Interviews de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, à France inter le 7 novembre 2005 et à France 2 le 8, sur les violences urbaines et l'instauration du couvre feu dans certains quartiers.

Prononcé le

Média : France 2 - France Inter - Télévision

Texte intégral

France Inter
7 novembre 2005
S. Paoli - Venons-en aux faits. Hors de ce qui ressemble peut-être à une caricature de certains grands quotidiens étrangers - "Paris is burning" titrent certains quotidiens américains -, quelle est votre évaluation personnelle, celle du Gouvernement, de la réalité des faits ?
J.-F. Copé : C'est celle d'une situation qui est évidemment difficile, comment ne pas dire les choses autrement. Nous connaissons depuis dix jours maintenant des situations de violence importantes, très ciblées, localisées sur un certain nombre de quartiers, avec des comportements d'un certain nombre de gens, très jeunes, et malheureusement de plus en plus jeunes - quatorze ans et même moins -, qui sont des situations qu'on connaît, en réalité, sauf que là elles ont pris une ampleur particulière à la faveur d'un certain nombre d'événements. Et l'on sait que dans ces quartiers, malheureusement, parfois cela prend des proportions énormes. Ce que je veux dire c'est que si vous me demandez une évaluation, je suis obligé de vous dire aussi qu'il y a une réponse, il y a une réponse très forte, très ferme, vous l'avez vu. Ce qui probablement change par rapport à ce qui a pu se passer à d'autres périodes, parce qu'on a vécu malheureusement d'autres mouvements comme ça, c'est qu'il y a de très nombreuses interpellations, que ces interpellations donnent lieu aussi à des comparutions immédiates et que la chaîne pénale fonctionne de ce point de vue aussi bien que possible, dans des conditions de coopération de l'ensemble des pouvoirs publics dont je veux dire qu'elle est assez remarquable, parce qu'il faut aussi le dire ce matin...
S. Paoli - On comprend bien la complexité, mais quelles réponses apporter quand on comprend que les questions d'ordres sociales, qu'elles sont d'ordres culturelles, qu'elles sont d'ordres politiques, qu'elles sont d'ordres économiques ? Au fond, quels sont les moyens dont vous disposez aujourd'hui, au-delà des mots, au-delà même de la déclaration courte du président de la République hier soir, pour répondre à de tels enjeux ?
J.-F. Copé : On le voyait bien à travers la réunion que nous avons tenue hier autour du Président et tout ce que nous faisons, toute notre équipe gouvernementale, avec le Premier ministre, qui se réunit depuis plusieurs jours maintenant, les mots-clés que nous avons à l'esprit, c'est fermeté, c'est justice. Mais c'est évidemment dans l'immédiat, parce qu'on est dans cette situation, le rétablissement de l'autorité publique. Et ça, c'est évidemment le préalable. Personne n'imagine d'ailleurs les choses autrement. Les comportements qui ont été observés sont absolument inimaginables dans une société moderne, sauf évidemment à voir que dans cette société moderne, il y a des dérives très importantes - la télévision, Internet, les jeux vidéos - face des gosses de 12, 13, 14 ans, qui pour certains sont livrés à eux-mêmes dans des conditions très difficiles. Et on voit aujourd'hui combien la réponse de l'Etat doit être forte, bien sûr la sécurité mais il y a aussi tout le reste, tout ce qui relève de tout ce que nous avons fait. Pour être tout à fait complet, c'est vrai que je suis en même temps très imprégné par mon expérience d'élu de Meaux, qui est en zone franche sur la moitié de son territoire. Il y a cette situation très difficile aujourd'hui, mais il y a en même temps, et je crois que ce serait terrible de l'oublier, des actions énormes qui ont été conduites avec des résultats très positifs. J'ai aussi envie de dire que dans certains quartiers, les choses seraient bien pires si nous n'avions pas mis en uvre tout ce que nous avons mis en uvre. Vous savez, la politique de la ville, c'est un tableau de bord : il faut jouer en même temps sur tous les indicateurs, la sécurité mais aussi l'urbanisme, l'économie, l'accompagnement personnalisé. C'est un énorme travail ensemble...
