Déclarations de M. Alain Juppé, Premier ministre, et de Mme Elisabeth Hubert, ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, sur la réforme hospitalière et les orientations du Haut Conseil de la réforme hospitalière, Paris le 16 juin 1995.

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Circonstance : Conférence de presse après l'installation du Haut Conseil de la réforme hospitalière le 16 juin 1995 à Paris

Texte intégral

Alain JUPPE :
Madame Hubert, ministre de la Santé publique et de l'Assurance Maladie et moi-même, venons donc d'installer le haut-conseil de la réforme hospitalière dont j'avais annoncé la création dans ma déclaration de politique générale. Ce haut-conseil sera présidé par monsieur le professeur Bernard de Mulder, doyen de la faculté de médecine de Lille, qui est ici, à mes côtés, et que je remercie d'avoir accepté cette responsabilité lourde, alors que ses activités professionnelles suffisent déjà à bien remplir son emploi du temps. Le conseil que nous avons constitué, est composé de 18 personnalités, dont la liste vous a été, je crois, distribuée et nous avons veillé, dans sa composition, à respecter tous les équilibres qui devaient l'être, notamment entre les régions et Paris, entre les différents acteurs du système hospitalier et du monde hospitalier. Non seulement, les professeurs de médecine, les praticiens hospitaliers, les directeurs d'hôpitaux, les représentants des autres personnels de l'hôpital - une infirmière, un surveillant de radiologie. Egalement en dehors même de l'hôpital. La présence d'autres acteurs essentiels pour le bon succès de cette réforme, un président de Caisse d'assurance maladie, un représentant des malades et des usagers, membre d'une association de lutte contre le SIDA, des représentants également des cliniques privées, quant au Parlement il y est associé à ce haut-conseil par la présence du professeur du Bernard, député du Rhône et de madame Leny, sénateur de la Manche. Voilà pour ce qui concerne la composition de ce haut-conseil, quant à sa mission, il s'agit d'aider le gouvernement dans la tâche qu'il s'est fixée et qui est d'opérer une profonde réforme de notre système hospitalier. Cette réforme est indispensable, car la situation aujourd'hui est préoccupante. Elle est préoccupante, d'abord sur le plan humain. L'objectif, qui doit être le nôtre, d'un égal accès de tous les Français aux soins et de la recherche systématique de l'excellence dans ces soins est aujourd'hui compromis, malgré les efforts considérables qui sont faits sur le plan financier, puisque la dépense hospitalière, vous le savez, c'est 350 milliards de francs. Une dépense qui augmente trois fois plus vite que l'inflation, alors qu'en termes de performance ou de qualité nous nous trouvons, selon, certaines statistiques internationales, au dixième rang. Il y a donc là quelque chose qui ne va pas, et une réforme profonde est nécessaire. Les objectifs de cette réforme, j'ai déjà eu l'occasion de les tracer dans les grandes lignes. Je les résumerai ici en deux formules, il s'agit d'abord de motiver en contractualisant. Motiver les équipes, responsabiliser les équipes soignantes, parce qu'elles sont les seules à pouvoir atteindre l'objectif qui est le nôtre, qui est l'objectif de qualité et d'efficacité et pour motiver et responsabiliser, l'orientation que j'ai tracée et la recherche de nouveaux de type contractuel entre tous les acteurs du système hospitalier. Contractualisation d'ailleurs dont nous pensons qu'elle devrait s'effectuer au niveau régional, pour être la plus efficace possible. Deuxième objectif, ou deuxième formule si je puis dire, il faut innover en décloisonnant. Il faut que l'hôpital public cesse d'être ce qu'il est parfois trop, hélas, c'est-à-dire une sorte d'îlot, un peu isolé par rapport au monde extérieur, il doit s'intégrer s'ouvrir, rechercher un partenariat réel avec tous les autres acteurs qui interviennent dans le système de santé, la médecine ambulatoire bien sûr. Il faut également faire preuve d'imagination pour développer toutes les alternatives à l'hospitalisation. L'hospitalisation à domicile, le maintien de tous ceux qui le peuvent, chez eux en liaison étroite avec l'hôpital. Voilà les grandes lignes de la réflexion qui a été ainsi tracée. Quant à la méthode, et la composition du haut-conseil est déjà un signe en ce sens, il ne s'agit pas de réformer