Texte intégral
S. Paoli-. Comment susciter des vocations d'agriculteurs parmi les jeunes, comme le souhaite le ministre de l'Agriculture, alors que le monde agricole s'interroge sur ce que sera la PAC - la Politique agricole commune - dans une Europe à 25 ? Que les cours du porc s'effondrent ? Que les prix des produits laitiers sont à un cours historiquement bas ? Que le foie gras est refoulé par les Etats-Unis ? Que les viticulteurs s'inquiètent de la baisse de la consommation de vin ? Que les insecticides posent la question de considérations financières qui auraient primé sur celles de santé publique ? Et que le premier syndicat agricole est soupçonné de "détournement de fonds" ? La magnificence du Salon de l'agriculture dit-elle tout de la réalité paysanne ?
Q- Motiver des vocations chez les jeunes : c'est un métier à risque agriculteur, aujourd'hui ?
R- "C'est un métier difficile. C'est un métier prenant, dans lequel on ne compte pas ses heures, pour lequel on est généralement peu rémunéré, puisque, comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de crises de filières. C'est un rude métier, c'est un difficile métier, mais c'est un beau métier."
Q- Un peu sans visibilité aussi, parce que cette Europe qui est en train de s'élargir va évidemment modifier et définir différemment la PAC, sans que l'on sache très bien la forme qu'elle prendra finalement ?
R- "Si, on commence à le savoir. S'il est normal que quand on a une réforme, il y ait un peu de mal dans un premier temps à voir la visibilité. Mais ce que nous avons essayé de faire depuis un an et demi, dans les négociations à Bruxelles, c'est précisément de tracer des perspectives pour l'agriculture européenne. Donc, de ce point de vue, au plan budgétaire, nous sommes assurés jusqu'en 2013 - ce qui n'est pas rien - de garder le budget de la PAC, ce qui n'était pas gagné loin s'en faut. C'est grâce à l'accord entre le Président Chirac et le Chancelier Schröder que nous y sommes parvenus. Et maintenant, nous sommes en train de mettre en place les nouveaux outils des gestion de la PAC, qui seront terminés d'être définis dans quelques mois, et qui seront valables encore pendant dix ans, c'est-à-dire jusqu'en 2013. Nous avons prolongé aussi les quotas laitiers jusqu'en 2013, alors qu'ils devaient être supprimés en 2008. Donc, petit à petit, nous arrivons à tracer ces perspectives. Et mon obsession depuis que je suis arrivé sur les négociations à Bruxelles, c'était d'une part, que la France ne soit pas isolée, et d'autre part, que nous puissions tracer des perspectives durables, parce que les paysans en ont ras-le-bol que tout change tous les deux ou trois ans, rythme que l'on a connu depuis dix ans."
Q- Les dossiers difficiles : les pesticides. Le secrétaire général des Verts, G. Lemaire parle d'un scandale - je cite mot à mot, parce que c'est fort, l'accusation est forte - "de même nature que celui du sang contaminé, où les considérations financières ont primé sur celles de santé publique".