J.-M. Colombani (Le Monde) : Oui, on sait bien que les réponses sont des réponses de long terme et c'est tout le problème. J'ai en tête que ces problèmes d'intégration sont extrêmement lourds. Les Etats-Unis, qui ont connu des émeutes extrêmement lourdes, ont mis 20 à 25 ans, si vous vous souvenez des émeutes qui étaient parties de Los Angeles, à sortir...
S. Paoli - Au passage, est-ce qu'on parle de "ghettos" en France ou pas ?
J.-M. Colombani : Oui, absolument. En tout cas, on parle de zones d'exclusion, donc comment les appeler autrement ? La Grande-Bretagne, elle aussi, a connu des émeutes urbaines de même nature avec un modèle différent du nôtre, et on voit bien que ces émeutes, comme il y a encore quelques jours à Birmingham, perdurent. Donc on sait très bien qu'on est dans des phénomènes longs qui appellent des remèdes de long terme et qui appellent des remèdes d'une certaine façon tous azimuts. Et de ce point de vue-là, le Gouvernement aurait dû faire un petit peu plus attention à ce que disent les acteurs de terrain, ceux qui sont confrontés à ces situations. C'est vrai qu'il y a, de façon extravagante d'ailleurs, des dévouements des associations, des gens qui sont mobilisés dans les quartiers. Et ils disent quand même que l'axe de la politique gouvernementale s'est un petit peu déplacé et que la politique de la ville a été moins privilégiée au bénéfice d'une politique - c'est toute la querelle sur la police de proximité - plus, entre guillemets, "répressive". Non pas que la répression soit inutile aujourd'hui, on le comprend bien. Mais en même temps, les acteurs de terrain disent qu'il y a eu un décentrage de la politique, parce que le Gouvernement arrivait, ne voulait pas faire comme la gauche et donc, il y a eu peut-être aussi un retour de bâton de ce point de vue-là.
J.-F. Copé : Si je peux réagir là-dessus...
J.-M. Colombani : Mais je pense que les vrais problèmes, malheureusement, sont des problèmes de très long terme. Simplement, J.-F. Copé, cela fait vingt ans que F. Mitterrand nommait un ministre de la Ville. Donc il y a vingt années de ministère de la Ville, pour en arriver là : c'est ça qui est angoissant pour les citoyens que nous sommes, par rapport à une politique que nous voudrions plus accrochée à la réalité ou en tout cas plus efficace par rapport à la réalité. Et c'est ça qui est un sujet de réflexion pour tout le monde, pas seulement pour le Gouvernement - le Gouvernement, de toute façon, est confronté à des éléments immédiats aujourd'hui -, mais pour l'ensemble de la collectivité...
J.-F. Copé : C'est une situation qui est très difficile, je crois que c'est vraiment un de ces nombreux domaines de l'action publique dans lequel il n'y a pas d'un côté la vérité et de l'autre l'erreur. Et c'est évidemment une leçon d'humilité pour tout le monde. Mais enfin, en même temps, je me permets de mettre garde sur cette idée que les acteurs du terrain disent il n'y a pas assez de crédits. Pardon : je voudrais quand même dire, étant moi-même aussi un peu acteur de terrain sur ces problèmes de quartiers, que bien souvent, ce n'est pas simplement un problème de subventions, loin s'en faut. Vous n'imaginez pas, J.-M. Colombani, combien il y a eu d'argent public pour permettre de retrouver de l'espérance dans les quartiers. Et je veux témoigner que cet argent est arrivé. D'accord, il n'est pas arrivé que depuis deux ans, il y a eu des tas de choses de faites, il y a eu beaucoup de choses. Penser que nous avons privilégié seulement l'action de sécurité serait, me semble-t-il, vraiment une erreur d'analyse. Il y a eu beaucoup de choses et notamment, et c'est certainement un point de grande nouveauté, beaucoup de crédits pour démolir les grands ensembles et reconstruire à la place des logements à taille humaine. Et vous n'imaginez pas combien cela a constitué un plus. D'ailleurs, quand on regard la carte des incendies, des violences, c'est pour l'essentiel là où le principe des ghettos n'a pas encore été éradiqué. Car il faut bien le dire, la réalité des choses aujourd'hui, là où nous avons le plus de mal, c'est là où il y a le phénomène de ce qu'on appelle le "ghetto", c'est-à-dire la surconcentration de populations dans des conditions très difficiles, où vous retrouvez le concentré des difficultés françaises : l'exclusion, le chômage, la précarité, et donc ce qui va avec, la violence, le trafic. Il faut avoir à l'esprit que le trafic, et notamment le trafic de drogue, c'est beaucoup, beaucoup d'argent illégal dans les quartiers et que c'est ce qui rend tout ça très difficile, c'est ce qui fait que beaucoup de gosses ont perdu la valeur, parce qu'en réalité, pour certains d'entre eux, ils sont associés aux trafics, ils voient l'argent facile et pour eux aller à l'école, cela veut dire quoi ? Donc on a face à cela un vrai déficit, avec des parents qui pour certains d'entre eux sont déphasés, maîtrisent mal la langue, ont des problèmes d'intégration. C'est ce combat-là qu'on mène tous les jours, et je vous assure que l'argent, dans beaucoup de cas, il est là. Le problème est, me semble-t-il, ailleurs et exige à la fois de la fermeté dans l'immédiat et en même temps, dans la durée, une implication hyper forte.
