Texte intégral
Monsieur le Président,
mesdames et messieurs les députés,
avant toute chose, je voudrais vous dire combien il est agréable à l'ancienne présidente de la commission des lois de votre Assemblée de venir vous rencontrer en tant que ministre de le culture et de la communication, quelques semaines après sa nomination dans cette fonction.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis très heureuse de me trouver à cette place et très honorée de l'occasion qui m'est offerte de me présenter devant vous afin d'exposer les orientations que j'entends donner à mon action dans les domaines de la culture et de la communication.
Mais quelques mots d'abord sur la présence à mes côtés de Michel Duffour, dont je me réjouis vivement.
Nos parcours ont été proches, ses convictions, son expérience d'élu, son engagement pour la culture dans notre pays, font que nous partageons la même conception et les mêmes ambitions pour l'action. N'ignorant pas les questions qui se sont posées lors de la création su secrétariat d'Etat au Patrimoine et à la décentralisation culturelle, je voudrais vous indiquer d'emblée que c'est bien ensemble que nous travaillerons. Il n'y aura qu'un seul ministère et qu'une seule politique. Il n'y aura pas de séparation fonctionnelle, pas de division des compétences. A mes yeux, la présence du secrétariat d'Etat à mes côtés, c'est un moteur renforcé pour ce ministère. Il s'agit pour nous deux, de redonner un nouvel élan, un sens renouvelé à la problématique et à l'action de la décentralisation culturelle. Il s'agit aussi pour nous de renforcer les moyens de notre politique.
Dans le souci de ne pas être trop longue, je me limiterai dans cet exposé introductif à souligner les grands principes qui guident mon action dans l'ensemble des domaines dont j'ai la charge.
Ils sont au nombre de trois :
- la diversité
- l'égalité d'accès
-la décentralisation
I. Promouvoir la diversité culturelle
Dans un contexte de globalisation des échanges, à l'heure ou le développement sans frein -ou presque- du marché, des biens et des services culturels pourrait tendre à homogénéiser la création artistique et les pratiques culturelles, il me paraît nécessaire que l'Etat, s'agissant de notre pays, s'attache à préserver et à promouvoir la diversité culturelle. J'illustrerai cette responsabilité de l'etat dans trois domaines.
1. Il faut en premier lieu défendre la place et les moyens des créateurs dans notre pays : c'est la raison pour laquelle je me réjouis d'avoir obtenu du gouvernement que soit accordée une dotation exceptionnelle de 50 MF dans le projet de collectif, qui vous sera soumis prochainement, afin de restaurer les marges de création artistique dans le secteur du spectacle vivant.
Sur un autre plan, il est à mes yeux essentiel que face aux évolutions et aux remises en cause de multiples natures, le droit d'auteur soit défendu, si nécessaire moyennant des adaptations dès lors que celles-ci ne portent pas atteinte à ce qui est fondement même de la création dans notre pays.
2. Pour lutter contre le risque d'uniformisation dans le secteur de l'audiovisuel, c'est réaffirmer le rôle et renforcer les moyens du service public, seul capable, s'il remplit bien ses missions, de consistuer l'alternative au marché. C'est à lui qu'il revient de proposer aux français une offre diversifiée, de qualité, faisant toute sa place à la création et au pluralisme. Tel est l'un des objectifs essentiels du projet de loi sur l'audiovisuel que votre Assemblée à récemment examiné et pour lequel le gouvernement est résolu à apporter les moyens nécessaires.
De même, dans le projet de loi, l'ouverture du numérique terrestre, non seulement aux opérateurs existants mais aussi à de nouveux entrants, fournira à tous les français, une offre de chaînes généralistes, gratuites, garantes de diversités.
3. C'est enfin sur le théatre de la concurrence internationale que nous devons défendre le droit effectif à la diversité culturelle.
Cette diversité culturelle est notre meilleur argument pour nous faire des alliés sûrs de tous les pays qui cherchent à promouvoir leurs propres cultures en évitant qu'elles ne se trouvent purement et simplement soumises aux règles du marché et traitées comme un produit marchand banal. Dès 1993, la France avait défendu l'exection culturelle, conduisant ainsi l'Union européenne à ne pas déposer d'engagement de libéralisation dans les services audiovisuels et certains services culturels à l'OMC. Mais l'expression est apparue très vite insastifaisante, mal comprise sur la scène internationale et trop négative. Aujourd'hui, l'expression "diversité culturelle" à corrigé ces défauts et reçoit dons un accueil plus favorable. Largement utilisée dans les enceintes internationales comme dans les déclarations bilatérales, la diversité culturelle marque l'objectif politique à atteindre alors que l'exception culturelle est un moyen, parmi d'autres, de l'atteindre, elle est même devenue une priorité de l'Union européenne.
