Déclaration de M. Lionel Jospin, ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports, sur la scolarisation des jeunes malades ou handicapés, Marseille le 14 janvier 1989.

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Circonstance : Journées internationales pour l'intégration à Marseille les 14 et 15 janvier 1989

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur, Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs, les Elus, Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous pour participer à ces Journées Internationales pour l'Intégration, et puisque ces journées sont internationales, je voudrais saluer particulièrement nos hôtes étrangers.
Je voudrais vous dire que, après vous avoir entendu synthétiser les résultats de vos discussions, j'éprouve plus de plaisir encore à avoir accepté l'invitation que m'avait adressé l'Association "Pour l'Intégration en 89" de venir participer à vos travaux. Association à la naissance de laquelle je sais la part qu'a pris mon ami, Michel PEZET, Association que préside Jean-Louis JOSEPH, avec efficacité.
L'État, naturellement, doit assumer ses responsabilités dans le domaine que nous étudions aujourd'hui. Mais il est clair que le rôle d'associations comme PI 89 est extrêmement important pour donner aux accueils, aux réflexions, à la prise en compte de la réalité vivante, du vécu des enfants et des jeunes, de leurs parents, la souplesse, le caractère humain, les formes adaptées qui sont utiles pour prolonger, étayer, rendre plus précise l'action de l'État.
J'ai écouté avec intérêt les synthèses qui ont été faites par les différents rapporteurs. Ils ont voulu être brefs comme Michel PEZET, lui-même raccourci son propos par courtoisie et devoir d'hôte. Mais je mesure bien qu'elles sont, ces interventions, le résultat d'échanges beaucoup plus longs et beaucoup plus riches et je sais bien qu'elles sont l'expression de multiples vécus auxquels mon intervention rendra mal justice. Mais, je voudrais que vous sachiez que je le sais et je le comprends, y compris par mon histoire personnelle.
Je n'aurai pas l'occasion, puisqu'il n'a pas pu finalement venir, d'intervenir en public aux côtés de Monsieur GILLIBERT, Secrétaire d'Etat aux Personnes Handicapées et aux Accidentés de la Vie, mais je voudrais vous dire que j'ai annoncé avec lui, personnellement, et avec ses Services, une collaboration que nous entendons bien poursuivre. Enfin, je devrai repartir rapidement, vous me le pardonnerez, en sachant que tout mon week-end, quand je vous aurai quitté, sera réservé à la préparation des deux interventions que je dois faire, Mardi et Mercredi, l'une devant la table ronde réservée à la concertation sur le projet de loi d'orientation sur l'éducation que je vais proposer au Gouvernement et que le Gouvernement proposera au Parlement : et l'autre, le lendemain, le mercredi, à la négociation avec les représentants des personnels enseignants sur le dossier de la revalorisation de la fonction enseignante.
Je ne vous quitte pas pour flâner, mais pour travailler sur deux sujets fondamentaux et dont le deuxième au moins, n'est pas forcément facile à aborder. En tous cas, et j'en finis ainsi avec les propos liminaires, ces journées internationales et cette invitation de PI 89 me donnent l'occasion, peut être trop succinctement, peut-être trop abstraitement, sur un sujet si riche, de préciser quelle est la politique de l'éducation Nationale envers les jeunes malades et handicapés, de rappeler qu'il y a une politique et que cette politique va se développer et s'approfondir. Ce sera au fond, le cur même de mon intervention, comme vous pouviez vous y attendre.
L'école doit avoir comme ambition de donner à chaque jeune la possibilité de devenir un citoyen capable de s'insérer avec bonheur dans la vie professionnelle et sociale, de contribuer aux progrès culturels, scientifiques et économiques du pays. C'est pourquoi, il faut s'efforcer de donner à tous les élèves, une qualification minimale qui soit de niveau C.A.P. ou B.E.P. et pour 80 % d'entre eux, de niveau B.A.C. Ces objectifs, et quelques autres, qui seront rappelés dans le projet de loi d'orientation, assignés au système éducatif exigent un effort global, mais un effort particulier doit naturellement être fait en faveur de ceux qui sont le plus défavorisés face aux réalités et aux attentes de l'école. C'est ce qui fonde cette action particulière que je voudrais rappeler en trois points essentiels, dire ce qu'est le principe de base de notre action, conforme d'ailleurs, à la mission de l'école, à savoir assurer la scolarisation de tous les enfants et adolescents, indiquer les grands objectifs de la politique que je conduis, enfin, évoquer les moyens spécifiques qu'il faut développer au service de cette mission.
