Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis appelé en tant que ministre de l'Intérieur par intérim à ouvrir ce colloque annuel des attachés de police, M. Jean-Pierre Chevènement souhaitant en faire un événement en matière de sécurité intérieure.
Nous aurons une pensée particulière pour lui en souhaitant qu'il revienne rapidement dans ses responsabilités.
Je salue et remercie mes collègues pour leur présence à mes côtés à cette occasion : Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, Pierre Moscovici, ministre délégué pour les Affaires européennes, Charles Josselin, ministre délégué pour la Coopération et la Francophonie.
Je salue également le directeur général de la Police nationale, M. le préfet de Police et le directeur général de la Gendarmerie nationale, ainsi que chacun des directeurs et chefs de services centraux ici présents et bien entendu l'inspecteur général de la Police nationale, Ange Mancini, chef du SCTIP.
Jean-Pierre Chevènement a la conviction, vous le savez, que s'agissant d'action internationale, les règles et les pratiques de la coopération ne sauraient être dissociées des règles de fond déterminées en matière de sécurité intérieure. Je n'ai pas besoin d'insister longuement devant des personnes averties de la nécessité de la solidarité internationale, donc de la coopération, pour parer de façon concertée et efficace aux menaces induites par les nouvelles facilités de circulation des personnes et des biens. L'Union européenne a simultanément organisé sa construction et institutionnalisé sa coopération. Mais au-delà de l'Union, il existe aussi d'autres formes de solidarité bilatérale ou multilatérale représentatives notamment du dialogue Nord-Sud qui méritent toute notre considération.
Il importe que chacun, dans sa sphère de compétence, mesure l'importance que revêtent les processus de coopération internationale pour les domaines très sensibles que sont la sécurité intérieure et la souveraineté nationale de notre pays. Ces processus doivent procéder d'une véritable volonté de la part du ministère de l'Intérieur efficace par ses responsables à tous les niveaux. Ils exigent une mobilisation des acteurs concernés pour que les décisions fondamentales, d'intérêt national, soient prises et appliquées en toute connaissance de cause.
La présence à l'étranger d'une partie de ces acteurs, les négociations, les actions de coopération qu'ils engagent, les formations qu'ils dispensent, les renseignements qu'ils collectent relèvent d'une politique globale de sécurité intérieure. Cela me conduit à penser que les attachés de police que vous êtes, avant-postes à l'étranger de notre sécurité intérieure, devraient tout naturellement devenir des "attachés de sécurité intérieure".
Je voudrais maintenant, après avoir rappelé l'importance des enjeux de la coopération internationale policière, en venir plus précisément à la définition de vos missions, à leur cadre et à leurs modalités d'exercice.
La définition de vos missions est toute entière comprise dans l'expression "sécurité intérieure".
Le premier objectif, le premier critère des actions de coopération policière internationale, est ce "retour en sécurité intérieure", un retour qui s'est dégagé ces dernières années et sur lequel Jean-Pierre Chevènement avait insisté devant vous l'an passé. Cela gouverne les deux aspects de la coopération policière internationale : la coopération opérationnelle, que vous avez mission de faciliter, et la coopération technique, qui a pour but de la préparer, de la rendre possible.
Si le champ de cette coopération peut s'étendre naturellement à des aspects juridiques ou administratifs, c'est parce que notre conception de la sécurité intérieure intègre des préoccupations relevant de ce qu'on appelle "l'Etat de droit" et qu'elle porte la marque de notre culture républicaine, une culture et une "force institutionnelle", que nous avons à coeur de faire connaître et comprendre et donc exporter.
De cette définition des missions découle ce que doit être votre profil professionnel.
Votre métier est et reste d'abord un métier de policier. Mais il requiert, pour son exercice, une adaptation au terrain international. En parlant de métier policier, je pense là moins au corps d'appartenance qu'à la qualification professionnelle.
Même formés aux questions de sécurité non militaire - exigence formulée à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs la semaine dernière -, les diplomates n'exercent pas ce métier. Dans les postes qui le justifient, il faut l'expertise propre et irremplaçable qu'apportent des attachés spécialisés en sécurité intérieure. Car, bien entendu, la vocation à exercer cette fonction, votre métier doit être liée à la détention de la qualification professionnelle requise.