Vous le savez, dans moins de deux mois s'ouvrira la présidence française de l'Union européenne. Pour mon ministère, cette présidence sera l'occasion de nous atteler à un certain nombre de priorités pour lesquelles je m'attache à obtenir le soutien du plus grand nombre de mes collègues européens. Ayant eu l'occasion au lendemain de ma nomination de les rencontrer tous au Conseil informel de Lisbonne, jem'emploie à présent à les revoir, soit à Paris, soit dans leur pays, ce que je ferai à l'occasion d'une tournée avant le début de la présidence, sans vouloir à ce stade m'appesantir sur ces priorités, je voudrais au moins mentionner celles qui me paraissent aujourd'hui les plus importantes : la défense de l'audiovisuel public, la question de la priorité intellectuelle dans la société de l'information, celle du prix du livre, les industries culturelles, pour n'en citer que quelques unes. Cette présidence, raccourcie par les contraintes habituelles du second semestre, sera très importante puisqu'elle devrait aboutir à la tenue de la CIG dont les conclusions seront déterminantes dans le contexte de l'élargissement.
II. L'accès à la culture
Menacées par l'uniformisation et l'emprise d'une culture dominante, les pratiques culturelles dans notre pays le sont aussi par les inégalités d'accès, voire les risques d'exclusion vis-à-vis de la culture.
La lutte pour l'égalité d'accès à la culture reste plus que jamais une priorité essentielle de l'action publique.
1. L'inégalité traverse les territoires, et tout d'abord l'équilibre Paris / régions.
Cette question récurrente fait l'objet d'une attention permanente. Il convient de l'appréhender avec lucidité et volontarisme, mais sans démagogie.
Paris est la capitale de la France et l'histoire l'a dotée d'institutions culturelles majeures, dont le fonctionnement repose quasi-exclusivement sur l'Etat.
Cela étant, ces dernières décennies, le ministère de la culture a largement progressé en termes de rééquilibrage de ses interventions, y compris entre Paris et le reste de l'Ile de France et le nombre et la qualité des équipements culturels de nos grandes capitales régionales et même de beaucoup de villes moyennes l'attestent.
Nous sommes ainsi passés de 46,4 % du total des crédits d'investissement affectés aux régions, hors Paris, en 1998, à 48 % en 1999; pour 2000, l'objectif retenu est de 49,4 %.
Cette action sera poursuivie, même si des opérations importantes sont encore en instance à Paris, l'occasion nous en est donnée à travers les contrats de plan entre l'Etat et les régions. Par rapport à la période 94-99, la dotation culture est en augmentation de 73,3 % et elle atteindra 2,3 % du total contractualisé par l'Etat au lieu de 1,75 %. L'effort a porté particulièrement sur les régions précédemment les moins bien dotées, car il nous faut également prendre en compte des déséquilibres importants entre les régions ainsi qu'à l'intérieur même des régions.
Notre inscription résolue dans les dispositifs prévus par les lois Voynet et Chevènement devrait nous permettre d'aller plus avant dans ce sens.
2. Lutter pour l'égalité des chances, c'est aussi développer en la généralisant une politique d'éducation artistique et d'accès de tous les jeunes à la pratique culturelle.
En direction des jeunes, avec le ministère de l'éducation nationale et les collectivités concernées, l'objectif est à terme d'assurer une éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité. Deux actions prioritaires : l'extension des ateliers d'expression artistique dans les lycées (800 à la rentrée 99-2000, soit 27 % des lycées couverts; 1200 à la rentrée 2000-2001; couverture complète, LEP compris, à la rentrée 2001-2002) et la mise en oeuvre d'un programme musique à l'école; la formation artistique et culturelle des professeurs au sein des instituts universitaires de formation des maîtres est également un axe essentiel pour l'éducation artistique des jeunes.