R- "Je trouve que les responsables politiques, syndicaux, doivent faire attention à ce qu'ils disent, dans une société ouverte comme la nôtre. J'ai été secrétaire d'Etat à la Santé, je suis avec d'autres, beaucoup d'autres, un des pères du nouveau dispositif de sécurité sanitaire, la création de l'INVS, la création de l'AFSSA. Et parler de ce drame épouvantable qu'a été le sang contaminé à tout bout de champ, et sur tous les sujets, je crois que ce n'est pas du tout responsable et c'est une insulte à la mémoire des victimes du sang contaminé. Ce que je voudrais simplement dire sur cette question des pesticides, c'est que les pesticides, les traitements phytosanitaires sont en quelque sorte les médicaments des plantes. Parce que les plantes ont des maladies et elles ont des maladies qui peuvent être nuisibles à l'homme si l'on consomme ces produits. Donc, depuis cinquante ans, on a eu effectivement un développement d'un certain nombre de traitements. Je prends un exemple : nous avons eu, l'année dernière, à la fois en Ile-de-France et en Alsace, aux abords des aéroports de Roissy et de Bâle-Mulhouse, un insecte qui met en cause les cultures de maïs, qui s'appelle la chrysomèle du maïs. Il faut bien des traitements pour éviter que l'ensemble des maïs français soit ravagé. Alors, je voudrais dire ici, qu'il faut une politique de santé des végétaux. Est-ce que pour autant, il faut recourir au "tout chimique" ? Bien évidemment, non. Et un pesticide pour les plantes comme un médicament pour les humains, c'est toujours une analyse "bénéfice-risques", comme disent les épidémiologistes. Il ne faut pas évidemment que les risques l' emportent sur le bénéfice. C'est la raison pour laquelle nous appliquons, de manière proportionnée, le principe de précaution pour tout bien prendre en compte. Et c'est ce qui a motivé ma décision de retrait du Fipronil, après l'avis de la Commission d'étude sur la toxicité."
Q- Mais il y a une chose que l'on a un peu de mal à comprendre, tout de même : on entend vos arguments, mais vous prenez une décision de suspension, par exemple du Régent mais vous autorisez l'écoulement des stocks jusqu'au 31 mai ! Et là, on a un peu de mal à suivre. Ou c'est dangereux ou cela ne l'est pas !
R- "Alors, soyons précis sur la notion d'écoulement des stocks, puisque, s'agissant des stocks, il y a deux sujets. Le premier sujet, pour être concret, ce sont les bidons de Fipronil. La fabrication et l'utilisation sont interdits et c'est retiré, c'est-à-dire, que les bidons qui sont, y compris encore dans les fermes, sont en train d'être retirés. Ce que nous avons permis et ce qui d'ailleurs se fait de manière constante - c'est une disposition classique du Code rural qui le permet -, c'est pour les semences qui sont déjà enrobées et qui sont chez les agriculteurs, de pouvoir les utiliser pour les semis de printemps et uniquement pour les semis de printemps, si les agriculteurs le souhaitent compte tenu de la période de l'année dans laquelle l'on se trouve. Je crois que sur ces sujets, les choses ne sont pas blanches ou noires. C'est vrai que, médiatiquement, il est plus facile de dire : c'est blanc ou c'est noir. Nous sommes dans de la gestion du risque de précision. Vous savez que les études scientifiques, au jour d'aujourd'hui, sont assez controversées. Nous avons un rapport de la Commission d'étude de la toxicité qui nous dit qu'il y a des interrogations pour l'environnement et la faune sauvage - il n'y a rien sur la santé humaine. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, avec mes collègues en charge de l'Environnement, de la Santé et de la Consommation, nous avons demandé un réexamen de l'ensemble de ces molécules, c'est-à-dire à la fois Fipronil et Gaucho. Alors, il est très facile de céder à l'invective, à l'accusation et à la loi de la peur maximum, puisque nous sommes dans une société de la peur. Et, sur ces questions, encore davantage dans notre pays, compte tenu des scandales inacceptables que nous avons vécus sur le sang contaminé, sur l'hormone de croissance extractive, j'en passe et des meilleures. Mais je crois qu'il ne faut pas tout mélanger."
Q- Tout de même, ce texte, où il est écrit que "le retrait, coûterait plus cher que l'indemnisation s'il y avait un problème", d'où vient-il et comment l'expliquer ?
R- "Vous savez, dans toute décision administrative, il y a des services qui travaillent et qui font des notes pour l'information des décideurs. Il n'y a absolument rien de secret. Par exemple, dans cette équipée abracadabrantesque de la Confédération paysanne de M. Bové, qui est allée envahir les locaux de la Direction générale de l'alimentation, ils sont sortis comme si c'était une victoire sur l'obscurantisme, de sortir des études etc. Manque de pot, l'étude en question, était en ligne sur Internet depuis octobre 2003. Donc il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! Il y a un certain nombre de documents qui servent à l'information des décideurs, et puis ensuite, les décideurs publics prennent leurs décisions en connaissance de cause."
