Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur les quatre caractéristiques du budget 2001 : le dynamisme de la croissance, la maîtrise des dépenses publiques, l'allégement des impôts et du déficit et l'objectif de justice sociale, Paris, le 20 septembre 2000.

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Circonstance : Conférence de presse à l'occasion de la présentation du budget 2001, à Paris, le 20 septembre 2000

Texte intégral

M. FABIUS. - Mesdames et Messieurs, bienvenue pour cette conférence de presse de présentation du budget 2001.
A mes côtés -vous les connaissez bien-, se trouvent Florence PARLY, qui a préparé avec moi, au nom du gouvernement, ce projet, et Christian PIERRET, qui connaît bien lui aussi ces sujets.
Je vais vous présenter le projet de loi de finances pour 2001. Ensuite, nous répondrons à vos questions.
Ce budget 2001 se caractérise par quatre termes :
le dynamisme de la croissance et de l'emploi ;
la maîtrise des dépenses ;
l'allégement des impôts et du déficit ;
et, inspirant le tout, la justice sociale.
Je voudrais revenir en quelques instants sur chacun de ces points.
Le dynamisme de la croissance et de l'emploi.
Dans notre prévision, la croissance devrait se maintenir entre 3 et 3,6 %. Le projet de budget 2001 est construit sur une prévision de croissance de 3,3 %.
Pour mémoire, je vous rappelle que le Fonds monétaire international vient de publier, il y a peu de jours, ses prévisions, qui situent la France à 3,5 %, c'est-à-dire au-dessus de notre point moyen ; le consensus dit " des experts ", tel que l'a publié hier un grand journal économique, situe la prévision pour la France en 2001 à 3,4 %.
Pourquoi avons-nous choisi une fourchette assez large ? C'est parce qu'il y a, évidemment, des incertitudes en ce qui concerne la croissance et que, selon en particulier la façon dont évoluera le marché pétrolier, cela aura des conséquences en plus ou en moins sur notre croissance.
Comment arrive-t-on à ces 3,3 % de croissance ?
La croissance repose d'abord sur une demande soutenue des ménages, que nous évaluons pour 2001 à 3,5 %, sur les investissements des entreprises, que nous évaluons à 6,9 %. En ce qui concerne le commerce extérieur, les exportations et les importations apportent une contribution importante à la croissance, même si, pour des raisons facilement compréhensibles, elle est moins élevée qu'elle a pu l'être au cours des années précédentes.
S'agissant -et c'est très important-, de la question du pouvoir d'achat, je voudrais rappeler à vous qui êtes des spécialistes de ces questions, qu'il faut distinguer plusieurs données.
D'abord, nous avons la masse salariale en franc constant. Cette masse salariale, en 2000, a augmenté de 3,9 % et, en 2001, elle augmentera de 4,2 %, ce qui représente des chiffres historiquement tout à fait considérables.
Comment est répartie cette augmentation de la masse salariale ?
L'essentiel va aux créations d'emplois -c'est ce que nous avons d'ailleurs souhaité-, puisqu'en 2000, sur les 3,9 % d'augmentation de la masse salariale, l'augmentation des emplois représente 3,2 %, cependant que le salaire moyen par tête augmente, lui, de 0,6 %. C'est pour cette année 2000.
Pour l'année prochaine, sur une progression de la masse salariale de 4,2 % l'augmentation des effectifs représente 2,5 % et l'augmentation du pouvoir d'achat par tête 1,7 %.
Cela explique les raisons pour lesquelles, parfois, alors que la croissance est forte, que la masse salariale totale progresse considérablement, on attire l'attention sur une progression du pouvoir d'achat par tête qui est moindre. C'est notamment parce que l'essentiel de la création du pouvoir d'achat va vers les nouveaux emplois.
Ce qui est intéressant aussi, dans les chiffres que je viens de donner, c'est que l'année prochaine nous prévoyons une augmentation du pouvoir d'achat par tête de 1,7, nettement plus importante que cette année.
