hui vous faites une autocritique et vous vous dites : quelles sont les raisons pour lesquelles une mesure, que vous aviez proposée, qui au départ faisait quasi l'unanimité, s'est terminée par cette espèce de mi-acceptation et mi-refus ?
R- Mais parce que, tout simplement, je crois que ce n'est jamais très agréable de devoir renoncer à un jour férié et qu'il y a eu, à l'évidence, une exigence forte de beaucoup de Français de comprendre quel était l'objet de cette mesure. Et donc tout le travail qui a été le nôtre a été d'expliquer, sans relâche, qu'il s'agissait pour nous de financer la solidarité sur la base d'un plan ambitieux, qui ne pouvait pas se faire par une augmentation d'impôts, sinon ça aurait cassé la croissance.
Q- Mais vous n'avez aucun reproche à formuler, à votre encontre, aucune autocritique ? Vous avez fait ce qu'il fallait, l'explication était bonne. Si ça n'a pas fonctionné, c'est parce que les Français ne sont pas très courageux pour aller travailler un jour férié ?
R- Mais non, mais il ne s'agit pas de ça. Enfin, vous savez, ce sont des décisions qui sont toujours extrêmement difficiles à prendre. Vous savez, c'est beaucoup plus facile d'être populaire en annonçant que par exemple on va réduire la durée du temps de travail. Il y a des tas de mesures qui peuvent rendre très populaire, sur le moment, et dont on paie l'addition après.
Q- A ce propos, pardonnez-moi, je vous arrête une seconde. Les organisations syndicales, une des raisons pour lesquelles elles se sont manifestées, disent, progressivement : en réalité, ce Gouvernement chercher à revenir sur tous les acquis de la durée du travail. On remet en cause les 35 heures, on rajoute 7 heures par-ci...
R- Non, enfin, c'est inexact. Je rappelle quand même que ce Gouvernement a, depuis le début, annoncé clairement la couleur pour ce qui concerne le respect de la durée légale à 35 heures. Pour autant, nous sommes, effectivement, dans l'esprit qui est le nôtre, dans une logique de libre choix et nous l'avons fait sur tous les grands sujets, et donc l'idée c'est de dire que celui qui veut travailler pour gagner plus, doit pouvoir le faire, il n'y a pas de raison qu'on le lui interdise, sinon, alors, il ne faut pas ce type de société, il faut une société complètement bloquée, verrouillée, cadenassée. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas du tout ce que les Français souhaitent.
Q- Alors, très concrètement, quels enseignements allez-vous tirer de ce lundi de Pentecôte qui s'est déroulé ? Premièrement, est-ce que l'année prochaine il y aura encore un lundi de Pentecôte férié travaillé ou bien est-ce que vous allez revoir le choix du jour ou les modalités et, deuxièmement, comme apparemment il faut beaucoup plus d'argent que n'en fournit un jour férié travaillé - je crois que, au lieu des deux milliards, c'est six milliards, dit votre confrère Douste-Blazy - où allez-vous les trouver ?
R- Je crois qu'il faut quand même bien comprendre que l'on ne règle pas un problème aussi important que celui-là - en clair, vous l'avez bien compris, il s'agit de programmer, pour les années qui viennent, dans notre pays, les moyens d'accueillir les personnes âgées dépendantes et handicapées, qui sont de plus en plus nombreuses et pour lesquelles il y a besoin d'équipements médicalisés importants. Bon - donc on ne peut pas avoir l'ambition de régler ça en une journée, naturellement.
Q- D'accord.
R- Donc c'est un plan qui s'inscrit dans la durée...
Q- Et la journée, elle se reproduira ?
R- Mais, c'est un plan qui s'inscrit dans la durée. La loi, là-dessus, est tout à fait claire.
Q- Mais vous ne répondez pas à ma question : est-ce que le lundi de Pentecôte, l'année prochaine, nous serons dans la même situation ?
R- Je ne sais pas vous dire quelles seront les modalités... attendez...
Q- Donc, vous n'êtes pas très certain de la réussite de ce lundi de Pentecôte.