Q- Les autres sujets difficiles : le foie gras français qui ne rentre plus aux Etats-Unis, les cours des produits laitiers qui sont à un niveau très bas, ceux du porc qui s'effondrent. Comment allez-vous gérer tout cela en même temps ?
R- "Ce n'est pas simple et surtout pour les agriculteurs qui subissent depuis des années effectivement une baisse des prix et donc une baisse de leurs revenus. Malheureusement, il y a beaucoup de questions dans votre question et pour chaque sujet, il y a une réponse différente. Je ne veux donc pas embrouiller les auditeurs. Je dirais plusieurs choses. Il y a certaines productions qui sont régies par des règles européennes. Par exemple le lait, par exemple la viande de boeuf - sur laquelle il y a moins de problèmes en ce moment. Donc, pour s'arrêter sur le lait, on a actuellement une dimension européenne de la question par rapport aux réformes de la PAC, notamment sur la question du prix d'intervention, et puis on a aussi une dimension purement franco-française, qui est l'accord interprofessionnel sur les prix entre les producteurs et les transformateurs. Et actuellement, on a un bras de fer entre les producteurs et les transformateurs, puisque les transformateurs veulent baisser le prix du lait et l'aligner sur le prix industriel du lait. Parce que le lait a plusieurs utilisations : il y a évidemment les fromages, les yaourts, qui sont bien valorisés, et puis il y a le beurre congelé ou la poudre de lait à l'exportation, dont les prix sont beaucoup plus bas. Et le problème actuellement, c'est que les transformateurs laitiers voudraient que l'ensemble du prix du lait soit calé sur le prix le plus bas et toujours le moins-disant. Les producteurs ne sont pas d'accord, ils ont bien raison. Et je souhaite que l'on ait rapidement une clause de paix pour que l'on ait un prix provisoire du lait jusqu'au 30 juin, pour ensuite que l'on en sorte. Sur le porc, c'est différent : parce que le porc est une production, comme la volaille d'ailleurs, qui n'est pas du tout concernée par les réglementations européennes, s'agissant des prix. Il y a ce que l'on appelle "le cycle du porc", il y a des hauts, des bas. Mais c'est vrai que depuis trois ou quatre ans, on a plus de bas que de hauts. Il faut donc absolument restructurer la filière, éviter la surproduction, et puis mettre en place un dispositif de gestion des crises. C'est ce que nous sommes en train de faire avec l'interprofession."
Q- Une toute dernière chose : le président de la FNSEA, M. Lemétayer, était hier matin invité à cette antenne, il avait envie de vous poser une question, la voici : "Les agriculteurs, et d'ailleurs les jeunes agriculteurs, aujourd'hui, militent sur ce dossier, n'en finissent pas de finir la pression de la distribution. J'aimerais savoir ce que le ministre pense faire pour qu'il y ait de meilleures relations entre la distribution et les producteurs, pour que le revenu des agriculteurs se trouve amélioré ?"
R- "Il est clair que, dans la répartition de la marge entre le producteur et le distributeur, aujourd'hui, c'est le distributeur qui en prend la plus grande partie. Il n'y a qu'à voir le prix du kilo de cochon et le prix où on achète le jambon en supermarché. C'est tout à fait clair. Depuis 1986, à deux ou trois reprises, on a eu des lois qui ont essayé de réglementer ces relations entre la production et la distribution - 1986, 1996, 1999. Et ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que ces lois ont été peu efficaces. Elles sont appliquées mais elles sont peu efficaces. Donc, avec F. Mer et R. Dutreil, qui sont en charge de ces questions de relations entre la distribution et la production, nous souhaitons que, dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, on reprenne ce sujet sans polémique, de manière très sereine, pour que l'on ait une meilleure répartition de la marge. Parce que là où la marge n'est pas bien répartie, cela veut dire plus de soutien public aux agriculteurs. Donc, je crois que les contribuables ne s'y retrouvent pas davantage."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er mars 2004)
Q- Motiver des vocations chez les jeunes : c'est un métier à risque agriculteur, aujourd'hui ?
