Déclaration de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la place des contrats territoriaux d'exploitation dans le développement local et l'aménagement du territoire, Paris le 26 octobre 2000.

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Circonstance : Journée nationale "Contrats territoriaux d'exploitation et territoires" à Paris le 26 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie d'être venus aussi nombreux à cette journée nationale " CTE et territoires " organisée conjointement par le ministère de l'agriculture et de la pêche, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et la DATAR. Votre présence témoigne de votre engagement dans des démarches territoriales pour la mise en uvre des CTE.
Elus, animateurs de développement local, dirigeants et salariés des organisations professionnelles, représentants associatifs, agents de l'Etat et des établissements publics, enseignants vous êtes les principaux acteurs de cette nouvelle politique. J'espère que cette journée, par la diversité des témoignages et la richesse des débats répondra à vos attentes pour mettre en uvre des projets collectifs de CTE.
Je souhaite aborder avec vous deux thèmes :
*la place des projets collectifs de CTE dans la dynamique des territoires,
*le rôle des services de mon ministère dans la promotion et l'accompagnement des démarches territoriales.
Le développement durable est le premier objectif que le législateur a assigné à l'agriculture (LOA) et à l'aménagement et au développement durable du territoire (LOADDT) par les lois qui ont été adoptées à l'été 1999.
Une agriculture durable est une agriculture qui sait allier la recherche de la valeur ajoutée, l'emploi le respect de l'environnement et la valorisation des territoires. C'est tout le sens de la démarche des CTE : un contrat pour une agriculture répondant aux attentes de la société et des aides fondées sur un projet d'exploitation.
Le CTE est un contrat individuel dans un projet collectif. Il s'insère dans une stratégie de développement local et cherche à répondre à des enjeux économiques et environnementaux importants à l'échelle d'un territoire. C'est tout le sens des projets collectifs qui intègrent cette dimension du territoire. Ce territoire est plus ou moins étendu : petite région agricole, bassin versant, communauté de communes, parc naturel régional, pays
Les porteurs de projets collectifs sont nombreux : groupe de développement rural, chambre d'agriculture, ADASEA, coopérative, association de protection de l'environnement, parc naturel régional, pays
A ce jour 1638 CTE individuels ont été signés dans 84 départements. Les CDOA ont validé 1052 contrat-types et agréé 774 projets collectifs. Ces projets collectifs concernent potentiellement 67 000 agriculteurs. 353 projets sont des projets de territoires et 421 des projets de filières territorialisées. Tous s'appuient sur un diagnostic et présentent un projet pour contribuer au développement économique et à une valorisation de l'environnement de leur territoire.
Vous le voyez, ces projets collectifs sont la force et l'architecture du dispositif CTE. Leur mise en uvre a pris du temps, la négociation du PDRN avec la Commission européenne a été longue, il a été nécessaire de préciser au cas par cas de nombreuses conditions d'application de la réglementation. Tout n'est pas parfait, mais tout est maintenant opérationnel pour faire un grand nombre de CTE.
Les accompagnateurs de projets collectifs, tel un conseil général, peuvent financer des actions d'information, de formation ou d'animation pour l'élaboration de contrats-type CTE et financer des actions complémentaires comme par exemple la promotion de produits de terroir
Le CTE est un outil à la disposition des collectivités territoriales qui élaborent leur charte de pays , des parcs naturels régionaux ou des communautés de commune pour intégrer les problématiques agricoles et forestières. Avec la forte diminution du nombre d'agriculteurs parmi les maires, cette prise en compte dépend de plus en plus d'une forte volonté politique. Cette volonté politique doit s'exprimer à des échelles de proximité, garantissant les liens sociaux, et à des échelles de développement économique.
Les synergies entre politique agricole et politique d'aménagement et de développement du territoire apparaissent très fortement sur certains enjeux : l'installation de jeunes agriculteurs, la qualité de l'eau, la préservation de paysages diversifiés
Prenons quelques exemples qui sont présentés dans le document qui vous a été remis. Pour l'agglomération nantaise, il s'agit de conserver une agriculture dynamique aux portes de la ville tout en valorisant des zones naturelles et en protégeant un cadre de vie reconnu par tous. Pour le parc naturel régional du VERCORS, il s'agit de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, de mieux articuler économie touristique et économie agricole dans une démarche respectueuse de l'environnement. Pour le pays vendômois, il s'agit de permettre aux éleveurs de moderniser et de rationaliser leurs installations et bâtiments d'élevage, dans un souci de respect de l'environnement et de maintien de ces exploitations.
Ces synergies ne peuvent s'exprimer qu'à travers un rapprochement entre les intérêts des agriculteurs et ceux des autres acteurs du territoire. Ainsi pour les Causses méridionaux, dans le Gard, l'élevage extensif est à la fois l'activité principale du secteur et la seule garantie à terme de l'entretien des milieux ouverts sur une grande échelle. Ce projet est mené notamment grâce à un partenariat entre agriculteurs et environnementalistes.
Ces synergies peuvent se développer à une échelle plus importante lorsqu'elles s'appuient à la fois sur une forte mobilisation locale et sur un appui des collectivités territoriales comme en témoigne l'exemple des Causses du Quercy.
Un diagnostic de territoire construit et validé par un grand nombre d'agriculteurs, d'élus et les autres acteurs locaux est une étape essentielle pour l'appropriation du projet collectif, comme le montre l'exemple de la coopérative des Hauts de Val de Saône.
La formation est également une des clefs de l'appropriation d'une démarche collective et territoriale. La chambre d'agriculture et l'ADASEA de l'Ardèche ont ainsi organisé des formations collectives centrées sur les territoires pour l'élaboration des CTE.
