Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
INTRODUCTION
L'égalité professionnelle s'inscrit aujourd'hui dans un nouveau contexte et de nouveaux rapports de forces. La volonté politique affirmée par le Gouvernement de défendre et promouvoir l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes rencontre aujourd'hui une réelle écoute et un accueil favorable de la part des partenaires sociaux et de la société civile dans son ensemble. J'en veux pour preuve le fait que l'égalité professionnelle figure parmi les thèmes de la rénovation sociale. La loi relative à la parité dans la vie politique ouvre la voie à une réflexion plus approfondie sur la place des femmes dans les sphères économiques et sociales et permettra j'en suis sûre de promouvoir la notion d'égalité et particulièrement d'égalité professionnelle. Le projet qui vous est soumis ce soir vise à prolonger et renforcer l'excellente loi portée avec beaucoup de courage et de pugnacité par Yvette ROUDY en 1983 démontre que l'égalité professionnelle a fait du chemin dans les mentalités mais qu'il reste encore beaucoup à faire.
I - IL RESTE ENCORE BEAUCOUP A FAIRE EN MATIERE D'EGALITE PROFESSIONNELLE
Il n'y a que 7 % de femmes parmi les cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises, alors que 80 % des femmes occupent des emplois d'employés et d'ouvriers. Pourtant les filles sont plus nombreuses que les garçons à poursuivre des études supérieures : 120 filles pour 100 garçons.
Les femmes ont quasiment toute la volonté d'avoir une activité professionnelle, même lorsqu'elles ont des enfants, pour assurer leur autonomie financière, valoriser leurs études et participer à la vie sociale. Aujourd'hui 80 % d'entre elles, entre 25 et 50 ans, sont actives. Elles ont conquis une place dans le monde du travail tout en assumant le plus souvent comme par le passé la responsabilité de la vie familiale, et pour certaines c'est la difficulté du quotidien, en particulier pour celles qui sont seules avec des enfants à charge ou qui ont de faibles revenus.
Vous connaissez les chiffres clés de l'inégalité. Bien que la forte baisse du chômage se poursuive et bénéficie aux femmes et aux chômeurs de longue durée, le taux de chômage des femmes est encore de 11,6 % contre 8,3 % pour les hommes. Un écart de rémunération moyen de 25 % subsiste, si je prends en compte l'écart des salaires moyens des hommes et ceux des femmes. Les femmes occupent l'essentiel des postes à temps partiel, le plus souvent subi, et la majorité des contrats précaires.
Face à cette situation le Gouvernement a d'abord souhaité mener des expertises et une concertation. Les rapports de Béatrice D'INTIGNANO et de Catherine GENISSON ont montré la nécessité d'une approche globale de l'égalité professionnelle. Les écarts de salaires ne s'expliquent pas seulement par des discriminations mais aussi par des inégalités structurelles d'orientation professionnelle et de déroulement de carrière.
Seule une action globale, mobilisant l'éducation nationale, les instruments de la politique de l'emploi et de la formation, la politique familiale et le dialogue social, permettra de remédier aux origines de ces inégalités.
II - UNE APPROCHE GLOBALE DE L'EGALITE PROFESSIONNELLE
La politique que mène le Gouvernement et que porte Nicole PERY en matière d'égalité professionnelle, tente de s'attaquer parallèlement aux principales causes d'inégalités.
1. Il faut agir en amont par une éducation non sexiste.
Une convention a été signée avec l'éducation nationale le 25 février qui vise à élargir les choix professionnels des filles.
En effet, 60 % des emplois occupés par les femmes se concentrent dans 6 groupes professionnels sur 35. Ces 6 groupes ne représentent que 30 % des emplois, ce qui explique aussi le chômage structurel des femmes. De l'école primaire à l'enseignement supérieur, il est impératif de modifier la représentation des rôles des hommes et des femmes dans la société, des relations entre les sexes, ainsi que l'image des filières et des métiers. Au-delà de cette approche une politique dynamique en matière d'orientation scolaire est engagée pour mieux accompagner les choix d'orientation des élèves, en partenariat avec les familles, le professeur principal, le conseiller d'orientation et l'ensemble de la communauté éducative. L'information sera développée tout au long de la scolarité sur les filières et les métiers, en partenariat avec les entreprises et les régions. A titre d'exemple, l'orientation et l'insertion professionnelle des filles et des garçons dans 7 filières et métiers feront l'objet d'un suivi et de propositions : 3 filières vers lesquelles les filles s'orientent alors qu'il existe des difficultés d'emploi au moins pour les bas niveaux de qualification, par exemple dans le textile, et trois filières d'avenir insuffisamment féminisées comme l'électronique en particulier. Nous avons saisi le CEREQ pour réaliser cette mission.
2. Autre axe de la politique du Gouvernement : favoriser l'insertion professionnelle.
Le plan national d'action pour l'emploi réserve aux femmes 55 % des dispositifs de lutte contre le chômage de longue durée et contre les exclusions, avec une vigilance particulière pour les mesures qui conduisent à l'entreprise comme le contrat initiative emploi et les formations en alternance.