L'inflation hors tabac serait maîtrisée à 1,2 %, ce qui donne un peu plus si on y inclut le tabac ; traditionnellement, nous raisonnons hors tabac.
Cette perspective de croissance de 3,3 % point moyen nous situerait aux tous premiers rangs parmi les pays de l'Union européenne, et permettrait, ce qui est évidemment essentiel, la poursuite de la réduction du chômage, notre objectif central et absolu.
Nous avons depuis trois ans une amélioration de la situation de l'emploi. Il reste des pas à accomplir. Avec le budget, tel que nous le bâtissons, il y aura une nouvelle diminution du chômage. Difficile de préciser exactement les chiffres, mais nous allons, nous voulons aller -c'est notre objectif-, vers les 8 % et quelques et vers les 2 millions de chômeurs. Petit à petit, la croissance et son dynamisme devraient permettre d'y parvenir.
Bien évidemment - j'y reviendrai -, ces prévisions doivent tenir compte de la hausse des prix pétroliers. C'est pourquoi nous avons choisi une fourchette assez large. Le prélèvement pétrolier sera significatif sur la période. Cela rend d'autant plus nécessaire et pertinente notre stratégie d'allégements d'impôts. Ce sont les allégements d'impôts qui, pour une grande part, permettront d'amortir l'amputation de consommation qui, sinon, aurait été définitivement réalisée par le prélèvement pétrolier, avec les conséquences lourdes que cela aurait eu à la fois sur la croissance et le chômage.
La maîtrise des dépenses.
Je vous ai indiqué, il y a un instant, que la croissance de la richesse nationale devait évoluer autour de 3,3 %. Les dépenses budgétaires augmentent seulement de 0,3 % en volume. Comme nous avons 1,2 % d'inflation prévisionnelle, cela fait au total 1,5 % en valeur.
Cette évolution permettra de satisfaire les principaux besoins publics, mais, bien évidemment, pour que cette maîtrise existe, il a fallu nous concentrer sur un certain nombre de priorités. Vous vous rappelez que les arbitrages rendus par le Premier ministre au mois de juillet n'ont pas été faciles. D'ailleurs, il ne le sont jamais.
Nous avons donné la priorité à l'éducation, qui augmente de 2,7 %, avec le chiffre considérable de 388 milliards. Priorité aussi à la sécurité, avec une hausse de 4,9 % des crédits consacrés à la Police nationale et à la Gendarmerie. Priorité à la justice, avec une progression des crédits de 3 %. Priorité enfin à l'environnement, qui est un plus petit budget, qui augmente de 8,2 %.
Les dépenses civiles évolueront au total de 1,6 % et les dépenses militaires de 0,8 %.
Maîtrise des dépenses aussi dans les effectifs réels de l'État et des établissements publics, où nous avons voulu centrer les créations d'emplois sur nos priorités.
C'est ainsi que seront créés des emplois dans l'éducation, 6671. Quand je parle d'emplois, je veux dire exactement que les personnes qui, auparavant, n'étaient pas prises en charge financièrement par l'État le seront désormais.
La sécurité : + 800 emplois nouveaux dans la Police.
La justice : + 1614 emplois, ce qui est considérable.
L'environnement : + 324 emplois.
Les concours aux collectivités locales, chapitre toujours important, augmenteront de 2,6 %. Je tiens à préciser que les engagements pris dans le cadre du contrat de croissance et de solidarité seront intégralement respectés. La compensation des réformes fiscales sera scrupuleusement assurée.
Toujours dans le chapitre de la maîtrise des dépenses, les Ministères opéreront une série d'efforts supplémentaires de transparence, de gestion, de contrôle de gestion, avec notamment une charte de budgétisation et une amélioration de la présentation des résultats de l'action publique.
