Déclarations de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur les nouvelles missions de l'Agence nationale de recherche sur le SIDA (ANRS), notamment l'extension de la recherche clinique à l'hépatite C et la coopération internationale vers les pays en développement, Paris le 30 novembre et le 1er décembre 1998 à l'Assemblée nationale.

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La recherche contre le Sida et l'ANRS - 30 novembre 1998
Cher Claude ALLEGRE,
Monsieur le Directeur,
Mesdames,
Messieurs.
Nous somme aujourd'hui rassemblés pour vous présenter les nouvelles missions que l'ANRS se voit confier sous la responsabilité de Michel KARATCHKINE.
Je souhaite d'abord rappeler quelques chiffres et quelques faits récents :
- 120 000 personnes sont porteuses du V.I.H. en FRANCE,
- depuis le début de l'épidémie 35 à 37 000 personnes sont décédées du SIDA,
- 5 000 nouvelles contaminations sont à déplorer par an,
- l'épidémie touche maintenant tous les pays. Son extension est dramatique en AFRIQUE et en ASIE bien sûr, mais aussi plus proche de nous, en EUROPE de l'EST et en RUSSIE.
Pourtant malgré ce tableau, la lutte contre l'infection VIH est l'un des domaines où la recherche a pu, en quelques années, transformer le pronostic. Une maladie toujours mortelle est devenue, en quelques années, une maladie chronique.
L'ANRS a, dans ce cadre été un instrument privilégié.
Bénéficiant d'un budget important, elle a pu développer, en toute indépendance, des actions de recherches fondamentales, cliniques et en sciences humaines et de la vie.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble du bilan de l'ANRS ces dix dernières années mais j'aimerai insister sur :
- l'importance des recherches en sciences de l'homme et de la société qui, depuis le début, ont été soutenus par l'ANRS et nous permettent de mieux comprendre comment adapter les traitements aux comportements des personnes infectées par le V.I.H.,
- l'engagement de l'ANRS dans les programmes conduits dans les pays en voie de développement,
- l'important travail de communication réalisé autour de l'activité de recherche permettant une grande visibilité des actions et des résultats pour les pouvoirs publics, les professionnels mais aussi pour les personnes vivants avec le V.I.H., leurs familles et l'ensemble de la société.
Mais l'épidémie évolue et se transforme .
Si, les nouveaux traitements ont considérablement diminués la mortalité il faut malheureusement bien constater que :
- les effets secondaires sont nombreux et pas tous encore bien connus,
- la décision thérapeutique devient de plus en plus complexe,
- les risques de résistance aux médicaments augmentent.
- les co-infections, en particulier avec le virus de l'hépatite C, deviennent inquiétantes.
- la maladie devient chronique, parfois rassurante et on en vient, dans certains cas à oublier les comportements de prévention élémentaires.
C'est pour cela que l'ANRS évolue aussi.
Claude ALLEGRE développera, dans quelques instants, l'ensemble de ces missions.
J'aimerai, quand à moi, insister sur :
- l'importance de la recherche clinique qui, en s'appuyant sur des suivis de cohortes, doit nous permettre de développer des recherches nouvelles épidémiologiques orientées vers la santé publique en particulier :
- des enquêtes qualitatives sur les nouvelles contaminations,
- l'évaluation du dispositif, que nous avons mis en place, pour traiter précocement les primo-infections,
- la mesure d'impact des campagnes en faveur du dépistage réalisées ces dernières années.
- cette recherche clinique, et c'est une des nouvelles missions de l'ANRS, doit être étendue, au domaine de l'hépatite C. Véritable épidémie avec près de 500 000 cas en FRANCE, on considère que 10 % des patients en VIH + sont co-infectés avec le VHC.
En coordination avec le programme hospitalier de recherche clinique, une extension importante des recherches thérapeutiques dans ce domaine s'impose dès 1999.
- enfin, les recherches dans les pays en voie de développement.
L'épidémie VIH est une épidémie mondiale.
La FRANCE se doit, sans négliger la prévention, renforcer l'accès aux traitements, y compris aux antirétroviraux, des personnes vivant avec le VIH dans les pays en voie de développement.
Nous avons su mobiliser l'ensemble de la communauté internationale.
A ABIDJAN, avec le Président Jacques CHIRAC, en décembre 1997, puis au sommet de BIRMINGHAM et plus récemment encore au Conseil des Ministres de la Santé des pays Européens, l'initiative française a eu un écho remarquable.
Il nous faut de même mobiliser les organismes de recherche et, l'ANRS en collaboration avec les instituts nationaux (PASTEUR, INSERM, IRD) et les programmes internationaux (ONU SIDA) doivent faire bénéficier de son expertise les actions dans les pays en voie de développement.
Le soutien des chercheurs locaux, l'évaluation des actions réalisées et la participation à la diffusion de l'information dans ces pays permettra, nous l'espérons, d'obtenir des résultats durables dans la progression de l'épidémie.



(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 septembre 2001)
SIDA REPONSE DU SECRETAIRE D'ETAT A LA SANTE ET A L'ACTION SOCIALE, M. BERNARD KOUCHNER, A UNE QUESTION D'ACTUALITE A L'ASSEMBLEE NATIONALE - LE 01 DECEMBRE 1998
C'est une relation fautive de propos que je n'ai pas tenus qui a conduit à accuser l'industrie pharmaceutique de se désintéresser des molécules efficaces contre le Sida. Si notre pays compte peu de laboratoires performants dans ce domaine, on ne peut pas accuser l'industrie pharmaceutique de se dégager. Aussi bien la découverte d'un produit contre le Sida apporte-t-elle des bénéfices considérables.
En France, les crédits destinés à la prévention sont maintenus, et les actions dans ce domaine s'accroissent. Ce n'est pas suffisant face à une culture de l'habitude qui tend à s'installer, face à une maladie qui demeure mortelle.
Dans le tiers monde, les chiffres sont terribles : 40 millions de séropositifs en l'an 2000. Il ne faut pas relâcher la prévention, mais celle-ci ne marche bien que s'il existe une perspective de guérison. Avec le président de la République, à Abidjan, nous avons proposé de créer en décembre 1997 un Fonds de solidarité thérapeutique international. Les instances européennes et le G7 se sont ralliés à cette idée. Pour le moment, nous essayons de mettre au point des projets destinés à prendre en charge les femmes enceintes séropositives pour prévenir la transmission. Pour prévenir la mort d'un enfant dans le tiers monde, il en coûte 50 dollars pour quatre semaines. En revanche, mettre sous trithérapie à vie 40 millions de personnes appelleraient un effort de codéveloppement d'une tout autre ampleur.
Cependant nous commencerons à mettre en place les projets dont je parle dès l'année prochaine, avec un financement assuré par la France, la Belgique, le Portugal, la Commission européenne, et tous les pays qui voudraient nous rejoindre. On ne peut pas accepter qu'il y ait d'un côté des blancs riches qui peuvent être soignés, de l'autre des noirs et des jaunes pauvres qui vont mourir.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)