Article de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, dans "Le Figaro" du 9 octobre 2000, interview à France 2 et déclaration sur le nouveau cadre du volontariat civil international, Paris le 10 octobre 2000.

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Circonstance : Inauguration du Centre d'information sur le volontariat international (CIVI) à Paris le 10 octobre 2000

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Texte intégral

Les formes civiles du service national, tant en France qu'à l'étranger, ont démontré leur utilité, mais aussi leur attractivité. La décision de professionnaliser les armées a posé la question de leur suppression. Fallait-il s'y résoudre ? Le gouvernement de Lionel Jospin a voulu au contraire élaborer et soutenir un nouveau dispositif le "volontariat civil". En février dernier était adoptée, à l'unanimité des deux Assemblées, la loi qui en porte création.
Cette loi n'a pas pour objet de simplement pérenniser, même sous une forme renouvelée, les missions civiles confiées à ce jour a des appelés du service national.
Elle repose sur un choix individuel et traduit d'abord une volonté autant qu'une nécessité. La volonté, c'est celle de notre pays de réaffirmer son engagement au service de la solidarité nationale et internationale. La nécessité, inséparable de cette volonté, concerne notre jeunesse. I1 nous fallait répondre aux attentes de nombreux jeunes gens et jeunes filles qui souhaitent être utiles donner un sens réel à leur désir d'un engagement citoyen, s'ouvrir aux autres et au monde.
Des jeunes qui, aussi, c'est légitime, et c'est important, veulent bénéficier de connaissances et d'expériences nouvelles, susceptibles de faciliter leur insertion professionnelle. En proposant cette loi, que j'ai présentée et défendue aux côtés d'Hubert Védrine, le gouvernement a voulu satisfaire des exigences individuelles aussi bien que collectives, par l'adoption d'une démarche visant à associer, concrètement, les progrès de la citoyenneté à des possibilités réelles d'expérience et de formation.
Le gouvernement a voulu un cadre juridique attractif. Le statut public du volontaire est la contrepartie d'un engagement temporaire au service de la collectivité. Pour le jeune concerné, il représente aussi l'assurance d'être efficacement encadré et suivi. A l'étranger seront concernés les services de l'Etat (ambassades, consulats, établissements publics...), les associations de solidarité internationale, les collectivités locales françaises engagées dans une action de coopération et enfin les entreprises. Cette diversité des employeurs potentiels favorisera la diversité des expériences, selon les aspirations ou les talents de chacun.
Il importe en effet d'élargir cette forme d'expatriation à des professions et des milieux sociaux qui, jusqu'à présent, avaient assez peu l'opportunité d'y avoir accès. L'entreprise, lieu par excellence d'une expérience à caractère professionnel, pourra y contribuer. François Huwart, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, y est particulièrement attentif.
Tout jeune Français, fille ou garçon, âgé de 18 à 28 ans, pourra se porter candidat, pour une durée de 6 à 24 mois. Les informations et les explications doivent être immédiatement accessibles et les Jeunes futurs volontaires pouvoir aisément accomplir les démarches nécessaires. Un Centre d'information sur le volontariat international (Civi) sera inauguré le 10 octobre. Il a vocation à renseigner sur l'accès à ce volontariat et à enregistrer les candidatures. Un site Internet est d'ores et déjà accessible. Enfin, mi-octobre, une campagne d'information sera lancée auprès des établissements scolaires, des universités, des centres d'information et de documentation de la jeunesse (CIDJ), des missions locales... Les premiers départs, c'était notre engagement, pourront avoir lieu dès cette fin d'année.