Je confirme que le Ministère des Finances est tout à fait favorable à la mise en uvre de la réforme de l'ordonnance du 2 janvier 1959 sur les finances publiques, dont lorsque j'étais Président de l'Assemblée nationale, je l'avais lancée. Depuis lors, un travail excellent a été fait, notamment par M. MIGAUD et par M. FORNI. Le gouvernement et, singulièrement, le Ministère des Finances y sont favorables.
Les allégements d'impôts et de déficit.
Le budget 2001 -c'est une caractéristique centrale- sera marqué par la poursuite de la réduction des impôts dans le cadre d'un plan triennal 2001-2003 de réformes et de réduction des impôts, qui couvre 120 milliards de francs pour les mesures nouvelles.
Au titre de l'année 2001, la réduction prévue est de 48 milliards d'impôts au titre des mesures nouvelles, et même 59 milliards si l'on y ajoute la suppression des salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle et la suppression du droit au bail, qui étaient prévues, mais qui viennent en application en 2001. C'est évidemment un chiffre considérable.
Le programme de baisse d'impôts est fondé sur un souci de justice sociale et d'efficacité économique. J'en rappelle les principaux éléments.
Pour les ménages, l'allégement concernera l'impôt sur le revenu dont les tranches du barème seront abaissées plus fortement pour les petites tranches que pour les hautes.
Les personnes qui ont les salaires d'activité les plus modestes, entre une fois le SMIC et 1,3 fois le SMIC, verront leur CSG allégée ou totalement supprimée, ce qui signifie, à partir de janvier de l'année prochaine, pour un smicard, une augmentation sur sa feuille de paie à la fin du mois d'au minimum 160 francs et, pour le même smicard, au bout de notre plan, un treizième mois de salaire. Cela signifie que les personnes qui, dans notre pays, sont en activité et rémunérées faiblement verront leur pouvoir d'achat heureusement amélioré.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, le budget 2001 prévoit la suppression de la contribution décidée par JUPPÉ en 1995 qui avait fait monter l'impôt sur les sociétés de 10 %. Nous supprimons cette surtaxe pour que l'impôt sur les sociétés revienne à 33 % un tiers et, pour les petites entreprises qui font moins de 50 millions de chiffres d'affaires, pour les 250.000 premiers francs de bénéfices le taux de l'imposition sera seulement de 15 %. C'est donc un encouragement puissant à l'investissement, au développement des petites entreprises et plus généralement à la création d'emplois.
S'agissant de la fiscalité pétrolière, cette fiscalité sera allégée tout en préservant le souci de l'environnement et de l'équilibre des comptes publics. Un prélèvement sera opéré sur les sociétés pétrolières qui connaissent actuellement des profits exceptionnels. Par ailleurs, une baisse de 30 % de la TIPP sur le fuel domestique est mise en uvre dès demain, 21 septembre. Cela concerne le fuel domestique notamment pour le chauffage et les carburants agricoles. Un certain nombre de professions sont très touchées par les hausses des carburants. Des accords ont été passés, des engagements ont été pris par mes collègues, en particulier les Ministres des transports et de l'agriculture, pour alléger ces difficultés. Ces engagements qui ont un coût seront intégralement respectés.
Enfin, et cela est important, un nouveau mécanisme est proposé afin désormais d'éviter une augmentation des taxes en cas de hausse des prix du pétrole On sait que la taxe intérieure sur les produits pétroliers est fixe mais que la TVA à augmente lorsque les prix du pétrole augmentent. Désormais, nous prévoyons un mécanisme de " TIPP stabilisatrice " qui fera que, pour le consommateur, il n'y aura pas de pénalisation à travers la TVA lorsque les prix du pétrole augmentent puisque l'effet de la TVA sera compensé par une baisse de la TIPP. Nous avons souhaité mettre en application ce mécanisme immédiatement. Au 1er octobre donc, première date immédiatement utile, le prix des taxes sur le litre de pétrole baissera de 20 centimes par litre. Certains diront peut-être que c'est insuffisant, et en même temps c'est beaucoup sur les finances publiques. L'application immédiate du nouveau mécanisme, nous la pensons nécessaire, en particulier dans la période actuelle.
