Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le bilan de la lutte contre le SIDA et la mise en oeuvre des propositions du rapport du professeur Luc Montagnier, Paris le 13 février 1995.

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Circonstance : Réunion du Comité interministériel de lutte contre le SIDA, Paris le 13 février 1995

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Délégué interministériel à la lutte contre le Sida,
Je me réjouis d'avoir l'occasion de présider la première réunion du Comité interministériel de lutte contre le SIDA instauré par le décret du 26 mai 1994.
Le 13 février 1994, j'avais tenu un comité de ministres dans une formation proche de celle-ci. Il s'agissait alors de mettre en oeuvre le rapport que le Professeur MONTAGNIER m'avait remis quelques semaines plus tôt.
Depuis, un travail interministériel a été mené à l'échelon central mais aussi aux échelons déconcentrés, conformément à la proposition du Professeur MONTAGNIER, dont la clairvoyance a grandement facilité notre action.
Ce travail a également pu s'appuyer sur les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les établissements et services de soins et de prévention, des organismes de recherche. La journée du 1er décembre 1994 au cours de laquelle s'est tenu le Sommet mondial sur le SIDA a constitué le point fort de cette mobilisation. De même, les pouvoirs publics ont trouvé auprès des associations de lutte contre le SIDA une aide précieuse et efficace qui montre que les valeurs de générosité et de fraternité sont profondément enracinées dans notre pays. Au nom du Gouvernement, je tiens à les remercier de leurs efforts et à rendre hommage à la ténacité, au courage et au dévouement dont elles font preuve. Elles sont dépositaires d'un capital précieux entre tous : la confiance en l'homme.
L'action menée depuis 1993 n'a eu qu'un but : faire de la lutte contre le SIDA une priorité de santé publique. Je rappelle que cette détermination s'est notamment traduite par la création de postes supplémentaires dans les directions départementales des affaires sanitaires et sociales et par un accroissement sans précédent des crédits consacrés à la recherche fondamentale et clinique ainsi qu'à l'accompagnement des malades.
Le travail qui a été accompli depuis 1993 est considérable. Le bilan que Madame le Ministre d'État, Ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville va nous présenter en témoigne. C'est ainsi que les 47 propositions du rapport MONTAGNIER que nous avons retenues, sur les 49 qu'il comportait, ont été mises en oeuvre ou sont en cours de réalisation. Enfin, le sommet de Paris du 1er décembre dernier, organisé à l'initiative de la France, a permis de faire en sorte qu'un plus grand nombre de pays acceptent d'apporter aux multiples questions que pose l'épidémie du SIDA les réponses que notre pays appelle de ses voeux et qu'il s'efforce, pour ce qui le concerne, de mettre en oeuvre.
Ces efforts n'ont pas empêché la réflexion sur le long terme de se poursuivre. Présidé par le Délégué interministériel de lutte contre le SIDA, le comité des directeurs qui prépare les décisions de notre comité et en assure l'application, a réfléchi à l'élaboration d'un programme de cinq ans couvrant la période de 1995 à 1999. C'est ce programme que nous allons examiner ce matin. De même, une très importante étude prospective "SIDA 2010" est en cours. Elle éclairera les orientations qu'il faudra retenir le plus rapidement possible.
La lutte contre le SIDA est une priorité pour la santé publique. Elle vise d'abord - dois-je le rappeler - à alléger la souffrance des personnes séropositives ou malades et de leur entourage, à améliorer les conditions financières, sanitaires et sociales de leur prise en charge et à prévenir les situations de détresse.
Nos pensées doivent également se tourner vers les personnels de santé contaminés par le SIDA à l'occasion de l'exercice de leur profession. J'ai veillé personnellement à ce qu'il soit porté remède aux situations les plus urgentes et les plus douloureuses. Je souhaite qu'un effort de prévention plus déterminé encore soit déployé pour que se réduise rapidement le nombre de personnes contaminées dans ces circonstances. Je vous demande d'y veiller avec un soin tout particulier.
Mesdames, Messieurs, les répercussions de l'épidémie du SIDA dépassent tout ce que nous pouvions imaginer. Elles mettent en cause les valeurs fondatrices de notre société. Les hommes ont toujours été tentés, devant l'émergence d'une épidémie grave et nouvelle, d'exclure ceux qui en sont atteints. C'est pourquoi j'ai souhaité que les pouvoirs publics apportent une réponse politique aux multiples défis que pose la propagation de l'épidémie.
Accentuer les efforts de prévention, aider la recherche, garantir les droits fondamentaux des malades, assurer la sécurité transfusionnelle : telles sont les priorités de l'action publique.
Ces priorités, nous en sommes tous conscients, constituent les armes les plus efficaces contre le SIDA, et ceci pour deux raisons. D'une part, elles permettent d'organiser les efforts des pouvoirs publics en fonction d'objectifs clairs et concrets. D'autre part et surtout, elles témoignent des valeurs de responsabilité, de générosité et de fraternité qui fondent le nouvel exemple français que nos compatriotes appellent de leurs voeux.