S. Paoli - C'est une question très importante, parce qu'il s'agit derrière du pacte républicain. On entendait des témoignages très intéressants et assez édifiants ce matin. On a l'impression que les groupes mafieux, au fond, par délégation, expriment le sentiment refoulé de tous les autres et que par leur violence et leur agressivité, au fond, manifestent le mal-être de tous les autres. Qu'est-ce que l'Etat républicain - et je dis bien l'Etat républicain, au-delà des clivages de la droite, de la gauche - peut opposer aujourd'hui à ça ?
J.-F. Copé : Il y a tout le panel des mesures. C'est bien sûr la sanction immédiate. Et dans l'immédiat, on voit bien que les interpellations font beaucoup de bruit dans les quartiers. Mais c'est aussi, évidemment, la réponse dans la durée et sur l'accompagnement personnalisé. Ce sont des familles qu'il faut suivre personnellement, pour dépister les problèmes, parfois dès l'âge de 7 ou 8 ans. Je vous donne un exemple très concret : mon week-end, à Meaux. Vendredi, je fais naturellement une réunion de police, parce qu'on sait que le week-end peut être difficile, avec police, Parquet qui est très présent, Education nationale très présente, on fait ce premier suivi. Le samedi, je réunis ce qu'on appelle les "adultes relais" : nous avons mis en place des équipes de parents, d'habitants qui sont présents et qui savent qu'ils vont devoir aller parler dès 16h00 aux mamans, aux familles etc., lesquels sont très efficaces, car la nouveauté, c'est que nous voyons aujourd'hui une réaction de la population qui participe à l'apaisement. Et puis, enfin, bien sûr, il y a la présence, à partir de 18h00 ou 19h00, et on endigue, et on interpelle et on donne une réponse. Hier, dans ma ville, il y avait six voitures brûlées mais six interpellations. Et parfois, évidemment, on voit le lien entre les uns et les autres. Alors, forcément, pour répondre à votre question, c'est vrai qu'on dérange un certain nombre de gens et qu'en les dérangeant, eh bien, forcément il y a des confrontations. Mais cela fait partie aussi de cette période où chacun doit montrer qu'on doit avoir le dernier mot, et donc on est dans une période de tension, dans laquelle on doit faire preuve de beaucoup de volonté.
J.-M. Colombani : [...] De la même façon qu'on peut difficilement faire la leçon au reste du monde, mais de la même façon on voit bien, encore une fois aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou ailleurs, que ces problèmes-là sont lourds et sont difficiles à traiter, mais il n'y a pas de traitement autre que de long terme, en effet. Alors après, le Gouvernement dit fermeté et justice. Tout le monde peut souscrire à cela, fermeté et justice. Tout le problème de ce Gouvernement, c'est qu'il n'a pas été tout à fait crédible sur la justice et je pense qu'il faut qu'il y revienne. Alors, on verra ce que dit le Premier ministre ce soir, probablement il donnera des arguments dans ce sens...