Il faut, en outre, s'adapter au terrain international, il est vrai qu'il y a, dans l'ensemble du ministère de l'Intérieur, un effort à développer de formation aux aspects diplomatiques des questions de sécurité intérieure. Effort pour lequel, lors de la Conférence des ambassadeurs, le ministère des Affaires étrangères est disposé à nous apporter son concours. Vous êtes, bien entendu, les premiers concernés par cette orientation relativement nouvelle du ministère de l'Intérieur, où elle est une des justifications de la création de la nouvelle Délégation aux Affaires internationales.
Je dois souligner que la sécurité intérieure, coeur de la définition de votre mission, renvoie, aux plans politique et administratif, à la responsabilité du ministre de l'Intérieur. Ayant cette responsabilité au plan interne, le ministre de l'Intérieur l'exerce aussi, naturellement et traditionnellement, dans ses aspects internationaux, dans le respect évidemment des compétences générales du ministre des Affaires étrangères.
Aussi bien vous comprendrez que je tienne à ce que les missions de sécurité intérieure dans les ambassades ne soient pas éclatées et demeurent fonctionnellement exercées sous ma responsabilité. C'est ainsi que je conçois votre mission.
Le retrait de la France, après la décolonisation, rendait indispensable l'apport d'un soutien, en direction notamment de certains Etats d'Afrique. Il n'est plus envisageable aujourd'hui de considérer nos relations avec les pays tiers dans les mêmes termes. Notre coopération doit être désormais soumise à des conditions plus exigeantes et notre action internationale doit s'inscrire dans un cadre et des modalités qui soient le reflet de notre volonté politique.
Les outils dont disposent le ministère de l'Intérieur pour ses relations internationales ont été modernisés et mieux adaptés. La création de la délégation aux Affaires internationales qui m'est directement rattachée participe à cette démarche. Sous l'égide du conseil d'Etat Thierry Le Roy et en étroite liaison avec mon conseiller diplomatique François Gouyette, il revient à cette délégation de définir et de proposer les grandes orientations stratégiques du ministère dans le domaine international avec le concours de toutes les directions et services chargés de les mettre en oeuvre. Le cabinet du directeur général de la Police nationale est, quant à lui, impliqué plus directement dans les dispositifs de coopération policière proprement dits et notamment dans ceux qui relèvent encore, après la mise en oeuvre du Traité d'Amsterdam, des orientations du Conseil européen.
Le service de Coopération technique internationale de police a, bien sûr, une place privilégiée dans cet ensemble. Cette place lui impose des devoirs et en premier lieu celui d'être encore plus rigoureux, encore plus efficace, encore plus ouvert. C'est dans cet esprit, avec ces objectifs clairs, qu'il devrait prochainement être réorganisé.
La nouvelle organisation envisagée sera évoquée et débattue au cours de ce colloque avant d'être présentée aux instances techniques paritaires. Elle s'articule autour de trois axes principaux dans lesquels chacun reconnaîtra les volets essentiels des missions confiées au SCTIP.
Le premier relève de l'information et de la communication.
L'information recueillie à l'étranger n'est pas une fin en soi. Son actualité, sa fiabilité, sa pertinence n'ont de valeur que si elle est exploitée dans les meilleurs délais par ceux qui, au plan opération comme au plan technique, sont les mieux placés pour le faire.
Administrer cette collecte dans les meilleures conditions, en assurer une diffusion efficace et un suivi rigoureux, tels sont les objectifs qu'il faut poursuivre à travers la mise en place d'une structure spécialisée dans ce domaine qui s'appuiera, en protégeant certaines données confidentielles, sur toutes les ressources modernes qu'offrent en particulier l'informatique et la télématique.
C'est également à cette structure qu'il appartiendra de favoriser la communication interne et externe du SCTIP, de réduire tout ce qui, en termes de cloisonnement, peut se traduire par une dispersion d'énergies ou une méconnaissance des orientations communes.
Le deuxième volet porte, quant à lui, sur la coopération internationale. Dans un souci de cohérence, il regroupera les principaux secteurs de la coopération policière, qu'il s'agisse de l'angle bilatéral ou de l'aspect multilatéral de ces questions, parfois étroitement liées les unes aux autres.
C'est dans ce cadre notamment qu'un effort spécifique sera porté sur le développement des crédits européens auxquels nous devrons de plus en plus recourir pour diversifier les sources de financement de nos actions de coopération.