Je le disais, le principe fondamental de notre école, c'est d'assurer la scolarisation de tous les enfants et les jeunes ; et pour les enfants particuliers connaissant des problèmes particuliers auxquels nous pensons, ce principe aussi doit s'appliquer. Et cette volonté de réaliser une école véritablement ouverte à tous marque, je crois, l'histoire du système d'enseignement français.
Des orientations ont été fixées, des dispositifs mis en place, des résultats obtenus. Il est pourtant nécessaire de confirmer, de préciser, ou de compléter ce qui a été fait.
Cela concerne d'abord la scolarisation des enfants et adolescents handicapés. Cela concerne ensuite les enfants et adolescents malades.
Affirmée dans son principe par la loi d'orientation de 1975, l'intégration sociale des handicapés figure parmi les priorités définies par le plan intérimaire de 1981. Elle suppose une politique d'intégration scolaire des enfants et adolescents handicapés. Définie en 1982, elle a été précisée en 83 quant aux modalités de sa mise en uvre. Les résultats obtenus depuis lors sont, à mon sens, encourageants, et on le doit notamment, à la qualité et à l'engagement de tous ceux qui s'investissent auprès de ces jeunes, n'est-il pas nécessaire de le rappeler ? L'effort en ce domaine, doit être poursuivi afin de modifier les attitudes, de créer les conditions techniques, pédagogiques, et parfois institutionnelles, qui permettent l'accueil, le maintien ou le retour dans les établissements et les écoles des élèves handicapés.
La démarche d'intégration scolaire des élèves handicapés doit être entreprise chaque fois que le souhait des parents d'abord, l'accord des enseignants et des intervenants spécialisés, la garantie de conditions pédagogiques et techniques favorables, convergent pour formuler un projet réaliste. Le souhait a été rappelé ici par Madame PUJADE, que l'enfant soit confié le plus souvent possible au secteur scolaire ordinaire. Et j'ai pris note de son rapport comme des autres, qui m'ont été remis, et que je ramènerai à Paris pour l'usage de mon Ministère, ou pour l'usage d'autres Ministères comme cela a été souhaité.
La recherche des conditions permettant une scolarisation des élèves handicapés aussi proche que possible de celle du plus grand nombre suppose quelquefois le recours indispensable aux établissements et aux services spécialisés.
L'intégration ne peut être imposée ; elle peut cependant progresser grâce à l'information, à une bonne coordination des actions entre les services publics concernés, à un meilleur ajustement institutionnel. Les actions d'information et de sensibilisation destinées à tous les enseignants, qu'ils soient en formation, ou en exercice, devront être poursuivies et renforcées. Les liaisons et les coordinations entre les responsables et les services relevant du Ministère de l'Education Nationale, du Ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale, seront renforcées. Les dispositions réglementaires prises en 1983 seront précisées autant que de besoin.
L'histoire de la scolarisation des enfants malades est, elle aussi, longue et riche. Elle est organisée soit à l'hôpital, soit dans des établissements de soins et de cure, soit dans les écoles de plein air. Elle devrait être effective dans certains cas, au domicile même de l'enfant malade à partir des services de soins et d'éducation spécialisée à domicile.
Pour des raisons de justice et de cohérence dans l'action, il faut affirmer le droit des enfants et des adolescents atteints par la maladie de façon temporaire ou chronique, à recevoir l'enseignement prévu pour tous, ou un enseignement dispensé de manière spécifique tenant compte de leur état de santé. Les problèmes posés par les dispositions réglementaires à prendre, par les moyens à rassembler grâce au concours des différentes collectivités, sont d'ores et déjà, à l'étude.
J'en viens maintenant aux objectifs que j'évoquais tout à l'heure ; à deux objectifs essentiels qui sont à mon sens, d'assurer une réussite scolaire, et une insertion sociale pour les enfants et les jeunes concernés.