R- "C'est un métier difficile. C'est un métier prenant, dans lequel on ne compte pas ses heures, pour lequel on est généralement peu rémunéré, puisque, comme vous l'avez dit, il y a beaucoup de crises de filières. C'est un rude métier, c'est un difficile métier, mais c'est un beau métier."
Q- Un peu sans visibilité aussi, parce que cette Europe qui est en train de s'élargir va évidemment modifier et définir différemment la PAC, sans que l'on sache très bien la forme qu'elle prendra finalement ?
R- "Si, on commence à le savoir. S'il est normal que quand on a une réforme, il y ait un peu de mal dans un premier temps à voir la visibilité. Mais ce que nous avons essayé de faire depuis un an et demi, dans les négociations à Bruxelles, c'est précisément de tracer des perspectives pour l'agriculture européenne. Donc, de ce point de vue, au plan budgétaire, nous sommes assurés jusqu'en 2013 - ce qui n'est pas rien - de garder le budget de la PAC, ce qui n'était pas gagné loin s'en faut. C'est grâce à l'accord entre le Président Chirac et le Chancelier Schröder que nous y sommes parvenus. Et maintenant, nous sommes en train de mettre en place les nouveaux outils des gestion de la PAC, qui seront terminés d'être définis dans quelques mois, et qui seront valables encore pendant dix ans, c'est-à-dire jusqu'en 2013. Nous avons prolongé aussi les quotas laitiers jusqu'en 2013, alors qu'ils devaient être supprimés en 2008. Donc, petit à petit, nous arrivons à tracer ces perspectives. Et mon obsession depuis que je suis arrivé sur les négociations à Bruxelles, c'était d'une part, que la France ne soit pas isolée, et d'autre part, que nous puissions tracer des perspectives durables, parce que les paysans en ont ras-le-bol que tout change tous les deux ou trois ans, rythme que l'on a connu depuis dix ans."
Q- Les dossiers difficiles : les pesticides. Le secrétaire général des Verts, G. Lemaire parle d'un scandale - je cite mot à mot, parce que c'est fort, l'accusation est forte - "de même nature que celui du sang contaminé, où les considérations financières ont primé sur celles de santé publique".
R- "Je trouve que les responsables politiques, syndicaux, doivent faire attention à ce qu'ils disent, dans une société ouverte comme la nôtre. J'ai été secrétaire d'Etat à la Santé, je suis avec d'autres, beaucoup d'autres, un des pères du nouveau dispositif de sécurité sanitaire, la création de l'INVS, la création de l'AFSSA. Et parler de ce drame épouvantable qu'a été le sang contaminé à tout bout de champ, et sur tous les sujets, je crois que ce n'est pas du tout responsable et c'est une insulte à la mémoire des victimes du sang contaminé. Ce que je voudrais simplement dire sur cette question des pesticides, c'est que les pesticides, les traitements phytosanitaires sont en quelque sorte les médicaments des plantes. Parce que les plantes ont des maladies et elles ont des maladies qui peuvent être nuisibles à l'homme si l'on consomme ces produits. Donc, depuis cinquante ans, on a eu effectivement un développement d'un certain nombre de traitements. Je prends un exemple : nous avons eu, l'année dernière, à la fois en Ile-de-France et en Alsace, aux abords des aéroports de Roissy et de Bâle-Mulhouse, un insecte qui met en cause les cultures de maïs, qui s'appelle la chrysomèle du maïs. Il faut bien des traitements pour éviter que l'ensemble des maïs français soit ravagé. Alors, je voudrais dire ici, qu'il faut une politique de santé des végétaux. Est-ce que pour autant, il faut recourir au "tout chimique" ? Bien évidemment, non. Et un pesticide pour les plantes comme un médicament pour les humains, c'est toujours une analyse "bénéfice-risques", comme disent les épidémiologistes. Il ne faut pas évidemment que les risques l' emportent sur le bénéfice. C'est la raison pour laquelle nous appliquons, de manière proportionnée, le principe de précaution pour tout bien prendre en compte. Et c'est ce qui a motivé ma décision de retrait du Fipronil, après l'avis de la Commission d'étude sur la toxicité."
