Texte intégral
QUESTION : La voix de l'UDF dont l'engagement européen a toujours été en pointe, peine à se faire entendre dans cette campagne. Paradoxal, non ?
François BAYROU : Le 29 mai, il y aura un seul oui. Ce vote changera le cours politique du XXIe siècle, quelle qu'en soit l'issue, il figurera dans les livres d'histoire. Il ne doit surtout pas être un vote de parti et encore moins un vote de personnes. En faire un vote de politique intérieure, c'est avoir tout faux.
Plus on mélange le référendum et la politique plus on en fait une compétition, par exemple dans l'optique de 2007, plus on pollue, plus on trouble les électeurs et plus on les fait fuir.
QUESTION : Pourquoi ne vous a-t-on pas vu aux côtés de Simone Veil ou Valéry Giscard d'Estaing, deux grands anciens de la famille centriste ?
François BAYROU : Cette expression " anciens " ne me plaît pas. Valéry Giscard d'Estaing a, dans ce débat un statut particulier : il est le principal auteur de la Constitution. Sans lui, ce texte n'aurait pas existé. Il est garant de la neutralité du texte. Il a choisi de ne participer à aucune réunion de parti politique. C'est une approche intelligente et juste. Quant à l'engagement de Simone Veil dans ce combat, je l'ai salué, parce qu'il s'agit d'un enjeu historique et non pas politique et parce que son passé donne à sa voix une importance particulière.
QUESTION : Comment expliquez-vous la fracture du PS sur l'Europe ?
François BAYROU : Elle était inscrite dans les faits depuis longtemps, presque congénitale.
Aujourd'hui, elle se révèle et ne s'effacera plus. Le PS a toujours joué sur un double langage : lorsqu'il est à l'opposition, il développe une idéologie de rupture avec le capitalisme et il se hâte de pratiquer le contraire aussitôt arrivé au pouvoir. Jamais par exemple il n'y a eu autant de privatisations que du temps des socialistes ! Ce double langage donne aux électeurs de la gauche traditionnelle un sentiment de trahison. Sur la question européenne, le grand écart est tout aussi flagrant. Au moment des élections européennes, on présente l'Europe comme faisant le lit de l'ultralibéralisme, et, arrivé au pouvoir, on signe au sommet de Barcelone le recul de l'âge de la retraite.
On voit bien que les deux idéologies sont incompatibles sur le long terme.
Vient un moment où sonne l'heure de vérité.
QUESTION : Le OUI a semblé reprendre l'avantage, mais hier le non remontait à nouveau
François BAYROU : Le sujet de l'Europe souffre d'un immense manque d'explications. Il a fallu faire de la pédagogie, aller sur le terrain, le terrain et encore sur le terrain. Il a fallu que les Français se persuadent un à un de l'importance de l'enjeu.
La mobilisation s'est faite progressivement mais sûrement.
Un premier retournement dans l'opinion a eu lieu fin avril, lorsque les Français ont brutalement pris conscience que la Constitution européenne serait enrayée en cas de non.
Tout à coup, l'éventualité du non, qui était amusante, devenait menaçante. Mais, comme le démontre le dernier sondage Ifop, la crise française est si profonde que rien est joué, les deux dernières semaines auront une importance décisive.
QUESTION : Que se passera-t-il si la France vote non ? Certains à l'image de Jaques Delors ont évoqué un aléatoire plan B ?
François BAYROU : Jaques Delors a corrigé lui-même ses propos hier.
Si la question est : " Existe-t-il un plan de rechange qui permettrait de renégocier après le 29 mai en cas de vote négatif ? " la réponse est non. Neuf bientôt dix pays ont déjà approuvé ce référendum. Dix autres vont le faire dans les semaines qui viennent. Va-t-on leur dire :" Stop arrêtez tout votre vote ne compte pas. Le seul vote qui compte c'est celui de la France " ? C'est impensable. Si la France vote non, il n'y a plus que deux hypothèses : soit tout s'arrête et il n y a plus de Constitution européenne puisque l'unanimité est requise.
Soit on nous demandera de voter une seconde fois, dans quelques mois ; mais sur le même texte, comme cela avait été fait pour l'Irlande, qui avait voté non puis revoté oui au traité de Nice. Mais quelle humiliation incroyable ce serait pour notre pays dont la position européenne, deviendrait définitivement entamée !
QUESTION : Faut-il remanier, quoi qu'il arrive, au lendemain du référendum ?
François BAYROU : Ce qui sera à l'ordre du jour, c'est un changement de politique, jamais l'urgence d'une orientation politique nouvelle n'a paru si grande. Les Français l'attendent ouvertement depuis 2004, et je dirais même depuis 2002, c'est ce qu'avait montré le 21 avril.
Je ne détiens aucun indice qui permette de penser qu'un nouveau Cap sera fixé le 30 mai.
Mais quelle qu'en soit l'issue, le référendum aura révélé l'ampleur du divorce entre les prétendues élites et le peuple, la " France d'en haut " et la " France d'en bas " comme ils disent, et je ne vois pas comment on pourra continuer en faisant semblant d'ignorer que l'on danse sur un fil tendu au-dessus d'un précipice !
QUESTION : Comment, en trois arguments, convaincre de voter oui ?
François BAYROU : Un : l'Union européenne devient enfin, sur la scène du monde, un acteur du même niveau que les Etats-Unis ou la Chine. Deux : le modèle européen - une économie de liberté à vocation, sociale - est clairement défini. Trois : L'Europe cesse d'être une technocratie pour devenir une démocratie dans laquelle chaque citoyen pourra user de son vote pour peser sur les grandes orientations.