R- Si. Si, si, si. P.-L. Séguillon, je propose que vous ne fassiez pas les questions et les réponses...
Q- Non, non, mais c'est pour avoir vos réponses. Allez-y, allez-y.
R- J'y vais. Donc, je crois que la première étape, au stade où l'on en est, d'abord, je vous l'ai dit, c'est un plan qui s'inscrit dans la durée et pour lequel il y a effectivement un certain nombre de choses à mettre en uvre et qui ne peuvent pas se régler en une journée ni en une année. Donc, elle s'inscrit dans la durée, premier élément. Deuxième élément, en ce qui concerne les modalités : ce qu'il faut bien voir c'est que maintenant on va travailler à l'évaluation de la manière dont les choses se sont passées. Il y a un comité d'évaluation qui se met au travail dès aujourd'hui et dont l'objectif est de voir comment les choses ont fonctionné, sur quels points ça a été bien, moins bien, etc. Ce que l'on peut constater c'est que globalement...
Q- Votre sentiment.
R- Globalement, les choses se sont plutôt bien passées. Si on regarde le fonctionnement des services publics et notamment les transports, il y a eu quelques villes qui ont eu des difficultés sur leurs transports en commun...
Q- 16 villes paralysées.
R- Mais, disons, les difficultés... Non, mais, ok, ça ne s'est pas passé, comme certains de vos confrères prédisaient en terme d'apocalypse, mais c'est le lendemain, remettons-nous, les choses se sont effectivement mieux passées que ce que certains prédisaient. Donc, il y a eu des transports urbains qui ont été plus difficiles. Mais enfin, quand même, la SNCF, la RATP, les transports aériens, EDF, La Poste, autant de services publics dans lesquels les choses se sont bien, voire très bien passées. Bon. Donc, l'esprit de responsabilités a prévalu. Deuxième élément, l'activité de la journée est comparable à ce qu'aurait pu être, par exemple, un vendredi de pont.
Q- Un vendredi de pont. Vendredi de l'Ascension, disons.
R- Oui, voilà, vendredi de pont de l'Ascension.
Q- C'est une trouvaille de communication, ça, non ?
R- Non, c'est ce qui se passe quand des gens choisissent de faire le pont, ou ne le choisissent pas. C'est le libre choix de l'organisation de leur temps de travail.
Q- Donc, aujourd'hui, vous n'êtes pas en mesure, avant ce comité d'évaluation, de me dire si oui ou non, l'année prochaine, nous nous retrouverons dans la même situation pour le lundi de Pentecôte.
R- Ce que je suis en mesure de vous dire, c'est que ce plan s'inscrit dans la durée, nous en avons besoin et qu'il faut naturellement évaluer en terme de modalités comment les choses se sont passées.
Q- Est-ce que vous estimez que ce lundi de Pentecôte a fait perdre encore quelques points pour le "oui" au référendum ?
R- Je ne le souhaite pas. Je ne le souhaite pas.
Q- Mais, de fait. Vous avez vu le dernier sondage LCI/Sofres...
R- J'ai, bien entendu, lu les sondages, mais...
Q- 53 % pour le "non". Il est repassé de l'autre côté.
R- Enfin, la seule chose que je peux vous dire c'est qu'il faut absolument tout faire pour convaincre les Français de déconnecter ce qui relève des problèmes intérieurs, du rendez-vous historique de l'Europe. Pour nous, c'est absolument capital, rien ne serait pire que sur ce référendum, de se prononcer sur d'autres sujets que celui de la constitution européenne.
Q- La chute du "oui" entraîne J.-P. Raffarin dans une chute de popularité vertigineuse.
R- Non, disons en tout cas que, que la baisse du oui, elle nous engage dans la mobilisation absolue durant les 15 jours qui viennent. C'est la raison pour laquelle il faut faire feu de tout bois pour expliquer aux Français combien ce rendez-vous historique est historique et combien il ne repassera pas de si tôt.