Expérience humaine et sociale, expérience professionnelle aussi, expérience plus globalement formatrice de l'individu... En privilégiant une forme renouvelée d'action au service des intérêts collectifs, nationaux ou internationaux, le volontariat civil concourra à l'éducation "civique" de notre jeunesse. Il représente une occasion supplémentaire, unique dans ses particularités, pour l'apprentissage et l'expression d'une citoyenneté active et responsable, mise au service d'un humanisme réfléchi qui caractérise l'action de la France dans le monde./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)
Mesdames et Messieurs,
Vous me permettrez tout d'abord d'excuser l'absence de M. Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères. Vous savez l'attachement qu'il porte à ce nouveau dispositif, le "volontariat civil", que j'ai présenté et défendu à ses côtés devant les deux assemblées. Mais vous savez aussi que l'actualité commande, et qu'il est aujourd'hui à Belgrade pour rencontrer le nouveau président de la République fédérale de Yougoslavie, M. Kostunica. On ne peut que se réjouir de ce dénouement heureux pour l'avenir de ce pays.
Si nous avons tenu, avec Hubert Védrine et François Huwart, à inaugurer ces locaux, flambants neufs, du Centre d'information sur le Volontariat international (CIVI), c'est pour souligner toute l'importance que le gouvernement de Lionel Jospin attache au succès de cette nouvelle forme d'engagement.
Dans deux ans, en décembre 2002, prendra fin l'obligation pour les jeunes français d'effectuer leur Service national. Cette décision a posé la question de la suppression des missions civiles, notamment en coopération, alors que depuis 35 ans cet engagement original a rencontré un remarquable succès. Depuis 1965, ce sont en effet près de 150 000 jeunes gens qui ont eu l'opportunité d'effectuer leur service national à l'étranger, au bénéfice de l'action extérieure de la France, sous toutes ses formes : diplomatique, culturelle, scientifique, économique.
L'apport de ces jeunes a été et demeure considérable, tant pour leur qualité que par leur nombre. Ils sont actuellement près de 7000 à servir à l'étranger, qu'ils soient présents en ambassade, dans nos centres culturels, mais aussi dans des associations de solidarité internationale, dans nos entreprises ou nos représentations commerciales, ou bien encore dans de nombreux laboratoires où ils concourent à faire connaître et à entretenir l'excellence scientifique française.
L'énergie, le dynamisme, le dévouement aussi de ces coopérants a contribué bien entendu à conférer aux missions qui leur sont confiées une utilité manifeste, tant pour eux-mêmes que pour la collectivité. C'est pourquoi le gouvernement s'est employé à imaginer et à mettre en uvre une formule nouvelle, qui permette, tout à la fois, de marquer son engagement au service de la solidarité nationale et internationale, et d'offrir à notre jeunesse la possibilité d'un engagement citoyen et civique, dans le cadre d'une expérience qui lui soit profitable.
C'est dans cet esprit qu'a été élaborée la loi, adoptée en février dernier et promulguée le 14 mars. C'est dans ce même esprit que le ministère des Affaires étrangères s'est associé avec le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, et en particulier avec le secrétariat d'Etat au Commerce extérieur, pour créer une structure commune d'information, de communication et d'enregistrement des candidatures : le Centre d'information sur le Volontariat international (CIVI).
Nous avons décidé d'unir nos efforts, parce que le "volontariat civil international" représente un véritable défi. Nous devons passer d'un système régi par l'obligation de servir à un dispositif fondé sur une démarche purement volontaire. Il nous faudra donc savoir attirer et convaincre.
Je ne doute pas de notre capacité à relever ce défi.
Le volontariat civil international représentera en effet pour chaque jeune une formidable occasion de s'ouvrir aux autres et au monde, de découvrir d'autres cultures et d'autres types d'organisation du travail, d'approfondir sa formation par une expérience à caractère professionnel, et donc de faciliter son insertion dans la vie active.
Il couvrira des champs d'intérêt extrêmement variés : l'action diplomatique, la solidarité internationale, la coopération au développement, l'entreprise et le commerce, l'action culturelle et scientifique. Cette diversité le rendra accessible à de très nombreux jeunes, d'horizons et de formations les plus variés. La pluralité des organismes d'accueil, administrations, entreprises, associations de solidarité internationale, collectivités locales, doit aussi être appréciée comme un atout et une richesse, qui favorisera l'expression des talents et des compétences, dans leur diversité.
