Texte intégral
Q - Le sommet de Biarritz intervient à mi-parcours de la présidence française de l'Union européenne. L'impression générale est que la réforme institutionnelle n'avance pas beaucoup. Etes-vous optimiste sur les chances de progrès à Biarritz ?
R - C'est vrai que pendant deux mois nous étions dans une situation un peu inquiétante. Les délégations répétaient les mêmes positions figées. Mais depuis la rentrée de septembre et les "conclaves" ministériels que nous avons tenus, nous assistons à quelque chose de nouveau. Premièrement, il y a des sujets sur lesquels nous avançons bien, le vote à la majorité qualifiée ; les coopérations renforcées, sur lesquelles maintenant existe un accord de principe. Deuxièmement, nous sommes dans un état d'esprit de discussion générale. Tout le monde veut conclure un traité au sommet de Nice (en décembre). La négociation reste très difficile. C'est normal, les enjeux sont importants et les différences le sont aussi. Mais on observe une volonté de discuter. Biarritz est très important, car c'est un moment de cristallisation. C'est la première fois, depuis Amsterdam en 1997, que les chefs d'Etat et de gouvernement pourront parler au fond de la réforme institutionnelle.
Q - La France a des réserves sur l'extension du vote à la majorité qualifiée concernant la politique commerciale et l'exception culturelle. Allez-vous maintenir ce blocage ?
R - C'est un sujet qui est vraiment très important pour nous. Nous sommes attachés à un certain modèle européen qui est un modèle social, agricole et aussi culturel. Il y a eu ce qu'on a appelé "l'exception culturelle". Il y a, de façon plus générale, l'identité culturelle, de l'Europe collectivement et de chacun de ses Etats, que nous souhaitons affirmer. Dans ce domaine-là, il nous semble effectivement que les décisions commerciales doivent continuer d'être prises dans un esprit de consensus, et donc que nous en restions à la règle de l'unanimité. C'est une position politique tout à fait fondamentale qui tient à l'attachement que nous avons à une culture vivante, une culture qui a son identité, une culture qui sans être opposée à la culture américaine, ne s'américanise pas pour autant.
Q - Il ne reste que deux mois pour conclure d'ici au sommet de Nice. Devant les blocages persistants, pensez-vous qu'il soit encore possible d'aboutir ? Un report de la discussion à la présidence suédoise (début 2001) serait-il grave ?
R - Ce serait grave, car tout le monde se rend compte que la présidence française, par le rôle qui est le sien dans l'Union européenne depuis toujours, par la spécificité de sa voix, par la force de son projet politique, est sans doute mieux placée que d'autres pour parvenir à un accord. Il y a effectivement une forme d'urgence à conclure à Nice. Cette réforme est indispensable pour que l'Union européenne fonctionne, résolve sa crise d'identité, et s'élargisse vers l'Est. J'ai une conviction tranquille : quelles que soient les difficultés, nous parviendrons à les traiter. Mais il faut impérativement que ce soit un bon traité à Nice. Nous préférons toujours pas de traité du tout plutôt qu'un mauvais traité ou un accord au rabais.
Q - Sur la question de la pondération des voix lors des votes des gouvernements, il semble que l'Allemagne, du fait de son poids démographique, réclame un nombre de voix un peu supérieur aux autres grands pays de l'Union. La France peut-elle l'accepter ?
R - Je n'ai jamais entendu cette position exprimée de façon officielle au plus haut niveau.
Q - Elle s'exprime au moins au niveau des fonctionnaires.
R - Je suis un ministre de la République, je serai présent au Conseil européen et, pour moi, les voix autorisées sont celles du chancelier et du ministre des Affaires étrangères. Le reste est bien sûr très significatif, mais pas représentatif. Je citerai le chancelier Gerhard Schroeder lui-même, qui a dit que ce sujet ne poserait pas de problème entre nous. C'est aussi ma conviction.
Q - Le nouveau président yougoslave Vojislav Kostunica a été invité à Biarritz. L'UE vient de lever la plupart de ses sanctions contre la Serbie. La lune de miel avec la Serbie n'est-elle pas un peu rapide ?