(Source http://www.udf-europe.net, le 17 mai 2005)
François BAYROU : Le 29 mai, il y aura un seul oui. Ce vote changera le cours politique du XXIe siècle, quelle qu'en soit l'issue, il figurera dans les livres d'histoire. Il ne doit surtout pas être un vote de parti et encore moins un vote de personnes. En faire un vote de politique intérieure, c'est avoir tout faux.
Plus on mélange le référendum et la politique plus on en fait une compétition, par exemple dans l'optique de 2007, plus on pollue, plus on trouble les électeurs et plus on les fait fuir.
QUESTION : Pourquoi ne vous a-t-on pas vu aux côtés de Simone Veil ou Valéry Giscard d'Estaing, deux grands anciens de la famille centriste ?
François BAYROU : Cette expression " anciens " ne me plaît pas. Valéry Giscard d'Estaing a, dans ce débat un statut particulier : il est le principal auteur de la Constitution. Sans lui, ce texte n'aurait pas existé. Il est garant de la neutralité du texte. Il a choisi de ne participer à aucune réunion de parti politique. C'est une approche intelligente et juste. Quant à l'engagement de Simone Veil dans ce combat, je l'ai salué, parce qu'il s'agit d'un enjeu historique et non pas politique et parce que son passé donne à sa voix une importance particulière.
QUESTION : Comment expliquez-vous la fracture du PS sur l'Europe ?
François BAYROU : Elle était inscrite dans les faits depuis longtemps, presque congénitale.
Aujourd'hui, elle se révèle et ne s'effacera plus. Le PS a toujours joué sur un double langage : lorsqu'il est à l'opposition, il développe une idéologie de rupture avec le capitalisme et il se hâte de pratiquer le contraire aussitôt arrivé au pouvoir. Jamais par exemple il n'y a eu autant de privatisations que du temps des socialistes ! Ce double langage donne aux électeurs de la gauche traditionnelle un sentiment de trahison. Sur la question européenne, le grand écart est tout aussi flagrant. Au moment des élections européennes, on présente l'Europe comme faisant le lit de l'ultralibéralisme, et, arrivé au pouvoir, on signe au sommet de Barcelone le recul de l'âge de la retraite.
On voit bien que les deux idéologies sont incompatibles sur le long terme.
Vient un moment où sonne l'heure de vérité.
QUESTION : Le OUI a semblé reprendre l'avantage, mais hier le non remontait à nouveau
François BAYROU : Le sujet de l'Europe souffre d'un immense manque d'explications. Il a fallu faire de la pédagogie, aller sur le terrain, le terrain et encore sur le terrain. Il a fallu que les Français se persuadent un à un de l'importance de l'enjeu.
La mobilisation s'est faite progressivement mais sûrement.
Un premier retournement dans l'opinion a eu lieu fin avril, lorsque les Français ont brutalement pris conscience que la Constitution européenne serait enrayée en cas de non.
Tout à coup, l'éventualité du non, qui était amusante, devenait menaçante. Mais, comme le démontre le dernier sondage Ifop, la crise française est si profonde que rien est joué, les deux dernières semaines auront une importance décisive.
QUESTION : Que se passera-t-il si la France vote non ? Certains à l'image de Jaques Delors ont évoqué un aléatoire plan B ?
François BAYROU : Jaques Delors a corrigé lui-même ses propos hier.
Si la question est : " Existe-t-il un plan de rechange qui permettrait de renégocier après le 29 mai en cas de vote négatif ? " la réponse est non. Neuf bientôt dix pays ont déjà approuvé ce référendum. Dix autres vont le faire dans les semaines qui viennent. Va-t-on leur dire :" Stop arrêtez tout votre vote ne compte pas. Le seul vote qui compte c'est celui de la France " ? C'est impensable. Si la France vote non, il n'y a plus que deux hypothèses : soit tout s'arrête et il n y a plus de Constitution européenne puisque l'unanimité est requise.
Soit on nous demandera de voter une seconde fois, dans quelques mois ; mais sur le même texte, comme cela avait été fait pour l'Irlande, qui avait voté non puis revoté oui au traité de Nice. Mais quelle humiliation incroyable ce serait pour notre pays dont la position européenne, deviendrait définitivement entamée !
QUESTION : Faut-il remanier, quoi qu'il arrive, au lendemain du référendum ?
François BAYROU : Ce qui sera à l'ordre du jour, c'est un changement de politique, jamais l'urgence d'une orientation politique nouvelle n'a paru si grande. Les Français l'attendent ouvertement depuis 2004, et je dirais même depuis 2002, c'est ce qu'avait montré le 21 avril.
Je ne détiens aucun indice qui permette de penser qu'un nouveau Cap sera fixé le 30 mai.
Mais quelle qu'en soit l'issue, le référendum aura révélé l'ampleur du divorce entre les prétendues élites et le peuple, la " France d'en haut " et la " France d'en bas " comme ils disent, et je ne vois pas comment on pourra continuer en faisant semblant d'ignorer que l'on danse sur un fil tendu au-dessus d'un précipice !
QUESTION : Comment, en trois arguments, convaincre de voter oui ?
François BAYROU : Un : l'Union européenne devient enfin, sur la scène du monde, un acteur du même niveau que les Etats-Unis ou la Chine. Deux : le modèle européen - une économie de liberté à vocation, sociale - est clairement défini. Trois : L'Europe cesse d'être une technocratie pour devenir une démocratie dans laquelle chaque citoyen pourra user de son vote pour peser sur les grandes orientations.
(Source http://www.udf-europe.net, le 17 mai 2005)