S. Paoli - L'image de la justice est un point très important, en effet...
J.-F. Copé : Oui, c'est un point très important et en même temps, je veux dire que sur ces quartiers, la mission est de faire du cousu main, c'est du sur-mesure. On sait bien que d'un quartier à l'autre, on n'a pas tout à fait les mêmes problèmes mais on a les mêmes réponses à donner. C'est vrai, vous l'avez évoqué, le cas de l'école est typique. Tellement d'influences rentrent dans la tête d'un gamin de ces quartiers, avec cette idée que d'abord après l'école, il y a la télé, il y a la vidéo, il y a Internet, qui pour nous est évidemment un problème majeur. C'est vrai aussi qu'il y a besoin que beaucoup de ces gosses aient la perspective de pouvoir sortir de ces quartiers, en sortir pour construire leur vie. Et cette idée du ghetto, c'est aussi ça. Il y a de l'espérance à donner pour beaucoup de ces habitants de pouvoir en sortir, notamment des jeunes, et il y a aussi l'idée que l'on puisse y entrer... Et voyez-vous, J.-M. Colombani, je voudrais vraiment vous dire ça, je sais quel est votre point de vue là-dessus. En même temps, pour prendre encore une fois mon expérience à Meaux, nous avons mis beaucoup d'argent pour démolir et nous démolissons ces caravelles qui avaient été construites par Le Corbusier, vous savez ces barres avec une colonne centrale et des ascenseurs qui s'arrêtent tous les cinq étages, 270 logements, 3.000 personnes pouvant habiter là-dedans. Nous les démolissons les unes après les autres et on remplace par des immeubles de quatre étages. On dédensifie. Eh bien, pour la première fois depuis un an, nous avons lancé des programmes dans ce quartier d'accession à la propriété. Donc, quelque part, il y a une dynamique qui se crée. Si je vous dis ça, c'est parce que là, dans cette période de crise, où il faut naturellement montrer combien on est déterminé, combien la première réponse, hélas, aujourd'hui, ce sont des interpellations, eh bien en même temps, il y a beaucoup de choses qui se font. Et vraiment, je crois que c'est très important qu'on le comprenne. On n'est vraiment pas dans l'ambiance de dire qui a tort, qui a raison, c'est une grande leçon d'humilité parce que c'est très difficile pour tout le monde. Mais en même temps, je veux dire qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites et que ces choses là, on doit les avoir à l'esprit parce qu'il y a des pistes pour la République aujourd'hui et demain.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 16 novembre 2005)
France 2
7h40
R. Sicard
Le 8 novembre 2005
Q- Hier, D. de Villepin a annoncé des mesures très fortes pour tenter de reprendre le contrôle dans les cités de banlieue. La mesure la plus spectaculaire c'est le couvre-feu qui pourrait être instauré dans certains quartiers. Couvre-feu ça fait penser à des situations insurrectionnelles. Est-ce qu'on en est arrivé à ce point de gravité ?
R- Personne ne peut s'en réjouir, mais en même temps, je crois que le message est tout à fait clair pour tout le monde. Ce que le Premier ministre a rappelé c'est que tout ce qui s'est passé depuis près de 12 jours maintenant est intolérable, inacceptable, qu'il y a eu depuis le début une réponse très ferme, vous l'avez vu, à travers les interpellations, à travers aussi le fonctionnement de la chaîne pénale. Vous avez vu des comparutions immédiates, il y a eu des condamnations de prison ferme. La décision qui vient d'être prise, là, et qui va être mis en uvre à travers le conseil des ministres, c'est pour montrer à chacun que dans ce domaine, la priorité c'est le rétablissement de l'autorité publique et je crois que le message est clairement rappelé hier soir par le Premier ministre.
Q- Je repose un petit peu ma question : quand on parle "couvre-feu", ça fait vraiment penser à des situations très graves, insurrectionnelles. C'est vraiment la gravité à laquelle on
est arrivé ?