Assurer la réussite scolaire pour ceux qui ont mission de conduire le système éducatif est naturellement la première exigence. Quels que soient la nature et le degré de la maladie, des handicaps ou des difficultés éprouvés par les enfants et les adolescents, confrontés aux exigences de la scolarité, les progrès et la réussite de chacun sont subordonnés à l'organisation d'aides spécifiques. Cela suppose un état d'esprit, des actions convergentes, et des structures d'aides.
La première des conditions relève, je crois, d'un état d'esprit; Lorsque le handicap, la maladie, les difficultés résultant des conditions de vie semblent la cause d'un retard scolaire, on sous-estime, on mésestime souvent l'aptitude des jeunes qui en souffrent, à concevoir des projets pour eux-mêmes, et la volonté qu'ils ont de les réaliser. Ceux des enseignants qui exercent leurs fonctions auprès d'eux, connaissent bien, mieux que d'autres, le poids des déterminismes, mais aussi les forces insoupçonnées qui, chez les enfants et les adolescents peuvent leur faire échec. Il faut faire vivre pourtant avec prudence, j'allais dire avec délicatesse, cet état d'esprit. Et Madame GREGORY, je crois, l'a souligné, car la rencontre que l'on juge souhaitable, quand on dit aller le plus souvent possible vers l'école ordinaire, car la rencontre de l'enfant handicapé ou malade, avec l'école, avec le monde extérieur, peut être aussi parfois douloureuse, traumatique, et il faut aussi parfois, savoir protéger, retarder, ou accompagner le mouvement d'intégration vers l'école. Les actions convergentes sont nécessaires. Il est indispensable de procurer aux élèves malades ou handicapés les appuis techniques et pédagogiques permettant l'accès au savoir et au savoir-faire.
L'intégration d'élèves handicapés en milieu scolaire exige très fréquemment l'organisation d'interventions spécialisées relevant du Ministère de la Solidarité, de la Santé et des Affaires Sociales. Celles-ci sont souvent même l'une des conditions indispensables à la formulation, à la réalisation et au succès du projet d'intégration.
L'intégration enfin, requiert la collaboration de l'institution scolaire avec les partenaires extérieurs à l'école comme avec les intervenants spécialisés venant du secteur privé, comme les autres agissaient du secteur public, mais en dehors de la structure de l'école, médecins, rééducateurs, orthophonistes, infirmières, psychologue, kinésithérapeutes, assistantes sociales... j'ai peur d'en oublier... l'école doit accueillir ces collaborations, les intégrer dans son fonctionnement, cela dans le respect des compétences de chacun, des principes du service public, et dans le seul souci commun de l'intérêt des enfants. Cette collaboration entre l'école et les interventions ou des structures privées m'a paru être le point de vue exprimé notamment par monsieur COPPOLA.
Des structures d'aides, enfin, sont nécessaires. Ces structures d'aides sont faites pour les enfants qui présentent de réels handicaps, ceux dont nous parlions, ceux dont vous parliez. Mais, elles sont faites aussi pour d'autres, pour des élèves qui éprouvent des difficultés importantes à satisfaire les attentes du milieu scolaire. Mais qu'il s'agisse de comportement, ou d'un problème d'efficience dans les apprentissages, ces élèves souvent ne présentent pas formellement de handicaps reconnus, je devrais dire plutôt de handicaps formellement reconnus, et des aides doivent aussi leur être apportées. La première d'entre elles, qu'il s'agisse des uns et des autres, quelquefois déterminante, peut être celle, doit être celle du maître de la classe ordinaire, qui adapte son enseignement à la diversité de ses élèves. Des aides spécialisées d'adaptation scolaire et de rééducation ont été organisées dès 1970 ; en vue de la prévention des inadaptations scolaires et de la limitation de leurs effets. Le dispositif d'aides aux élèves en difficultés (groupes d'aides psychopédagogiques et classes d'adaptation) est bien connu. Il mobilise à l'école maternelle et élémentaire près du tiers de l'effectif des enseignants spécialisés. Les instituteurs spécialisés qui travaillent dans ces structures rééducateurs en psycho-motricité, rééducateurs en psycho-pédagogie et psychologues scolaires font du bon travail. Je sais qu'il y a un problème à régler pour les psychologues scolaires ; je connais aussi leur souhait de le voir régler vite, et c'est un problème compliqué sur lequel je travaille et pour lequel je ferai connaître les dispositions prises je crois, prochainement.