3. Je souhaiterais évoquer une 3ème action plus directement liée à un autre champ de compétence ministérielle de Nicole PERY : la formation tout au long de la vie.
Les chances d'accéder à une formation professionnelle pour une femme de plus de 35 ans sont deux fois moindre que pour un homme.
La réforme qui a été préparée par Nicole PERY doit apporter des réponses concrètes à une telle situation d'inégalité et offrir aussi aux femmes la possibilité de construire des parcours de progression personnels et professionnels.
La création d'un droit nouveau que j'appelle la reconnaissance et la validation de l'expérience professionnelle ou de toute activité associative, syndicale, y compris bénévole, leur permettra d'aller de l'avant. Les acquis, validés par un jury, pourront donner droit directement ou avec un complément de formation à tout diplôme, certification, titre existant.
Je voudrais faire brièvement référence à trois évènements qui ont fait progresser l'Europe vers plus d'égalité.
Hier, le 27 novembre 2000, le Conseil Emploi et affaires sociales de l'UE que j'ai présidé a adopté les lignes directrices pour l'emploi 2001 qui améliorent quantitativement et qualitativement l'emploi des femmes et des objectifs concrets ont été assignés aux Etats membres.
Dans le cadre du PNAE 1999 et 2000 la France a demandé à ce que des objectifs quantifiés dans l'utilisation des outils propres à combattre le chômage des femmes et à faire progresser la place des jeunes filles dans l'apprentissage soient inscrits.
Une approche globale de l'égalité professionnelle constitue un axe fondamental de l'action politique du Gouvernement au plan national, et a été portée au premier plan au niveau communautaire dans le cadre de la Présidence Française.
III - UNE INITIATIVE PARLEMENTAIRE : une proposition de loi qui complète la loi de 1983
Le renforcement des obligations des entreprises, prévu dans la proposition de loi, s'inscrit dans ce cadre global.
La loi de 1983 est une excellente loi qui a substitué un cadre juridique égalitaire à des dispositions " faussement protectrices ". Cette loi, très en avance sur son temps a, dans tous les domaines de la vie professionnelle, imposé une égalité. Ce cadre juridique est toujours d'actualité. En revanche le cadre conventionnel, si déterminant pour les salariés, est resté en retrait depuis 1983. La négociation sur l'égalité professionnelle est très pauvre : 34 plans d'égalité ont seulement été signés depuis 1983. Les négociations sur la rémunération, la formation ou la réduction du temps de travail ne prennent pas non plus suffisamment en compte l'objectif d'égalité professionnelle.
Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, qui est saisi des textes législatifs et réglementaires relatifs à l'égalité professionnelle, a étudié depuis septembre 1999 le projet de texte. L'avis favorable des syndicats sur le texte est une condition nécessaire car introduire une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle n'a de sens que si les salariés et leurs représentants s'en emparent. Ils ont conforté le texte en renforçant les obligations de négocier tous les trois ans au niveau de l'entreprise et des branches professionnelles, de communiquer les informations aux salariés et ont souhaité que la loi prenne également en compte l'objectif d'égalité dans la fonction publique. La présente proposition de loi a pleinement intégré les revendications exprimées lors de cette concertation.
Les contrats d'égalité, élargis dans la présente loi, feront également l'objet prochainement d'un décret d'application, qui permettront d'aider plus largement les accords d'entreprises les plus innovants, y compris par rapport à la garde des enfants, à une meilleure gestion des temps de vie et de carrière.
IV - LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX INSTANCES REPRESENTATIVES
Sur la base des travaux conduits au sein du conseil supérieur de l'égalité professionnelle et suite à sa réunion plénière du 9 novembre dernier au cours de laquelle un consensus s'est dégagé pour enrichir le texte qui vous avait été présenté en première lecture de trois mesures relatives à une meilleure représentation des femmes dans les instances représentatives.
La première mesure concerne les conseils des prud'hommes. Elle consiste à affirmer dans la loi pour les prochaines élections de 2002 un objectif de réduction d'un tiers de l'écart entre les femmes candidates présentées sur les liste et les femmes électrices de manière à faire progresser le nombre de femmes élues.
Le Gouvernement présentera un rapport d'évaluation au Parlement de cette mesure, sur la base de ce rapport et après consultation du conseil supérieur de l'égalité professionnelle et du conseil supérieur de la prud'homie les moyens d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes électorales compte tenu de leur place dans le corps électoral seront dégagés pour les élections 2007.
Le deuxième enrichissement du texte que je vous propose vise à une représentation plus équitable des femmes et des hommes au sein des comités d'entreprises et dans les fonctions de représentants du personnel.
La troisième mesure à laquelle nous sommes très attachées car elle va également dans le sens d'une plus grande participation des femmes à la vie économique et sociale prévoit que les conjoints collaborateurs d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs inscrits au registre des entreprises pourront être éligibles aux conseils de prud'homme en lieu et place de leurs conjoints.
