Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur le partenariat entre l'Etat et les collectivités locales, notamment la signature d'un contrat ville lecture, Tournefeuille le 14 octobre 2000.

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Circonstance : Signature d'un contrat ville lecture avec la ville de Tournefeuille (Haute Garonne) le 14 octobre 2000

Texte intégral

Madame la Députée,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de participer à la manifestation " Lire en fête ", ici, à Tournefeuille car elle y prend tout son sens. En effet, elle n'est pas seulement un moment festif, isolé dans l'année mais bien le point d'orgue d'un travail quotidien autour du livre et de l'écriture inscrit dans la durée, inscrit dans la ville, dans une politique culturelle globale tissant des liens avec d'autres disciplines artistiques. A l'image du projet culturel de la Ville, elle regroupe des acteurs culturels mais aussi sociaux, éducatifs, associatifs ou institutionnels.
Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Maire, d'avoir fait le choix de l'action culturelle comme moteur du développement de votre commune et de miser sur l'avenir en développant l'éducation artistique des enfants et des jeunes de Tournefeuille.
Cette volonté politique a rencontré les objectifs du ministère de la Culture et la qualité du partenariat entre la DRAC et la ville de Tournefeuille est tout à fait exemplaire. Des conventions de développement culturel ont permis d'accompagner vos projets. Les investissements ont été importants ces dernières années depuis l'école de musique jusqu'à l'Usine, lieu de fabrique des arts de la rue, en passant bien sûr par la médiathèque et je crois savoir que de nouveaux équipements dans les domaines du cinéma et du spectacle vivant devraient voir le jour dans les années qui viennent.
Mais revenons au livre et à la lecture car en ce moment même ateliers d'écriture et course du livre se déroulent à Tournefeuille ainsi que des milliers d'initiatives dans toute la France. Pour la 12ème édition de " Lire en fête ", ce sont quelque 5000 manifestations dans 2000 villes qui devraient célébrer le livre. Des milliers de bénévoles et de professionnels, tous passionnés de la chose écrite, vont aller à la rencontre du lecteur, présent ou futur, dans toutes les " espèces d'espaces " évoqués si poétiquement par Georges Perec ; des hôpitaux aux gares, en passant par les prisons et le bitume.
On ne pouvait souhaiter de meilleur moment pour la signature d'un contrat Ville-lecture dont la finalité est bien de faire de la lecture une fête de tous les jours. Le dispositif des contrats Villes-lecture mis en uvre depuis 1998 constitue dans le domaine du livre et de la lecture, une démarche nouvelle de partenariat global portant sur tous les aspects du développement du livre et de la lecture, pouvant s'intégrer dans les dispositifs de la politique de la ville et du protocole d'accord interministériel sur l'éducation artistique.
Ces contrats permettent de construire à l'échelle d'un territoire un partenariat actif entre tous les acteurs du livre et de la lecture, de décloisonner et harmoniser les interventions des acteurs culturels, sociaux, éducatifs afin d'assurer la présence du livre sur tous les lieux de vie, aller à la rencontre des populations les plus éloignées des équipements culturels, lutter contre l'illettrisme, familiariser les jeunes aux différentes formes d'écrits, favoriser les rencontres avec les écrivains au travers de résidences permettant ainsi de soutenir la création littéraire d'aujourd'hui. A Tournefeuille, l'ensemble de ces objectifs est repris dans le contrat signé aujourd'hui et la médiathèque est devenue le centre de l'animation culturelle de la Ville.
Il faut d'ailleurs signaler que la construction de cet équipement est la plus grosse opération de ville moyenne financée au titre du concours particulier en Midi Pyrénées et comme Tournefeuille accumule les records dans le domaine du livre et de la lecture, elle est la seule commune retenue en Midi Pyrénées parmi les 38 contrats Villes-lecture signés en France.
Je tiens aussi à vous féliciter d'avoir remporté le concours " Savoir Livre "2000.
Bien entendu, il faudrait aussi évoquer l'espace culture multimédia, les actions en direction des tout-petits mais je voudrais particulièrement insister sur l'élément le plus original du dispositif : la boutique d'écriture. Je pense en effet que dans le domaine de la sensibilisation à l'écrit, rien ne peut remplacer la rencontre avec l'écrivain, sa présence charnelle dans la Cité, le partage de l'écriture en train de s'élaborer dans l'atelier. Et la rencontre a lieu ici puisqu'en une année, 400 personnes ont été accueillies dans les ateliers d'écriture.