l'hôpital contre l'hôpital en imposant, par décret ou circulaire, je ne sais quelle vision a priori, il s'agit de changer avec les acteurs du système hospitalier en les motivant comme je l'ai dit, en les associant à la conception même de la réforme et ensuite à sa mise en oeuvre Dans cet esprit, j'ai demandé au haut-conseil, dès ce matin, de mettre en place le plus rapidement possible, dès cet été, une expérimentation en vraie grandeur, de ce que pourrait être ce système de relation contractuelle des différents partenaires au sein d'une région. Donc de lancer une expérimentation dans une ou deux régions, peut-être la région Nord-Pas-de-Calais, que vous connaissez plus particulièrement, monsieur le Professeur, pourrait-elle être élue, pour lancer cette expérience, ou telle ou telle autre. Enfin, comme je l'ai dit en terminant mon propos au cours de cette première séance du haut-conseil, il ne s'agit pas pour nous en créant ce haut-conseil, d'enterrer un problème, il s'agit d'accélérer une réflexion et de réaliser une réforme. J'ai donc souhaité que les conclusions du haut-conseil soient rendues au gouvernement avant la fin du mois de novembre. J'ai parfaitement conscience que c'est un délai extraordinairement court compte tenu du calendrier estival qui est devant nous mais j'ai cru comprendre monsieur de Mulder et l'ensemble des membres du haut-conseil avaient fait peut-être un peu leur deuil de certaines activités ludiques pour le mois de juillet et le mois d'août, de façon à se mobiliser totalement. J'ai rencontré d'ailleurs autour du premier tour de table que nous avons fait une très, très grande disponibilité, une très grande convergence de vue sur les objectifs à atteindre et je dirai même un peu plus, un enthousiasme un peu surpris dans l'installation de ce haut-conseil. On est habitué en général dans ce genre d'exercice à des comportements moins, comment dire, enthousiastes, j'ai utilisé ce mot, que ceux que j'ai ressenti ce matin, tout ceci est donc de très bonne augure et je voudrais à nouveau remercier, monsieur le professeur de Mulder à travers sa personne, l'ensemble des membres du haut-conseil d'avoir accepté cette charge qui est très lourde car l'enjeu, je le rappelle, est crucial et pas simplement en termes budgétaire et financier mais en termes tout simplement humains car nous l'avons tous dit autour de la table, la réforme de l'hôpital, elle doit être conçue, bien sûr, principalement - je dirai même exclusivement - pour et autour du malade, c'est la préoccupation qui nous inspirera dans nos travaux.
Elisabeth HUBERT
Simplement - ça ne se fait pas protocolairement mais monsieur le Premier ministre - je crois qu'effectivement l'objectif qui est fixé à ce haut-conseil a été clairement défini. Ce que je voudrais simplement préciser, c'est que nous ne sommes pas demandeurs d'un énième rapport qui ne permettrait absolument pas de concourir aux objectifs que nous avons fixés. Nous souhaitons que ce haut-conseil - et c'est l'explication de sa diversité - c'est aussi je crois la raison qui fait que les membres qui ont été choisis sont décidés à se mettre au travail avec enthousiasme, nous demandons à ce haut-conseil qu'il puisse, de façon précise, nous définir les modalités de cette réforme de façon à ce que les objectifs qui sont ceux de l'innovation, qui sont ceux du partenariat, qui sont ceux de la préparation de cet hôpital du XXIème siècle et que, surtout, on retrouve - les derniers mots du Premier ministre ont insisté sur ce point - ce qui est l'élément central et ce qui est la finalité de l'objectif hospitalier et qui est les soins à délivrer à des malades. Nous avons donc, un certain nombre de contrainte. Nous avons essayé effectivement de faire en sorte qu'elles soient représentées à l'intérieur de ce haut-conseil. Il est vrai qu'il y a une très large adhésion autour de ce grand objectif de contractualisation que nous avons défini mais je crois tout simplement que c'est lié à une raison forte, c'est que cette idée qui a été développée depuis dès mois, suscite, c'est vrai, une très large adhésion auprès de l'ensemble des acteurs du monde de la santé. Je crois que nous pouvons faire confiance au professeur de Mulder et aux membres du haut-conseil pour nous remettre dans les tous prochains mois ce qui ne sera pas, je vous le répète un rapport mais ce que seront les modalités d'une réforme à engager.