R - Il ne s'agit pas d'un rapprochement avec la Serbie au sens où nous retrouverions des axes passés ou des amitiés privilégiées. Il s'agit de dire aux Serbes, aux Yougoslaves, que le mouvement démocratique dans lequel ils se sont lancés, que la révolution pacifique qui est la leur, a le plein soutien de l'Union européenne, et que l'Union européenne est bien l'avenir d'une Yougoslavie qui retrouverait définitivement la sécurité, la stabilité, la paix et la démocratie. C'est vrai que des questions se posent pour l'avenir. Il y a la question du Monténégro, du Kosovo, il y a la question du nationalisme, il y a la question de l'inculpation de Milosevic devant le Tribunal pénal international. Mais aujourd'hui, il y a une urgence et une seule : consolider cette révolution./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2000)
R - C'est vrai que pendant deux mois nous étions dans une situation un peu inquiétante. Les délégations répétaient les mêmes positions figées. Mais depuis la rentrée de septembre et les "conclaves" ministériels que nous avons tenus, nous assistons à quelque chose de nouveau. Premièrement, il y a des sujets sur lesquels nous avançons bien, le vote à la majorité qualifiée ; les coopérations renforcées, sur lesquelles maintenant existe un accord de principe. Deuxièmement, nous sommes dans un état d'esprit de discussion générale. Tout le monde veut conclure un traité au sommet de Nice (en décembre). La négociation reste très difficile. C'est normal, les enjeux sont importants et les différences le sont aussi. Mais on observe une volonté de discuter. Biarritz est très important, car c'est un moment de cristallisation. C'est la première fois, depuis Amsterdam en 1997, que les chefs d'Etat et de gouvernement pourront parler au fond de la réforme institutionnelle.
Q - La France a des réserves sur l'extension du vote à la majorité qualifiée concernant la politique commerciale et l'exception culturelle. Allez-vous maintenir ce blocage ?
R - C'est un sujet qui est vraiment très important pour nous. Nous sommes attachés à un certain modèle européen qui est un modèle social, agricole et aussi culturel. Il y a eu ce qu'on a appelé "l'exception culturelle". Il y a, de façon plus générale, l'identité culturelle, de l'Europe collectivement et de chacun de ses Etats, que nous souhaitons affirmer. Dans ce domaine-là, il nous semble effectivement que les décisions commerciales doivent continuer d'être prises dans un esprit de consensus, et donc que nous en restions à la règle de l'unanimité. C'est une position politique tout à fait fondamentale qui tient à l'attachement que nous avons à une culture vivante, une culture qui a son identité, une culture qui sans être opposée à la culture américaine, ne s'américanise pas pour autant.
Q - Il ne reste que deux mois pour conclure d'ici au sommet de Nice. Devant les blocages persistants, pensez-vous qu'il soit encore possible d'aboutir ? Un report de la discussion à la présidence suédoise (début 2001) serait-il grave ?
R - Ce serait grave, car tout le monde se rend compte que la présidence française, par le rôle qui est le sien dans l'Union européenne depuis toujours, par la spécificité de sa voix, par la force de son projet politique, est sans doute mieux placée que d'autres pour parvenir à un accord. Il y a effectivement une forme d'urgence à conclure à Nice. Cette réforme est indispensable pour que l'Union européenne fonctionne, résolve sa crise d'identité, et s'élargisse vers l'Est. J'ai une conviction tranquille : quelles que soient les difficultés, nous parviendrons à les traiter. Mais il faut impérativement que ce soit un bon traité à Nice. Nous préférons toujours pas de traité du tout plutôt qu'un mauvais traité ou un accord au rabais.
Q - Sur la question de la pondération des voix lors des votes des gouvernements, il semble que l'Allemagne, du fait de son poids démographique, réclame un nombre de voix un peu supérieur aux autres grands pays de l'Union. La France peut-elle l'accepter ?
R - Je n'ai jamais entendu cette position exprimée de façon officielle au plus haut niveau.
Q - Elle s'exprime au moins au niveau des fonctionnaires.
R - Je suis un ministre de la République, je serai présent au Conseil européen et, pour moi, les voix autorisées sont celles du chancelier et du ministre des Affaires étrangères. Le reste est bien sûr très significatif, mais pas représentatif. Je citerai le chancelier Gerhard Schroeder lui-même, qui a dit que ce sujet ne poserait pas de problème entre nous. C'est aussi ma conviction.
Q - Le nouveau président yougoslave Vojislav Kostunica a été invité à Biarritz. L'UE vient de lever la plupart de ses sanctions contre la Serbie. La lune de miel avec la Serbie n'est-elle pas un peu rapide ?
R - Il ne s'agit pas d'un rapprochement avec la Serbie au sens où nous retrouverions des axes passés ou des amitiés privilégiées. Il s'agit de dire aux Serbes, aux Yougoslaves, que le mouvement démocratique dans lequel ils se sont lancés, que la révolution pacifique qui est la leur, a le plein soutien de l'Union européenne, et que l'Union européenne est bien l'avenir d'une Yougoslavie qui retrouverait définitivement la sécurité, la stabilité, la paix et la démocratie. C'est vrai que des questions se posent pour l'avenir. Il y a la question du Monténégro, du Kosovo, il y a la question du nationalisme, il y a la question de l'inculpation de Milosevic devant le Tribunal pénal international. Mais aujourd'hui, il y a une urgence et une seule : consolider cette révolution./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2000)