En bref, Tournefeuille démontre que le développement de la lecture publique est une des plus belles réussites de la décentralisation culturelle, entamée il y a moins de vingt ans.
Vous êtes particulièrement bien placés pour mesurer les bienfaits d'une politique qui a multiplié le nombre de bibliothèques, favorisé la création de médiathèques et encouragé les initiatives en faveur du livre.
Cette première phase a totalement changé la donne quant à l'impact de la politique de lecture publique sur l'ensemble du territoire. Cela n'aurait pas été possible sans l'opiniâtreté et la détermination des collectivités locales, à l'instar de la vôtre, pour accroître le rayonnement du livre et développer les pratiques d'écriture en amateur.
Ce n'est pas verser dans l'autosatisfaction que de le souligner. Savoir d'où l'on est parti est indispensable si l'on veut mettre sur les rails la deuxième étape de la décentralisation culturelle, deuxième étape à laquelle je travaille depuis mon arrivée au gouvernement. Car c'est bien de cela dont il s'agit. Le temps est venu pour notre pays de refonder et d'affirmer une nouvelle ambition pour le livre ; à l'échelon national, comme à l'échelon européen dans le cadre de la présidence française. Tout porte en effet à relever ce défi. La rencontre entre l'écrit et les nouvelles technologies nous font entrer de plein pied dans une ère nouvelle.
Nombreux sont ceux qui comparent les répercussions du numérique sur le rapport au livre, au bouleversement provoqué par l'invention du codex. Ce rapprochement est pertinent. L'écrit n'appartient pas à une époque révolue de la culture. Il n'est pas en recul, il renouvelle radicalement ses formes. Et cela, afin de jouer le rôle qu'aucun autre registre du champ culturel ne peut jouer à sa place : permettre la circulation pluraliste des idées, aiguiser le sens critique, insuffler le plaisir de l'imaginaire et faciliter l'appropriation des savoirs les plus neufs.
D'aucuns s'interrogent cependant sur la toile de fond de cette révolution de l'écrit. Il faut les entendre. La responsabilité publique est en effet de s'opposer a tout ce qui résulte de la volonté de faire du livre une marchandise comme une autre. Traiter le livre en produit standardisé, c'est se priver des bienfaits que j'évoquais à l'instant. Cette menace peut être écartée ; j'ai eu l'occasion de le rappeler à Strasbourg, lors du colloque européen consacré au livre, où je représentais la France le 30 septembre dernier.
Voilà aussi pourquoi Catherine Tasca vient de réaffirmer l'attachement de la France à la garantie que constitue le principe du prix unique pour la chaîne économique du livre, dont chacun se doit de mesurer la fragilité, et pour les lecteurs eux-mêmes. Qui plus est, pour Catherine Tasca et pour moi-même, il ne saurait être question de revenir sur l'acquis du prêt gratuit dans les bibliothèques. Comment, en effet, envisager un seul instant de supprimer un principe auquel le succès de la politique de lecture publique doit tout ? Cet attachement indéfectible au non paiement de l'acte a bien évidemment un pendant : celui d'élaborer les solutions techniques qui garantissent une juste rétribution des auteurs, des maisons d'éditions et des librairies et, en particulier, des plus fragiles d'entre elles.
Le coup de maître de la décentralisation de la lecture publique est, pour moi, une source d'inspiration, un guide précieux. Depuis ma prise de fonction, je m'attache à mettre en place des protocoles expérimentaux de décentralisation et des établissements culturels de coopération. Il s'agit à mes yeux de boîtes à outils, à la disposition de tous. Car, à n'en pas douter, c'est sur le front de la décentralisation que se gagnera la nouvelle ambition culturelle de la France. Pour chacun des secteurs du champ culturel, nous voulons donner du sens à la visée décentralisatrice. Ce mouvement a pour raison d'être de mettre entre toutes les mains la construction du sens, des finalités, des enjeux de la politique culturelle de notre pays.
Il y a une conception progressiste de la décentralisation. C'est à mon sens la seule susceptible de répondre aux attentes de notre peuple en matière de culture. Elle est donc la seule qui vaille.
Ce que vous avez réalisé avec votre équipe, Monsieur le Maire, aux côtés des femmes et des hommes de Tournefeuille, participe de cette conception, empreinte de modernité et de justice sociale.
Picasso se plaisait à dire que "les plus belles fleurs sont celles qui poussent dans les livres". Il en pousse dorénavant de cette espèce à Tournefeuille.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 17 octobre 2000)