Q- Mais il y a une chose que l'on a un peu de mal à comprendre, tout de même : on entend vos arguments, mais vous prenez une décision de suspension, par exemple du Régent mais vous autorisez l'écoulement des stocks jusqu'au 31 mai ! Et là, on a un peu de mal à suivre. Ou c'est dangereux ou cela ne l'est pas !
R- "Alors, soyons précis sur la notion d'écoulement des stocks, puisque, s'agissant des stocks, il y a deux sujets. Le premier sujet, pour être concret, ce sont les bidons de Fipronil. La fabrication et l'utilisation sont interdits et c'est retiré, c'est-à-dire, que les bidons qui sont, y compris encore dans les fermes, sont en train d'être retirés. Ce que nous avons permis et ce qui d'ailleurs se fait de manière constante - c'est une disposition classique du Code rural qui le permet -, c'est pour les semences qui sont déjà enrobées et qui sont chez les agriculteurs, de pouvoir les utiliser pour les semis de printemps et uniquement pour les semis de printemps, si les agriculteurs le souhaitent compte tenu de la période de l'année dans laquelle l'on se trouve. Je crois que sur ces sujets, les choses ne sont pas blanches ou noires. C'est vrai que, médiatiquement, il est plus facile de dire : c'est blanc ou c'est noir. Nous sommes dans de la gestion du risque de précision. Vous savez que les études scientifiques, au jour d'aujourd'hui, sont assez controversées. Nous avons un rapport de la Commission d'étude de la toxicité qui nous dit qu'il y a des interrogations pour l'environnement et la faune sauvage - il n'y a rien sur la santé humaine. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, avec mes collègues en charge de l'Environnement, de la Santé et de la Consommation, nous avons demandé un réexamen de l'ensemble de ces molécules, c'est-à-dire à la fois Fipronil et Gaucho. Alors, il est très facile de céder à l'invective, à l'accusation et à la loi de la peur maximum, puisque nous sommes dans une société de la peur. Et, sur ces questions, encore davantage dans notre pays, compte tenu des scandales inacceptables que nous avons vécus sur le sang contaminé, sur l'hormone de croissance extractive, j'en passe et des meilleures. Mais je crois qu'il ne faut pas tout mélanger."
Q- Tout de même, ce texte, où il est écrit que "le retrait, coûterait plus cher que l'indemnisation s'il y avait un problème", d'où vient-il et comment l'expliquer ?
R- "Vous savez, dans toute décision administrative, il y a des services qui travaillent et qui font des notes pour l'information des décideurs. Il n'y a absolument rien de secret. Par exemple, dans cette équipée abracadabrantesque de la Confédération paysanne de M. Bové, qui est allée envahir les locaux de la Direction générale de l'alimentation, ils sont sortis comme si c'était une victoire sur l'obscurantisme, de sortir des études etc. Manque de pot, l'étude en question, était en ligne sur Internet depuis octobre 2003. Donc il n'y a pas de quoi fouetter un chat ! Il y a un certain nombre de documents qui servent à l'information des décideurs, et puis ensuite, les décideurs publics prennent leurs décisions en connaissance de cause."