Il sera évidemment ouvert aux hommes et aux femmes. C'était en théorie le cas en coopération depuis 1983, mais les jeunes filles n'ont en vérité que peu profité de cette possibilité qui restait, dans les esprits, très liée à l'obligation de service national. Je suis persuadé qu'elles seront nombreuses à vouloir elles aussi, à l'avenir, pouvoir s'investir à l'international.
J'ajouterai que ce volontariat marque également l'engagement européen de notre pays, sa contribution à l'idée de citoyenneté européenne, puisqu'il est ouvert aux jeunes ressortissants de pays membres de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Je suis sûr que nous saurons rencontrer l'intérêt de ces jeunes Européens.
Nous avions pris l'engagement de mettre rapidement en uvre le volontariat civil international une fois la loi adoptée, et de lui donner toute la publicité requise, non seulement afin que les informations soient immédiatement accessibles, mais aussi afin que les futurs jeunes volontaires puissent aisément exprimer leur demande et accomplir les démarches nécessaires. Vous pouvez le constater, c'est aujourd'hui chose faite. Avec Hubert Védrine et François Huwart, nous ne pouvons que nous en réjouir. La mission du CIVI sera de répondre à l'aspiration des jeunes de découvrir le monde, au service du rayonnement de la France.
Vous tous ici réunis, parlementaires, chefs d'entreprise, représentants de collectivités, responsables d'ONG, universitaires, journalistes, vous pouvez nous aider à atteindre cet objectif. Soyez en par avance remerciés./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)
Q - Vous allez ce matin inaugurer à Paris le Centre d'information sur le Volontariat international avec le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur. C'est l'application d'une loi qui a été votée au début de l'année : on supprime le service national et les jeunes qui sont en coopération vont servir au titre du "Volontariat international". C'est cela ?
R - Tout à fait. La professionnalisation des armées, donc la fin du service militaire, nous a obligés à nous poser la question de la prolongation des formes civiles du service national. Je rappelle que depuis 35 ans, 150 000 jeunes ont ainsi passé en moyenne 16 mois dans différentes fonctions - d'ambassades, de services culturels, d'entreprises - comme coopérants. Il s'agissait d'assurer la prolongation de ces missions. La loi a été présentée, votée à l'unanimité des deux Chambres - je me plais à le souligner -, et cet après-midi nous allons donc lancer en quelque sorte ce Centre d'information qui va être le guichet unique pour tous les jeunes qui veulent être volontaires pour servir à l'étranger, dans des structures qui peuvent être des entreprises, des ambassades, des services culturels, des ONG, des collectivités locales qui ont des activités à l'international. Bref, toute une série de missions qui vont permettre à ces jeunes, à la fois d'exprimer leur générosité, de satisfaire peut-être un besoin d'aventure, mais aussi de servir un parcours professionnel car cette expérience peut les aider.
Q - Pour occuper les chômeurs aussi ?
R - Oui, heureusement les choses vont mieux de ce point de vue. Mais il est vrai que la population peut être différente. Hier, il faut bien le dire, c'était comme on disait un peu en riant "les fils d'archevêques" qui faisaient parfois ces missions pour éviter...
Q - Mais il y a des jeunes sans diplômes qui ont du mal à trouver du travail et des fils d'immigrés, vous le dites dans l'explication, qui peuvent ainsi retrouver leurs racines ?
R - Il est vrai que parmi ceux qui pourraient être intéressés, en tout cas nous le souhaitons, il y a ces Français nés de parents étrangers qui peuvent à travers ce volontariat civil retrouver leurs racines et satisfaire peut-être le besoin de servir le pays qui est celui de leurs ancêtres.
Q - Cela s'adresse à des jeunes de 18 à 28 ans ?
R - Oui.
Q - Pendant quelle durée peuvent-ils coopérer ?
R - 24 mois : 6 mois au moins, 24 mois au plus. Je rappelle que les filles sont également concernées. On peut penser qu'il y aura autant de filles que de garçons.