Une évaluation récente de ce dispositif a rassuré, quant à son efficacité globale. Il n'en demeure pas moins que des ajustements sont nécessaires. Sans remettre en cause les grands objectifs, la définition des missions, des rôles et des organisations conçues il y a près de vingt ans maintenant, ceux-ci doivent être revus et adaptés aux données actuelles. L'initiative reconnue aux instances et aux responsables locaux de l'Education Nationale grâce à la décentralisation, l'évolution et la déconcentration, l'évolution des qualifications professionnelles des enseignants spécialisés appellent une définition de règles nouvelles pour l'organisation du dispositif d'aides. Les objectifs visés sont l'adaptation aux caractéristiques des terrains, l'intégration des aides dans les projets d'écoles, le meilleur ajustement aux difficultés présentées par les élèves.
Naturellement, d'autres aides aux enfants en difficultés et à leurs parents, sont offertes par des instances extérieures à l'école : centre médico-psycho-pédagogiques, dispensaires d'hygiène mentale, secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Leur collaboration avec les écoles et établissements scolaires doit être facilitée et confortée -et j'ai, à cet égard écouté les remarques, j'allais un instant dire : les "rires et les pleurs" du Docteur PASTOURET. Je devrais ajouter d'ailleurs à ces C.M.P.P. à ces dispensaires d'hygiène mentale, à ces secteurs de psychiatrie infanto-juvénile, ces services de soins et d'éducation spécialisée à domicile que j'évoquais tout à l'heure.
Le deuxième objectif, après la recherche de l'intégration et de la réussite scolaire, c'est de s'efforcer d'assurer une insertion sociale pour tous.
Les formations générales et professionnelles doivent permettre à chacun de réaliser ses aspirations. En conséquence, elles doivent impérativement donner une réelle possibilité d'insertion professionnelle en même temps qu'elles doivent préparer, pour le jeune, sa capacité d'adaptation au changement. La mise en uvre de ces principes ne peut être réservée seulement à une majorité des jeunes, abandonnant les autres au hasard d'une activité sociale et professionnelle précaire et marginale. Dans le projet de loi d'orientation dont je vais débattre bientôt avec l'ensemble des acteurs et des partenaires de l'Education Nationale, dans une démarche qui est, je crois, sans précédent, qui est la première, je vais naturellement, proposer de rappeler l'objectif de conduire 80 % des jeunes d'une classe d'âge au niveau du B.A.C., mais comme je le disais tout à l'heure, je proposerai aussi un autre objectif : aucun jeune ne doit sortir du système éducatif sans un niveau de formation minimum qui pourrait être celui du C.A.P. ou du B.E.P. On ne doit pas oublier les 20 % d'enfants et de jeunes restants, l'école doit potentiellement travailler pour l'ensemble, pour les 100 % pour tous les enfants et les jeunes.
Il en résulte que tous les élèves, quelles que soient leurs caractéristiques personnelles, celles de leur situation sociale et familiale, quels que soient les établissements scolaires qu'ils fréquentent, doivent bénéficier d'une formation générale et professionnelle leur permettant autant qu'il est possible d'acquérir l'indépendance économique, d'exercer les droits et les devoirs du citoyen, et de s'éprouver comme membre à part entière d'une société solidaire. C'était le souci, je crois, exprimé par Madame GIRAUD.
Les formations générales et professionnelles destinées aux jeunes handicapés et malades seront donc définies par des objectifs, des contenus, des certifications dont la référence est commune à tous les élèves de nos écoles, même si elles doivent être adaptées, le refus des métiers réservés, les impasses sociales, les pseudo qualifications n'excluant pas naturellement la diversité des parcours scolaires. Il faut pour ces jeunes plus que pour d'autres encore, variété des formes de scolarité, assouplissements des normes d'âges, souplesse des orientations. S'imposent également la diversification des méthodes d'enseignement, et des formes d'aides, l'adaptation des contrôles de connaissances en vue de la délivrance des diplômes qualifiants.
