Texte intégral
Monsieur le Ministre, Maire de Saint-Agrève,
Messieurs les Préfets,
Monsieur le Président du Conseil général de l'Ardèche,
Monsieur le Président du SIVOM du Plateau Vivarais-Lignon,
Cher Jean-François Manier,
Mesdames et Messieurs les bibliothécaires,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Ce matin, au Chambon-sur-Lignon, j'ai eu la joie de signer le document par lequel l'Etat s'engage, aux côtés des collectivités territoriales, à apporter son concours au projet de Centre du Plateau Vivarais-Lignon pour l'accueil et les résistances, porté par le SIVOM du Plateau Vivarais-Lignon et dont l'objectif, fidèle à la tradition de simplicité et de discrétion des habitants du Plateau, n'est pas l'autocélébration de l'héroïsme mais bien plutôt l'éducation, fondée sur l'analyse de l'histoire et l'apprentissage de l'ouverture aux autres et de la résistance à l'oppression.
Ce projet remarquable et particulièrement émouvant à mes yeux aurait amplement justifié à lui seul mon déplacement. Mais j'ai eu la satisfaction d'apprendre qu'il s'inscrivait en réalité dans une longue série d'expériences culturelles passionnantes, conduites elles aussi avec l'ensemble des communes du Plateau ; des initiatives que le ministère de la Culture et de la Communication a souhaité accompagner depuis le début, tant elles correspondent aux priorités qui guident notre action : aménagement culturel du territoire, intercommunalité, élargissement des publics de la culture...
Car si la caractéristique la plus spectaculaire de votre SIVOM est de s'étendre sur deux départements et même sur deux régions, son trait distinctif le plus fort est sans nul doute d'avoir fait de la culture, avec le tourisme, l'un des moteurs essentiels du développement local.
La coopération entre le SIVOM du Plateau Vivarais-Lignon et les directions régionales des affaires culturelles d'Auvergne et de Rhône-Alpes débute en effet en 1995 et se traduit aussitôt par la signature d'une convention de développement culturel, suivie de deux avenants en 1996 et en 1997. Rarement convention de développement culturel, j'ai plaisir à vous le dire, aura été plus fructueuse et c'est pour en recueillir ensemble les fruits que nous sommes réunis aujourd'hui à Saint-Agrève.
Tout commence par une opération d'inventaire : celui des deux cantons de Saint-Agrève et de Tence, réalisé conjointement par les services régionaux de l'inventaire d'Auvergne et de Rhône-Alpes (car nous aussi, à votre contact, nous sommes en train d'apprendre à travailler dans un cadre interrégional, ce qui n'est pas si fréquent !) ; inventaire passionnant d'un pays qui a su conserver une forte identité historique, géographique et patrimoniale et qui débouche aujourd'hui sur la publication d'un superbe numéro de la collection Images du patrimoine.
Une telle publication est toujours un événement heureux et particulièrement utile pour la connaissance et la promotion de notre patrimoine, compte tenu de la qualité du travail des équipes de terrain -chercheurs ou photographes- comme des rédacteurs de ces ouvrages, mais elle ne constitue plus à proprement parler une surprise (je crois que le numéro sur le Vivarais-Lignon porte le numéro 205 de cette prestigieuse collection).
Je note en revanche, car cela est plus singulier, que c'est la réalisation de cet inventaire, la prise de conscience qui en est résultée, les actions de diffusion organisées en partenariat avec les associations locales tout au long de l'étude -mise en place d'itinéraires, expositions thématiques, projets pédagogiques- qui sont à l'origine d'un projet de Pays d'art et d'histoire qui a retenu toute notre attention et qui pourrait être présenté au Conseil national des villes et pays d'art et d'histoire au printemps 2001. Le Plateau Vivarais-Lignon possède en effet des atouts considérables que trois mots résument bien : un patrimoine, une volonté politique et un projet.
Le patrimoine, riche et original, est celui d'un territoire marqué par une histoire forte et des particularités qui tiennent notamment à cette culture protestante fortement implantée sur le Plateau : c'est la culture de la " Montagne "... Le travail d'inventaire a permis de mettre l'accent sur l'habitat rural de fermes et de maisons fortes, le patrimoine religieux avec ses maisons de béates et ses temples, mais aussi ses églises, le patrimoine industriel des filatures et des moulins et ce paysage remarquable marqué par l'utilisation de matériaux traditionnels tels que la lauze et le chaume.