V - LE TRAVAIL DE NUIT
J'en arrive à l'amendement du gouvernement sur le travail de nuit. Il a donné lieu à beaucoup de débats, mais aussi à des échanges intenses avec vos rapporteurs et vos commissions durant ces dernières semaines. Ces échanges ont permis d'enrichir de façon très significative le texte, et nous ont mis sur la voie de la solution qu'il fallait impérativement trouver pour faire face aux enjeux.
Ce texte vient combler un véritable vide du point de vue de la Protection des travailleurs.
En effet, il faut garder à l'esprit -et j'ai parfois l'impression que cela est perdu de vue, que depuis l'arrêt Stoekel de 1991, la seule législation qui existait en France pour le travail de nuit, et qui ne concernait que les femmes dans l'industrie, est devenue juridiquement inopposable aux employeurs, donc paralysée dans ses effets, et pour tout dire caduque.
Cela signifie que depuis cette date, la mise en place du travail de nuit est libre : libre de toute contrainte légale pour les employeurs, c'est-à-dire dépourvue de toute garantie légale spécifique pour les salariées concernées. Le vide juridique actuel nous laisse dans la zone de tous les dangers.
Bien entendu et fort heureusement, l'autolimitation des employeurs et la pratique de la négociation, notamment au cours des dernières années dans le cadre de démarches plus globales liées aux 35 heures, ont permis de cantonner les effets de cette carence de législation et de faire émerger des garde-fous et des contreparties. Mais le grand mérite de l'amendement qui vous est soumis, son apport est de venir combler le vide législatif qui subsistait paradoxalement en matière de travail de nuit, alors que les diverses formes d'aménagement du temps de travail avaient progressivement été dotées d'un cadre de protection, faisant appel notamment à la négociation collective.
Les travailleurs de nuit, tous les travailleurs de nuit, qu'ils soient des femmes ou des hommes, qu'ils travaillent dans l'industrie ou dans les autres secteurs privés, notamment les services marchands ou non marchands,auront droit désormais à un ensemble de protections, garanties et contreparties. Et si, le texte qui vous est soumis renvoie désormais à la négociation collective par le biais d'abord, de branches étendues ou d'accords non frappés d'opposition pour mettre en place le travail de nuit et mettre en uvre certaines des garanties et contreparties, il prévoit lui-même un certain nombre de dispositions d'ordre public, dictées par l'exigence de protection de la santé et de la sécurité des salariés concernés, notamment en matière de définition du travail de nuit, de limitation de sa durée, de surveillance médicale ou encore de protection de la femme enceinte.
En conjuguant ces dispositions d'ordre public et la négociation collective, dans l'esprit de nos institutions et de notre droit du travail, l'amendement crée les conditions permettant d'éviter toute banalisation du travail de nuit dont les salariées seraient les victimes. Car il ne s'agit évidemment pas, vous l'avez compris, de préconiser le travail de nuit et encore moins de le banaliser, encore moins d'en faire l'apologie. Il bouscule trop les rythmes biologiques, il met trop à mal la vie de famille et les équilibres de vie pour que quiconque puisse raisonnablement se laisser aller à de telles dérives.
Mais, en sens inverse, il s'agit de regarder la réalité en face. Le travail de nuit existe. Il s'est installé de longue date dans le paysage de la vie professionnelle. A partir de certaines activités manufacturières, il s'est diffusé progressivement vers des activités de service de plus en plus diversifiées qui sont cruciales pour notre vie économique et sociale : sécurité, informatique, transports, énergie, information et communication, soins aux malades, hébergement de personnes dépendantes, etc
C'est ce qui explique qu'au-delà des 55 000 femmes employées la nuit dans l'industrie et la construction, environ 580 000 déclaraient travailler la nuit au moins une fois dans l'année en 1998, et que 2 140 000 hommes étaient dans le même cas. C'est ce qui explique aussi que tous les pays d'Europe aient choisi la voie de l'encadrement du travail de nuit avec un régime applicable aussi bien aux femmes qu'aux hommes, sous la réserve bien sûr des règles spécifiques pour la protection des femmes enceintes. Le seul qui ait choisi d'inscrire dans sa législation l'interdiction du travail de nuit, la Belgique, a été obligé de contredire immédiatement cette vigoureuse affirmation par une liste impressionnante de 21 catégories de dérogations dont certaines sont de très large portée et aboutissent à faire du principe l'exception ou peu s'en faut. Il suffit de lire cette fameuse loi beige du 17 février 1997, dont on a beaucoup parlé au cours de ces dernières semaines, pour comprendre que l'interdiction proclamée a quelque chose d'artificiel, et que l'amendement du gouvernement enrichi par votre Commission, n'a pas à rougir de la comparaison du point de vue de la protection des salariés.
Loin d'être un texte minimaliste, le texte auquel nous sommes sur le point de parvenir dresse un cadre de protection solide, qui va bien au-delà de ce qu'exigeaient tant la directive de 1976 que les dispositions des articles 8 à 13 de la directive du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ou encore l'article 7 de la directive du 19 octobre 1992 sur l'amélioration de la sécurité et de la santé des femmes enceintes.