Q- Les autres sujets difficiles : le foie gras français qui ne rentre plus aux Etats-Unis, les cours des produits laitiers qui sont à un niveau très bas, ceux du porc qui s'effondrent. Comment allez-vous gérer tout cela en même temps ?
R- "Ce n'est pas simple et surtout pour les agriculteurs qui subissent depuis des années effectivement une baisse des prix et donc une baisse de leurs revenus. Malheureusement, il y a beaucoup de questions dans votre question et pour chaque sujet, il y a une réponse différente. Je ne veux donc pas embrouiller les auditeurs. Je dirais plusieurs choses. Il y a certaines productions qui sont régies par des règles européennes. Par exemple le lait, par exemple la viande de boeuf - sur laquelle il y a moins de problèmes en ce moment. Donc, pour s'arrêter sur le lait, on a actuellement une dimension européenne de la question par rapport aux réformes de la PAC, notamment sur la question du prix d'intervention, et puis on a aussi une dimension purement franco-française, qui est l'accord interprofessionnel sur les prix entre les producteurs et les transformateurs. Et actuellement, on a un bras de fer entre les producteurs et les transformateurs, puisque les transformateurs veulent baisser le prix du lait et l'aligner sur le prix industriel du lait. Parce que le lait a plusieurs utilisations : il y a évidemment les fromages, les yaourts, qui sont bien valorisés, et puis il y a le beurre congelé ou la poudre de lait à l'exportation, dont les prix sont beaucoup plus bas. Et le problème actuellement, c'est que les transformateurs laitiers voudraient que l'ensemble du prix du lait soit calé sur le prix le plus bas et toujours le moins-disant. Les producteurs ne sont pas d'accord, ils ont bien raison. Et je souhaite que l'on ait rapidement une clause de paix pour que l'on ait un prix provisoire du lait jusqu'au 30 juin, pour ensuite que l'on en sorte. Sur le porc, c'est différent : parce que le porc est une production, comme la volaille d'ailleurs, qui n'est pas du tout concernée par les réglementations européennes, s'agissant des prix. Il y a ce que l'on appelle "le cycle du porc", il y a des hauts, des bas. Mais c'est vrai que depuis trois ou quatre ans, on a plus de bas que de hauts. Il faut donc absolument restructurer la filière, éviter la surproduction, et puis mettre en place un dispositif de gestion des crises. C'est ce que nous sommes en train de faire avec l'interprofession."
Q- Une toute dernière chose : le président de la FNSEA, M. Lemétayer, était hier matin invité à cette antenne, il avait envie de vous poser une question, la voici : "Les agriculteurs, et d'ailleurs les jeunes agriculteurs, aujourd'hui, militent sur ce dossier, n'en finissent pas de finir la pression de la distribution. J'aimerais savoir ce que le ministre pense faire pour qu'il y ait de meilleures relations entre la distribution et les producteurs, pour que le revenu des agriculteurs se trouve amélioré ?"
R- "Il est clair que, dans la répartition de la marge entre le producteur et le distributeur, aujourd'hui, c'est le distributeur qui en prend la plus grande partie. Il n'y a qu'à voir le prix du kilo de cochon et le prix où on achète le jambon en supermarché. C'est tout à fait clair. Depuis 1986, à deux ou trois reprises, on a eu des lois qui ont essayé de réglementer ces relations entre la production et la distribution - 1986, 1996, 1999. Et ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que ces lois ont été peu efficaces. Elles sont appliquées mais elles sont peu efficaces. Donc, avec F. Mer et R. Dutreil, qui sont en charge de ces questions de relations entre la distribution et la production, nous souhaitons que, dans le cadre de la loi de modernisation de l'agriculture, on reprenne ce sujet sans polémique, de manière très sereine, pour que l'on ait une meilleure répartition de la marge. Parce que là où la marge n'est pas bien répartie, cela veut dire plus de soutien public aux agriculteurs. Donc, je crois que les contribuables ne s'y retrouvent pas davantage."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er mars 2004)