Q- Alors, ministre du Budget -vous continuez à travailler, tout en faisant campagne - vous allez présenter tout à l'heure une charte du contribuable, qui va établir les droits et les devoirs respectifs, et du contribuable, et de l'administration des Finances. Mais, avant de nous parler de cette charte, est-ce que vous pouvez préciser, puisque vous êtes en train de préparer le budget de 2006, les impôts vont continuer à baisser, vous l'annoncez, vous avez une
proportion ?
R- Non. Sinon je vous le dirais...
Q- Enfin, quand même, un ordre d'idée.
R- Sinon je vous le dirais.
Q- Beaucoup, pas beaucoup ?
R- Non mais, attendez...
Q- Parce qu'il reste 20 % à trouver pour satisfaire les promesses du chef de l'Etat.
R- Nous sommes au mois de mai...
Q- Il reste deux ans.
R- Nous sommes au mois de mai, généralement, ce genre de décisions ne se prennent pas avant l'été. Donc, ce n'est pas que je ne veuille pas vous le dire, mais je ne le sais pas aujourd'hui, le Premier ministre n'a pas pris sa décision.
Q- Mais, enfin, il faudra trouver de l'argent, notamment, on vient d'en parler, pour la journée des personnes âgées, handicapées.
R- Mais c'est tout l'objet du travail qui est le mien, qui consiste à préparer les conditions d'un bon budget qui permette de respecter les engagements du président de la République vis-à-vis des Français.
Q- Vous avez pris du retard dans la préparation de ce budget ? Un petit peu ?
R- Non, eh bien non, écoutez, on n'a jamais parlé du budget aussi tôt dans l'année et on l'a fait cette fois-ci...
Q- Mais par rapport à vos prévisions ?
R- Et on l'a fait cette fois-ci avec une méthode totalement différente puisque vous savez qu'avec la nouvelle constitution financière, chaque ministre est son propre ministre des Finances, on va évaluer les politiques et les objectifs et les résultats. Le critère, c'est désormais celui de la performance publique et non pas simplement de dire : " ah ben voyez, je suis un bon ministre, j'ai augmenté mes crédits ", " mais, je suis un bon ministre, j'ai obtenu mes résultats ". On fait un peu comme dans les entreprises, une sorte de comptabilité d'entreprise pour l'Etat cette année, ce qui est tout à fait nouveau.
Q- Un mot sur cette charte des contribuables : est-ce que désormais, lorsqu'il y aura différend entre le contribuable et l'administration des finances, la charge de la preuve sera à l'administration ou au contribuable ?
R- C'est déjà très souvent le cas en ce qui concerne l'administration.
Q- Ça sera toujours le cas ?
R- Vous savez, cette année 2005 est une année très importante pour les impôts, pour la relation entre l'Etat et le contribuable, parce qu'on a simplifié beaucoup de choses - le succès de la télé déclaration est considérable. Cette charte du contribuable elle grave dans le marbre - et nous allons en présenter le projet aujourd'hui - les droits et obligations de l'administration et des contribuables. Il y a de ce point de vue beaucoup d'avancées. Alors, c'est vrai que sur beaucoup des sujets, le contribuable pourra se prévaloir de ce qui est écrit dans cette charte vis-à-vis de l'administration fiscale, parce qu'il y a, là dedans, beaucoup d'engagements du quotidien autour d'un thème, c'est celui...
Q- C'est une protection, du contribuable.
R- Oui, et puis également de l'administration, c'est ça l'intérêt, c'est les droits et les devoirs, ce qui est d'ailleurs dans la philosophie de notre Gouvernement. Avec un mot clef, qui est d'ailleurs aussi dans la philosophie de notre Gouvernement : c'est celui de respect. La notion de respect du contribuable est quelque chose qui est très important et qui se traduira, par exemple, par le fait que l'Etat et les contribuables, aujourd'hui, ne paient pas le même taux d'intérêt selon qu'il est en retard : l'Etat il paie 2 %, le contribuable 9, on va faire le même intérêt de retard pour tout le monde. On va s'engager à répondre dans le délai d'un mois sur 95 % des courriers sur l'impôt revenu et toute une série de mesures de cette nature.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 mai 2005)