J'en viens maintenant, Mesdames, Messieurs, à la dernière partie de mon intervention et qui porte sur les moyens spécifiques que nous nous sommes donnés, et que nous voulons développer au service de la mission qui nous rassemble aujourd'hui.
Cela pose le problème des structures d'accueil : cela pose le problème de la formation des enseignants.
L'école est présente dans les établissements spécialisés, et le rôle important de ces établissements spécialisés a déjà été souligné. Il importe que le fonctionnement de ces établissements intègre, dans la plupart des cas, un service scolaire. Il est nécessaire, que dans ce cas, l'unité de cet ensemble pédagogique soit reconnue clairement, dans sa fonction, et dans son organisation spécifique. Une meilleure définition du statut de ces unités scolaires doit être étudiée. La convergence et l'efficacité de l'action de l'État, de celle des Collectivités Locales et des Associations supposent une nette répartition de leurs responsabilités, et en même temps, une collaboration. C'est cet état d'esprit qui inspirait, je pense, le rapport de Monsieur SOTO.
Les sections et établissements, sections d'éducation spécialisée (S.E.S.) établissements régionaux d'enseignement adapté (E.R.E.A.) sont un autre objet d'études particulières.
Le souci de l'insertion sociale et professionnelle des plus défavorisés a depuis longtemps inspiré d'importantes réalisations. Les écoles nationales de perfectionnement, instituées en 1951, se sont multipliées et sont devenues aujourd'hui les écoles régionales d'enseignement adapté. J'ai une tendresse particulière pour ces écoles ; je les connais bien puisque j'ai vécu en leur sein longtemps, mon père dirigeant pendant plus de vingt ans une école nationale de perfectionnement, ma mère y étant infirmière, vivant moi-même en dehors de mes études, au milieu de ces adolescents et de leurs problèmes. Pendant plus de cinq ans, chaque été partant avec eux en camp d'adolescents, j'ai partagé pendant au moins une partie de ma vie, une des plus passionnantes, celle où on se forme, où on se transforme, celle qui conduit de 18 à 23 ans, j'ai partagé une partie de votre vécu, et la plupart de mes compagnons, de mes camarades étaient éducateurs, enseignants ou psychologues.
Les sections d'éducation spécialisée annexées à certains collèges, 25 % environ, on peut dire qu'il y a à peu près un collège sur quatre qui a une S.E.S. créées en 1967, accueillent aujourd'hui plus de 110 000 élèves, et il s'y fait un travail de grande qualité.
Dans d'autres établissements placés sous d'autres tutelles que celle du Ministre de l'Éducation Nationale, notamment les établissements médico-éducatifs, les établissements dits à prix de journée, d'un terme que je n'aime guère, des enseignants publics collaborent à la formation des jeunes dans des contextes pluridisciplinaires qui exigent ouverture d'esprit, initiative et capacité d'adaptation permanente. C'est dire que ces ensembles institutionnels sont prêts à mettre en uvre les directives nouvelles qu'ils ont d'ailleurs eux-mêmes souvent préfigurées. Les élèves qui ont été admis dans les S.E.S. et les E.R.E.A. doivent pouvoir y accomplir la totalité du cursus prévu. Ils doivent pouvoir aussi y faire l'objet d'une observation attentive et être orientés quand ils sont aptes, vers d'autres établissements de formation professionnelle, y compris les lycées professionnels. J'ai toujours un peu froid dans le dos quand je lis tel ou tel rapport dont il faut naturellement vérifier de façon précise la validité, dire que l'on peut trouver, ou que l'on a trouvé, ou que l'on trouve trop souvent, dans des S.E.S. des jeunes qui ont été davantage orientés là parce qu'ils avaient, par exemple tel ou tel handicap de langue, par exemple enfants d'immigrés, que en raison de véritables problèmes. Et je pense qu'il faut, qu'il est nécessaire que dans ces lieux, les enfants soient suivis avec une attention particulière qui permette d'éviter ces erreurs d'orientations, qui sont souvent gênantes pour les jeunes qui n'ont pas de difficultés particulières scolaires, ou qui en ont de légères, mais qui peuvent être alors profondément dramatiques pour des enfants dont la place n'est pas dans ces structures. L'horaire des enseignements professionnels doit être le plus proche possible de celui des lycées professionnels. Les programmes d'enseignement général, même s'ils sont adaptés, trouvent leurs références dans ceux qui sont prévus pour tous. Lorsqu'elle s'avère nécessaire, la révision du choix des spécialités professionnelles doit être effectuée aux fins de mieux répondre aux conditions locales et actuelles du marché du travail et à l'évolution des technologies. La carte des spécialités professionnelles sera intégrée aux schémas régionaux de formation.