Ceci vaut notamment pour la mise en place du travail de nuit, subordonnée désormais à un accord collectif à caractère dérogatoire, pour la plage de définition du travail de nuit qui, sur proposition de votre commission serait désormais de 21h à 6h au lieu de 22h à 5h comme prévue dans la rédaction initiale du gouvernement, et pour la durée moyenne hebdomadaire qui est abaissée à 40 heures pour les travailleurs de nuit.
Ceci vaut également pour les contreparties, qui devront comporter obligatoirement du repos, ce qui n'exclut pas bien évidemment d'autres formes de contrepartie comme les majorations de salaire, très répandues dans les accords en vigueur sur le travail de nuit.
Sur ce point de l'obligation qui sera faite aux entreprises qui pratiquent déjà le travail de nuit d'accorder aux travailleurs concernés une contrepartie sous forme de repos supplémentaire, je souhaite qu'un délai d'un an soit accordé aux entreprises pour se mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions.
En effet, beaucoup d'entre elles n'ont prévu qu'une majoration de rémunération. Il faut donc donner le temps nécessaire pour que les entreprises renégocient ces accords.
Grâce au travail fructueux, intense, conduit avec votre Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, grâce à l'investissement personnel du Président Le GARREC et des Rapporteurs, des progrès importants ont été réalisés et notamment en matière de surveillance médicale des travailleurs de nuit : le texte du gouvernement l'étend déjà à l'ensemble des travailleurs de nuit, mais un amendement adopté à l'initiative de Catherine GENISON prévoit un rythme accru des visites chez le médecin du travail, auquel je me rallie tout en relevant que dans ce domaine comme de façon plus générale pour la santé au travail, les examens médicaux doivent être associés à une intervention du médecin du travail le plus en amont possible, au stade des choix d'organisation du travail et de conception des postes. Un autre amendement de la Commission pourvoit d'ailleurs à ce besoin en prévoyant la consultation du médecin du travail sur les décisions importantes en matière de travail de nuit.
Ce texte qui résulte des travaux en Commission incorpore aussi, avec mon accord, des garanties de grande portée pour la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale : non seulement cette question devra être abordée dans les accords, mais un salarié pourra refuser le passage au travail de nuit sans s'exposer à une sanction ou à un licenciement s'il justifie d'obligations familiales impérieuses, telles que la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante. Cette faculté vaudra aussi en sens inverse, pour le retour à un travail de jour.
En outre, les travailleurs de nuit souhaitant passer à un travail de jour ou vice-versa bénéficieront d'une priorité d'emploi.
Je demanderai à votre Assemblée d'approuver la précision qui sera apportée par voie d'amendement au 3ème alinéa de l'article 4, et qui vise à expliciter l'obligation d'engager sérieusement et loyalement des négociations avant de solliciter une autorisation de l'inspection du travail. L'imprécision de cette formulation l'exposerait à un risque sérieux d'inconstitutionnalité, ce qui me conduit à vous proposer de voter l'amendement qui s'inspire de l'ex-amendement MICHELIN qui figure à l'article 31 du projet de loi de modernisation sociale et dans la proposition de loi déposée le 13 septembre 2000 (N° 2582) par Odile SAUGUES et le groupe socialiste et qui précise ce que législateur entend par ces termes.
Enfin à très court terme, vous le savez, la France encourt, au moment même où elle assure la Présidence de l'Union, une condamnation à une astreinte financière de près d'un million de francs par jour pour n'avoir pas mis sa législation en conformité avec les prescriptions de l'article 5 de la directive du 9 février 1976 sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l'emploi. L'incompatibilité de notre législation concernant uniquement les femmes dans l'industrie ayant été reconnue par la Cour de Justice des Communautés Européennes dès le 25 juillet 1991 (arrêt Stoeckel), et notre pays ayant ensuite été déclaré en état de manquement par la Cour par un arrêt du 13 mars 1997 à la demande de la Commission, nous sommes aujourd'hui au bord d'une condamnation à l'astreinte, qui peut être prononcée à tout moment à partir du 30 novembre.
C'est cette imminence du risque de condamnation qui a conduit le gouvernement à rattacher l'amendement sur le travail de nuit à la proposition de loi, car elle était le premier support législatif disponible. Nous mesurons la difficulté de cette démarche. Mais peut-on s'arrêter sur cette difficulté quand il s'agit d'éviter à notre pays de se voir infliger la première astreinte qui ait jamais été prononcée par la Cour en matière sociale ? Je ne crois pas qu'on puisse la renvoyer à plus tard.
Mes derniers mots seront pour les femmes confrontées au monde du travail, particulièrement pour les jeunes.
Nous allons je crois en légiférant faire oeuvre utile.