PROFESSEUR DE MULDER
Je n'ai pas préparé d'allocution. Monsieur le Premier ministre, madame le Ministre de la Santé publique et de l'Assurance-maladie, Mesdames et messieurs, je voulais vous dire, bien entendu, combien je suis sensible à la confiance dont je viens d'être rassuré par le monsieur le Premier ministre et par madame le Ministre de la Santé publique et de l'Assurance-maladie et combien je veillerai à ne jamais en démériter par une intense activité qui commencera dès cette semaine avec l'ensemble des membres du haut-conseil de la réforme hospitalière et dans l'esprit et sur les objectifs qui ont été clairement indiqués par monsieur le Premier ministre. C'est-à-dire des objectifs qui vont tendre à réformer complètement le système hospitalier en tenant compte de tous les problèmes de la santé publique et en développant à l'évidence les engagements de partenariat, de collaboration avec la médecine de ville et en centrant toute notre réflexion sur le malade, sur l'écoute du malade. Notre projet est donc d'écouter avant de proposer et avant d'innover et de le faire dans un esprit de centralisation de nos réflexions sur l'homme d'abord, et non pas sur le système institutionnel a priori. Tel est le sens de la réforme que nous voudrions mettre en place. Je pense que nous aurons souvent l'occasion, puisque madame le Ministre m'y a convié et m'en a donné l'autorisation de nous rencontrer. Je pense toutefois que nous ne serons vraiment efficaces dans la transmission de données judicieuses et d'informations vraies qu'à compter de la mi-juillet si vous le permettez, madame. Le temps de nous laisser approcher les problèmes essentiels. Donc, je me permets de vous donner rendez-vous à la mi-juillet, si vous pouvez vous aussi renoncer à une partie de vos vacances, pour suivre le cheminement de nos travaux. Merci beaucoup.
JOURNALISTE
Est-ce que vous avez fixé un éventuel nombre de réduction de transformation de lits (Son trop faible pour retranscription de la question) .... en fait les collectivités locales seront directement responsables des établissements...
ALAIN JUPPE
Sur la première question, je crois qu'il faut, vous savez que c'est un de nos soucis permanents mais inverser un peu les priorités ou les manières habituelles d'aborder les problèmes, je crois que c'est une mauvaise manière que de partir du principe d'un chiffre de fermeture de lits, ce n'est pas un a priori, ce sera peut-être une conclusion mais cela doit s'intégrer dans une vision d'ensemble, dans cette vision de partenariat, de contractualisation, de régionalisation que nous avons demandée au Conseil d'approfondir et donc pour répondre très clairement é votre question, je n'ai pas fixé a priori un chiffre. Attendons d'en discuter sur la base des travaux qui sont engagés aujourd'hui. Deuxièmement, sur la participation des collectivités territoriales, d'abord permettez-moi de vous dire, je ne suis pas encore président du conseil d'administration. Il faut attendre une formalité non négligeable, c'est-à-dire l'élection par le Conseil municipal qui aura lieu comme dans toutes les communes qui n'ont qu'un seul tour, dimanche, après demain, 18 juin, puisque la loi qui prévoit ces délais. Mais pour répondre néanmoins à votre question, je crois d'abord qu'il ne faut pas sous-estimer dans l'approche du problème tout ce que les collectivités territoriales, communes, départements, régions font pour participer à cette oeuvre collective que constitue la santé publique. Il y a l'hôpital mais il y a aussi bien d'autres manières d'intervenir, ne serait-ce notamment que les politiques développées par les collectivités territoriales dans le domaine du maintien à domicile des personnes âgées. Alors si on veut faire un bilan, faisons un bilan global et non pas simplement un bilan comptable. Par ailleurs, je l'ai dit, je suis très soucieux d'entretenir une sorte de pacte de stabilité et là c'est le Premier ministre qui s'exprime et non plus le futur président du Conseil d'administration du CHU entre l'Etat et les collectivités territoriales et donc si des propositions étaient faites dans le sens d'une modification des responsabilités des uns et des autres, tout ceci devrait évidemment se situer dans le cadre de ce pacte de stabilité.
