Texte intégral
Mesdames, Messieurs les députés,
Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre aimable invitation. Au moment où la France entame le deuxième mois effectif de sa Présidence, je suis en effet particulièrement heureuse de pouvoir vous rencontrer pour cet échange très utile pour moi. J'avais d'ailleurs déjà eu l'occasion, le 24 mai dernier, de présenter au Président de votre Commission, Monsieur GARGANI, et aux membres de son Bureau élargi, les grandes lignes des orientations que la France comptait proposer à ses partenaires en matière culturelle et audiovisuelle.
Ainsi que je l'avais indiqué à cette occasion, la France a souhaité faire de la diversité culturelle le fil conducteur de son programme. Cette expression, aujourd'hui peut-être un peu banale, n'en cache pas moins une réalité et une richesse pour l'Europe. L'Union européenne revendique à juste titre dans les enceintes internationales la promotion de la diversité culturelle - très récemment encore lors de la préparation de la conférence de l'OMC à Seattle - : je crois que nous devons également chercher à donner un contenu concret à cette ambition au niveau communautaire, afin que la " promotion de la diversité culturelle " ne se limite pas seulement à une belle formule incantatoire. La Présidence française a donc proposé de décliner ce thème selon trois axes : la société de l'information ; les politiques culturelles ; les politiques audiovisuelles.
La société de l'information représente à l'évidence un enjeu majeur en matière de diversité culturelle. La multiplication des supports et le développement d'Internet offrent de nouvelles possibilités d'expression pour la diversité de nos cultures, et de nouveaux moyens d'accès pour le plus grand nombre. L'Union européenne doit en tirer parti pour mettre en valeur son patrimoine et sa production de contenus culturels. C'est pourquoi la Présidence française considère que l'une des priorités qui doivent être assignées au plan d'action " e-Europe " est la promotion des contenus européens. De même, le programme " e-Content ", proposé par la Commission est particulièrement important dans cette optique. Il doit en effet permettre de faciliter la numérisation du patrimoine européen et l'accès aux contenus publics. La Présidence fera donc en sorte que ce programme puisse être adopté d'ici la fin de l'année 2000, pour autant que votre Commission et celle de l'industrie puissent rendre leur avis en temps utile.
Par ailleurs, nous avons tenu à organiser, hier et aujourd'hui, à Lyon, un colloque sur les industries culturelles européennes dans le nouvel environnement numérique. En effet, au-delà des possibilités réelles qu'offrent ces technologies pour nos industries culturelles, elles posent de nouvelles questions, en matière de concurrence, de financement, ou de droits d'auteur. L'Union européenne a commencé à répondre à certaines d'entre elles en commençant l'adaptation de son cadre juridique. Très récemment par exemple, sous Présidence portugaise, le Conseil a adopté le très important projet de directive " droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information ", qui est maintenant soumis à votre examen. La Présidence s'appuiera sur les conclusions du colloque de Lyon afin de proposer des pistes de réflexion et d'action aux partenaires communautaires.
Le développement des technologies numériques et d'Internet a également des répercussions directes sur nos politiques culturelles, ce qui me permet d'en venir au deuxième axe de notre programme, en commençant par le livre. La diversité culturelle et linguistique trouve en effet dans le livre un support de premier plan. Elle doit néanmoins pouvoir s'appuyer sur un réseau assez dense de distribution, composé notamment de librairies. C'est pourquoi la majorité des Etats européens ont mis en place des politiques nationales du livre, qui reposent souvent sur des mécanismes visant à encadrer le prix du livre et à garantir la diversité de l'offre. Le développement de nouvelles formes de distribution comme le commerce électronique, dont la part est certes encore modeste, témoigne de la mutation que connaît l'économie du livre. L'actualité récente confirme que cette mutation modifie en profondeur la géographie des marchés du livre : Internet facilite en effet les ventes entre Etats, surtout à l'intérieur de zones linguistiques homogènes, et accroît du même coup les risques de contournement des règles nationales. J'ai donc proposé à mes collègues européens, lors de notre Réunion informelle à Lille en juillet dernier, d'ouvrir au niveau communautaire une réflexion sur les moyens dont disposent les Etats membres de maintenir et d'appliquer, dans ce contexte, leurs politiques nationales. Bien sûr, il ne s'agit pas de mettre en place une politique communautaire du prix du livre, ce qui contreviendrait au principe de subsidiarité, mais d'examiner si l'approche communautaire d'une problématique par nature transfrontalière peut être envisagée, qui viserait à garantir l'application effective des politiques nationales. Le colloque que nous organisons à Strasbourg les 29 et 30 septembre sera, je le souhaite, l'occasion d'approfondir ce sujet et d'identifier de possibles voies d'action.