La volonté politique est celle-là même qui se manifeste dans toutes les actions que vous avez entreprises depuis la création du SIVOM en 1983 et tout particulièrement dans cette politique culturelle ambitieuse, outil au service du développement et qui vise à la fois la population locale et les touristes qui vous rendent visite, politique dont je soulignais à l'instant la pertinence et l'originalité.
Quant au projet, il consiste à développer, dans une exigence de qualité, les actions entreprises en matière de valorisation du patrimoine en leur fournissant un cadre de référence. La professionnalisation sera d'abord recherchée, grâce au recrutement d'un animateur du patrimoine et à l'agrément de guides-conférenciers ; une exposition permanente, sorte de centre d'interprétation du territoire, sera réalisée et l'on s'efforcera de nouer des relations avec d'autres territoires travaillant dans le même esprit au sein du réseau national des villes et des pays d'art et d'histoire.
Le Pays d'art et d'histoire du Plateau Vivarais-Lignon aura donc quatre thématiques principales : l'habitat rural, le paysage, l'architecture et la culture religieuses et enfin l'accueil et la tolérance. L'exposition permanente sur le patrimoine du plateau serait présentée à Saint-Agrève, cependant que le Centre du Plateau Vivarais-Lignon pour l'accueil et les résistances, implanté au Chambon-sur-Lignon, constituerait un point fort thématique du Pays d'art et d'histoire.
Mais la coopération entre le SIVOM du Plateau Vivarais-Lignon et le ministère de la Culture et de la Communication a également permis le lancement de nombreuses actions dans le domaine du livre et de la lecture, qui débouchent aujourd'hui sur l'attribution du label pays-lecture - une première en France puisqu'il n'existait jusqu'à cette date que des villes-lecture. C'est l'objet même de la convention que nous nous apprêtons à signer.
Cette aventure du pays-lecture a démarré en fait il y a huit ans et sa cheville ouvrière en a été sans aucun doute Jean-François Manier, dont je viens de visiter avec beaucoup d'intérêt la très remarquable imprimerie-maison d'édition Cheyne installée au Chambon-sur-Lignon. Jean-François Manier est aussi conseiller municipal du Chambon et représentant de sa commune au SIVOM.
Au Chambon-sur-Lignon et à Saint-Agrève, deux bibliothèques municipales ont été construites avec le concours de l'Etat dans les dix dernières années cependant qu'un troisième projet se dessine à Tence. Un projet de mobilisation de tous les acteurs du livre - au sens le plus large puisqu'il fait se rencontrer bibliothécaires, libraires, éditeur, enseignants, documentalistes, personnels de la petite enfance, travailleurs sociaux etc. - est né et un ensemble d'actions culturelles d'envergure centrées sur le livre et la lecture a été mené à bien pendant plusieurs années.
C'est l'exemplarité de cette démarche en zone rurale que l'Etat a d'abord voulu reconnaître et soutenir dans le cadre de la convention de développement culturel évoquée plus haut. Mais aujourd'hui, après un bilan très sérieux des acquis et des faiblesses, l'heure est venue de conforter cette expérience grâce à la procédure des contrats ville-lecture. Comme pour le projet de pays d'art et d'histoire, il s'agit d'affirmer l'intercommunalité, de professionnaliser l'action en formant les bénévoles, de toucher enfin de nouveaux publics par des actions nouvelles. La commission nationale ne s'y est pas trompée, qui a décidé en septembre dernier d'accorder exceptionnellement le label pays-lecture au SIVOM Vivarais-Lignon ; il s'agit là d'une première dans un dispositif prévu à l'origine pour qualifier les projets de développement de la lecture des villes. Mais c'est une innovation sans doute promise à un bel avenir, compte tenu de la dynamique intercommunale qui se développe en France dans le domaine de la culture.
Et je voudrais conclure en soulignant une fois de plus non pas seulement le caractère novateur des actions conduites sur le Plateau Vivarais-Lignon, mais encore l'impressionnante cohérence qui, de l'intérêt pour le patrimoine à l'amour des livres, passe par l'accueil et la tolérance. Comme si, au-delà même du projet culturel, ce qui s'invente aujourd'hui sur le Plateau était tout simplement un projet de vie.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 19 décembre 2000)