Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, en réponse à des questions d'actualité sur les conséquences sanitaires de l'utilisation de munitions à uranium appauvri durant le conflit au Kosovo, à l'Assemblée nationale le 10 janvier 2001.

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Texte intégral

L'uranium appauvri est un métal lourd qui entre dans la composition de certaines munitions afin de leur conférer une énergie très élevée. Ces munitions sont utilisées notamment contre des blindés lourds en raison de leur capacité de perforation supérieure. Elles l'ont été depuis des avions alliés contre des chars de l'armée yougoslave - eux-mêmes utilisés contre des populations civiles- en Bosnie en 1994-1995 et au Kosovo au printemps 1999.
La France possède de telles munitions mais elle ne les a jamais utilisées ni en opération ni en exercice. Lorsqu'ils éclatent, ces obus libèrent près de leur point d'impact des poussières fines qui peuvent se fixer partiellement dans l'organisme et y provoquer des maladies rénales. Il n'a en revanche jamais été établi que ces poussières pouvaient être à l'origine de processus cancéreux. Cette analyse est commune également à l'industrie de l'uranium.
Pour ce qui est des leucémies constatées chez des militaires, leur fréquence est demeurée constante dans notre pays et n'est d'ailleurs pas substantiellement différente de celle constatée dans la population civile adulte. Cela étant, nous avons décidé d'enquêter de manière plus approfondie sur tous ces cas de leucémie ; de conduire des recherches sur le terrain afin de déterminer s'il subsiste des traces d'uranium appauvri ; de renforcer le suivi médical de toutes les personnes ayant servi en ex-Yougoslavie ; enfin de demander que toutes les données médicales dont peuvent disposer les pays engagés au Kosovo, ce qui va bien au-delà de l'OTAN, soient mises en commun. Il me semble que le sujet mérite quelques instants d'attention supplémentaires.
Pour sa part, notre pays continuera à ne pas utiliser ces munitions à l'uranium appauvri, et cela relève d'une seule décision nationale, comme c'est la règle lorsqu'il n'existe pas de convention internationale sur le sujet.
Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le président de la commission, l'Assemblée nationale a engagé des investigations sur les risques sanitaires spécifiques des opérations du Golfe, parallèlement à une enquête menée en collaboration avec le secrétariat d'Etat à la santé. La commission de la défense a souhaité étendre son enquête aux opérations conduites en Bosnie et au Kosovo.
Le gouvernement, attaché au principe de précaution et à la transparence, respectueux du contrôle parlementaire, y est favorable et y collaborera sans réserve.
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Pour le Kosovo, nous avons su rapidement que les avions A10 qui bombardaient les chars yougoslaves utilisaient ces munitions. Je n'ai en revanche pas trouvé trace d'informations sur leur utilisation par les Américains dans leurs frappes aériennes en Bosnie en 1994 et 1995.
Nous avons ces dernières années analysé l'impact sanitaire de ces munitions. Il est apparu des risques plus proches de ceux liés à l'emploi de métaux lourds que de risques de nature radioactive. Les investigations se poursuivent. Les nations associées à ces opérations vont échanger leurs informations au cours de la réunion de l'Alliance qui se tiendra lundi prochain.
Dès l'entrée des forces au Kosovo, ordre a été donné à notre brigade d'éloigner nos militaires des sites où avaient eu lieu des frappes contre des chars. Bernard Kouchner a demandé que les investigations de terrain soient étendues.
La France détient en quantité limitée des munitions à l'uranium appauvri pour nos chars, mais n'en fabrique pas. Sur la décision de limiter le recours à une arme, la France possède une doctrine traditionnelle : rechercher un consensus international pour appliquer partout cette décision, sans la circonscrire à une région ou à une coalition.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2001)