Toujours en matière de politiques culturelles, la Présidence a également proposé au Conseil une réflexion sur le thème de la qualité architecturale. Elle a d'ailleurs déposé un projet de résolution en ce sens. Dans la continuité du forum sur l'architecture organisé à Paris en juillet dernier, la Présidence propose que soit réaffirmée la dimension culturelle de l'architecture et que celle-ci soit reconnue comme prestation intellectuelle et non pas seulement comme prestation de services. Elle suggère également que soient encouragées des actions de promotion et de sensibilisation à la diversité des cultures architecturales, ainsi que des actions de formation des étudiants et des professionnels. Enfin, le projet de résolution déposé par la France insiste sur la nécessité d'une coopération et d'un échange accrus dans ce domaine.
Troisième axe de notre programme, enfin, les politiques audiovisuelles.
Comme vous le savez, la question du financement des chaînes de télévision publiques a fait l'objet du colloque qui a précédé notre Réunion informelle de Lille. Je crois qu'il est plus que jamais nécessaire, à l'heure de l'explosion de l'offre de programmes audiovisuels, de réfléchir en commun sur l'avenir de ces chaînes et de leur financement. L'importance du contentieux communautaire sur ce sujet, qui a déjà concerné une dizaine de pays européens, me conforte dans cette idée. Nos premiers échanges ont permis de constater un large consensus autour des axes de réflexion proposées par la Présidence : rôle-clé des chaînes publiques en matière de pluralisme, d'identité, d'accès à la culture, en particulier dans le nouvel environnement numérique ; nécessité de leur assurer un financement approprié ; nécessité de garantir aux Etats une sécurité juridique suffisante pour leur permettre ce financement. En effet, les investissements importants réclamés par le développement des chaînes ne peuvent pas s'accommoder d'incertitudes juridiques. Différentes pistes, allant de la modification du Traité de l'Union européenne à l'adoption de lignes directrices par la Commission en consultation avec les Etats membres, ont été évoquées dans cette optique. La Commission a elle-même clairement indiqué être consciente du flou juridique, et disposée à consulter les Etats membres dans le cadre approprié. Nous espérons donc obtenir des avancées concrètes de nature à clarifier le cadre juridique d'ici la fin de l'année.
Dans le même ordre d'idées, la question des aides nationales au cinéma nous paraît également préoccupante. La révision périodique de ces dispositifs par la Direction Générale en charge de la Concurrence à la Commission, qui ne les autorise que pour une durée limitée, fragilise des outils que chacun des Etats membres juge indispensables au soutien de sa production nationale, et remet en cause leur légitimité même. De plus, la question de la pertinence d'un tel encadrement se pose, dans la mesure où ces aides nationales ne provoquent manifestement aucune distorsion de concurrence entre les Etats. La Présidence a donc proposé que le débat soit engagé sur la façon de définir les limites entre ce qui relève de l'application des règles de la concurrence d'une part, et ce qui relève de la liberté des Etats de soutenir des industries essentielles à l'affirmation des identités culturelles d'autre part. Je souhaite faire part au Commissaire MONTI, que je rencontre prochainement, de la convergence de vues exprimées par les Ministres à Lille sur ce dossier, afin que la Commission et la Présidence définissent des moyens de progresser.