R- Quand vous avez des quartiers, des cités dans lesquelles des gens, parfois très jeunes, très, très jeunes se déploient comme ils le font dans des actes de violence absolument intolérables, il faut en appeler chacun à la responsabilité. Le rôle de l'Etat et du Gouvernement, c'est évidemment de prendre des mesures qui s'imposent. De ce point de vue, la décision permettra au préfet, sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, de faire du sur-mesure, quartier par quartier ou commune par commune, en fonction des situations. L'objectif c'est le rétablissement de l'autorité publique, c'est la sécurité des habitants et je peux dire que sur ce point, c'est évidemment la priorité absolue.
Q- Certains réclament même l'intervention de l'armée dans ces cités. C'est une idée ?
R- Encore une fois, je crois que les mesures que nous prenons aujourd'hui correspondent exactement à ce qu'il convient de faire afin d'apporter les réponses. Parce qu'on voit bien aujourd'hui, qu'à travers le déploiement des forces de police - il faut savoir qu'il y a 8.000 forces de police, gendarmerie, CRS, qui sont déployées sur le terrain ; le Premier ministre a annoncé 1.500 réservistes de plus - c'est un déploiement très important. Et ce qu'il y a derrière ça, c'est une très grande détermination sur tout ce qui concerne la fermeté qui s'impose et qui n'enlève rien à tout ce qui doit être mis en place pour l'avenir et qui a été évoqué également, parce que c'est vrai, il y a des défis majeurs. Il y a beaucoup de choses qui ont été faites de positifs aussi dans les quartiers, il faut le dire. Il ne faudrait pas que tout ce que l'on vit depuis dix jours fasse oublier qu'il y a aussi des initiatives remarquables, des résultats qui ont été obtenus, je peux en témoigner dans la ville de Meaux où beaucoup de choses sont faites, en termes de restructurations urbaines. Quand vous démolissez des tours et que vous y mettez de l'habitat à taille humaine, vous pouvez modifier la physionomie d'un quartier. Quand vous avez des zones franches, vous avez des commerces qui restent, des entreprises qui s'implantent, qui créaient de l'emploi et puis aussi ce que nous faisons en matière de sécurité et apporter des résultats.
Q- Et tout ça ce n'est pas anéanti par ce qui vient de se passer ?
R- Ce que je souhaite surtout, c'est qu'on ne pense pas qu'il y a dans tous ces quartiers que de l'échec, loin s'en faut. Il y a dans beaucoup de domaines, beaucoup de quartiers où les choses se redressent. Mais aujourd'hui la priorité absolue c'est de montrer à chacun que l'autorité publique doit être rétablie et c'est aussi à cela que répond la mesure qui a été prise à travers l'application de la loi de 1955.
Q- On le disait, c'est une mesure extrêmement importante. Est-ce que ce n'était pas à J. Chirac d'annoncer des mesures comme ça ?
R- Je crois que les choses sont parfaitement claires : c'est en conseil des ministres que cela va se décider ce matin. C'est la décision du président de la République. Le Premier ministre hier, a, dans l'esprit même des institutions - il est naturellement le chef de l'équipe gouvernementale et vous l'avez vu à travers les décisions qu'il a évoquées hier - il a rappelé que c'était le président de la République qui l'avait décidé naturellement.
Q- Mais l'opposition reproche à J. Chirac de rester trop en retrait, dans cette affaire ?
R- Moi, je trouve que toutes ces polémiques sont absolument stériles. Vous l'avez vu, c'est une équipe mobilisée, nous étions dimanche soir autour du président de la République pour travailler autour de lui sur l'ensemble des mesures qu'il convient de prendre. Chacun est à son poste : le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice. Les uns et les autres, nous sommes mobilisés, je crois que tout le reste c'est de la polémique, ça n'a aucun intérêt.
Q- Une des mesures annoncée par D. de Villepin, c'est le rétablissement des subventions aux associations. Dans le fond, est-ce qu'il aurait mieux valu ne pas les supprimer ?