Le dernier volet, enfin, a trait à la gestion des ressources humaines, domaine auquel il convient d'être tout particulièrement attentif et qui recouvre aussi bien les aspects de gestion administrative que ceux touchant à la gestion active, c'est-à-dire le recrutement, la formation comme la carrière des experts ou encore les procédures particulières de gestion des emplois.
Ce cadre fonctionnel étant tracé, j'en viens aux priorités géographiques. Il est clair que l'on assiste à une croissance des Affaires européennes. Une part non négligeable de la coopération policière va passer désormais par EUROPOL dont la convention entrera en vigueur au 1er octobre prochain, comme elle passe déjà par le système d'information Schengen. Cet aspect institutionnel nouveau doit être pris en compte, même si nous ne nous accommodons pas de la pente naturelle de certaines institutions européennes. Il faut au contraire y prendre toute notre place pour obtenir les orientations que nous voulons.
L'élargissement de l'Europe a occupé une partie d'entre vous. Je pense notamment aux jumelages. Le ministre de l'Intérieur a tenu, sur ce thème, une réunion avec les attachés de police d'Europe (Union européenne et pays d'Europe centrale et orientale) le 15 juin dernier. L'importance des enjeux européens ne doit cependant pas nous faire oublier d'autres grands centres d'intérêt. Je pense en disant cela à l'attention que nous devons porter aux pays du bassin méditerranéen, particulièrement aux pays d'Afrique du nord. Je pense aussi et plus généralement aux pays qui vont entrer dans cette "zone de solidarité prioritaire" qui, à la place du "champ" traditionnel, va devenir l'axe de nos priorités géographiques de coopération à l'issue de la réforme dont vous parlera M. Josselin.
Base du métier d'attaché de police, la coopération technique s'est efforcée de répondre à l'attente et à la demande de la plupart de nos partenaires désireux de bénéficier du transfert de nos connaissances. Cette demande reste d'actualité mais tend pour certains à perpétuer une coopération de substitution qui n'a plus sa place aujourd'hui.
Il faut désormais une coopération aux résultats durables, une coopération fondée sur le partenariat et qui valorise l'échange sans a priori de supériorité nationale. Nous avons certes des domaines d'excellence mais il serait vain de vouloir en effectuer un transfert "clé en main". Le succès des techniques relève toujours de l'adhésion des hommes.
Je vous invite en conséquence à réformer une pratique archaïque qui reposerait sur de supposés intérêts communs ou déclarés comme tels par postulat. Il faut au contraire faire ressortir les préoccupations et les volontés de chacune des parties, négocier, et traduire contractuellement cette négociation par des engagements réciproques échelonnés et réalisables.
Tous les domaines de la coopération sont concernés par cette volonté de réforme. Mais ce sont à mon sens les secteurs où intervient l'ingénierie, l'audit et l'évaluation, et enfin l'organisation qui se révéleront les plus stratégiques par accord de coopération négocié. Méritent aussi considérations les secteurs de la sécurité civile, de l'administration territoriale et électorale bien sûr, mais aussi ceux de l'assistance juridique, civile et pénale, qui font partie intégrante du champ de la sécurité intérieure et qui sont les pivots de l'Etat de droit.
Je viens d'évoquer la nécessité de jouer la transparence des intérêts des parties. Toute action de coopération doit être évaluée par nous à l'aune de ce qu'elle implique en retour dans le domaine de la sécurité intérieure. Nous avons donc intérêt à avoir de vrais partenaires de coopération opérationnelle. C'est là une exigence qui, dans nos rapports avec les polices étrangères, doit constituer en quelque sorte un critère de référence, de professionnalisme et, disons-le, de déontologie. Une police bien formée et démocratique est une police avec laquelle la police française peut coopérer.
Cette coopération, outre qu'elle est la garantie de la sécurité de nos nationaux en résidence dans le pays (ce qui constitue une préoccupation constante des attachés de police), a aussi pour finalité de permettre l'élaboration, à partir du territoire national, d'une riposte aux menaces de la criminalité organisée.
Nous savons tous combien la criminalité transnationale, qu'elle se manifeste en tel lieu par la violence, en tel autre par le transit clandestin ou le blanchiment d'argent sale, déstabilise gravement les sociétés, les économies et les systèmes qu'elle affecte, gangrène ou corrompt.
