Texte intégral
C'est pour moi un honneur et un plaisir de vous accueillir au Centre de conférences internationales où vont se dérouler les travaux des institutions de promotion et de protection des Droits de l'Homme.
Après Tunis, Manille, Yaoudé, Mérida, Durban, voici les institutions nationales de protection et de promotion des Droits de l'Homme de nouveau rassemblées, ici, à Paris où en octobre 1991, étaient adoptés les principes d'indépendance et de pluralisme des opinions et des convictions qui ont inspiré la création de nombre d'institutions dans le monde.
Cette rencontre, souhaitée par tous l'an dernier à Mérida, chacun en perçoit aujourd'hui le caractère hautement symbolique. Comment ne pas être inspiré par l'événement qui nous réunit à la veille du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ?
Dans quelques jours, nous commémorerons officiellement le 10 décembre 1948 à Chaillot. Il s'agit là d'un acte qui "ouvre une carrière immense aux espérances du genre humain" pour reprendre les termes que Condorcet appliquait à la Révolution française et à la Déclaration de 1789.
Nous le ferons dans la joie, mais aussi dans la détermination. Plus que le retour aux sources d'une idée fondatrice, celle qui a mis en mouvement nos institutions, cette célébration les projettera aussi vers l'avenir. L'état du monde nous fait une obligation d'envisager pour elles un rôle toujours renouvelé.
La grande figure de René Cassin, un des pères de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, le père de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme française nous y invite.
A travers lui, c'est à tous les combattants des libertés et des Droits de l'Homme que je rends hommage, puisqu'il a su leur donner une référence, un exemple et une raison d'espérer.
Nous voici réunis dans la volonté de défendre une vision globale des Droits de l'Homme, universelle et indivisible. Sans elle, l'entreprise serait vaine, car elle est la condition même de l'élaboration d'un droit authentiquement universel, d'une norme qui organise la vie de tous les peuples. Interdisons-nous en effet de croire que dans ce domaine la bataille, lorsqu'elle est gagnée, l'est pour toujours. Mais elle n'est jamais perdue non plus. C'est une vague incessante et la fin de l'ouvrage reste sur l'horizon.
Des formes d'aliénation et d'exploitation disparaissent sous la pression de la communauté internationale et d'une conscience universelle vivace, aidée bien sûr par l'instantanéité de l'information, la multiplication des ONG et leur influence sur les médias, au sein même des instances de l'ONU, notamment.
L'attention aux organisations non gouvernementales et à un accès généralisé aux nouvelles techniques de l'information et de la communication sont à cet égard essentiels dans le combat permanent auquel nous sommes conviés par l'éthique et la solidarité.
D'autres atteintes à la dignité humaine et aux droits des personnes persistent ou apparaissent, liées à la mondialisation et aux nouveaux champs qu'ouvre la science dans le domaine de la vie et de l'intelligence artificielle ou des bio-technologies.
Plus généralement, ce monde du voisinage, de l'échange et du partage reste traversé par d'intolérables violations des droits fondamentaux de la vie humaine, qu'il s'agisse de l'absence de sécurité alimentaire, de la servitude, du travail forcé, du trafic et de l'exploitation sexuels d'êtres humains, des enfants engagés de force dans les conflits. Cette longue liste, hélas sans doute incomplète, nous invite à une action intense et diversifiée.
En cinquante ans, les progrès accomplis sont impressionnants. Depuis la création des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, les principes énoncés dans la Déclaration universelle de 1948 et repris dans les Pactes de 1966, puis déclinés dans plusieurs dispositifs régionaux, ont donné naissance à un corpus juridique dont le respect doit être d'abord assuré par les juridictions nationales.
Et voici que, cinquante ans après l'adoption de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la création d'une juridiction pénale internationale de nature permanente est devenue une perspective tangible. Pourtant, il reste tant à faire !
La politique de développement que la France conduit est indissociable d'une politique des Droits de l'Homme. C'est dans cette perspective que nous inscrivons, aussi, les moyens que nous consacrons au développement.