R- Je crois que là-dessus, il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté : elles n'ont jamais été supprimées. Ce qui est vrai, c'est qu'il y a sans doute un effort complémentaire à faire et on y travaille naturellement. Mais vous avez que les éléments importants c'est aussi de dire que le maire doit être en première ligne, parce que c'est lui qui sur le terrain décide avec son équipe municipale, avec l'ensemble des partenaires associatifs, ce qui va se faire pour chaque ville, les restructurations urbaines, le développement économique, la politique associative, et c'est ce travail de partenariat qu'il faut promouvoir et c'est naturellement à ça qu'on va travailler. L'autre annonce très importante, c'est l'accélération du plan Borloo sur les restructurations urbaines. Ca aussi c'est un élément très important. Vous savez, quand dans un quartier, vous faites tomber une tour ou une caravelle, c'est-à-dire trois barres reliées à une colonne centrale, où vous avez 270 logements en très mauvais état pour un certain nombre d'entre eux et des problèmes d'insécurité très forts, quand vous l'abattez cette tour et qu'à la place vous mettez de l'habitat à taille humaine, vous avez des résultats. On peut même dans certains quartiers, là aussi je l'ai vu à Meaux, commencer à faire de l'accession à la propriété. Il y a des choses qui changent, donc encore une fois, je le répète, il y a d'un côté bien sûr, ce que nous vivons aujourd'hui qui exige une réponse très ferme, il y a aussi les résultats auxquels nous assistons dans de nombreux quartiers.
Q- Justement, à propos de logement social, il y a une loi qui prévoit que les communes doivent construire des logements sociaux et beaucoup ne le font pas. Elles préfèrent payer des pénalités. Est-ce qu'il ne faut pas modifier cette loi, avoir des pénalités beaucoup plus fortes pour obliger toutes les communes à avoir le logement social ?
R- Je crois surtout que c'est par l'incitation qu'il faut regarder commune par commune, secteur par secteur, comment mieux répartir le logement social. Mais ce qui importe surtout, c'est que ce soit du logement social de qualité. Que sous prétexte qu'on est dans un logement social, on dit "oui c'est du logement social ce n'est pas grave" non au contraire. Je suis désolé mais l'application du principe du droit au logement, c'est aussi que chacun quel que soit son revenu, puisse avoir un logement social de qualité. Et cela fait partie évidemment de ce que nous devons faire ensemble dans tous ces domaines. Il y a beaucoup d'argent qui est mobilisé maintenant. Je crois que ce qu'il faut c'est gagner du temps sur le temps et c'est aussi ça le défi que nous avons à relever.
Q- Cet après-midi il y a un débat à l'Assemblée nationale sur cette question. Est-ce qu'il peut y avoir un consensus droite/gauche sur ce problème-là ?
R- Je le souhaite. Il y a des moments dans la vie du pays où rien n'est pire que la polémique politicienne et rien n'est mieux, au contraire, que quand on a envie de construire ensemble. Il peut y avoir des divergences sur tel ou tel sujet, mais l'objectif ce n'est pas de polémiquer, l'objectif c'est finalement de se rendre compte que quand vous êtes maire, il n'y a pas les maires de gauche ou les maires de droite. Il y a les maires qui ont envie, sur le terrain, de faire bouger les choses. Ils sont les premiers acteurs de la politique de la ville, et le rôle de l'Etat c'est d'être à leur côté et je peux vous dire que sur ce point, y compris ce que nous vivons depuis ces derniers jours, ne peut que nous inciter à une chose : renforcer la présence du service public sur le terrain, mener ensemble à la fois une politique de sécurité, sanctions quand il le faut, mais aussi prévention, urbanisme parce qu'il faut casser les tours et mettre à la place de l'habitat à taille humaine. Economie, emploi, insertion, on voit bien derrière ça qu'il faut encourager les entreprises et puis l'accompagnement personnalisé parce que particulièrement dans ces quartiers, il faut suivre chaque famille, en fonction de ses difficultés, en fonction de ses chances et, évidemment, le faire avec cette idée simple : c'est que la République, elle doit être présente absolument partout.
Q- D. Strauss-Kahn propose par exemple, 50.000 emplois jeunes dans ces cités, ça peut être une solution ?
R- Tout ça doit être étudié. Ce que je crois en tout cas, c'est qu'au-delà des formules, il faut que ce soit pragmatique et concret. Ce qui compte c'est le résultat et c'est vrai que tout ce que l'on peut faire pour travailler ensemble dans un esprit républicain, dans des circonstances comme celles-là, ça vaut la peine.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 novembre 2005)