Le trafic de drogue, la traite des êtres humains, le terrorisme, les trafics illicites d'armes, les filières d'immigration irrégulière (pour ne citer que quelques uns des visages du crime organisé), reposent pour la plupart sur des réseaux qui ont internationalisé voire mondialisé leurs marchés, leurs cibles comme leurs logistiques et leurs moyens de communications. Il importe dès lors de riposter avec un maximum de précision, grâce notamment à la connaissance que nous aurons de ces milieux occultes et de leurs mondes opératoires. Je n'ai pas besoin de souligner devant vous l'importance dans ce cadre du renseignement opérationnel.
Une autre forme de renseignement, également important celui-là, tient de ce qu'il est convenu d'appeler "l'intelligence économique". Réalisé en milieu ouvert s'entend, c'est la possibilité donnée aux attachés de police de soutenir, aux côtés des services d'expansion économique et des antennes de la SOFREMI, l'effort d'exportation des industriels français.
Votre mission dans ce domaine consiste, en travaillant en étroite relation avec la SOFREMI, à favoriser et à protéger les intérêts de l'industrie française. La protection de ces intérêts, la protection du pavillon français en général, passe aussi par la lutte contre toute forme de fraude, de contrefaçon, ou de transferts illégaux de données.
Les missions de l'attaché de police, sous l'autorité de l'ambassadeur, couvrent, nous venons de le voir, un champ très vaste puisqu'il s'agit aussi bien de mettre en oeuvre la politique de sécurité intérieure de la France que de promouvoir un modèle démocratique ou encore, de favoriser, au travers de la sécurité, les conditions d'un développement durable des Etats et d'une harmonie dans les relations qu'ils entretiennent.
En vous acquittant de ces missions, parfois complexes, toujours difficiles, en leur donnant à la fois toute la valeur et toute la portée qu'on attend d'elles, vous faites reconnaître un professionnalisme et une capacité d'adaptation aux exigences de notre temps que je tenais à souligner. Pour cela, et pour l'image quotidienne que vous donnez à l'étranger de la France et de l'une de ses institutions les plus sensibles, je vous apporte mes chaleureux encouragements et vous remercie de ce que vous avez déjà entrepris et réussi dans cet esprit.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Je suis appelé en tant que ministre de l'Intérieur par intérim à ouvrir ce colloque annuel des attachés de police, M. Jean-Pierre Chevènement souhaitant en faire un événement en matière de sécurité intérieure.
Nous aurons une pensée particulière pour lui en souhaitant qu'il revienne rapidement dans ses responsabilités.
Je salue et remercie mes collègues pour leur présence à mes côtés à cette occasion : Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, Pierre Moscovici, ministre délégué pour les Affaires européennes, Charles Josselin, ministre délégué pour la Coopération et la Francophonie.
Je salue également le directeur général de la Police nationale, M. le préfet de Police et le directeur général de la Gendarmerie nationale, ainsi que chacun des directeurs et chefs de services centraux ici présents et bien entendu l'inspecteur général de la Police nationale, Ange Mancini, chef du SCTIP.
Jean-Pierre Chevènement a la conviction, vous le savez, que s'agissant d'action internationale, les règles et les pratiques de la coopération ne sauraient être dissociées des règles de fond déterminées en matière de sécurité intérieure. Je n'ai pas besoin d'insister longuement devant des personnes averties de la nécessité de la solidarité internationale, donc de la coopération, pour parer de façon concertée et efficace aux menaces induites par les nouvelles facilités de circulation des personnes et des biens. L'Union européenne a simultanément organisé sa construction et institutionnalisé sa coopération. Mais au-delà de l'Union, il existe aussi d'autres formes de solidarité bilatérale ou multilatérale représentatives notamment du dialogue Nord-Sud qui méritent toute notre considération.
Il importe que chacun, dans sa sphère de compétence, mesure l'importance que revêtent les processus de coopération internationale pour les domaines très sensibles que sont la sécurité intérieure et la souveraineté nationale de notre pays. Ces processus doivent procéder d'une véritable volonté de la part du ministère de l'Intérieur efficace par ses responsables à tous les niveaux. Ils exigent une mobilisation des acteurs concernés pour que les décisions fondamentales, d'intérêt national, soient prises et appliquées en toute connaissance de cause.