3. Parce que les nouvelles technologies de l'information et de la communication peuvent constituer l'un des terrains les plus propices au développement des inégalités face à la culture, parce qu'elles peuvent aussi contribuer au contraire à faciliter l'accès du plus grand nombre aux richesses de la création artistique, le ministère de la culture et de la communication se doit d'accentuer ses efforts en ce domaine.
Le programme gouvernemental a pour ambition de construire une société de l'information solidaire. Cette solidarité passe avant tout par un accès pour le plus grand nombre à ces nouveaux outils. Pour donner un réel accès, outre des problématiques de connexion et d'équipement, d'autres points doivent être pris en compte, notamment la formation et l'éducation ainsi que l'amélioration de l'ergonomie et de la convivialité des technologies déployées.
Je souhaite relancer le programme des espaces culture multimédia pour qu'ils constituent des pôles de référence dans chaque région.
Je favoriserai la connexion à hauts débits des lieux culturels : bibliothèques, médiathèques, établissements publics, écoles d'art mais aussi scènes du spectacle vivant et espaces culture multimédia. Seules des connexions de bonne qualité permettront de développer des usages créatifs.
J'attacherai une grande importance aux questions de formation, notamment à travers le réseau des écoles d'art sous la tutelle du ministère, qui forment aux nouveaux métiers du multimédia : design et graphisme, notamment.
Enfin, il faut rendre l'accès au web plus aisé, en premier lieu pour les non-voyants et les handicapés. Je souhaite que le ministère de la culture soit exemplaire sur ce point.
III. Décentralisation culturelle
Pour mener à bien ces grands objectifs, essentiels non seulement pour la réussite des politiques culturelles mais aussi plus fondamentalement pour l'enrichissement de notre démocratie, il me paraît nécessaire que les pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - fassent évoluer leurs rapports et leur action dans le cadre d'une décentralisation culturelle renouvelée.
Pour moi, cette démocratisation culturelle s'appuie sur un mouvement historique de décentralisation, parce que ce ministère, surtout hors Paris, s'est beaucoup développé à partir de la grande aventure de la décentralisation dramatique devenue, d'ailleurs, année après année, une décentralisation pluridisciplinaire. Ces fondements historiques, vous le savez mieux que moi, vous qui êtes souvent des élus locaux, se traduisent aujourd'hui dans le quotidien de la vie de nos concitoyens. Vous en êtes les acteurs permanents. Dans mon domaine, il faut actualiser cette réalité historique, en la dotant d'instruments qui soient à la mesure de nos ambitions et à celle des besoins du temps présent.
Les deux décennies qui viennent de s'écouler ont été marquées par un partenariat fort entre l'Etat et les collectivités territoriales qui a produit des résultats incontestables en termes d'aménagement du territoire (musées, bibliothèques, salles de spectacle, mise en valeur du patrimoine) et de développement des pratiques culturelles.
Dans ce contexte, la plupart des collectivités territoriales sont des lieux d'initiatives. Elles consentent un effort budgétaire sans cesse accru et développent une réelle capacité d'expertise et de suivi dans le domaine culturel.
En même temps, cette situation a créé une nouvelle répartition dans les niveaux de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales elles-mêmes.
La réflexion est en cours au sein du ministère et sera menée en étroite concertation avec les associations d'élus locaux dans un esprit d'écoute et de dialogue. Les travaux de la commission Mauroy nous permettront d'avancer dans ce sens.
Pour s'ajuster à cette nouvelle donne, le ministère de la culture et de la communication doit poursuivre résolument la déconcentration de sa gestion, qui constitue le corollaire de la décentralisation culturelle.
Ce ministère qui a eu longtemps la réputation - justifiée - d'être très centralisé, se donnera les moyens de poursuivre sa déconcenration. Celle-ci vise à faire pleinement des directions régionales des affaires culturelles "Le ministère de la culture en région", en leur donnant les compétences et les moyens nécessaires.
Un nouveau programme de transfert d'emplois est en cours : 200 emplois sur 4 ans. S'agissant des crédits, la situation est variable selon les secteurs, mais globalement pour l'exécution du budget 2000, 66,71 % des crédits déconcentrables, c'est-à-dire sans tenir compte notamment des dépenses de personnels et des crédits affectés aux établissements publics, seront effectivement déconcentrés.