J'en viens, pour finir, au programme MEDIA+, qui revêt à mes yeux une importance déterminante pour le secteur audiovisuel européen. Cet instrument participe en effet au renforcement de ses structures, et accroît donc la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne. De plus, il apporte pleinement sa plus-value communautaire en facilitant la distribution et la circulation des oeuvres européennes. C'est ainsi qu'il contribue à la promotion concrète de la diversité culturelle, dont je soulignais l'importance il y a un instant, en encourageant la diffusion des oeuvres européennes à travers l'Union européenne et hors de nos frontières. Chacun de nos pays européens souffre en effet encore trop de ne connaître de cinématographies que la sienne et celle d'outre-Atlantique, alors même que l'Europe produit davantage de films que les Etats-Unis.
Dans cette optique, la France s'est fixé comme objectif prioritaire l'adoption du programme durant sa Présidence, afin qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2001, c'est-à-dire sans discontinuité avec le programme MEDIA II qui le précède. Ce souhait est unanimement partagé par les Etats membres, mais également, il est important de le rappeler, par les milieux professionnels. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité organiser un Conseil des Ministres extraordinaire dès le 26 septembre prochain. Il permettra, je l'espère vivement, l'adoption d'une position commune sur le volet formation, et un accord politique sur le volet développement/ promotion/distribution, en vue d'un accord définitif lors de notre Conseil du 23 novembre.
Cet objectif, ambitieux, n'est bien sûr possible qu'en très étroite coopération avec le Parlement européen. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier le rapporteur, Mme Ruth HIERONYMI, dont la coopération s'avère particulièrement constructive. Nos échanges vont d'ailleurs être amenés à s'intensifier dans les prochains jours en vue du Conseil extraordinaire. Je veux également saluer le travail constructif que vous avez collectivement effectué : l'adoption par le Parlement de ses amendements, en juillet dernier, a contribué à accélérer les travaux au sein du Conseil. Je crois pouvoir dire d'ores et déjà que le projet de position commune relatif au volet " formation " et les orientations générales du Conseil sur le volet " développement/ distribution/promotion ", qui ont tous deux été discutés avec votre rapporteur, montrent que le Conseil a bien entendu les messages qu'expriment vos amendements, et que les priorités que vous avez identifiées ont été prises en compte dans une large mesure. Permettez-moi de m'arrêter particulièrement sur trois points, soulignés par le Parlement dans ses amendements, qui me paraissent déterminants.
· Premièrement, la question du budget : elle est à la fois primordiale, et délicate. Pour ma part, je suis convaincue que nous devons obtenir pour MEDIA+ un budget qui marque une réelle progression par rapport à celui de MEDIA II, afin notamment de prendre en compte les orientations supplémentaires du programme en matière de nouvelles technologies. Cette question requiert néanmoins l'unanimité au sein du Conseil, et ce n'est pas trahir un secret que de dire que certains de nos partenaires communautaires - en petit nombre toutefois - ont encore une position restrictive sur ce point, alors que d'autres seraient plus ambitieux. Dans ce contexte, la proposition de la Commission consistant à doter l'ensemble du programme d'un budget de 400 millions d'Euros paraît constituer un point d'équilibre, nécessaire pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés quant au calendrier.
· Deuxièmement, l'importance de la complémentarité. Afin de renforcer l'impact du programme MEDIA+, nous devons mettre en valeur, d'une part, la complémentarité des différents programmes communautaires entre eux, et d'autre part, des programmes communautaires avec les outils nationaux. Cet impératif de cohérence et de complémentarité, dont j'ai souligné la nécessité lors de la Réunion informelle des Ministres à Lille en juillet dernier, est clairement partagé par le Conseil. A titre d'exemple, la Présidence souhaite que l'actuel et le futur PCRD, ou encore le programme d'action " e-Europe ", évoluent dans le sens d'un renforcement des objectifs poursuivis par MEDIA+. Enfin, les premiers contacts entre la Commission européenne et la Banque Européenne d'Investissement, dont la Commissaire Mme REDING s'est fait l'écho au Conseil à Lille, me paraissent devoir être soulignés devant vous. Ils ouvrent la perspective d'un meilleur accès des entreprises du secteur audiovisuel aux mécanismes de capital-risque, qui contribuera au développement de l'industrie audiovisuelle.