Je souhaite une dernière fois renouveler mes remerciements à la Commission et aux rapporteurs.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 1er décembre 2000)
Mesdames et Messieurs les Députés,
INTRODUCTION
L'égalité professionnelle s'inscrit aujourd'hui dans un nouveau contexte et de nouveaux rapports de forces. La volonté politique affirmée par le Gouvernement de défendre et promouvoir l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes rencontre aujourd'hui une réelle écoute et un accueil favorable de la part des partenaires sociaux et de la société civile dans son ensemble. J'en veux pour preuve le fait que l'égalité professionnelle figure parmi les thèmes de la rénovation sociale. La loi relative à la parité dans la vie politique ouvre la voie à une réflexion plus approfondie sur la place des femmes dans les sphères économiques et sociales et permettra j'en suis sûre de promouvoir la notion d'égalité et particulièrement d'égalité professionnelle. Le projet qui vous est soumis ce soir vise à prolonger et renforcer l'excellente loi portée avec beaucoup de courage et de pugnacité par Yvette ROUDY en 1983 démontre que l'égalité professionnelle a fait du chemin dans les mentalités mais qu'il reste encore beaucoup à faire.
I - IL RESTE ENCORE BEAUCOUP A FAIRE EN MATIERE D'EGALITE PROFESSIONNELLE
Il n'y a que 7 % de femmes parmi les cadres dirigeants des 5 000 premières entreprises, alors que 80 % des femmes occupent des emplois d'employés et d'ouvriers. Pourtant les filles sont plus nombreuses que les garçons à poursuivre des études supérieures : 120 filles pour 100 garçons.
Les femmes ont quasiment toute la volonté d'avoir une activité professionnelle, même lorsqu'elles ont des enfants, pour assurer leur autonomie financière, valoriser leurs études et participer à la vie sociale. Aujourd'hui 80 % d'entre elles, entre 25 et 50 ans, sont actives. Elles ont conquis une place dans le monde du travail tout en assumant le plus souvent comme par le passé la responsabilité de la vie familiale, et pour certaines c'est la difficulté du quotidien, en particulier pour celles qui sont seules avec des enfants à charge ou qui ont de faibles revenus.
Vous connaissez les chiffres clés de l'inégalité. Bien que la forte baisse du chômage se poursuive et bénéficie aux femmes et aux chômeurs de longue durée, le taux de chômage des femmes est encore de 11,6 % contre 8,3 % pour les hommes. Un écart de rémunération moyen de 25 % subsiste, si je prends en compte l'écart des salaires moyens des hommes et ceux des femmes. Les femmes occupent l'essentiel des postes à temps partiel, le plus souvent subi, et la majorité des contrats précaires.
Face à cette situation le Gouvernement a d'abord souhaité mener des expertises et une concertation. Les rapports de Béatrice D'INTIGNANO et de Catherine GENISSON ont montré la nécessité d'une approche globale de l'égalité professionnelle. Les écarts de salaires ne s'expliquent pas seulement par des discriminations mais aussi par des inégalités structurelles d'orientation professionnelle et de déroulement de carrière.
Seule une action globale, mobilisant l'éducation nationale, les instruments de la politique de l'emploi et de la formation, la politique familiale et le dialogue social, permettra de remédier aux origines de ces inégalités.
II - UNE APPROCHE GLOBALE DE L'EGALITE PROFESSIONNELLE
La politique que mène le Gouvernement et que porte Nicole PERY en matière d'égalité professionnelle, tente de s'attaquer parallèlement aux principales causes d'inégalités.
1. Il faut agir en amont par une éducation non sexiste.
Une convention a été signée avec l'éducation nationale le 25 février qui vise à élargir les choix professionnels des filles.
En effet, 60 % des emplois occupés par les femmes se concentrent dans 6 groupes professionnels sur 35. Ces 6 groupes ne représentent que 30 % des emplois, ce qui explique aussi le chômage structurel des femmes. De l'école primaire à l'enseignement supérieur, il est impératif de modifier la représentation des rôles des hommes et des femmes dans la société, des relations entre les sexes, ainsi que l'image des filières et des métiers. Au-delà de cette approche une politique dynamique en matière d'orientation scolaire est engagée pour mieux accompagner les choix d'orientation des élèves, en partenariat avec les familles, le professeur principal, le conseiller d'orientation et l'ensemble de la communauté éducative. L'information sera développée tout au long de la scolarité sur les filières et les métiers, en partenariat avec les entreprises et les régions. A titre d'exemple, l'orientation et l'insertion professionnelle des filles et des garçons dans 7 filières et métiers feront l'objet d'un suivi et de propositions : 3 filières vers lesquelles les filles s'orientent alors qu'il existe des difficultés d'emploi au moins pour les bas niveaux de qualification, par exemple dans le textile, et trois filières d'avenir insuffisamment féminisées comme l'électronique en particulier. Nous avons saisi le CEREQ pour réaliser cette mission.
2. Autre axe de la politique du Gouvernement : favoriser l'insertion professionnelle.
Le plan national d'action pour l'emploi réserve aux femmes 55 % des dispositifs de lutte contre le chômage de longue durée et contre les exclusions, avec une vigilance particulière pour les mesures qui conduisent à l'entreprise comme le contrat initiative emploi et les formations en alternance.