Cette démarche n'implique évidemment pas le renoncement à une politique nationale. Chaque année des instructions générales sont données aux Drac et le renforcement progressif au sein de l'administration centrale de la fonction d'évaluation doit permettre d'apprécier la conformité et la cohérence de l'action du ministère dans les régions. C'est l'objectif de la tournée entreprise par le secrétaire d'Etat et qui le conduira dans toutes les régions pour y faire un état des lieux et proposer les actions qu'il jugera utiles.
Pour conclure,
je ne saurais terminer cette présentation sans évoquer devant vous le programme législatif que nous souhaitons mener à bien. Parmi les chantiers en cours, le projet de loi audiovisuelle que j'entends conduire au plus près du texte adopté en deuxième lecture à l'assemblée, celui sur les enchères publiques que suit ici la commission des lois, la proposition de loi sur les trésors nationaux que nous avons tous bon espoir de voir adoptée conforme par le Sénat, ainsi que le projet de loi sur l'archéologie préventive. Excepté peut-être ce dernier texte, tous devraient aboutir avant la fin de la session.
Parmi les chantiers législatifs nouveaux, je citerai plus particulièrement celui des musées. Je me réjouis que vous vous soyez vous-mêmes saisis de ce sujet en décidant d'y consacrer une mission d'information présidée par Monsieur Alfred Recours, dont je sais que la qualité du travail parlementaire viendra enrichir très utilement les réflexions du ministère.
Mais d'autres projets importants existent : celui sur les archives, celui de l'établissement public culturel local et celui des écoles d'architecture. J'aurai sûrement l'occasion de vous en parler plus en détail.
Tous ces chantiers, vous le savez bien, nécessitent des moyens. Je vous ai dit que nous ne serions pas trop de deux pour les obtenir en loi de finances 3001, avec votre aide, je l'espère. D'ores et déjà, je me réjouis de ce que dans le cadre du collectif budgétaire, un effort tout particulier, 550 millions, ait été consenti par le Gouvernement au profit de la culture. Certes, l'essentiel de l'effort ira à la réparation des dégâts causés par les tempêtes de décembre dernier.
Mesdames et messieurs les députés, nous serons, Michel Duffour et moi, très heureux de répondre à vos questions.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 12 mai 2000)
mesdames et messieurs les députés,
avant toute chose, je voudrais vous dire combien il est agréable à l'ancienne présidente de la commission des lois de votre Assemblée de venir vous rencontrer en tant que ministre de le culture et de la communication, quelques semaines après sa nomination dans cette fonction.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis très heureuse de me trouver à cette place et très honorée de l'occasion qui m'est offerte de me présenter devant vous afin d'exposer les orientations que j'entends donner à mon action dans les domaines de la culture et de la communication.
Mais quelques mots d'abord sur la présence à mes côtés de Michel Duffour, dont je me réjouis vivement.
Nos parcours ont été proches, ses convictions, son expérience d'élu, son engagement pour la culture dans notre pays, font que nous partageons la même conception et les mêmes ambitions pour l'action. N'ignorant pas les questions qui se sont posées lors de la création su secrétariat d'Etat au Patrimoine et à la décentralisation culturelle, je voudrais vous indiquer d'emblée que c'est bien ensemble que nous travaillerons. Il n'y aura qu'un seul ministère et qu'une seule politique. Il n'y aura pas de séparation fonctionnelle, pas de division des compétences. A mes yeux, la présence du secrétariat d'Etat à mes côtés, c'est un moteur renforcé pour ce ministère. Il s'agit pour nous deux, de redonner un nouvel élan, un sens renouvelé à la problématique et à l'action de la décentralisation culturelle. Il s'agit aussi pour nous de renforcer les moyens de notre politique.
Dans le souci de ne pas être trop longue, je me limiterai dans cet exposé introductif à souligner les grands principes qui guident mon action dans l'ensemble des domaines dont j'ai la charge.
Ils sont au nombre de trois :
- la diversité
- l'égalité d'accès
-la décentralisation
I. Promouvoir la diversité culturelle
Dans un contexte de globalisation des échanges, à l'heure ou le développement sans frein -ou presque- du marché, des biens et des services culturels pourrait tendre à homogénéiser la création artistique et les pratiques culturelles, il me paraît nécessaire que l'Etat, s'agissant de notre pays, s'attache à préserver et à promouvoir la diversité culturelle. J'illustrerai cette responsabilité de l'etat dans trois domaines.