· Enfin, la dimension culturelle des activités industrielles audiovisuelles n'échappe ni à la Présidence, ni au Conseil, qui est d'ailleurs prêt à reprendre bon nombre de vos propositions sur ce point. Je suis pour ma part convaincue qu'il ne peut y avoir de diversité culturelle et de création vivante sans une industrie aux structures fortes, capable de prendre des risques. L'orientation industrielle du programme MEDIA+ sert donc l'objectif culturel que nous visons. Toutefois, compte-tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la demande du Parlement de changement de base juridique, relative au volet " développement/ promotion/distribution ", paraît difficilement recevable. Pour ce qui concerne les articles en question du Traité de l'Union, je tiens à redire devant vous que la Présidence mesure parfaitement l'intérêt que vous portez au passage à la majorité qualifiée pour les articles 151 et 157, ainsi qu'au passage à la codécision pour l'article 157. Dans le cadre des négociations actuelles au sein de la Conférence Inter Gouvernementale, ces deux articles font d'ailleurs partie de ceux pour lesquels des modifications pourraient être envisagées - même s'il m'est impossible de préjuger le résultat final -. Je souhaite ici vous assurer de mon attachement à la réalisation de ces réformes, dans le cadre de la Présidence française.
Il me faut maintenant conclure. Vous l'avez constaté, le programme de la Présidence française, marqué au sceau de la diversité culturelle, est résolument ambitieux. Nous sommes bien sûr réalistes : certains chantiers, nous le savons, ne pourront pas être menés à leur terme à l'issue des quelques mois que dure notre Présidence. J'attends beaucoup de vos discussions, de vos analyses et de vos décisions pour nous aider à atteindre nos objectifs prioritaires. Je fais confiance à la future Présidence Suédoise, avec laquelle nous entretenons des contacts réguliers, en vue d'assurer la continuité de nos actions et l'aboutissement de nos projets. Je vous remercie de votre attention, et suis prête à répondre à vos questions.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 18 septembre 2000).
Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre aimable invitation. Au moment où la France entame le deuxième mois effectif de sa Présidence, je suis en effet particulièrement heureuse de pouvoir vous rencontrer pour cet échange très utile pour moi. J'avais d'ailleurs déjà eu l'occasion, le 24 mai dernier, de présenter au Président de votre Commission, Monsieur GARGANI, et aux membres de son Bureau élargi, les grandes lignes des orientations que la France comptait proposer à ses partenaires en matière culturelle et audiovisuelle.
Ainsi que je l'avais indiqué à cette occasion, la France a souhaité faire de la diversité culturelle le fil conducteur de son programme. Cette expression, aujourd'hui peut-être un peu banale, n'en cache pas moins une réalité et une richesse pour l'Europe. L'Union européenne revendique à juste titre dans les enceintes internationales la promotion de la diversité culturelle - très récemment encore lors de la préparation de la conférence de l'OMC à Seattle - : je crois que nous devons également chercher à donner un contenu concret à cette ambition au niveau communautaire, afin que la " promotion de la diversité culturelle " ne se limite pas seulement à une belle formule incantatoire. La Présidence française a donc proposé de décliner ce thème selon trois axes : la société de l'information ; les politiques culturelles ; les politiques audiovisuelles.
La société de l'information représente à l'évidence un enjeu majeur en matière de diversité culturelle. La multiplication des supports et le développement d'Internet offrent de nouvelles possibilités d'expression pour la diversité de nos cultures, et de nouveaux moyens d'accès pour le plus grand nombre. L'Union européenne doit en tirer parti pour mettre en valeur son patrimoine et sa production de contenus culturels. C'est pourquoi la Présidence française considère que l'une des priorités qui doivent être assignées au plan d'action " e-Europe " est la promotion des contenus européens. De même, le programme " e-Content ", proposé par la Commission est particulièrement important dans cette optique. Il doit en effet permettre de faciliter la numérisation du patrimoine européen et l'accès aux contenus publics. La Présidence fera donc en sorte que ce programme puisse être adopté d'ici la fin de l'année 2000, pour autant que votre Commission et celle de l'industrie puissent rendre leur avis en temps utile.