L'action de solidarité que nous menons pour améliorer l'accès aux besoins fondamentaux, pour aider les pays les plus démunis, pour contribuer à l'instauration de l'Etat de droit, respectueux des valeurs de démocratie, de pluralisme et d'alternance doit permettre à ces droits universels de devenir une référence concrète pour les jeunes Etats en quête de stratégies efficaces de développement durable.
Droits de l'Homme, développement et démocratie, nous les pensons d'un même mouvement.
Gardons-nous du confort. Gardons-nous de voir dans la démocratie un système politique en voie de généralisation inéluctable et consensuelle sur la planète. C'est encore, c'est aussi un idéal, une espérance et un ferment d'émancipation pour de nombreux combattants des Droits de l'Homme et de la liberté. C'est encore cette "puissance d'ébranlement" que voyait en elle Jean Jaurès.
Je songe ici à Pablo Neruda pour qui la liberté et la démocratie restaient cet arbuste fragile qui se nourrit de l'humus des victoires humaines et de la tradition des peuples, pour devenir l'arbre fort et solide, symbole de la liberté.
Le rôle de l'Etat qui, dans certaines instances et dans certains lieux, avait été un peu trop vite classé parmi les souvenirs de l'Histoire, est aujourd'hui en voie de réhabilitation. La mondialisation et les risques de dérèglement de l'économie de marché lui assignent un rôle d'arbitre et de garant de l'intérêt général dans le domaine des Droits de l'Homme et du respect de ces droits comme dans d'autres.
L'Etat de droit ne peut se construire qu'autour des principales fonctions régaliennes de justice, de solidarité, de sécurité. Comment garantir les libertés fondamentales, individuelles et collectives sans un Etat soucieux de définir et faire respecter la règle du jeu ?
Et son rôle est exigeant. Car on ne conçoit pas l'Etat d'un côté, les citoyens de l'autre. Non : les institutions démocratiques, le Parlement, les médiateurs, toutes nos instances régulatrices de la vie collective se nourrissent dialogue entre l'Etat et les citoyens. Elles s'enrichissent des diversités de nos sociétés. C'est le terreau de la citoyenneté, de la défense des Droits de l'Homme, de l'initiative économique, sociale, culturelle. C'est là que la saine gestion des affaires publiques trouve ses fondations.
Le développement participatif et le soutien à l'émergence de la démocratie locale sont, dès lors, des axes essentiels de toute coopération. De même, le libre exercice du pouvoir syndical est-il le complément indispensable du pluralisme politique.
L'existence d'une capacité syndicale moderne et structurée, prépare à la négociation avec les autorités. Elle permet de face aux bouleversements sociaux et aux tensions internes qu'entraînent les mutations économiques. Elle contribue à la stabilité politique.
L'appui institutionnel à la consolidation de l'Etat de droit et la promotion des Droits de l'Homme que la France inscrit dans sa politique de coopération s'articulent ainsi autour de la complémentarité. Les aides aux systèmes judiciaires ne vont pas sans soutien aux projets dont sont porteuses les associations oeuvrant dans le domaine des Droits de l'Homme, sans encouragement aux initiatives mettant en contact les pouvoirs publics, les professionnels et les acteurs de la société civile.
La mission d'institutions comme les votres est de promouvoir un dialogue nourri entre l'Etat, le Parlement, les syndicats et les associations de défense des Droits de l'Homme.
Le lien permanent, en temps réel, que permettent dorénavant les nouvelles technologies de l'information et de la communication, confère à la question des Droits de l'Homme une unité, une visibilité, une vitalité renouvelées ; comment ne pas penser à la décision de la Chambre des Lords à l'égard de M. Pinochet, qui a été connue simultanément à Paris, Londres, Madrid, Berne et surtout Santiago !
L'indifférence est traquée, tout autant que l'impunité, les responsabilités sont plus aisément identifiées. Comment ne pas être convaincus que les commissions nationales consultatives des Droits de l'Homme sont indispensables, incontournables comme diraient nos enfants.