1. Il faut en premier lieu défendre la place et les moyens des créateurs dans notre pays : c'est la raison pour laquelle je me réjouis d'avoir obtenu du gouvernement que soit accordée une dotation exceptionnelle de 50 MF dans le projet de collectif, qui vous sera soumis prochainement, afin de restaurer les marges de création artistique dans le secteur du spectacle vivant.
Sur un autre plan, il est à mes yeux essentiel que face aux évolutions et aux remises en cause de multiples natures, le droit d'auteur soit défendu, si nécessaire moyennant des adaptations dès lors que celles-ci ne portent pas atteinte à ce qui est fondement même de la création dans notre pays.
2. Pour lutter contre le risque d'uniformisation dans le secteur de l'audiovisuel, c'est réaffirmer le rôle et renforcer les moyens du service public, seul capable, s'il remplit bien ses missions, de consistuer l'alternative au marché. C'est à lui qu'il revient de proposer aux français une offre diversifiée, de qualité, faisant toute sa place à la création et au pluralisme. Tel est l'un des objectifs essentiels du projet de loi sur l'audiovisuel que votre Assemblée à récemment examiné et pour lequel le gouvernement est résolu à apporter les moyens nécessaires.
De même, dans le projet de loi, l'ouverture du numérique terrestre, non seulement aux opérateurs existants mais aussi à de nouveux entrants, fournira à tous les français, une offre de chaînes généralistes, gratuites, garantes de diversités.
3. C'est enfin sur le théatre de la concurrence internationale que nous devons défendre le droit effectif à la diversité culturelle.
Cette diversité culturelle est notre meilleur argument pour nous faire des alliés sûrs de tous les pays qui cherchent à promouvoir leurs propres cultures en évitant qu'elles ne se trouvent purement et simplement soumises aux règles du marché et traitées comme un produit marchand banal. Dès 1993, la France avait défendu l'exection culturelle, conduisant ainsi l'Union européenne à ne pas déposer d'engagement de libéralisation dans les services audiovisuels et certains services culturels à l'OMC. Mais l'expression est apparue très vite insastifaisante, mal comprise sur la scène internationale et trop négative. Aujourd'hui, l'expression "diversité culturelle" à corrigé ces défauts et reçoit dons un accueil plus favorable. Largement utilisée dans les enceintes internationales comme dans les déclarations bilatérales, la diversité culturelle marque l'objectif politique à atteindre alors que l'exception culturelle est un moyen, parmi d'autres, de l'atteindre, elle est même devenue une priorité de l'Union européenne.
Vous le savez, dans moins de deux mois s'ouvrira la présidence française de l'Union européenne. Pour mon ministère, cette présidence sera l'occasion de nous atteler à un certain nombre de priorités pour lesquelles je m'attache à obtenir le soutien du plus grand nombre de mes collègues européens. Ayant eu l'occasion au lendemain de ma nomination de les rencontrer tous au Conseil informel de Lisbonne, jem'emploie à présent à les revoir, soit à Paris, soit dans leur pays, ce que je ferai à l'occasion d'une tournée avant le début de la présidence, sans vouloir à ce stade m'appesantir sur ces priorités, je voudrais au moins mentionner celles qui me paraissent aujourd'hui les plus importantes : la défense de l'audiovisuel public, la question de la priorité intellectuelle dans la société de l'information, celle du prix du livre, les industries culturelles, pour n'en citer que quelques unes. Cette présidence, raccourcie par les contraintes habituelles du second semestre, sera très importante puisqu'elle devrait aboutir à la tenue de la CIG dont les conclusions seront déterminantes dans le contexte de l'élargissement.
II. L'accès à la culture
Menacées par l'uniformisation et l'emprise d'une culture dominante, les pratiques culturelles dans notre pays le sont aussi par les inégalités d'accès, voire les risques d'exclusion vis-à-vis de la culture.
La lutte pour l'égalité d'accès à la culture reste plus que jamais une priorité essentielle de l'action publique.
1. L'inégalité traverse les territoires, et tout d'abord l'équilibre Paris / régions.
Cette question récurrente fait l'objet d'une attention permanente. Il convient de l'appréhender avec lucidité et volontarisme, mais sans démagogie.
Paris est la capitale de la France et l'histoire l'a dotée d'institutions culturelles majeures, dont le fonctionnement repose quasi-exclusivement sur l'Etat.
