Texte intégral
Monsieur le ministre,
Messieurs les Présidents des Commissions des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales de l'Assemblée nationale et du sénat,
Mesdames et Messieurs les représentants des partenaires sociaux,
Mesdames et Messieurs,
Renaud Donnedieu de Vabres vient de le dire avec bonheur et force : l'emploi culturel et son développement constituent, au-delà de leurs implications culturelles évidentes, un enjeu économique et social d'importance. De fait, le poids du secteur en termes d'emplois doit être pleinement mesuré. Face aux quelques 300.000 emplois qu'il représente, et dans le contexte de maintien d'un taux de chômage élevé, le ministre en charge de l'emploi et du travail que je suis ne pouvait l'ignorer. Bien au contraire.
Son importance exige alors une attention toute particulière, au moins à deux égards.
D'une part, il constitue sans nul doute un gisement d'emploi significatif, comme en témoigne la croissance tendancielle du secteur ces dernières années, mais encore insuffisamment exploité.
D'autre part, il nécessite un effort pour promouvoir durablement le développement d'un emploi de qualité. Si la majeure partie des salariés du secteur occupe des emplois permanents, un bon tiers relève de l'intermittence et leur nombre n'a cessé de croître ces dernières années. C'est dire, même si l'intermittence reste bien évidemment incontournable pour un certain nombre d'activités et d'emplois, qu'il est possible de renforcer plus avant la qualité des emplois dans le secteur, qu'il reste des marges de progrès à conquérir face à la précarité, qu'il y a lieu de promouvoir la professionnalisation des salariés.
C'est à tout le moins ce double constat qui justifie la conduite d'une politique de l'emploi ambitieuse dans le secteur. Dans cette perspective - et Renaud Donnedieu de Vabres l'a très clairement affirmé- cette politique de l'emploi ne peut se réduire au seul système d'assurance chômage. Certes le régime d'assurance chômage doit jouer tout son rôle de régulation et donc prendre en compte, dans le cadre d'un régime spécifique au sein de la solidarité interprofessionnelle, les spécificités des métiers et les pratiques d'emploi. Mais il n'a pas vocation à assumer seul la charge de la politique de l'emploi culturel dans notre pays, a fortiori dans la situation financière qui est la sienne aujourd'hui, en lieu et place des autres acteurs, qu'il s'agisse des employeurs au titre de la politique salariale ou des collectivités publiques au titre du financement de notre politique culturelle.
Voilà pourquoi le Gouvernement considère qu'il est désormais nécessaire de refonder le cadre de notre politique de l'emploi culturel. C'est tout le sens de notre démarche commune à Renaud Donnedieu de Vabres, à Jean-Louis Borloo et à moi-même sous l'autorité du Premier Ministre. C'est tout le sens du projet de Charte pour l'emploi dans le spectacle qui en traduit les principes et en décline les orientations.
Cette politique ambitieuse suppose bien évidemment l'implication de tous : Etat, collectivités locales, partenaires sociaux tant au niveau interprofessionnel que bien sûr professionnel.
En la matière, l'Etat a d'ores et déjà pris ses responsabilités en engageant un certain nombre de chantiers, le ministre de la culture vient de les évoquer.
C'est notamment le cas en matière de lutte contre le travail illégal. Celle-ci constitue désormais une priorité de l'action publique. Elle est en effet une condition préalable à la réussite de la politique de l'emploi que nous souhaitons mener : elle est nécessaire pour garantir la pérennité de nos régimes de protection sociale, pour assurer une régulation juste et maîtrisée des relations d'emploi et pour soutenir des emplois de qualité. C'est vrai dans tous les secteurs. C'est sans doute particulièrement justifié dans le secteur du spectacle.
Un plan national d'action a été mis en uvre en octobre 2003. nous avons tenu, avec Jean-Louis Borloo, à l'intensifier plus encore en juin 2004 à l'occasion de la réunion de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal. Pour ce faire, nous avons ensemble défini les actions prioritaires et nous nous sommes donné les moyens de conduire une action efficace.
Ainsi, la mobilisation des services de contrôle a été particulièrement forte (depuis maintenant près de deux ans). De même, nous avons veillé à articuler étroitement prévention et répression car toute action en la matière ne peut être durablement efficace que si elle associe ces deux volets. Nous avons enfin pris les mesures nécessaires, attendues depuis si longtemps qu'elles en finissaient par constituer de véritables serpents de mer. Je pense ici aux textes réglementaires sur le croisements de fichiers qui ont enfin été publiés.
Cette action commence à produire des résultats, et c'est pour moi un motif de satisfaction. J'ai à cet égard tenu à ce que des bilans d'étape soient régulièrement présentés tant devant le Conseil national des professions du spectacle que devant la commission nationale de lutte contre le travail illégal. Ce sont ainsi près de 4.000 contrôles qui ont été effectués en 2004, chiffre particulièrement élevé par rapport au nombre d'entreprises du secteur. Et l'évolution des contrôles témoignent d'une réelle efficacité des actions engagées : alors qu'à l'automne 2003, les trois quarts des entreprises visitées étaient en situation d'infraction, la proportion des fraudes constatées est aujourd'hui de l'ordre du tiers, ce qui ramène le secteur à des proportions voisines de celles rencontrées dans les autres secteurs. J'y vois un signe d'un changement positif des comportements des employeurs, que confirme d'ailleurs la nette progression du taux de déclaration de l'emploi salarié aux organismes sociaux.
Il reste que la dissimulation de salariés et le recours abusif à l'intermittence pour pourvoir durablement des emplois permanents demeurent encore trop fréquents. Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité accentuer son action par un renforcement de notre arsenal juridique.