Par ailleurs, nous avons tenu à organiser, hier et aujourd'hui, à Lyon, un colloque sur les industries culturelles européennes dans le nouvel environnement numérique. En effet, au-delà des possibilités réelles qu'offrent ces technologies pour nos industries culturelles, elles posent de nouvelles questions, en matière de concurrence, de financement, ou de droits d'auteur. L'Union européenne a commencé à répondre à certaines d'entre elles en commençant l'adaptation de son cadre juridique. Très récemment par exemple, sous Présidence portugaise, le Conseil a adopté le très important projet de directive " droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information ", qui est maintenant soumis à votre examen. La Présidence s'appuiera sur les conclusions du colloque de Lyon afin de proposer des pistes de réflexion et d'action aux partenaires communautaires.
Le développement des technologies numériques et d'Internet a également des répercussions directes sur nos politiques culturelles, ce qui me permet d'en venir au deuxième axe de notre programme, en commençant par le livre. La diversité culturelle et linguistique trouve en effet dans le livre un support de premier plan. Elle doit néanmoins pouvoir s'appuyer sur un réseau assez dense de distribution, composé notamment de librairies. C'est pourquoi la majorité des Etats européens ont mis en place des politiques nationales du livre, qui reposent souvent sur des mécanismes visant à encadrer le prix du livre et à garantir la diversité de l'offre. Le développement de nouvelles formes de distribution comme le commerce électronique, dont la part est certes encore modeste, témoigne de la mutation que connaît l'économie du livre. L'actualité récente confirme que cette mutation modifie en profondeur la géographie des marchés du livre : Internet facilite en effet les ventes entre Etats, surtout à l'intérieur de zones linguistiques homogènes, et accroît du même coup les risques de contournement des règles nationales. J'ai donc proposé à mes collègues européens, lors de notre Réunion informelle à Lille en juillet dernier, d'ouvrir au niveau communautaire une réflexion sur les moyens dont disposent les Etats membres de maintenir et d'appliquer, dans ce contexte, leurs politiques nationales. Bien sûr, il ne s'agit pas de mettre en place une politique communautaire du prix du livre, ce qui contreviendrait au principe de subsidiarité, mais d'examiner si l'approche communautaire d'une problématique par nature transfrontalière peut être envisagée, qui viserait à garantir l'application effective des politiques nationales. Le colloque que nous organisons à Strasbourg les 29 et 30 septembre sera, je le souhaite, l'occasion d'approfondir ce sujet et d'identifier de possibles voies d'action.
Toujours en matière de politiques culturelles, la Présidence a également proposé au Conseil une réflexion sur le thème de la qualité architecturale. Elle a d'ailleurs déposé un projet de résolution en ce sens. Dans la continuité du forum sur l'architecture organisé à Paris en juillet dernier, la Présidence propose que soit réaffirmée la dimension culturelle de l'architecture et que celle-ci soit reconnue comme prestation intellectuelle et non pas seulement comme prestation de services. Elle suggère également que soient encouragées des actions de promotion et de sensibilisation à la diversité des cultures architecturales, ainsi que des actions de formation des étudiants et des professionnels. Enfin, le projet de résolution déposé par la France insiste sur la nécessité d'une coopération et d'un échange accrus dans ce domaine.
Troisième axe de notre programme, enfin, les politiques audiovisuelles.