La présence à l'étranger d'une partie de ces acteurs, les négociations, les actions de coopération qu'ils engagent, les formations qu'ils dispensent, les renseignements qu'ils collectent relèvent d'une politique globale de sécurité intérieure. Cela me conduit à penser que les attachés de police que vous êtes, avant-postes à l'étranger de notre sécurité intérieure, devraient tout naturellement devenir des "attachés de sécurité intérieure".
Je voudrais maintenant, après avoir rappelé l'importance des enjeux de la coopération internationale policière, en venir plus précisément à la définition de vos missions, à leur cadre et à leurs modalités d'exercice.
La définition de vos missions est toute entière comprise dans l'expression "sécurité intérieure".
Le premier objectif, le premier critère des actions de coopération policière internationale, est ce "retour en sécurité intérieure", un retour qui s'est dégagé ces dernières années et sur lequel Jean-Pierre Chevènement avait insisté devant vous l'an passé. Cela gouverne les deux aspects de la coopération policière internationale : la coopération opérationnelle, que vous avez mission de faciliter, et la coopération technique, qui a pour but de la préparer, de la rendre possible.
Si le champ de cette coopération peut s'étendre naturellement à des aspects juridiques ou administratifs, c'est parce que notre conception de la sécurité intérieure intègre des préoccupations relevant de ce qu'on appelle "l'Etat de droit" et qu'elle porte la marque de notre culture républicaine, une culture et une "force institutionnelle", que nous avons à coeur de faire connaître et comprendre et donc exporter.
De cette définition des missions découle ce que doit être votre profil professionnel.
Votre métier est et reste d'abord un métier de policier. Mais il requiert, pour son exercice, une adaptation au terrain international. En parlant de métier policier, je pense là moins au corps d'appartenance qu'à la qualification professionnelle.
Même formés aux questions de sécurité non militaire - exigence formulée à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs la semaine dernière -, les diplomates n'exercent pas ce métier. Dans les postes qui le justifient, il faut l'expertise propre et irremplaçable qu'apportent des attachés spécialisés en sécurité intérieure. Car, bien entendu, la vocation à exercer cette fonction, votre métier doit être liée à la détention de la qualification professionnelle requise.
Il faut, en outre, s'adapter au terrain international, il est vrai qu'il y a, dans l'ensemble du ministère de l'Intérieur, un effort à développer de formation aux aspects diplomatiques des questions de sécurité intérieure. Effort pour lequel, lors de la Conférence des ambassadeurs, le ministère des Affaires étrangères est disposé à nous apporter son concours. Vous êtes, bien entendu, les premiers concernés par cette orientation relativement nouvelle du ministère de l'Intérieur, où elle est une des justifications de la création de la nouvelle Délégation aux Affaires internationales.
Je dois souligner que la sécurité intérieure, coeur de la définition de votre mission, renvoie, aux plans politique et administratif, à la responsabilité du ministre de l'Intérieur. Ayant cette responsabilité au plan interne, le ministre de l'Intérieur l'exerce aussi, naturellement et traditionnellement, dans ses aspects internationaux, dans le respect évidemment des compétences générales du ministre des Affaires étrangères.
Aussi bien vous comprendrez que je tienne à ce que les missions de sécurité intérieure dans les ambassades ne soient pas éclatées et demeurent fonctionnellement exercées sous ma responsabilité. C'est ainsi que je conçois votre mission.
Le retrait de la France, après la décolonisation, rendait indispensable l'apport d'un soutien, en direction notamment de certains Etats d'Afrique. Il n'est plus envisageable aujourd'hui de considérer nos relations avec les pays tiers dans les mêmes termes. Notre coopération doit être désormais soumise à des conditions plus exigeantes et notre action internationale doit s'inscrire dans un cadre et des modalités qui soient le reflet de notre volonté politique.
Les outils dont disposent le ministère de l'Intérieur pour ses relations internationales ont été modernisés et mieux adaptés. La création de la délégation aux Affaires internationales qui m'est directement rattachée participe à cette démarche. Sous l'égide du conseil d'Etat Thierry Le Roy et en étroite liaison avec mon conseiller diplomatique François Gouyette, il revient à cette délégation de définir et de proposer les grandes orientations stratégiques du ministère dans le domaine international avec le concours de toutes les directions et services chargés de les mettre en oeuvre. Le cabinet du directeur général de la Police nationale est, quant à lui, impliqué plus directement dans les dispositifs de coopération policière proprement dits et notamment dans ceux qui relèvent encore, après la mise en oeuvre du Traité d'Amsterdam, des orientations du Conseil européen.