Ainsi, le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, examiné cette semaine par le Sénat, prévoit un renforcement sensible des sanctions administratives. Le champ des infractions pouvant entraîner la suspension ou le refus d'aides publiques à l'emploi sera étendu, de même que les aides pouvant ainsi être suspendues. Cela concernera en premier chef le secteur du spectacle puisque les aides du Centre national de la cinématographie seront par exemple concernées.
En tout état de cause, je peux vous garantir que la mobilisation des services de contrôle sera poursuivie dans les mois à venir et que nous nous en donnerons les moyens. C'est à mes yeux une condition indispensable à la mise en uvre effective d'une véritable politique du travail dans ce secteur.
L'Etat a donc pris ses responsabilités dans ce domaine. Mais elle n'épuise bien évidemment pas toutes les exigences inhérentes à l'approfondissement d'une politique cohérente de l'emploi culturel.
Celle-ci nécessite une implication forte des partenaires sociaux du secteur, au travers d'un effort dans la structuration du champ conventionnel.
Renaud Donnedieu de Vabres a insisté à juste titre sur l'importance de ce chantier. Il importe en effet de progresser très significativement sur le champ des conventions collectives pour le redéfinir et l'harmoniser. C'est à cette condition seulement que les conventions collectives seront en mesure de jouer pleinement leur rôle de structuration et de régulation de l'emploi et des conditions de travail dans le secteur.
Or le secteur du spectacle se caractérise encore par une couverture conventionnelle largement éclatée, génératrice de failles et de chevauchements conventionnels. Ce sont ces points qu'il importe de régler en priorité. Mais il est aussi nécessaire de se pencher sur le contenu des conventions collectives qui reste aussi fréquemment lacunaire.
Voilà pourquoi, en décembre dernier, nous avons invité les partenaires sociaux du secteur à avancer dans cette voie afin de garantir, si possible d'ici la fin de l'année, une couverture conventionnelle exhaustive, sans faille ni chevauchement.
Je ne mésestime pas l'ampleur de la tâche. Voilà pourquoi je me suis engagé, avec les moyens qui sont les miens, à favoriser l'accélération et le bon déroulement des négociations en ce sens.
J'ai la volonté de veiller, notamment grâce à l'intervention des présidents de commissions mixtes paritaires, à ce que ces conventions collectives couvrent de manière exhaustive l'ensemble du secteur du spectacle et favorisent l'emploi, en donnant la priorité aux conditions d'emploi et de rémunération des salariés du secteur.
Un premier bilan d'étape de la démarche engagée dans le secteur du spectacle depuis plusieurs mois a été réalisé par mes services qui sont à la disposition des partenaires sociaux pour leur offrir un appui technique afin que les objectifs poursuivis et le programme de travail pour 2005 soient scrupuleusement mis en oeuvre.
Plusieurs enseignements peuvent d'ores et déjà être tirés :
· il faut d'abord souligner la détermination et les avancées réalisées dans le secteur du spectacle vivant (structuré autour de 4 conventions collectives nationales), qui se sont notamment traduits par l'élaboration par les employeurs du secteur d'un projet d'accord inter-branches visant à élaborer une définition commune des champs d'application des conventions collectives des secteurs public et privé. Même si certains ajustements demeurent nécessaires dans le secteur privé, notamment sur la question de la couverture conventionnelle des artistes en tournée, cet accord constitue une avancée concrète traduisant la volonté de l'ensemble des partenaires du secteur de respecter les engagements de la feuille de route.
· les secteurs du spectacle enregistré et de l'audiovisuel (également structuré autour de 4 conventions collectives nationales) font état de plus grandes difficultés dans l'avancement des travaux et des négociations. Il convient notamment de souligner les difficultés rencontrées dans le secteur de la télédiffusion publique et privée, ayant trait notamment à la volonté des partenaires du secteur de disposer de leurs propres dispositifs conventionnels ainsi qu'aux problèmes liés à la délimitation du recours à l'intermittence et au contrat à durée déterminée d'usage.
· enfin, comme les organisations d'employeurs avaient pu le rappeler lors de la dernière réunion du CNPS, le secteur de la radiodiffusion se heurte au manque d'homogénéité du champ conventionnel. Dans ce secteur, un effort particulier semble devoir être accompli.
Au total, j'ai la conviction que ce chantier avance mais se heurte encore à d'importantes difficultés qui exigeront une implication encore très forte des partenaires sociaux du secteur. Je suis décidé à les y aider. Nous ferons un point d'étape lors du CNPS de septembre prochain. Au vu de résultats des négociations, et dans la perspective de progrès significatifs attendus pour la fin de l'année, des instructions seront données aux présidents des commissions mixtes paritaires et des commissions mixtes pourront être mises en place dans les secteurs encore non couverts.
Il reste - et le ministre de la culture l'a déjà souligné- que cette recomposition du champ conventionnel ne pourra pas faire l'impasse sur la question à mes yeux fondamentale qui est celle du champ de l'intermittence. Il appartient en effet prioritairement aux conventions collectives d'en définir de la façon la plus précise et la plus maîtrisée le périmètre. Nous y serons particulièrement vigilants.
A cet égard, je serai tout spécialement attentif, à l'occasion des demandes d'extension, sur les efforts effectués par les partenaires sociaux pour circonscrire au plus près le périmètre de l'intermittence et pour mettre en uvre, au travers des dispositions conventionnelles, la politique d'emploi de qualité nécessaire au secteur.
Vous le voyez, ces exemples témoignent de la volonté commune des deux ministères d'avancer dans la voie d'une politique de l'emploi dans le spectacle mieux structurée, mieux partagée, au bénéfice de tous.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 17 juin 2005