Cela étant, ces dernières décennies, le ministère de la culture a largement progressé en termes de rééquilibrage de ses interventions, y compris entre Paris et le reste de l'Ile de France et le nombre et la qualité des équipements culturels de nos grandes capitales régionales et même de beaucoup de villes moyennes l'attestent.
Nous sommes ainsi passés de 46,4 % du total des crédits d'investissement affectés aux régions, hors Paris, en 1998, à 48 % en 1999; pour 2000, l'objectif retenu est de 49,4 %.
Cette action sera poursuivie, même si des opérations importantes sont encore en instance à Paris, l'occasion nous en est donnée à travers les contrats de plan entre l'Etat et les régions. Par rapport à la période 94-99, la dotation culture est en augmentation de 73,3 % et elle atteindra 2,3 % du total contractualisé par l'Etat au lieu de 1,75 %. L'effort a porté particulièrement sur les régions précédemment les moins bien dotées, car il nous faut également prendre en compte des déséquilibres importants entre les régions ainsi qu'à l'intérieur même des régions.
Notre inscription résolue dans les dispositifs prévus par les lois Voynet et Chevènement devrait nous permettre d'aller plus avant dans ce sens.
2. Lutter pour l'égalité des chances, c'est aussi développer en la généralisant une politique d'éducation artistique et d'accès de tous les jeunes à la pratique culturelle.
En direction des jeunes, avec le ministère de l'éducation nationale et les collectivités concernées, l'objectif est à terme d'assurer une éducation artistique et culturelle tout au long de la scolarité. Deux actions prioritaires : l'extension des ateliers d'expression artistique dans les lycées (800 à la rentrée 99-2000, soit 27 % des lycées couverts; 1200 à la rentrée 2000-2001; couverture complète, LEP compris, à la rentrée 2001-2002) et la mise en oeuvre d'un programme musique à l'école; la formation artistique et culturelle des professeurs au sein des instituts universitaires de formation des maîtres est également un axe essentiel pour l'éducation artistique des jeunes.
3. Parce que les nouvelles technologies de l'information et de la communication peuvent constituer l'un des terrains les plus propices au développement des inégalités face à la culture, parce qu'elles peuvent aussi contribuer au contraire à faciliter l'accès du plus grand nombre aux richesses de la création artistique, le ministère de la culture et de la communication se doit d'accentuer ses efforts en ce domaine.
Le programme gouvernemental a pour ambition de construire une société de l'information solidaire. Cette solidarité passe avant tout par un accès pour le plus grand nombre à ces nouveaux outils. Pour donner un réel accès, outre des problématiques de connexion et d'équipement, d'autres points doivent être pris en compte, notamment la formation et l'éducation ainsi que l'amélioration de l'ergonomie et de la convivialité des technologies déployées.
Je souhaite relancer le programme des espaces culture multimédia pour qu'ils constituent des pôles de référence dans chaque région.
Je favoriserai la connexion à hauts débits des lieux culturels : bibliothèques, médiathèques, établissements publics, écoles d'art mais aussi scènes du spectacle vivant et espaces culture multimédia. Seules des connexions de bonne qualité permettront de développer des usages créatifs.
J'attacherai une grande importance aux questions de formation, notamment à travers le réseau des écoles d'art sous la tutelle du ministère, qui forment aux nouveaux métiers du multimédia : design et graphisme, notamment.
Enfin, il faut rendre l'accès au web plus aisé, en premier lieu pour les non-voyants et les handicapés. Je souhaite que le ministère de la culture soit exemplaire sur ce point.
III. Décentralisation culturelle
Pour mener à bien ces grands objectifs, essentiels non seulement pour la réussite des politiques culturelles mais aussi plus fondamentalement pour l'enrichissement de notre démocratie, il me paraît nécessaire que les pouvoirs publics - Etat et collectivités locales - fassent évoluer leurs rapports et leur action dans le cadre d'une décentralisation culturelle renouvelée.
Pour moi, cette démocratisation culturelle s'appuie sur un mouvement historique de décentralisation, parce que ce ministère, surtout hors Paris, s'est beaucoup développé à partir de la grande aventure de la décentralisation dramatique devenue, d'ailleurs, année après année, une décentralisation pluridisciplinaire. Ces fondements historiques, vous le savez mieux que moi, vous qui êtes souvent des élus locaux, se traduisent aujourd'hui dans le quotidien de la vie de nos concitoyens. Vous en êtes les acteurs permanents. Dans mon domaine, il faut actualiser cette réalité historique, en la dotant d'instruments qui soient à la mesure de nos ambitions et à celle des besoins du temps présent.