Q - La rémunération est assurée pour partie par votre ministère, pour partie par les entreprises qui les accueillent ?
R - Tout dépend de la structure d'accueil. Mais dans tous les cas, il faut que le contrat soit agréé et la structure d'accueil agréée par le ministère compétent, c'est-à-dire le ministère des Affaires étrangères pour ceux qui vont servir dans les ambassades ou comme enseignants à l'étranger et par François Huwart, secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, pour le pôle économique.
Q - L'Etat a prévu de le proposer à combien de jeunes, d'en accueillir combien, et de dépenser combien pour cette affaire en 2001 ?
R - Actuellement, 7000 jeunes par an sont concernés, grosso modo 4000 pour les entreprises, 2500 pour les ambassades, les services culturels et les enseignants. On peut penser que c'est à peu près le même ordre de grandeur qui va commencer à se mettre en place. 2001 va être une année expérimentale. C'est en 2002 - fin officielle du service militaire - que le dispositif devrait se déployer complètement.
Q - Combien d'argent cela représente-t-il pour l'Etat dans une année pleine, en rythme normal ?
R - En ce qui nous concerne, c'est de l'ordre de 150 millions de francs environ. C'est à peu près cet ordre de grandeur que nous avons retenu pour l'an prochain.
Q - Vous parlez "d'un humanisme réfléchi" dans un article que vous avez écrit dans Le Figaro, hier. C'est ce qui inspire la démarche ?
R - Je crois en tout cas qu'il y a possibilité d'un engagement citoyen et de concilier, ce qui est intéressant, un projet professionnel personnel - rechercher une expérience - avec la volonté de servir. Je crois que ceci doit permettre à la France une meilleure présence à l'international, une meilleure présence aussi sur le terrain de la solidarité internationale. Nous y sommes très attentifs.
Q - Ce Centre d'information pour le Volontariat civil international sera mis en place aujourd'hui. Il y aura une campagne d'information, on aura donc l'occasion d'y revenir dans les semaines qui viennent. Je profite de votre présence pour aborder des sujets d'actualité : le Proche-Orient, la Yougoslavie sont des thèmes "chauds". Il y a aussi la Côte d'Ivoire avec des élections le 22 octobre. Il y a eu des candidats désignés, mais pas tous, acceptés, mais pas tous. Hier, il y a eu des atteintes à l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris. Est-ce que ce processus est délicat et vous pose problème ?
R - Nous le suivons de près, depuis la mutinerie qui a porté au pouvoir en décembre le général Gueï. La réforme de la constitution qui a traité notamment un sujet délicat dans un pays qui compte 30 % d'étrangers, celui de l'ivoirité et des conditions de nationalité des candidats, avait retenu notre attention. Le juge de la constitution a décidé, vendredi soir, d'écarter un certain nombre de candidats, dont deux représentants d'un parti important, celui de M. Ouattara, mais aussi les candidats du parti anciennement au pouvoir. Sans faire injure à trois autres candidats plus modestes, il reste en réalité deux candidats en lice, dont le général Gueï. Souhaitons au moins que les conditions dans lesquelles la campagne et le scrutin vont se dérouler, ne viennent pas écorner davantage la légitimité du futur président de la Côte d'Ivoire.
Q - On va lever les sanctions économiques à l'égard de la Yougoslavie. Cela veut-il dire qu'une coopération se met en place avec la Serbie maintenant ?
R - En tout cas, le dialogue politique rétabli avec Belgrade permet que le fonds Balkans puisse aider aussi la coopération à se développer en Yougoslavie, en Serbie. On peut imaginer des opérations de reconstruction-développement dont il semble bien que la Serbie a grand besoin.
Q - La France y est présente ?
R - Bien sûr.
Q - Proche-Orient : également une présence de coopération ?
R - Déjà.
Q - Qui va continuer dans cette période actuelle ?
R - Présence culturelle, relations culturelles avec Israël, présence aussi en Palestine. Souhaitons que la guerre soit évitée et que nous puissions reprendre ces coopérations pour le développement et la paix./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2000)