Comme vous le savez, la question du financement des chaînes de télévision publiques a fait l'objet du colloque qui a précédé notre Réunion informelle de Lille. Je crois qu'il est plus que jamais nécessaire, à l'heure de l'explosion de l'offre de programmes audiovisuels, de réfléchir en commun sur l'avenir de ces chaînes et de leur financement. L'importance du contentieux communautaire sur ce sujet, qui a déjà concerné une dizaine de pays européens, me conforte dans cette idée. Nos premiers échanges ont permis de constater un large consensus autour des axes de réflexion proposées par la Présidence : rôle-clé des chaînes publiques en matière de pluralisme, d'identité, d'accès à la culture, en particulier dans le nouvel environnement numérique ; nécessité de leur assurer un financement approprié ; nécessité de garantir aux Etats une sécurité juridique suffisante pour leur permettre ce financement. En effet, les investissements importants réclamés par le développement des chaînes ne peuvent pas s'accommoder d'incertitudes juridiques. Différentes pistes, allant de la modification du Traité de l'Union européenne à l'adoption de lignes directrices par la Commission en consultation avec les Etats membres, ont été évoquées dans cette optique. La Commission a elle-même clairement indiqué être consciente du flou juridique, et disposée à consulter les Etats membres dans le cadre approprié. Nous espérons donc obtenir des avancées concrètes de nature à clarifier le cadre juridique d'ici la fin de l'année.
Dans le même ordre d'idées, la question des aides nationales au cinéma nous paraît également préoccupante. La révision périodique de ces dispositifs par la Direction Générale en charge de la Concurrence à la Commission, qui ne les autorise que pour une durée limitée, fragilise des outils que chacun des Etats membres juge indispensables au soutien de sa production nationale, et remet en cause leur légitimité même. De plus, la question de la pertinence d'un tel encadrement se pose, dans la mesure où ces aides nationales ne provoquent manifestement aucune distorsion de concurrence entre les Etats. La Présidence a donc proposé que le débat soit engagé sur la façon de définir les limites entre ce qui relève de l'application des règles de la concurrence d'une part, et ce qui relève de la liberté des Etats de soutenir des industries essentielles à l'affirmation des identités culturelles d'autre part. Je souhaite faire part au Commissaire MONTI, que je rencontre prochainement, de la convergence de vues exprimées par les Ministres à Lille sur ce dossier, afin que la Commission et la Présidence définissent des moyens de progresser.
J'en viens, pour finir, au programme MEDIA+, qui revêt à mes yeux une importance déterminante pour le secteur audiovisuel européen. Cet instrument participe en effet au renforcement de ses structures, et accroît donc la compétitivité de l'industrie audiovisuelle européenne. De plus, il apporte pleinement sa plus-value communautaire en facilitant la distribution et la circulation des oeuvres européennes. C'est ainsi qu'il contribue à la promotion concrète de la diversité culturelle, dont je soulignais l'importance il y a un instant, en encourageant la diffusion des oeuvres européennes à travers l'Union européenne et hors de nos frontières. Chacun de nos pays européens souffre en effet encore trop de ne connaître de cinématographies que la sienne et celle d'outre-Atlantique, alors même que l'Europe produit davantage de films que les Etats-Unis.
Dans cette optique, la France s'est fixé comme objectif prioritaire l'adoption du programme durant sa Présidence, afin qu'il puisse entrer en vigueur au 1er janvier 2001, c'est-à-dire sans discontinuité avec le programme MEDIA II qui le précède. Ce souhait est unanimement partagé par les Etats membres, mais également, il est important de le rappeler, par les milieux professionnels. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité organiser un Conseil des Ministres extraordinaire dès le 26 septembre prochain. Il permettra, je l'espère vivement, l'adoption d'une position commune sur le volet formation, et un accord politique sur le volet développement/ promotion/distribution, en vue d'un accord définitif lors de notre Conseil du 23 novembre.
Cet objectif, ambitieux, n'est bien sûr possible qu'en très étroite coopération avec le Parlement européen. Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier le rapporteur, Mme Ruth HIERONYMI, dont la coopération s'avère particulièrement constructive. Nos échanges vont d'ailleurs être amenés à s'intensifier dans les prochains jours en vue du Conseil extraordinaire. Je veux également saluer le travail constructif que vous avez collectivement effectué : l'adoption par le Parlement de ses amendements, en juillet dernier, a contribué à accélérer les travaux au sein du Conseil. Je crois pouvoir dire d'ores et déjà que le projet de position commune relatif au volet " formation " et les orientations générales du Conseil sur le volet " développement/ distribution/promotion ", qui ont tous deux été discutés avec votre rapporteur, montrent que le Conseil a bien entendu les messages qu'expriment vos amendements, et que les priorités que vous avez identifiées ont été prises en compte dans une large mesure. Permettez-moi de m'arrêter particulièrement sur trois points, soulignés par le Parlement dans ses amendements, qui me paraissent déterminants.