Les deux décennies qui viennent de s'écouler ont été marquées par un partenariat fort entre l'Etat et les collectivités territoriales qui a produit des résultats incontestables en termes d'aménagement du territoire (musées, bibliothèques, salles de spectacle, mise en valeur du patrimoine) et de développement des pratiques culturelles.
Dans ce contexte, la plupart des collectivités territoriales sont des lieux d'initiatives. Elles consentent un effort budgétaire sans cesse accru et développent une réelle capacité d'expertise et de suivi dans le domaine culturel.
En même temps, cette situation a créé une nouvelle répartition dans les niveaux de responsabilité entre l'Etat et les collectivités territoriales et entre les collectivités territoriales elles-mêmes.
La réflexion est en cours au sein du ministère et sera menée en étroite concertation avec les associations d'élus locaux dans un esprit d'écoute et de dialogue. Les travaux de la commission Mauroy nous permettront d'avancer dans ce sens.
Pour s'ajuster à cette nouvelle donne, le ministère de la culture et de la communication doit poursuivre résolument la déconcentration de sa gestion, qui constitue le corollaire de la décentralisation culturelle.
Ce ministère qui a eu longtemps la réputation - justifiée - d'être très centralisé, se donnera les moyens de poursuivre sa déconcenration. Celle-ci vise à faire pleinement des directions régionales des affaires culturelles "Le ministère de la culture en région", en leur donnant les compétences et les moyens nécessaires.
Un nouveau programme de transfert d'emplois est en cours : 200 emplois sur 4 ans. S'agissant des crédits, la situation est variable selon les secteurs, mais globalement pour l'exécution du budget 2000, 66,71 % des crédits déconcentrables, c'est-à-dire sans tenir compte notamment des dépenses de personnels et des crédits affectés aux établissements publics, seront effectivement déconcentrés.
Cette démarche n'implique évidemment pas le renoncement à une politique nationale. Chaque année des instructions générales sont données aux Drac et le renforcement progressif au sein de l'administration centrale de la fonction d'évaluation doit permettre d'apprécier la conformité et la cohérence de l'action du ministère dans les régions. C'est l'objectif de la tournée entreprise par le secrétaire d'Etat et qui le conduira dans toutes les régions pour y faire un état des lieux et proposer les actions qu'il jugera utiles.
Pour conclure,
je ne saurais terminer cette présentation sans évoquer devant vous le programme législatif que nous souhaitons mener à bien. Parmi les chantiers en cours, le projet de loi audiovisuelle que j'entends conduire au plus près du texte adopté en deuxième lecture à l'assemblée, celui sur les enchères publiques que suit ici la commission des lois, la proposition de loi sur les trésors nationaux que nous avons tous bon espoir de voir adoptée conforme par le Sénat, ainsi que le projet de loi sur l'archéologie préventive. Excepté peut-être ce dernier texte, tous devraient aboutir avant la fin de la session.
Parmi les chantiers législatifs nouveaux, je citerai plus particulièrement celui des musées. Je me réjouis que vous vous soyez vous-mêmes saisis de ce sujet en décidant d'y consacrer une mission d'information présidée par Monsieur Alfred Recours, dont je sais que la qualité du travail parlementaire viendra enrichir très utilement les réflexions du ministère.
Mais d'autres projets importants existent : celui sur les archives, celui de l'établissement public culturel local et celui des écoles d'architecture. J'aurai sûrement l'occasion de vous en parler plus en détail.
Tous ces chantiers, vous le savez bien, nécessitent des moyens. Je vous ai dit que nous ne serions pas trop de deux pour les obtenir en loi de finances 3001, avec votre aide, je l'espère. D'ores et déjà, je me réjouis de ce que dans le cadre du collectif budgétaire, un effort tout particulier, 550 millions, ait été consenti par le Gouvernement au profit de la culture. Certes, l'essentiel de l'effort ira à la réparation des dégâts causés par les tempêtes de décembre dernier.
Mesdames et messieurs les députés, nous serons, Michel Duffour et moi, très heureux de répondre à vos questions.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 12 mai 2000)