Ainsi les divers témoignages qui vous sont présentés montrent différents aspects des démarches territoriales pour la mise en uvre de CTE.
En ce qui concerne les programmes régionaux agri-environnementaux, j'ai lu avec attention que certains territoires tel le parc national des Ecrins avaient regretté le manque de concertation et la perte de cohérence des cahiers-type initiaux. Cette procédure exigée par l'Union Européenne a sûrement souffert des contraintes d'une négociation rapide. Cependant je voudrais attirer votre attention sur les faits suivants. Le plan national de règlement de développement rural français compte environ 50 à 120 mesures par programme régional alors que ceux des régions italiennes ou des landers allemands sont constitués de 5 à 9 mesures agro-environnementales. Il y a donc eu le souci de prendre en compte les propositions du terrain au risque d'avoir une procédure trop compliquée à gérer.
Cependant des critiques et des inquiétudes apparaissent auxquelles je vais répondre :
Certains porteurs de projets collectifs tel le district du Val de Drôme se sont plaints d'une grande complexité administrative.
Je souhaite ici les rassurer. Tout d'abord la procédure de mise en uvre des CTE est désormais stabilisée avec la validation par l'Union Européenne du plan national de règlement de développement rural. Par ailleurs, des mesures de simplification ont été prises dès le mois d'août de cette année. La procédure d'instruction des dossiers a été allégée avec un nouveau formulaire CERFA.
Enfin l'examen des projets individuels conformes au projet collectif n'est pas obligatoire à partir du moment où celui-ci a été validé par la CDOA. De plus la mise en place de section CTE au sein des CDOA doit permettre d'alléger au maximum le travail des séances plénières de la CDOA.
J'ai la volonté de simplifier autant que faire se peut le dispositif de mise en uvre des CTE. C'est une nécessité absolue pour les projets collectif de permettre rapidement à un très grand nombre d'agriculteurs de s'engager dans un CTE. La simplification n'est pas opposée, comme certain voudraient le faire croire à la qualité des CTE, c'est la condition d'une ouverture à un grand nombre d'agriculteurs, c'est la condition de réussite d'un projet de territoire. Dans le cadre d'un projet collectif, le contrat peut comporter 2 à 3 mesures facilement applicables à chaque exploitation, des avenants viendront les compléter dans les années à venir, en fonction du souhait de l'agriculteur.
Au niveau départemental, les DDAF (directions de l'agriculture et de la forêt) sont en première ligne pour favoriser l'émergence et la mise en cohérence de projets collectifs.
Des conventions ont été signées avec les chambres d'agriculture et les ADASEA qui, dans leur mission de service public, se sont engagées à accompagner la mise en uvre des CTE .
C'est aux DDAF, Chambres d'agriculture et ADASEA que revient la difficile tâche de favoriser les synergies entre groupes d'agriculteurs, élus, associations, de veiller à la bonne prise en compte des enjeux territoriaux et d'inviter les porteurs de projet collectif à se rapprocher d'autres partenaires.
Au niveau régional, les DRAF (directions de l'agriculture et de la forêt) ont un rôle important en relation avec les DIREN (directions régionales de l'environnement) en ce qui concerne l'harmonisation des mesures sur des départements différents, mais également sur un même territoire comme un parc naturel régional. Elles sont chargées aussi du suivi et de l'évaluation de la mise en uvre des CTE. Elles gèrent également le fonds de financement des CTE, dont le montant s'élève à 20 MF pour l'année 2000. Ce fonds permet de soutenir des actions d'information, d'animation et d'évaluation de la mise en uvre des CTE menées par des associations ou d'autres structures, en complément des crédits de l'ANDA attribués aux organisations agricoles pour l'appui aux projets collectifs de CTE.
Au niveau national, toutes les directions de mon ministère sont mobilisées. La DEPSE assure le pilotage de cette politique. La DPEI veille à la prise en compte de ses nouveaux enjeux dans le cadre de l'organisation économique en filières. La DGER intègre cette nouvelle orientation politique dans ses programmes de formation initiale, continue et de recherche. La DERF encourage les synergies entre la mise en uvre des projets collectifs CTE et les politiques territoriales.
Ainsi, avec la mise en uvre des CTE, l'ancrage de l'agriculture au territoire passe par un renforcement des coopérations entre services et requiert des méthodes de travail plus innovantes et plus transversales.
Cette nouvelle politique exige une harmonisation, qui n'est pas toujours facile, entre les différentes politiques publiques, notamment pour les investissements avec celles des offices, les DOCUP et les aides spécifiques des collectivités territoriales. Des instructions précises ont été données dans ce sens. Cette nouvelle politique exige aussi des prises d'initiatives et je vous encourage fortement dans ce sens.
La réussite d'une agriculture assumant de nouvelles responsabilités en terme d'emploi, de qualité et de sécurité alimentaire, de protection de l'environnement et d'aménagement du territoire repose sur la mise en commun et l'utilisation des compétences de mon ministère, du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et de la DATAR, ainsi que celles des divers organismes et réseaux que vous représentez.
L'intérêt porté à cette journée témoigne de cette complémentarité et de votre engagement au succès de la mise en uvre des démarches territoriales des CTE.
Là ou vous êtes, avec vos responsabilités et vos compétences, je vous demande de vous mobiliser pour réaliser un grand nombre de CTE, au service des agriculteurs et des territoires qu'ils contribuent par leur travail à valoriser et promouvoir.

(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 30 octobre 2000)