J'insiste aussi sur le fait que la vignette automobile pour les particuliers sera supprimée. Au mois de novembre, les particuliers n'auront plus à payer la vignette, ce qui représente, pour la grande majorité des automobilistes, plusieurs centaines de francs d'économie.
La perte de ressources pour les départements sera intégralement compensée.
Parallèlement à cette baisse des impôts, forte puisqu'elle concerne l'impôt sur le revenu, la CSG, l'impôt sur les sociétés, la fiscalité pétrolière, parallèlement à cela, le déficit sera réduit. Je veux, de ce point de vue donner des chiffres pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Les voici :en 1997, la prévision du budget était de 285 milliards ; en 1998, 258 milliards ; en 1999, 237 milliards ; en 2000, 215 milliards ; en 2001, ce sera 186 milliards. Si on prétend après cela que nous ne réduisons pas le déficit du budget, alors que l'on s'explique !
Quant à l'exécution budgétaire, elle était en 1997 de 265 milliards ; en 1998, de 248 milliards ; en 1999, de 206 milliards. Nous passerons au-dessous des 200 milliards en l'an 2000 et nous continuerons à réduire en l'an 2001 car le Gouvernement, soucieux de tenir ses engagements de baisse du déficit budgétaire et plus général de baisse des déficits publics.
J'ajoute que les recettes liées à la vente des licences UMTS, dites téléphone de troisième génération, qui seront en 2001 de 32,5 milliards, ne seront pas affectées au fonctionnement courant de l'État, comme ce serait une facilité que nous ne voulons pas, mais seront entièrement affectées au Fonds de réserve pour les retraites à hauteur de 18,5 milliards et à la caisse d'amortissement de la dette publique, c'est-à-dire à la diminution de l'endettement de la France, à hauteur de 14 milliards. L'ensemble de ces évolutions devrait permettre de continuer à réduire la part de la dette publique dans la richesse nationale. Cet endettement, qui était de 60 % en 1998, passera à 57,2 % de la richesse nationale en 2001. Ce qui signifie que la charge sur les générations futures sera allégée d'autant.
J'ajoute enfin que, même s'il faut avoir une certaine prudence par rapport à la notion de prélèvements obligatoires, parce qu'elle joue des tours aux uns et autres, la prévision est qu'en 2000 les prélèvements obligatoires baissent de 0,5 % et en 2001, également de 0,5 %.
Enfin, le quatrième terme, après le dynamisme de la croissance et de l'emploi, après la maîtrise des dépenses, après les allégements d'impôts et la réduction des déficits, c'est le centre de tout, l'amélioration de la justice sociale. Le budget veut contribuer, dans la ligne des précédentes lois de finances et avec le complément du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, au développement de l'emploi et à une société plus juste en même temps que plus efficace.
Le souci de justice sociale doit se traduire dans chaque département ministériel, au travers des priorités dans les dépenses. C'est ainsi que, lorsque chaque Ministre vous présentera son budget, je suis convaincu qu'il insistera sur les efforts consentis pour faire reculer les inégalités et répondre aux préoccupations quotidiennes des Français. Les dispositions fiscales que nous proposons vont dans le même sens quand on parle de l'allégement plus fort du barème de l'impôt sur le revenu pour les petites tranches, quand on propose l'allégement et même la suppression de la CSG pour les revenus du travail les plus modestes, quand on met en uvre les allégements fiscaux concernant les produits pétroliers financés par une contribution accrue des sociétés pétrolières telle que je viens de vous la décrire. Enfin, et surtout, la poursuite de la réduction du chômage, qui est au cur de notre projet de budget, devrait contribuer à réduire concrètement ce qui est la principale des injustices.
Et maintenant, nous sommes à votre disposition pour vos questions.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 25 septembre 2000)