Je souhaite à vos travaux vitalité, audience et influence. L'humanité le mérite.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)
Après Tunis, Manille, Yaoudé, Mérida, Durban, voici les institutions nationales de protection et de promotion des Droits de l'Homme de nouveau rassemblées, ici, à Paris où en octobre 1991, étaient adoptés les principes d'indépendance et de pluralisme des opinions et des convictions qui ont inspiré la création de nombre d'institutions dans le monde.
Cette rencontre, souhaitée par tous l'an dernier à Mérida, chacun en perçoit aujourd'hui le caractère hautement symbolique. Comment ne pas être inspiré par l'événement qui nous réunit à la veille du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme ?
Dans quelques jours, nous commémorerons officiellement le 10 décembre 1948 à Chaillot. Il s'agit là d'un acte qui "ouvre une carrière immense aux espérances du genre humain" pour reprendre les termes que Condorcet appliquait à la Révolution française et à la Déclaration de 1789.
Nous le ferons dans la joie, mais aussi dans la détermination. Plus que le retour aux sources d'une idée fondatrice, celle qui a mis en mouvement nos institutions, cette célébration les projettera aussi vers l'avenir. L'état du monde nous fait une obligation d'envisager pour elles un rôle toujours renouvelé.
La grande figure de René Cassin, un des pères de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, le père de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme française nous y invite.
A travers lui, c'est à tous les combattants des libertés et des Droits de l'Homme que je rends hommage, puisqu'il a su leur donner une référence, un exemple et une raison d'espérer.
Nous voici réunis dans la volonté de défendre une vision globale des Droits de l'Homme, universelle et indivisible. Sans elle, l'entreprise serait vaine, car elle est la condition même de l'élaboration d'un droit authentiquement universel, d'une norme qui organise la vie de tous les peuples. Interdisons-nous en effet de croire que dans ce domaine la bataille, lorsqu'elle est gagnée, l'est pour toujours. Mais elle n'est jamais perdue non plus. C'est une vague incessante et la fin de l'ouvrage reste sur l'horizon.
Des formes d'aliénation et d'exploitation disparaissent sous la pression de la communauté internationale et d'une conscience universelle vivace, aidée bien sûr par l'instantanéité de l'information, la multiplication des ONG et leur influence sur les médias, au sein même des instances de l'ONU, notamment.
L'attention aux organisations non gouvernementales et à un accès généralisé aux nouvelles techniques de l'information et de la communication sont à cet égard essentiels dans le combat permanent auquel nous sommes conviés par l'éthique et la solidarité.
D'autres atteintes à la dignité humaine et aux droits des personnes persistent ou apparaissent, liées à la mondialisation et aux nouveaux champs qu'ouvre la science dans le domaine de la vie et de l'intelligence artificielle ou des bio-technologies.
Plus généralement, ce monde du voisinage, de l'échange et du partage reste traversé par d'intolérables violations des droits fondamentaux de la vie humaine, qu'il s'agisse de l'absence de sécurité alimentaire, de la servitude, du travail forcé, du trafic et de l'exploitation sexuels d'êtres humains, des enfants engagés de force dans les conflits. Cette longue liste, hélas sans doute incomplète, nous invite à une action intense et diversifiée.
En cinquante ans, les progrès accomplis sont impressionnants. Depuis la création des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo, les principes énoncés dans la Déclaration universelle de 1948 et repris dans les Pactes de 1966, puis déclinés dans plusieurs dispositifs régionaux, ont donné naissance à un corpus juridique dont le respect doit être d'abord assuré par les juridictions nationales.
Et voici que, cinquante ans après l'adoption de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la création d'une juridiction pénale internationale de nature permanente est devenue une perspective tangible. Pourtant, il reste tant à faire !
La politique de développement que la France conduit est indissociable d'une politique des Droits de l'Homme. C'est dans cette perspective que nous inscrivons, aussi, les moyens que nous consacrons au développement.