Le service de Coopération technique internationale de police a, bien sûr, une place privilégiée dans cet ensemble. Cette place lui impose des devoirs et en premier lieu celui d'être encore plus rigoureux, encore plus efficace, encore plus ouvert. C'est dans cet esprit, avec ces objectifs clairs, qu'il devrait prochainement être réorganisé.
La nouvelle organisation envisagée sera évoquée et débattue au cours de ce colloque avant d'être présentée aux instances techniques paritaires. Elle s'articule autour de trois axes principaux dans lesquels chacun reconnaîtra les volets essentiels des missions confiées au SCTIP.
Le premier relève de l'information et de la communication.
L'information recueillie à l'étranger n'est pas une fin en soi. Son actualité, sa fiabilité, sa pertinence n'ont de valeur que si elle est exploitée dans les meilleurs délais par ceux qui, au plan opération comme au plan technique, sont les mieux placés pour le faire.
Administrer cette collecte dans les meilleures conditions, en assurer une diffusion efficace et un suivi rigoureux, tels sont les objectifs qu'il faut poursuivre à travers la mise en place d'une structure spécialisée dans ce domaine qui s'appuiera, en protégeant certaines données confidentielles, sur toutes les ressources modernes qu'offrent en particulier l'informatique et la télématique.
C'est également à cette structure qu'il appartiendra de favoriser la communication interne et externe du SCTIP, de réduire tout ce qui, en termes de cloisonnement, peut se traduire par une dispersion d'énergies ou une méconnaissance des orientations communes.
Le deuxième volet porte, quant à lui, sur la coopération internationale. Dans un souci de cohérence, il regroupera les principaux secteurs de la coopération policière, qu'il s'agisse de l'angle bilatéral ou de l'aspect multilatéral de ces questions, parfois étroitement liées les unes aux autres.
C'est dans ce cadre notamment qu'un effort spécifique sera porté sur le développement des crédits européens auxquels nous devrons de plus en plus recourir pour diversifier les sources de financement de nos actions de coopération.
Le dernier volet, enfin, a trait à la gestion des ressources humaines, domaine auquel il convient d'être tout particulièrement attentif et qui recouvre aussi bien les aspects de gestion administrative que ceux touchant à la gestion active, c'est-à-dire le recrutement, la formation comme la carrière des experts ou encore les procédures particulières de gestion des emplois.
Ce cadre fonctionnel étant tracé, j'en viens aux priorités géographiques. Il est clair que l'on assiste à une croissance des Affaires européennes. Une part non négligeable de la coopération policière va passer désormais par EUROPOL dont la convention entrera en vigueur au 1er octobre prochain, comme elle passe déjà par le système d'information Schengen. Cet aspect institutionnel nouveau doit être pris en compte, même si nous ne nous accommodons pas de la pente naturelle de certaines institutions européennes. Il faut au contraire y prendre toute notre place pour obtenir les orientations que nous voulons.
L'élargissement de l'Europe a occupé une partie d'entre vous. Je pense notamment aux jumelages. Le ministre de l'Intérieur a tenu, sur ce thème, une réunion avec les attachés de police d'Europe (Union européenne et pays d'Europe centrale et orientale) le 15 juin dernier. L'importance des enjeux européens ne doit cependant pas nous faire oublier d'autres grands centres d'intérêt. Je pense en disant cela à l'attention que nous devons porter aux pays du bassin méditerranéen, particulièrement aux pays d'Afrique du nord. Je pense aussi et plus généralement aux pays qui vont entrer dans cette "zone de solidarité prioritaire" qui, à la place du "champ" traditionnel, va devenir l'axe de nos priorités géographiques de coopération à l'issue de la réforme dont vous parlera M. Josselin.
Base du métier d'attaché de police, la coopération technique s'est efforcée de répondre à l'attente et à la demande de la plupart de nos partenaires désireux de bénéficier du transfert de nos connaissances. Cette demande reste d'actualité mais tend pour certains à perpétuer une coopération de substitution qui n'a plus sa place aujourd'hui.
Il faut désormais une coopération aux résultats durables, une coopération fondée sur le partenariat et qui valorise l'échange sans a priori de supériorité nationale. Nous avons certes des domaines d'excellence mais il serait vain de vouloir en effectuer un transfert "clé en main". Le succès des techniques relève toujours de l'adhésion des hommes.