· Premièrement, la question du budget : elle est à la fois primordiale, et délicate. Pour ma part, je suis convaincue que nous devons obtenir pour MEDIA+ un budget qui marque une réelle progression par rapport à celui de MEDIA II, afin notamment de prendre en compte les orientations supplémentaires du programme en matière de nouvelles technologies. Cette question requiert néanmoins l'unanimité au sein du Conseil, et ce n'est pas trahir un secret que de dire que certains de nos partenaires communautaires - en petit nombre toutefois - ont encore une position restrictive sur ce point, alors que d'autres seraient plus ambitieux. Dans ce contexte, la proposition de la Commission consistant à doter l'ensemble du programme d'un budget de 400 millions d'Euros paraît constituer un point d'équilibre, nécessaire pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés quant au calendrier.
· Deuxièmement, l'importance de la complémentarité. Afin de renforcer l'impact du programme MEDIA+, nous devons mettre en valeur, d'une part, la complémentarité des différents programmes communautaires entre eux, et d'autre part, des programmes communautaires avec les outils nationaux. Cet impératif de cohérence et de complémentarité, dont j'ai souligné la nécessité lors de la Réunion informelle des Ministres à Lille en juillet dernier, est clairement partagé par le Conseil. A titre d'exemple, la Présidence souhaite que l'actuel et le futur PCRD, ou encore le programme d'action " e-Europe ", évoluent dans le sens d'un renforcement des objectifs poursuivis par MEDIA+. Enfin, les premiers contacts entre la Commission européenne et la Banque Européenne d'Investissement, dont la Commissaire Mme REDING s'est fait l'écho au Conseil à Lille, me paraissent devoir être soulignés devant vous. Ils ouvrent la perspective d'un meilleur accès des entreprises du secteur audiovisuel aux mécanismes de capital-risque, qui contribuera au développement de l'industrie audiovisuelle.
· Enfin, la dimension culturelle des activités industrielles audiovisuelles n'échappe ni à la Présidence, ni au Conseil, qui est d'ailleurs prêt à reprendre bon nombre de vos propositions sur ce point. Je suis pour ma part convaincue qu'il ne peut y avoir de diversité culturelle et de création vivante sans une industrie aux structures fortes, capable de prendre des risques. L'orientation industrielle du programme MEDIA+ sert donc l'objectif culturel que nous visons. Toutefois, compte-tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour de Justice des Communautés Européennes, la demande du Parlement de changement de base juridique, relative au volet " développement/ promotion/distribution ", paraît difficilement recevable. Pour ce qui concerne les articles en question du Traité de l'Union, je tiens à redire devant vous que la Présidence mesure parfaitement l'intérêt que vous portez au passage à la majorité qualifiée pour les articles 151 et 157, ainsi qu'au passage à la codécision pour l'article 157. Dans le cadre des négociations actuelles au sein de la Conférence Inter Gouvernementale, ces deux articles font d'ailleurs partie de ceux pour lesquels des modifications pourraient être envisagées - même s'il m'est impossible de préjuger le résultat final -. Je souhaite ici vous assurer de mon attachement à la réalisation de ces réformes, dans le cadre de la Présidence française.
Il me faut maintenant conclure. Vous l'avez constaté, le programme de la Présidence française, marqué au sceau de la diversité culturelle, est résolument ambitieux. Nous sommes bien sûr réalistes : certains chantiers, nous le savons, ne pourront pas être menés à leur terme à l'issue des quelques mois que dure notre Présidence. J'attends beaucoup de vos discussions, de vos analyses et de vos décisions pour nous aider à atteindre nos objectifs prioritaires. Je fais confiance à la future Présidence Suédoise, avec laquelle nous entretenons des contacts réguliers, en vue d'assurer la continuité de nos actions et l'aboutissement de nos projets. Je vous remercie de votre attention, et suis prête à répondre à vos questions.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 18 septembre 2000).