L'action de solidarité que nous menons pour améliorer l'accès aux besoins fondamentaux, pour aider les pays les plus démunis, pour contribuer à l'instauration de l'Etat de droit, respectueux des valeurs de démocratie, de pluralisme et d'alternance doit permettre à ces droits universels de devenir une référence concrète pour les jeunes Etats en quête de stratégies efficaces de développement durable.
Droits de l'Homme, développement et démocratie, nous les pensons d'un même mouvement.
Gardons-nous du confort. Gardons-nous de voir dans la démocratie un système politique en voie de généralisation inéluctable et consensuelle sur la planète. C'est encore, c'est aussi un idéal, une espérance et un ferment d'émancipation pour de nombreux combattants des Droits de l'Homme et de la liberté. C'est encore cette "puissance d'ébranlement" que voyait en elle Jean Jaurès.
Je songe ici à Pablo Neruda pour qui la liberté et la démocratie restaient cet arbuste fragile qui se nourrit de l'humus des victoires humaines et de la tradition des peuples, pour devenir l'arbre fort et solide, symbole de la liberté.
Le rôle de l'Etat qui, dans certaines instances et dans certains lieux, avait été un peu trop vite classé parmi les souvenirs de l'Histoire, est aujourd'hui en voie de réhabilitation. La mondialisation et les risques de dérèglement de l'économie de marché lui assignent un rôle d'arbitre et de garant de l'intérêt général dans le domaine des Droits de l'Homme et du respect de ces droits comme dans d'autres.
L'Etat de droit ne peut se construire qu'autour des principales fonctions régaliennes de justice, de solidarité, de sécurité. Comment garantir les libertés fondamentales, individuelles et collectives sans un Etat soucieux de définir et faire respecter la règle du jeu ?
Et son rôle est exigeant. Car on ne conçoit pas l'Etat d'un côté, les citoyens de l'autre. Non : les institutions démocratiques, le Parlement, les médiateurs, toutes nos instances régulatrices de la vie collective se nourrissent dialogue entre l'Etat et les citoyens. Elles s'enrichissent des diversités de nos sociétés. C'est le terreau de la citoyenneté, de la défense des Droits de l'Homme, de l'initiative économique, sociale, culturelle. C'est là que la saine gestion des affaires publiques trouve ses fondations.
Le développement participatif et le soutien à l'émergence de la démocratie locale sont, dès lors, des axes essentiels de toute coopération. De même, le libre exercice du pouvoir syndical est-il le complément indispensable du pluralisme politique.
L'existence d'une capacité syndicale moderne et structurée, prépare à la négociation avec les autorités. Elle permet de face aux bouleversements sociaux et aux tensions internes qu'entraînent les mutations économiques. Elle contribue à la stabilité politique.
L'appui institutionnel à la consolidation de l'Etat de droit et la promotion des Droits de l'Homme que la France inscrit dans sa politique de coopération s'articulent ainsi autour de la complémentarité. Les aides aux systèmes judiciaires ne vont pas sans soutien aux projets dont sont porteuses les associations oeuvrant dans le domaine des Droits de l'Homme, sans encouragement aux initiatives mettant en contact les pouvoirs publics, les professionnels et les acteurs de la société civile.
La mission d'institutions comme les votres est de promouvoir un dialogue nourri entre l'Etat, le Parlement, les syndicats et les associations de défense des Droits de l'Homme.
Le lien permanent, en temps réel, que permettent dorénavant les nouvelles technologies de l'information et de la communication, confère à la question des Droits de l'Homme une unité, une visibilité, une vitalité renouvelées ; comment ne pas penser à la décision de la Chambre des Lords à l'égard de M. Pinochet, qui a été connue simultanément à Paris, Londres, Madrid, Berne et surtout Santiago !
L'indifférence est traquée, tout autant que l'impunité, les responsabilités sont plus aisément identifiées. Comment ne pas être convaincus que les commissions nationales consultatives des Droits de l'Homme sont indispensables, incontournables comme diraient nos enfants.
Je souhaite à vos travaux vitalité, audience et influence. L'humanité le mérite.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)