Je vous invite en conséquence à réformer une pratique archaïque qui reposerait sur de supposés intérêts communs ou déclarés comme tels par postulat. Il faut au contraire faire ressortir les préoccupations et les volontés de chacune des parties, négocier, et traduire contractuellement cette négociation par des engagements réciproques échelonnés et réalisables.
Tous les domaines de la coopération sont concernés par cette volonté de réforme. Mais ce sont à mon sens les secteurs où intervient l'ingénierie, l'audit et l'évaluation, et enfin l'organisation qui se révéleront les plus stratégiques par accord de coopération négocié. Méritent aussi considérations les secteurs de la sécurité civile, de l'administration territoriale et électorale bien sûr, mais aussi ceux de l'assistance juridique, civile et pénale, qui font partie intégrante du champ de la sécurité intérieure et qui sont les pivots de l'Etat de droit.
Je viens d'évoquer la nécessité de jouer la transparence des intérêts des parties. Toute action de coopération doit être évaluée par nous à l'aune de ce qu'elle implique en retour dans le domaine de la sécurité intérieure. Nous avons donc intérêt à avoir de vrais partenaires de coopération opérationnelle. C'est là une exigence qui, dans nos rapports avec les polices étrangères, doit constituer en quelque sorte un critère de référence, de professionnalisme et, disons-le, de déontologie. Une police bien formée et démocratique est une police avec laquelle la police française peut coopérer.
Cette coopération, outre qu'elle est la garantie de la sécurité de nos nationaux en résidence dans le pays (ce qui constitue une préoccupation constante des attachés de police), a aussi pour finalité de permettre l'élaboration, à partir du territoire national, d'une riposte aux menaces de la criminalité organisée.
Nous savons tous combien la criminalité transnationale, qu'elle se manifeste en tel lieu par la violence, en tel autre par le transit clandestin ou le blanchiment d'argent sale, déstabilise gravement les sociétés, les économies et les systèmes qu'elle affecte, gangrène ou corrompt.
Le trafic de drogue, la traite des êtres humains, le terrorisme, les trafics illicites d'armes, les filières d'immigration irrégulière (pour ne citer que quelques uns des visages du crime organisé), reposent pour la plupart sur des réseaux qui ont internationalisé voire mondialisé leurs marchés, leurs cibles comme leurs logistiques et leurs moyens de communications. Il importe dès lors de riposter avec un maximum de précision, grâce notamment à la connaissance que nous aurons de ces milieux occultes et de leurs mondes opératoires. Je n'ai pas besoin de souligner devant vous l'importance dans ce cadre du renseignement opérationnel.
Une autre forme de renseignement, également important celui-là, tient de ce qu'il est convenu d'appeler "l'intelligence économique". Réalisé en milieu ouvert s'entend, c'est la possibilité donnée aux attachés de police de soutenir, aux côtés des services d'expansion économique et des antennes de la SOFREMI, l'effort d'exportation des industriels français.
Votre mission dans ce domaine consiste, en travaillant en étroite relation avec la SOFREMI, à favoriser et à protéger les intérêts de l'industrie française. La protection de ces intérêts, la protection du pavillon français en général, passe aussi par la lutte contre toute forme de fraude, de contrefaçon, ou de transferts illégaux de données.
Les missions de l'attaché de police, sous l'autorité de l'ambassadeur, couvrent, nous venons de le voir, un champ très vaste puisqu'il s'agit aussi bien de mettre en oeuvre la politique de sécurité intérieure de la France que de promouvoir un modèle démocratique ou encore, de favoriser, au travers de la sécurité, les conditions d'un développement durable des Etats et d'une harmonie dans les relations qu'ils entretiennent.
En vous acquittant de ces missions, parfois complexes, toujours difficiles, en leur donnant à la fois toute la valeur et toute la portée qu'on attend d'elles, vous faites reconnaître un professionnalisme et une capacité d'adaptation aux exigences de notre temps que je tenais à souligner. Pour cela, et pour l'image quotidienne que vous donnez à l'étranger de la France et de l'une de ses institutions les plus sensibles, je vous apporte mes chaleureux encouragements et vous remercie de ce que vous avez déjà entrepris et réussi dans cet esprit.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)