3. Je souhaiterais évoquer une 3ème action plus directement liée à un autre champ de compétence ministérielle de Nicole PERY : la formation tout au long de la vie.
Les chances d'accéder à une formation professionnelle pour une femme de plus de 35 ans sont deux fois moindre que pour un homme.
La réforme qui a été préparée par Nicole PERY doit apporter des réponses concrètes à une telle situation d'inégalité et offrir aussi aux femmes la possibilité de construire des parcours de progression personnels et professionnels.
La création d'un droit nouveau que j'appelle la reconnaissance et la validation de l'expérience professionnelle ou de toute activité associative, syndicale, y compris bénévole, leur permettra d'aller de l'avant. Les acquis, validés par un jury, pourront donner droit directement ou avec un complément de formation à tout diplôme, certification, titre existant.
Je voudrais faire brièvement référence à trois évènements qui ont fait progresser l'Europe vers plus d'égalité.
Hier, le 27 novembre 2000, le Conseil Emploi et affaires sociales de l'UE que j'ai présidé a adopté les lignes directrices pour l'emploi 2001 qui améliorent quantitativement et qualitativement l'emploi des femmes et des objectifs concrets ont été assignés aux Etats membres.
Dans le cadre du PNAE 1999 et 2000 la France a demandé à ce que des objectifs quantifiés dans l'utilisation des outils propres à combattre le chômage des femmes et à faire progresser la place des jeunes filles dans l'apprentissage soient inscrits.
Une approche globale de l'égalité professionnelle constitue un axe fondamental de l'action politique du Gouvernement au plan national, et a été portée au premier plan au niveau communautaire dans le cadre de la Présidence Française.
III - UNE INITIATIVE PARLEMENTAIRE : une proposition de loi qui complète la loi de 1983
Le renforcement des obligations des entreprises, prévu dans la proposition de loi, s'inscrit dans ce cadre global.
La loi de 1983 est une excellente loi qui a substitué un cadre juridique égalitaire à des dispositions " faussement protectrices ". Cette loi, très en avance sur son temps a, dans tous les domaines de la vie professionnelle, imposé une égalité. Ce cadre juridique est toujours d'actualité. En revanche le cadre conventionnel, si déterminant pour les salariés, est resté en retrait depuis 1983. La négociation sur l'égalité professionnelle est très pauvre : 34 plans d'égalité ont seulement été signés depuis 1983. Les négociations sur la rémunération, la formation ou la réduction du temps de travail ne prennent pas non plus suffisamment en compte l'objectif d'égalité professionnelle.
Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, qui est saisi des textes législatifs et réglementaires relatifs à l'égalité professionnelle, a étudié depuis septembre 1999 le projet de texte. L'avis favorable des syndicats sur le texte est une condition nécessaire car introduire une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle n'a de sens que si les salariés et leurs représentants s'en emparent. Ils ont conforté le texte en renforçant les obligations de négocier tous les trois ans au niveau de l'entreprise et des branches professionnelles, de communiquer les informations aux salariés et ont souhaité que la loi prenne également en compte l'objectif d'égalité dans la fonction publique. La présente proposition de loi a pleinement intégré les revendications exprimées lors de cette concertation.
Les contrats d'égalité, élargis dans la présente loi, feront également l'objet prochainement d'un décret d'application, qui permettront d'aider plus largement les accords d'entreprises les plus innovants, y compris par rapport à la garde des enfants, à une meilleure gestion des temps de vie et de carrière.
IV - LA PARTICIPATION DES FEMMES AUX INSTANCES REPRESENTATIVES
Sur la base des travaux conduits au sein du conseil supérieur de l'égalité professionnelle et suite à sa réunion plénière du 9 novembre dernier au cours de laquelle un consensus s'est dégagé pour enrichir le texte qui vous avait été présenté en première lecture de trois mesures relatives à une meilleure représentation des femmes dans les instances représentatives.
La première mesure concerne les conseils des prud'hommes. Elle consiste à affirmer dans la loi pour les prochaines élections de 2002 un objectif de réduction d'un tiers de l'écart entre les femmes candidates présentées sur les liste et les femmes électrices de manière à faire progresser le nombre de femmes élues.
Le Gouvernement présentera un rapport d'évaluation au Parlement de cette mesure, sur la base de ce rapport et après consultation du conseil supérieur de l'égalité professionnelle et du conseil supérieur de la prud'homie les moyens d'atteindre une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes électorales compte tenu de leur place dans le corps électoral seront dégagés pour les élections 2007.
Le deuxième enrichissement du texte que je vous propose vise à une représentation plus équitable des femmes et des hommes au sein des comités d'entreprises et dans les fonctions de représentants du personnel.
La troisième mesure à laquelle nous sommes très attachées car elle va également dans le sens d'une plus grande participation des femmes à la vie économique et sociale prévoit que les conjoints collaborateurs d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs inscrits au registre des entreprises pourront être éligibles aux conseils de prud'homme en lieu et place de leurs conjoints.