MADAME
(QUESTION INAUDIBLE)
PROFESSEUR DE MULDER
Je voudrais vous dire d'abord que je viens d'être élu - élu que dis-je - nommé président de ce haut-conseil et que je n'ai pas l'intention maintenait de donner des indications ou des avis sur ce que va proposer ce conseil. S'agissant de la loi hospitalière, j'ai la conviction à titre tout à fait personnel que de bonnes choses s'y trouvent mais que peut-être sa publication n'a pas été assortie d'une réflexion centrée sur les préoccupations du malade et de l'homme d'abord et que c'est plus un schéma institutionnel et organisationnel qu'une réflexion fondamentalement conduite d'abord sur une réflexion de dimension humaine. A cet égard, je pense que la loi hospitalière qui comporte beaucoup de choses tout à fait satisfaisantes et innovantes méritera quand même d'être révisé mais j'en ai peut-être déjà trop dit, car bien entendu ceci ne pourra résulter que de la réflexion du haut-conseil que je présiderai.
ALAIN JUPPE
Vous savez, nos amis journalistes, sont toujours animés par la même volonté, ils voudraient connaître aujourd'hui la conclusion des travaux du haut-conseil, ce qui est une légitime curiosité mais il faudra attendre un petit peu évidemment. Dernière question.
JOURNALISTE
(QUESTION INAUDIBLE)
PROFESSEUR DE MULDER
C'est certainement l'un des dossiers importants qui incombera à la réflexion de ce haut-conseil, indiscutablement, et sans doute parmi les plus prioritaires.
JOURNALISTE
(QUESTION INAUDIBLE)
ALAIN JUPPE
Vous savez, on peut décider ex abrupto et nous pourrions effectivement aujourd'hui publier un texte, une circulaire, je ne sais quoi d'autre. J'ai essayé de vous expliquer tout à l'heure que ce n'était pas notre méthode, que nous voulions associer à la préparation de la réforme l'ensemble des partenaires de l'hôpital, non seulement les équipes soignantes, bien entendu, à tous les niveaux mais aussi les gestionnaires et puis les partenaires qui sont à l'extérieur de l'hôpital, notamment ceux qui financent et je crois que ce serait de très mauvaises méthodes que de faire l'économie de cette phase de consultation, de concertation, de dialogue et puis je ne suis pas sûr, je ne suis pas moi-même un spécialiste de l'hôpital, cela ne vous a pas échappé, je ne suis pas sûr que toutes les bonnes idées aient déjà été échangées ou mises sur la table. Il y a certes beaucoup d'études, beaucoup de rapports, beaucoup d'investigations qui ont déjà été faites, on ne part de zéro et c'est la raison pour laquelle j'ai fixé des délais courts, novembre, mais je suis persuadé qu'il faut changer aussi un peu dans l'approche des problèmes, introduire de nouvelles visions. Je crois que cette notion en particulier de partenariat, de contractualisation, de motivation et une responsabilisation des équipes est une notion qui n'a encore été traduite dans les rapports ou dans textes, il y a besoin de réflexions complémentaires sur ce point. Voilà, eh bien écoutez, merci et comme monsieur de Mulder vous a fixé rendez-vous en juillet. Vous aurez là, je crois tout au long du processus de réflexions de ce haut-conseil de quoi alimenter vos propres réflexions.