Un effort particulier doit être fait pour permettre aux élèves l'évaluation permanente de leurs acquits, et aux enseignants celle des effets de leur pédagogie. L'évaluation des acquits doit s'accompagner de leur certification. Des dispositions seront prises dans les mois qui viennent pour préciser et mettre en uvre ces orientations.
Il faut aussi, je le disais tout à l'heure, donner aux maîtres une solide formation initiale et continue. Ces dispositions ne peuvent prendre leur plein effet que si la formation des maîtres d'enseignement général ou professionnel fait l'objet d'un effort particulier. Elle continuera à être organisée dans des centres régionaux. Ces modalités pourront être revues lorsque cela apparaîtra nécessaire. Un programme de formation permanente visant à compléter et à adopter leur compétence doit être développée et coordonner les actions de formation continue, départementale, régionale et nationale. Les retards dans le domaine de la formation initiale spécialisée des professeurs des lycées professionnels seront progressivement comblés.
La recherche et l'expérimentation concernant les pratiques de l'enseignement des jeunes handicapés, en difficultés, ou malades, de la formation des personnels concernés, jouent un rôle important dans les progrès attendus. Ces tâches seront confiées à un établissement public national, issu de la fusion des centres nationaux de SURESNES, et BEAUMONT, qui assurera une mission de formation, qui fera connaître le résultat de ses travaux par la publication de documents, l'organisation de stages et de journées d'études. Dans le cadre de ces missions, cet établissement sera appelé à collaborer avec les services des différents Ministères, d'autres établissements publics, les associations et organismes nationaux ou internationaux.
Mesdames, Messieurs, je veux conclure. Le faire en disant que j'ai conscience de la diversité des handicaps qui ne peuvent pas être confondus dans un espèce de fourre-tout, que nous traitons de la multiplicité des cas individuels d'enfant et de jeunes qui sont posés et auxquels vous êtes confrontés dans votre action professionnelle. Je voudrais vous rappeler les choix qui sont les miens et qui consistent à refuser la société duale, à refuser les ségrégations, à refuser les sous-qualifications. Je voudrais vous rappeler les orientations que je me suis efforcé d'exposer : communauté des objectifs et des références pour tous les enfants et les jeunes, diversité des modes de scolarisation, même si j'ai bien entendu ce souhait de passer le plus souvent possible par l'école ordinaire, confirmation de la pratique d'intégration scolaire des élèves handicapés, amélioration de la scolarité des enfants et des adolescents malades, réorganisation des aides spécialisées en faveur des élèves non handicapés, en difficulté à l'école, développement des interventions spécialisées, facilitant à l'école l'intégration des élèves handicapés, modernisation du cursus de formation professionnelle, et de la certification des acquis pour les jeunes, mesures visant à compléter et à adapter les formations des personnels concernés, spécialisés ou non, création d'un Centre National de Recherches et d'Expérimentations dans le domaine des pratiques pédagogiques, et de la formation des personnels.
Je voudrais vous dire enfin qu'il y a, à mon sens, une cohérence profonde entre la politique scolaire en faveur des plus défavorisés, la politique éducative dans son ensemble, la politique du Ministère de l'Education Nationale, celle du Ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale, et celle du Secrétariat d'Etat aux Handicapés et aux Accidentés de la Vie, telles que leurs responsables veulent conduire leur mission, enfin une cohérence avec la politique générale du Gouvernement dont il n'est pas de mon propos de parler aujourd'hui.
Marquer la cohérence profonde des objectifs proposés avec les valeurs de solidarité, de justice et de dignité des personnes, c'est une façon de dire que la République doit avoir le même regard sur tous ses enfants.
Je vous remercie.