V - LE TRAVAIL DE NUIT
J'en arrive à l'amendement du gouvernement sur le travail de nuit. Il a donné lieu à beaucoup de débats, mais aussi à des échanges intenses avec vos rapporteurs et vos commissions durant ces dernières semaines. Ces échanges ont permis d'enrichir de façon très significative le texte, et nous ont mis sur la voie de la solution qu'il fallait impérativement trouver pour faire face aux enjeux.
Ce texte vient combler un véritable vide du point de vue de la Protection des travailleurs.
En effet, il faut garder à l'esprit -et j'ai parfois l'impression que cela est perdu de vue, que depuis l'arrêt Stoekel de 1991, la seule législation qui existait en France pour le travail de nuit, et qui ne concernait que les femmes dans l'industrie, est devenue juridiquement inopposable aux employeurs, donc paralysée dans ses effets, et pour tout dire caduque.
Cela signifie que depuis cette date, la mise en place du travail de nuit est libre : libre de toute contrainte légale pour les employeurs, c'est-à-dire dépourvue de toute garantie légale spécifique pour les salariées concernées. Le vide juridique actuel nous laisse dans la zone de tous les dangers.
Bien entendu et fort heureusement, l'autolimitation des employeurs et la pratique de la négociation, notamment au cours des dernières années dans le cadre de démarches plus globales liées aux 35 heures, ont permis de cantonner les effets de cette carence de législation et de faire émerger des garde-fous et des contreparties. Mais le grand mérite de l'amendement qui vous est soumis, son apport est de venir combler le vide législatif qui subsistait paradoxalement en matière de travail de nuit, alors que les diverses formes d'aménagement du temps de travail avaient progressivement été dotées d'un cadre de protection, faisant appel notamment à la négociation collective.
Les travailleurs de nuit, tous les travailleurs de nuit, qu'ils soient des femmes ou des hommes, qu'ils travaillent dans l'industrie ou dans les autres secteurs privés, notamment les services marchands ou non marchands,auront droit désormais à un ensemble de protections, garanties et contreparties. Et si, le texte qui vous est soumis renvoie désormais à la négociation collective par le biais d'abord, de branches étendues ou d'accords non frappés d'opposition pour mettre en place le travail de nuit et mettre en uvre certaines des garanties et contreparties, il prévoit lui-même un certain nombre de dispositions d'ordre public, dictées par l'exigence de protection de la santé et de la sécurité des salariés concernés, notamment en matière de définition du travail de nuit, de limitation de sa durée, de surveillance médicale ou encore de protection de la femme enceinte.
En conjuguant ces dispositions d'ordre public et la négociation collective, dans l'esprit de nos institutions et de notre droit du travail, l'amendement crée les conditions permettant d'éviter toute banalisation du travail de nuit dont les salariées seraient les victimes. Car il ne s'agit évidemment pas, vous l'avez compris, de préconiser le travail de nuit et encore moins de le banaliser, encore moins d'en faire l'apologie. Il bouscule trop les rythmes biologiques, il met trop à mal la vie de famille et les équilibres de vie pour que quiconque puisse raisonnablement se laisser aller à de telles dérives.
Mais, en sens inverse, il s'agit de regarder la réalité en face. Le travail de nuit existe. Il s'est installé de longue date dans le paysage de la vie professionnelle. A partir de certaines activités manufacturières, il s'est diffusé progressivement vers des activités de service de plus en plus diversifiées qui sont cruciales pour notre vie économique et sociale : sécurité, informatique, transports, énergie, information et communication, soins aux malades, hébergement de personnes dépendantes, etc
C'est ce qui explique qu'au-delà des 55 000 femmes employées la nuit dans l'industrie et la construction, environ 580 000 déclaraient travailler la nuit au moins une fois dans l'année en 1998, et que 2 140 000 hommes étaient dans le même cas. C'est ce qui explique aussi que tous les pays d'Europe aient choisi la voie de l'encadrement du travail de nuit avec un régime applicable aussi bien aux femmes qu'aux hommes, sous la réserve bien sûr des règles spécifiques pour la protection des femmes enceintes. Le seul qui ait choisi d'inscrire dans sa législation l'interdiction du travail de nuit, la Belgique, a été obligé de contredire immédiatement cette vigoureuse affirmation par une liste impressionnante de 21 catégories de dérogations dont certaines sont de très large portée et aboutissent à faire du principe l'exception ou peu s'en faut. Il suffit de lire cette fameuse loi beige du 17 février 1997, dont on a beaucoup parlé au cours de ces dernières semaines, pour comprendre que l'interdiction proclamée a quelque chose d'artificiel, et que l'amendement du gouvernement enrichi par votre Commission, n'a pas à rougir de la comparaison du point de vue de la protection des salariés.
Loin d'être un texte minimaliste, le texte auquel nous sommes sur le point de parvenir dresse un cadre de protection solide, qui va bien au-delà de ce qu'exigeaient tant la directive de 1976 que les dispositions des articles 8 à 13 de la directive du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ou encore l'article 7 de la directive du 19 octobre 1992 sur l'amélioration de la sécurité et de la santé des femmes enceintes.
