Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur l'action de l'UE en faveur de la Yougoslavie après la victoire de M. Kostunica, l'intégration de la Yougoslavie au Conseil de l'Europe et l'aide de l'UE au Balkans, Strasbourg le 9 novembre 2000.

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Circonstance : 107ème session du comité des ministres du Conseil de l'Europe, à Strasbourg le 9 novembre 2000

Texte intégral

Je salue, au nom des Quinze pays membres de l'UE, la présence parmi nous du nouveau président de la RFY, M. Vojislav Kostunica, dans cette enceinte du Conseil de l'Europe qui, depuis sa création, a su incarner et accompagner l'adhésion progressive de l'ensemble du continent européen au respect et à la promotion des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Les pays membres de l'Union européenne ont été les premiers à reconnaître et à saluer la victoire, dès les premiers jours qui ont suivi le scrutin, et malgré les manoeuvres contraires, de M. Kostunica aux élections du 24 septembre en République fédérale de Yougoslavie.
L'Union européenne a voulu adresser très rapidement un message de soutien au processus démocratique que cette victoire a à la fois symbolisé et rendu possible pour la suite. Ainsi les ministres des Affaires étrangères des Quinze ont annoncé dès le 9 octobre :
- la levée des sanctions visant la RFY depuis 1998, à l'exception des dispositions frappant l'ancien président Milosevic et les personnes qui lui sont associées ;
- des mesures favorisant un futur rapprochement avec l'UE et l'accès aux différents instruments qui peuvent l'accompagner, dans le respect de l'intérêt de tous les pays de la région et du continent tout entier.
Je rappelle également que nous avons engagé le projet de déblaiement du chenal du Danube et de rétablissement de la navigation sur le fleuve, projet qui intéresse toute la région et auquel l'UE contribue à la fois sur le plan multilatéral et sur le plan bilatéral.
Nous nous réjouissons, dans le même esprit, de l'admission de la RFY à l'ONU, intervenue le 1er novembre, qui marque la réintégration de ce pays dans le concert des nations et règle un problème qui hypothéquait sérieusement la coopération régionale que nous appelons tous de nos voeux.
L'expérience acquise par le Conseil de l'Europe dans l'accomplissement de la démocratie, dans son accompagnement et dans la mise en oeuvre d'une politique de respect des Droits de l'Homme et de réconciliation peut contribuer à la solution des problèmes que vous affrontez maintenant, et dont vous parliez il y a un instant, Monsieur le Président Kostunica. Nous serons aux côtés de la RFY, dans l'évolution qui est en cours, pour que soient toujours mieux respectées les valeurs et les normes du Conseil de l'Europe.
Plusieurs initiatives, prises récemment, tant par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe que par le président du Comité des ministres et le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ont recueilli d'emblée le plein appui des pays membres de l'Union européenne. J'en veux pour seul exemple cette invitation qui vous a été adressée, Monsieur le Président, à venir à Strasbourg pour participer à nos travaux. C'est après avoir écouté vos commentaires, vos analyses et vos propositions que je voudrais faire ici quelques réflexions en tant que Président en exercice du Conseil des ministres de l'Union européenne.
La première concerne le processus à suivre pour intégrer la RFY comme nouvel Etat membre au Conseil de l'Europe. Le président Kostunica vient de nous dire que ce serait l'une des priorités des nouvelles autorités yougoslaves. Il faut maintenant une demande formelle émanant du gouvernement démocratique de RFY, qui doit être déposée auprès du Secrétariat et enregistrée par le Comité des ministres. Il est clair que cette question de l'adhésion se pose, en termes similaires, auprès de l'OSCE.
Nous accueillerons favorablement cette demande, qui sera ensuite examinée selon les procédures normales. Dans l'intervalle, la RFY pourrait se voir attribuer le statut d'invité spécial, tant auprès de l'Assemblée parlementaire qu'auprès du Congrès des pouvoirs locaux, ce qui lui permettrait de développer, au niveau des parlementaires, des contacts avec le Conseil de l'Europe. Auparavant, une relation de travail pourrait être établie avec le secrétariat.
A la suite de l'envoi à Belgrade d'une délégation du secrétariat (les 18-20 octobre), un programme global de coopération est en préparation, dont les grandes lignes pourront être discutées avec le nouveau gouvernement fédéral. Sans préjuger des décisions futures qui seront prises par notre Comité des ministres, je voudrais insister, à ce stade, pour que ce programme s'attache, en priorité, et en coordination avec l'UE et avec l'OSCE, à la consolidation des structures démocratiques en RFY et à son intégration progressive dans les institutions européennes. Je crois, disant cela, aller à la rencontre des desiderata exprimés par les nouvelles autorités yougoslaves. C'est pourquoi je propose que soient privilégiés dans le choix des thèmes de coopération les aspects institutionnels, la défense des Droits de l'Homme et la construction de l'Etat de droit. Pour réaliser ces objectifs, l'ouverture d'un Bureau de représentation du Conseil de l'Europe à Belgrade pourrait être envisagée.
Cette action du Conseil de l'Europe devrait être articulée, pour être la plus efficace possible, avec le nouveau programme CARDS (Community assistance for reconstruction, democratisation and stabilisation) d'aide aux Balkans dont va se doter l'Union européenne, et dont l'un des objectifs sera notamment la création d'un cadre institutionnel et législatif en soutien de la démocratisation, de l'Etat de droit, des Droits de l'Homme et des minorités.
Le Sommet de Zagreb entre l'UE et les pays des Balkans occidentaux va être l'occasion de tirer les conséquences du changement à Belgrade : un des objectifs du Sommet sera de soutenir le processus de réconciliation entre la RFY et les pays voisins et de développer une coopération confiante entre ces pays en vue d'un rapprochement avec l'UE. Plus généralement, ce Sommet sera appelé à réaffirmer, pour toute la région, l'inviolabilité des frontières, le respect des principes de la démocratie et de l'Etat de droit, la protection des Droits de l'Homme y compris le droit des personnes appartenant à des minorités et la tenue d'élections libres et équitables. Le Sommet devrait, de surcroît, renforcer et faciliter le processus de stabilisation et d'association entre l'UE et les divers pays des Balkans occidentaux
Je tiens par ailleurs à me réjouir de la décision d'admission simultanée de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan au Conseil de l'Europe qui sera, je pense, extrêmement utile pour la coopération régionale dans cette zone de notre activité./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2000).