Ceci vaut notamment pour la mise en place du travail de nuit, subordonnée désormais à un accord collectif à caractère dérogatoire, pour la plage de définition du travail de nuit qui, sur proposition de votre commission serait désormais de 21h à 6h au lieu de 22h à 5h comme prévue dans la rédaction initiale du gouvernement, et pour la durée moyenne hebdomadaire qui est abaissée à 40 heures pour les travailleurs de nuit.
Ceci vaut également pour les contreparties, qui devront comporter obligatoirement du repos, ce qui n'exclut pas bien évidemment d'autres formes de contrepartie comme les majorations de salaire, très répandues dans les accords en vigueur sur le travail de nuit.
Sur ce point de l'obligation qui sera faite aux entreprises qui pratiquent déjà le travail de nuit d'accorder aux travailleurs concernés une contrepartie sous forme de repos supplémentaire, je souhaite qu'un délai d'un an soit accordé aux entreprises pour se mettre en conformité avec ces nouvelles dispositions.
En effet, beaucoup d'entre elles n'ont prévu qu'une majoration de rémunération. Il faut donc donner le temps nécessaire pour que les entreprises renégocient ces accords.
Grâce au travail fructueux, intense, conduit avec votre Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, grâce à l'investissement personnel du Président Le GARREC et des Rapporteurs, des progrès importants ont été réalisés et notamment en matière de surveillance médicale des travailleurs de nuit : le texte du gouvernement l'étend déjà à l'ensemble des travailleurs de nuit, mais un amendement adopté à l'initiative de Catherine GENISON prévoit un rythme accru des visites chez le médecin du travail, auquel je me rallie tout en relevant que dans ce domaine comme de façon plus générale pour la santé au travail, les examens médicaux doivent être associés à une intervention du médecin du travail le plus en amont possible, au stade des choix d'organisation du travail et de conception des postes. Un autre amendement de la Commission pourvoit d'ailleurs à ce besoin en prévoyant la consultation du médecin du travail sur les décisions importantes en matière de travail de nuit.
Ce texte qui résulte des travaux en Commission incorpore aussi, avec mon accord, des garanties de grande portée pour la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale : non seulement cette question devra être abordée dans les accords, mais un salarié pourra refuser le passage au travail de nuit sans s'exposer à une sanction ou à un licenciement s'il justifie d'obligations familiales impérieuses, telles que la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante. Cette faculté vaudra aussi en sens inverse, pour le retour à un travail de jour.
En outre, les travailleurs de nuit souhaitant passer à un travail de jour ou vice-versa bénéficieront d'une priorité d'emploi.
Je demanderai à votre Assemblée d'approuver la précision qui sera apportée par voie d'amendement au 3ème alinéa de l'article 4, et qui vise à expliciter l'obligation d'engager sérieusement et loyalement des négociations avant de solliciter une autorisation de l'inspection du travail. L'imprécision de cette formulation l'exposerait à un risque sérieux d'inconstitutionnalité, ce qui me conduit à vous proposer de voter l'amendement qui s'inspire de l'ex-amendement MICHELIN qui figure à l'article 31 du projet de loi de modernisation sociale et dans la proposition de loi déposée le 13 septembre 2000 (N° 2582) par Odile SAUGUES et le groupe socialiste et qui précise ce que législateur entend par ces termes.
Enfin à très court terme, vous le savez, la France encourt, au moment même où elle assure la Présidence de l'Union, une condamnation à une astreinte financière de près d'un million de francs par jour pour n'avoir pas mis sa législation en conformité avec les prescriptions de l'article 5 de la directive du 9 février 1976 sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l'emploi. L'incompatibilité de notre législation concernant uniquement les femmes dans l'industrie ayant été reconnue par la Cour de Justice des Communautés Européennes dès le 25 juillet 1991 (arrêt Stoeckel), et notre pays ayant ensuite été déclaré en état de manquement par la Cour par un arrêt du 13 mars 1997 à la demande de la Commission, nous sommes aujourd'hui au bord d'une condamnation à l'astreinte, qui peut être prononcée à tout moment à partir du 30 novembre.
C'est cette imminence du risque de condamnation qui a conduit le gouvernement à rattacher l'amendement sur le travail de nuit à la proposition de loi, car elle était le premier support législatif disponible. Nous mesurons la difficulté de cette démarche. Mais peut-on s'arrêter sur cette difficulté quand il s'agit d'éviter à notre pays de se voir infliger la première astreinte qui ait jamais été prononcée par la Cour en matière sociale ? Je ne crois pas qu'on puisse la renvoyer à plus tard.
Mes derniers mots seront pour les femmes confrontées au monde du travail, particulièrement pour les jeunes.
Nous allons je crois en légiférant faire oeuvre utile.
Je souhaite une dernière fois renouveler mes remerciements à la Commission et aux rapporteurs.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 1er décembre 2000)